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DE ANGELIS 24/02/2010

Coram  DE  ANGELIS

 Exclusion du mariage lui-même

Défaut de discretio judicii

 Bogota (Colombie) – 24 février 2010

P.N. 19.689

– Constat de nullité

pour simulation totale du mari

– Non Constat

pour le défaut de discretio judicii

 __________

PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. Généralités sur la simulation

 

  1. La simulation totale et ses espèces

 

  1. La preuve et la certitude morale

 

__________

 

 

EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

Cesar A., demandeur, et Pilar N., épouse partie appelée, après six ans de fréquentations, se marient le 14 mars 1997. La vie conjugale, sans enfant, dure trois ans. Le mari, continuant une relation ancienne avec une autre femme, quitte son épouse en 2000.

 

Le 29 octobre 2003, Cesar présente un libelle au Tribunal ecclésiastique de Bogota, demandant la déclaration de nullité de son mariage pour défaut de discretio judicii de la part de chacun des époux et pour simulation de sa part. Le doute est concordé le 26 novembre 2003 sur le défaut de discretio judicii, et, de façon subordonnée, sur l’exclusion par le mari du mariage lui-même ou d’un de ses éléments essentiels. Une expertise est réalisée. La sentence du Tribunal de Bogota, du 29 juillet 2005, est négative sur tous les chefs.

 

Le Tribunal d’appel de Colombie concorde le doute sous la formule : « La sentence de première instance doit-elle être confirmée ou infirmée ? », et le 18 août 2005 rend une sentence qui infirme en partie celle de la 1° instance : constat de nullité pour exclusion du mariage lui-même par le mari et pour défaut de discretio judicii de la part de l’épouse ; non constat pour le défaut de discretio judicii de la part du mari.

 

La cause est transmise à la Rote où le doute, en date du 20 avril 2006, est déterminé sous la formule : « La sentence définitive du Tribunal d’appel de Colombie doit-elle être confirmée ou infirmée ? ».

 

*     *     *

EN  DROIT

 

  1. Généralités sur la simulation

 

  1. « § 1. Le consentement intérieur est présumé conforme aux paroles et aux signes employés dans la célébration du mariage.
  • 2. Cependant, si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles concluent invalidement ».

 

Il y a donc une présomption du droit pour la correspondance entre la déclaration externe et l’esprit interne du contractant.

 

« La fiction ou simulation du consentement matrimonial se vérifie lorsque le contractant profère extérieurement, de façon sérieuse et correcte, les paroles qui expriment le consentement, mais qu’il ne consent pas intérieurement »[1].

 

Celui qui simule le mariage lui-même rejette intérieurement la communauté conjugale ; dans la simulation totale le contractant a l’intention de ne pas contracter, c’est-à-dire ne veut pas constituer avec son partenaire une communauté de toute la vie ; consciemment et sciemment il entend accomplir un simulacre et il est bien conscient qu’il fait un acte nul.

 

  1. La simulation totale et ses espèces

 

  1. La simulation totale comporte plusieurs espèces, selon la jurisprudence de Notre For, comme l’expose une sentence coram Stankiewicz du 29 janvier 1981[2]:

« a. Celui qui ne donne aucun consentement à la chose, c’est-à-dire qui a l’intention de ne pas contracter, mais, comme on dit, qui préfère jouer la comédie ;

  1. Celui qui exclut le mariage lui-même ou l’autre personne contractante, ou qui ne se propose pas d’épouser celle-ci, et ne donne absolument pas son consentement à la personne susdite ;
  2. Si le contractant, par un acte positif de la volonté, exclut la société permanente entre l’homme et la femme ordonnée à la procréation d’enfants, c’est-à-dire la communauté de toute la vie ordonnée au bien des conjoints et au bien des enfants ; ou, de façon impropre, si le contractant veut absolument l’exclusion du sacrement, de telle façon que dans l’hypothèse d’un véritable sacrement il ne veut pas contracter, ou, ce qui a le même résultat, s’il célèbre un mariage pour la forme, du moment qu’il rejette le contrat naturel, parce qu’un acte accompli pour la forme ne contient pas toujours l’exclusion de la chose qui est réalisée. »

 

  1. La preuve et la certitude morale

 

  1. Il faut tenir compte des faits dans leur complexe, parce que les faits sont parfois plus éloquents que les paroles. Les faits, on le sait, ne prouvent pas par eux-mêmes l’intention, mais ils offrent une forte présomption d’intention, pourvu qu’ils soient certains, constants, univoques.

 

En l’espèce il faut prêter attention à la règle du Docteur Angélique. « Toutefois la certitude ne doit pas être cherchée de la même façon en toute matière. Dans les actes humains, en effet, sur lesquels se constituent les jugements et sont exigés des témoignages, il ne peut pas y avoir de certitude démonstrative, du fait qu’ils concernent des choses contingentes et variables, et donc il suffit qu’il y ait une certitude probable qui atteigne la vérité sur de nombreux points, même si elle s’écarte de la vérité sur un petit nombre d’éléments »[3].

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

  1. Le mari

 

  1. Les sentences de première et de deuxième instance

 

La sentence de deuxième instance, rendue en faveur de la nullité du mariage, conclut ainsi ses considérations « en fait » : Nous pensons qu’est prouvée l’exclusion du mariage lui-même de la part du mari […]. C’est le mariage lui-même qu’il a rejeté […]. Il avait promis de se marier, mais il n’avait pas l’intention de le faire et il s’est marié en rejetant justement, non pas l’unité du mariage, mais le mariage lui-même. On ne peut pas considérer comme possible, chez le mari, un grave défaut de discretio judicii en même temps que l’exclusion du mariage lui-même : c’est de la simple logique juridique. Chez l’épouse le manque de discretio judicii est évident.

 

En première instance la sentence avait été négative en raison de l’incertitude des juges sur l’objet de la simulation : était-ce le mariage lui-même ou l’un de ses éléments essentiels, c’est-à-dire le bien des enfants ?

 

La sentence de seconde instance a été affirmative pour exclusion du mariage lui-même, mais si quelqu’un exclut le mariage lui-même, il exclut également ses propriétés et ses éléments essentiels. En conséquence, que la décision de la troisième instance déclare la simulation totale ou une simulation partielle, elle sera de toute façon conforme à la sentence de deuxième instance qui a déclaré la simulation totale.

 

  1. La confession judiciaire du demandeur

 

Le demandeur, Cesar A., qui a proposé la cause présente pour la paix de sa conscience, déclare dans son libelle qu’il n’a jamais contracté validement : lors de l’émission de son consentement, il avait la volonté ferme de ne pas s’unir dans le mariage avec Pilar.

 

Cesar prétend que sa fiancée était une personne dominatrice et il raconte que pendant leurs fréquentations il y a eu une période de 3 ans où ils avaient pratiquement rompu. Pilar a ensuite tellement insisté pour qu’ils se marient (« Ou nous nous marions, ou c’est fini entre nous ») que Cesar a cédé, mais avec la ferme intention de ne pas se lier : « Pendant la cérémonie religieuse de notre mariage, je me sentais absent, comme faisant quelque chose que je ne voulais pas faire », ce qu’il a redit à l’expert lors de son audition par celui-ci, et ce qu’il a confirmé lors de l’instruction de seconde instance.

 

 

  1. Les causes éloignée et prochaine de la simulation

 

La cause éloignée de la simulation se trouve dans l’égoïsme anormal de Cesar, qui n’a pas hésité dans son libelle à se dire : « uniquement intéressé, centré et concentré sur la satisfaction de ses désirs et sur ses succès personnels ». Pilar, de son côté, décrit Cesar comme un égoïste, un introverti, peu bavard, ne parlant pas à sa famille, ayant peu d’amis, manipulateur, ce que confirment les témoins.

 

La cause prochaine de la simulation vient, comme la cause du mariage, de la mise en demeure de Pilar : « Ou nous nous marions, ou c’est fini entre nous ». C’est ainsi que Cesar a accepté une célébration de mariage, mais avec la ferme intention, dans son esprit et dans sa volonté, de garder sa liberté. Pilar savait que son fiancé avait une relation avec une autre femme et qu’il lui était infidèle, mais « elle l’aimait ».

 

Tous les témoins en la cause parlent du manque évident d’amour de Cesar pour Pilar et de la comédie de leur communauté conjugale.

 

Le fait que le mari demandeur ait quitté son foyer et mis fin à son union avec Pilar confirme qu’il avait bien exclu tout lien en se mariant.

 

  1. L’exclusion des biens du mariage

 

En ce qui concerne le bien de la fidélité, la maîtresse de Cesar reconnaît sa liaison avec lui, ce que confirment d’autres témoins.

 

Pour les enfants, Cesar n’en voulait pas, comme le disent de nombreux témoins, dont la mère du demandeur, la déposition de celle-ci montrant non seulement la volonté du mari vis-à-vis des enfants, mais une motivation proportionnée de garder sa liberté vis-à-vis de Pilar.

 

  1. Conclusion

 

L’acte positif de volonté d’exclusion, de la part du mari, ressort donc de la confession judiciaire et extrajudiciaire de celui-ci, mais aussi et surtout des faits relatés par la partie appelée et les témoins.

 

En conclusion les Pères soussignés décident de confirmer la sentence de deuxième instance pour simulation du consentement de la part du mari demandeur. Celui-ci a exclu le bien du sacrement, le bien de la fidélité, le bien des enfants. En outre il a voulu une célébration mais il a rejeté l’état conjugal. On peut donc raisonnablement parler d’exclusion du mariage lui-même, comme l’ont déclaré les Juges du Tribunal d’appel.

 

La décision affirmative relative à la simulation du consentement postule logiquement une décision négative sur le défaut de discretio judicii du mari, comme l’ont dit les Juges d’appel. Ce chef, d’ailleurs, refusé en 1° et en 2° instance, n’est pas à traiter en troisième instance.

 

  1. L’épouse

 

Quant au défaut de discretio judicii de la part de l’épouse, les Pères soussignés remarquent qu’il n’y en a pas de preuve dans les actes. Certes on peut parler de fragilité mentale chez Pilar, mais pas de perturbations graves. Les Juges du Tribunal d’appel ont rendu sur ce point une sentence affirmative en s’appuyant seulement sur le fait que l’épouse a accepté d’épouser Cesar alors même qu’elle en connaissait les défauts, mais Pilar a elle-même répondu qu’elle aimait Cesar.

 

On peut dire que Pilar s’est mariée aveuglée par son amour, mais il n’y a pas là une source de défaut de discretio judicii. Le passage d’un choix matrimonial erroné à un défaut de discretio judicii chez le sujet qui décide de se marier est un passage illégitime, qui se fonde sur une simple présomption.

 

– Constat de nullité

pour simulation totale du mari

– Non constat

pour le défaut de discretio judicii

chez l’épouse

 

– Vetitum pour le mari

 

 

Agostino DE ANGELIS, ponent

Anton STANKIEWICZ, doyen

Abdou YAACOUB

 

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[1] GASPARRI, Tractatus de matrimonio, vol. 2, n. 814

[2] C. STANKIEWICZ, 29 janvier 1981, SRRDec, vol. LXXIII, p. 47, n. 6-7

[3] SAINT THOMAS, Somme Théologique, Ia IIae, q. LXX, art. 2

Verginelli 28/05/2010

Coram  VERGINELLI

 

Défaut de discretio judicii

Incapacité d’assumer

 

Tribunal régional du Latium (Italie) – 28 mai 2010

 

P.N. 19.788

Constat de nullité pour

l’incapacité d’assumer

 

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PLAN  DE  L’IN  JURE

 

 

  1. Conditions d’un consentement valide

 

  1. Le rôle du juge et la certitude morale

 

  1. Moyens pour la certitude morale
  2. Les indices
  3. Le rôle des experts
  4. Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique
  5. Erreurs à éviter

 

__________

 

 

EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

Gianfranco et Concetta se rencontrent en 1981. A cette époque le jeune homme est très éprouvé, surtout par la mort de ses parents, et c’est pourquoi il s’attache beaucoup à Concetta. En 1982-1983 il est atteint d’une maladie psychique pour laquelle il est soigné. En même temps, bien qu’éprouvant des sentiments pour une autre personne, il épouse Concetta, le 2 août 1986. Sa précédente relation amoureuse dure jusqu’en 1987, où il a une liaison avec une autre personne. Son union maritale avec Concetta prend fin en 2000, après 14 ans de vie commune, lorsque l’épouse découvre l’adultère de son mari. Aucun enfant n’est né de ce mariage.

 

Le 12 mars 2003, Gianfranco accuse de nullité son mariage, devant le Tribunal régional du Latium, pour grave défaut de discretio judicii de sa part ainsi que pour incapacité, toujours de sa part, d’assumer les obligations conjugales essentielles pour des causes de nature psychique. Pendant l’instruction de la cause une expertise psychiatrique est effectuée sur le mari demandeur. La sentence du 18 janvier 2006 est affirmative.

 

Le défenseur du lien et l’épouse partie appelée se tournent vers la Rote, où la cause, le 10 novembre 2006, est admise à l’examen ordinaire du second degré. Une nouvelle expertise est effectuée. Il Nous revient aujourd’hui de répondre au doute concordé sur les deux chefs présentés en première instance.

*

*     *

EN  DROIT

 

  1. Conditions d’un consentement valide

 

  1. Dès l’origine un consentement défectueux entraîne la nullité du lien nuptial.

 

Et donc un consentement marqué par une insuffisance ne peut être émis validement au risque de nullité.

 

C’est pourquoi, pour que naisse un mariage entre deux personnes de sexe différent, juridiquement capables, le consentement chez chacune des parties contractantes doit être strictement valide, c’est-à-dire intact de toute anomalie au sens psychique, parfois de manière grave.

 

Le mariage en effet, en tant qu’« affaire », présuppose légitimement dans l’acte de sa constitution que les époux soient capables d’émettre psychiquement un consentement dans lequel soit présente une discretio judicii qui permette de comprendre les obligations essentielles de l’union conjugale avec ses conséquences en ce qui concerne les devoirs essentiels des contractants-époux, et qui permette d’assumer ces mêmes obligations.

 

Au cas, donc, où un époux ne peut pas comprendre les charges essentielles du mariage en raison d’un désordre psychique et ne peut pas assumer les obligations essentielles du mariage, c’est-à-dire au cas où l’époux manque de capacité d’estimation et d’évaluation, il célèbre un mariage invalide (c. 1095, 2° et 3° CIC).

 

  1. Le rôle du juge et la certitude morale

 

  1. Le juge ne peut pas seulement connaître et évaluer le libelle accusatoire ainsi que la loi en même temps que la jurisprudence rotale, mais il doit examiner les arguments ou au moins les indices vraisemblables déposés dans les actes par les interrogatoires des témoins et par la remise de documents au point d’en venir à l’audition d’un expert comme l’impose le c. 1680 CIC.

 

Bien que le juge, en effet, ne soit pas tenu de suivre l’opinion de l’expert, ce dernier doit découvrir l’anomalie ou le désordre psychique éventuellement présent chez celui qui se marie et qui est peut-être inhabile à émettre un consentement sincère et valide : le juge qui reste incertain ne peut pas procéder, mais il doit acquérir une vraie certitude morale pour rendre sa sentence, sinon il court à sa perte, selon le c. 1060 CIC.

 

La certitude morale en effet doit être tirée par le juge non pas d’une lecture superficielle des actes – même si cela, hélas, se remarque parfois dans les tables des causes des tribunaux inférieurs – mais d’une investigation sérieuse et approfondie dans la limite des actes eux-mêmes.

 

  1. Moyens pour la certitude morale

 

  1. Les indices

 

  1. Les dépositions indiciaires ne suffisent pas, à proprement parler, à moins qu’il ne s’agisse d’une maladie connue de tous chez la personne. Les dépositions en effet sont proprement des indices sur lesquels travaille l’expert, selon sa science et sa conscience, également par l’inspection qui lui est confiée de la personne affectée d’une anomalie. Il ne suffit pas en effet d’avoir des indices indiqués par autrui et accommodés par l’expert à la personne.

 

  1. Le rôle des experts

 

On remarque souvent que de nombreux experts conviennent d’une difficulté sur la même chose mais qu’ils ont des opinions différentes les uns des autres. On souhaiterait, au contraire, des certificats cliniques continus sur la maladie traitée, où sont notés les soins administrés depuis l’adolescence jusqu’à la vie actuelle menée par le patient lié dans une vie commune conjugale, mais cela arrive rarement, et c’est pourquoi c’est l’expert lui-même qui, examinant l’homme ou la femme, ou les deux, affecté d’une anomalie psychique, découvre, par une connaissance directe venant de la psychologie ou de la psychiatrie, ou par une connaissance indirecte venant de tests relevant uniquement des systèmes généralement admis, une anomalie psychique certaine chez le patient : sinon son travail est vain. Il faut remarquer que les systèmes jadis en vogue ne sont pas tous univoques et aptes à découvrir les perturbations qui sont le fruit d’une anomalie psychique.[1]

 

L’expert doit à coup sûr découvrir les difficultés mentales subies par la partie dès l’âge juvénile et qui ont progressé jusqu’à l’émission du consentement matrimonial.

 

La personne, d’ailleurs, en ce qui concerne l’intelligence et la volonté, s’exprime et exprime son consentement nuptial par ces deux facultés, qui peuvent se distinguer mais, au contraire, ne peuvent jamais se séparer, et par conséquent ces facultés doivent être considérées par l’expert non pas en relation à leur pure fonction intellective et volitive, mais en relation à leur intelligence et leur pondération des obligations essentielles du mariage, du fait que l’« affaire » matrimoniale n’est pas une « affaire » purement et simplement mais une « affaire » particulière pour toute la vie des contractants et qui est ordonnée à une fin singulière, comme la décrit le c. 1055 CIC.

 

  1. Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique

 

  1. L’anomalie psychique, donc, comme il est requis par l’article 209 de l’Instruction Dignitas Connubii, touche fondamentalement le consentement et bouleverse la constitution même du mariage et surtout les obligations matrimoniales essentielles. Bien plus, de par le droit naturel lui-même et le droit positif, elle obtient ce résultat lorsqu’il est acquis que la personne qui, en raison d’une anomalie psychique innée, n’est pas maîtresse d’elle-même soit en ce qui concerne l’intelligence, soit en ce qui regarde la volonté, dans la prise en charge d’une obligation essentielle, ne peut pas contracter validement le mariage. L’anomalie psychique rend nul le mariage en attaquant gravement l’intelligence ou la volonté, ou ces deux facultés, et introduit chez l’époux des inhabilités à contracter le mariage.

 

Souvent ce sont les circonstances qui permettent de déceler les perturbations chez les personnes affectées d’une anomalie, surtout lorsque la personne désordonnée ne mène pas correctement sa vie morale et passe d’une expérience sexuelle à une autre.

 

Le cours de la vie cependant ne révèle pas que cette personne a été touchée par une désorganisation mentale, sauf si se produit éventuellement une circonstance vraiment impondérable mais qui lèse gravement, « comme une tachycardie de naissance », la santé psychique du mari dans le cas proposé dans cette cause.

 

Au cours donc de l’examen de la personne et des actes de la part des psychologues peuvent encore être mis à jour les états précédents du patient, bien que tous les experts médicaux ne soient pas d’accord sur la même perturbation psychique et sur sa gravité.

 

Les éléments, certes, n’apparaissent pas clairement au premier regard du médecin qui étudie le cas, mais il faut examiner profondément les symptômes qui en même temps n’admettent pas la possibilité de se tromper dans la construction du diagnostic.

 

Il ne suffit pas non plus simplement, dans une affaire aussi importante, de réflexions personnelles de l’expert, parce que, dans ce genre de cas, il est requis des preuves, non des indices, des présomptions ou des possibilités de l’existence d’un désordre.

 

Il ne suffit pas non plus de consulter les catalogues de maladies psychiques composés par certains auteurs, même très renommés : d’ailleurs de plus en plus sont décrits, de façon presque taxative, les éléments distinctifs de telle ou telle maladie, mais le catalogue n’est pas toujours utile pour chaque personne malade d’un désordre psychique.

 

  1. Erreurs à éviter

 

  1. On confond souvent chez celui qui se marie la capacité impuissante de discretio et d’estimation, ou de pondération, avec la mentalité impuissante d’accomplissement, mais l’accomplissement vient après la discretio et l’estimation dans la mesure où, au moment de la célébration nuptiale, on ne requiert pas la capacité future d’accomplissement, mais la capacité de discretio et de pondération dans l’acte lui-même pour qu’en résulte le lien matrimonial.

 

L’accomplissement, en effet, n’est pas compris, sauf logiquement mais non réellement, dans la capacité de discretio ou de pondération, et on ne peut pas admettre que dans toute intention matrimoniale soit contenu également en germe le non-accomplissement futur ; cela ne peut valoir que pour la capacité de discretio et celle de pondération, mais également quand il s’agit de l’exclusion d’éléments ou propriétés essentielles du mariage : cela est connu de tous ceux qui parcourent la jurisprudence rotale.

 

Enfin on ne voit pas toujours que quelqu’un est inapte à émettre un consentement en raison d’une anomalie psychique, du fait qu’à cause des soins qu’il reçoit pour surmonter son incapacité, tant sous l’aspect de la discretio que sous celui de la prise en charge et de l’estimation des obligations conjugales, les désordres ou les perturbations psychiques sont cachées chez la personne malade ou psychiquement incapable de comprendre sous l’aspect de la discretio les obligations essentielles du mariage, et en conséquence de les assumer.

 

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

Au cours des deux instances les époux ne se sont accordés sur pratiquement aucun élément, mais les actes permettent de faire apparaître certains points, dont le premier est que le mari demandeur s’est rapproché affectivement de l’épouse partie appelée à une époque où il était perturbé par la mort de ses parents.

 

Compte tenu de l’attitude du mari, on doit reconnaître que personne n’a observé à cette époque qu’il était incapable d’assumer les obligations essentielles du mariage. Bien plus, alors que Gianfranco avait des maîtresses pendant ses fiançailles – et qu’il a continué à en avoir après le mariage – personne n’a mis en cause sa capacité d’assumer les obligations essentielles du mariage, dont la fidélité.

 

En tout cas, avant le mariage, le mari s’est soumis à des soins d’ordre psychologique, comme il le reconnaît : « Après des mois de recherche sur les causes de mon trouble, j’ai accepté l’idée d’un trouble psychologique et je suis entré en thérapie ».

 

Tous les témoins déclarent n’avoir rien vu à cette époque et ils peuvent encore moins parler de la gravité de la maladie de Gianfranco, d’autant que le genre d’anomalie qu’avait celui-ci ne nécessite pas une hospitalisation.

 

Toutefois le recours continu à des psychologues montre que le mari était affecté d’une maladie psychique, que les experts appellent « destructuration définitive de la personnalité ». Remarquons que l’épouse, qui évidemment n’est pas une experte, ne voyait pas la gravité de la situation de Gianfranco.

 

Le docteur A., qui a soigné le mari avant et après son mariage, parle de « troubles d’anxiété avant le mariage », de « trouble névrotique ajouté à un trouble narcissique de personnalité », ce que confirme l’expert rotal, le docteur B., qui ajoute : « La situation clinique–personologique rencontrée chez le demandeur est partie intégrante de sa façon d’être habituelle […]. Sa personnalité narcissique n’est autre qu’un mode constant, égocentrique et dysfonctionnel d’être en rapport avec les autres, réduits à des objets et non à des sujets […]. A l’époque de la célébration du mariage le Trouble de Personnalité était très grave, avec une profonde altération des capacités d’empathie, de relation et de don ».

 

 

Constat de nullité

seulement pour incapacité du mari demandeur

d’assumer les obligations essentielles du mariage

 

 

Giovanni VERGINELLI, ponent

Agostino DE ANGELIS

Gerald Mc KAY

 

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[1] N.d.T. : texte latin corrompu

Yaacoub 10/02/2010

Coram  YAACOUB

 Incapacité  d’assumer

 Tribunal  Régional  du  Triveneto  (Italie) – 10 février 2010

P.N. 20.354

Constat de nullité

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PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. CAPACITÉ ET  INCAPACITÉ  D’ASSUMER  LES  OBLIGATIONS  ESSENTIELLES DU

MARIAGE

  1. La capacité psychique naturelle requise pour le mariage
  2. Les obligations essentielles et les trois biens du mariage

 

  1. L’OBLIGATION DU  BIEN  DES  ENFANTS  ET  L’OBLIGATION  DU  BIEN  DES

CONJOINTS

  1. La coopération sexuelle indispensable
  2. L’impossibilité morale de la coopération sexuelle

 

III.  LES DÉFAUTS  DE  LA  SEXUALITÉ

  1. L’anorgasmie
  2. La dyspareunie
  3. Le DSM IV-TR

 

  1. L’INFLUENCE DE  LA  SEXUALITÉ  DANS  LE  CONSENTEMENT  MATRIMONIAL
  2. Les enseignements de la doctrine
  3. Le droit au corps, ou devoir conjugal

 

  1. NOTE SUR  L’ÉGOCENTRISME

 

  1. LA PREUVE  DE  L’INCAPACITÉ  D’ASSUMER

 

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EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

Roberto M. et Katia F., nés respectivement le 29 mai 1971 et le 8 août 1973, se rencontrent en 1986. Dix ans plus tard Katia demande à Roberto de l’épouser. Le mariage a lieu le 23 mai 1998. Le voyage de noces se déroule au Brésil.

 

La vie conjugale ne dure pas longtemps, l’épouse supportant mal les intimités avec son mari, qui se révèle intempérant et parfois violent. Aucun enfant ne naît au foyer. Les époux se séparent de fait en 2000 et en droit le 2 mars 2001.

 

Le 3 novembre 2001, le mari s’adresse au Tribunal régional du Triveneto, accusant son mariage de nullité pour manque de discretio judicii et/ou incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage de la part des deux époux. Une expertise est réalisée. La sentence du 29 décembre 2003 est négative sur les deux chefs.

Le mari fait appel à la Rote le 25 mai 2004, et il demande que soit ajouté un nouveau chef, à juger comme en première instance, à savoir l’exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse partie appelée, ce qui est accepté par le Tour Rotal, le 17 novembre 2006.

 

Une expertise est réalisée le 22 juin 2007. Le 1° février 2008 le Tour, coram Sciacca, rend une sentence affirmative, mais seulement pour incapacité de l’épouse partie appelée d’assumer les obligations essentielles du mariage.

 

La cause est transmise au Tour supérieur qui concorde le doute sur l’incapacité de l’épouse d’assumer les obligations essentielles du mariage pour des causes de nature psychique.

 

 

EN  DROIT

 

  1. CAPACITÉ ET  INCAPACITÉ  D’ASSUMER  LES  OBLIGATIONS  ESSENTIELLES  DU

MARIAGE

 

  1. L’incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage est le défaut de l’objet du consentement parce que l’objet du consentement est le don et l’acceptation du droit du mariage. Le c. 1095, 3° statue : « Sont incapables de contracter mariage les personnes […] qui pour des causes de nature psychique ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage ». De droit naturel et par disposition du canon cité, sont incapables de contracter mariage les personnes qui, pour des causes de nature psychique, ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage.

 

  1. La capacité psychique naturelle requise pour le mariage

 

La capacité psychique naturelle, pour réaliser l’alliance de l’amour conjugal par une décision délibérée consciente et libre, requiert de chacun des contractants :

  1. l’usage suffisant de la raison pour émettre un consentement personnel conscient et libre ;
  2. une nécessaire discretio judicii concernant les droits et les devoirs essentiels du mariage, afin que le consentement devienne conforme à son objet formel essentiel sous l’aspect des droits et des obligations ;
  3. la possibilité psychique d’assumer les obligations essentielles du mariage, c’est-à-dire la possibilité pour ceux qui se marient de disposer, par leur consentement libre, de l’exécution de ces obligations.[1]

 

  1. Les obligations essentielles et les trois biens du mariage

 

  1. A ce sujet, Mgr Pompedda fait les remarques suivantes : « Les obligations essentielles sont surtout contenues dans les trois biens du mariage, et parmi elles on peut énumérer :
  2. l’obligation d’accepter tant la conception d’un enfant de la part de l’autre conjoint par un acte conjugal apte à la génération, que la naissance et l’éducation de cet enfant (bien des enfants) ;
  3. l’obligation de garder la fidélité conjugale, c’est-à-dire l’exclusivité de la communauté conjugale, fondée sur un lien unique et exclusif, ainsi que la modalité humaine des actes de l’amour conjugal (bien de la fidélité) ;
  4. l’obligation de sauvegarder l’indissolubilité, c’est-à-dire la perpétuité de la communauté conjugale (bien du sacrement).

 

A cela s’ajoute :

  1. l’obligation inscrite dans le bien des conjoints (c. 1055 § 1), à savoir d’instaurer et de soutenir la communauté de vie et d’amour conjugal par une mutuelle intégration psychosexuelle et interpersonnelle des époux »[2].

 

En ce qui concerne les obligations essentielles du mariage, la sentence en appel précise : « En un mot, elles sont celles qui se trouvent dans les biens dits ‘augustiniens’, c’est-à-dire les biens de la fidélité, du sacrement et des enfants, en tant qu’obligations qui touchent à l’essence du mariage, mais elles ne se trouvent pas dans tout ce qui se rapporte à l’espèce parfaite du mariage ou à sa pleine et harmonieuse figure ».

 

  1. L’OBLIGATION DU  BIEN  DES  ENFANTS  ET  L’OBLIGATION  DU  BIEN  DES

CONJOINTS

 

  1. La coopération sexuelle indispensable

 

Aux termes du c. 1061 § 1, le mariage est ordonné par sa nature au bien des enfants, c’est-à-dire à la génération d’enfants, ceci par « quelque coopération sexuelle » (c. 1096 § 1), qui réalise la communauté de toute la vie entre les conjoints et qui doit être accomplie de manière humaine (c. 1061 § 1). Il en résulte que si un époux ne peut faire « de manière humaine » le don total de lui-même, corps et âme, pour des causes de nature psychique qui rejaillissent également en effets sexuels, ou plus justement en défauts sexuels, il contracte invalidement.[3]

 

  1. Cette anomalie psychique n’est pas par elle-même la cause de la nullité du mariage ; par contre elle est l’origine de l’incapacité d’assumer, c’est-à-dire de l’incapacité consensuelle. C’est pourquoi, pour vérifier, dans un cas concret, la capacité du contractant, il faut porter son attention sur la gravité de l’anomalie psychique – qui serait une notion médicale dans le c. 1095, 3° autrement que dans le c. 1095, 2° où elle n’est pas prescrite – autant que sur l’impossibilité réelle de la part du contractant, en raison de cette anomalie, d’assumer les obligations essentielles du mariage, impossibilité qui, au contraire, est une notion juridique, sous le pouvoir non des experts, mais du Juge.

 

  1. L’impossibilité morale de la coopération sexuelle

 

  1. Il ne s’agit pas d’une simple difficulté, mais d’une véritable impossibilité morale. Une fois prouvée cependant l’incapacité réelle d’assumer et de remplir les obligations essentielles du mariage, et cela au moment où ce mariage est célébré, il faut prouver que l’incapacité tire son origine d’une cause de nature psychique. Les causes de cette incapacité peuvent en effet être seulement de nature psychique et sous la forme d’une véritable anomalie : « On ne peut faire l’hypothèse d’une véritable incapacité qu’en présence d’une forme sérieuse d’anomalie qui, de quelque façon qu’on la définisse, doit entamer de manière substantielle les capacités de comprendre et/ou de vouloir de celui qui contracte »[4]. En effet, la simple difficulté dans la constitution de la communauté de vie n’implique pas la nullité du mariage, c’est-à-dire ne démontre pas l’incapacité du contractant à émettre un consentement valide en raison du chef de nullité visé par le c. 1095, 3°.

 

  1. La Jurisprudence Rotale affirme qu’existe l’incapacité du c. 1095, 3° :

« a. S’il y a, non pas une simple difficulté, même grave, mais une impossibilité en raison d’une anomalie psychique, qui atteint la structure psychique du contractant ;

  1. Si cette anomalie pathologique est d’une telle importance que le contractant, bien qu’il conserve intacte sa faculté de discernement, est privé, totalement ou partiellement, de la faculté de disposer de l’objet du consentement matrimonial ;
  2. Si l’anomalie ou la perturbation de la personnalité est antérieure au mariage et présente dans sa forme grave au moment de l’émission du consentement ;
  3. Si la pathologie est si grave qu’elle rende intolérable la communauté conjugale et si elle ne peut pas s’améliorer »[5].

 

Enfin l’incapacité du c. 1095, 3° « ne regarde pas la faculté intellective ou critique du contractant mais elle concerne sa capacité pratique à mener à son effet l’objet du consentement, qui pourrait manquer en raison d’une grave anomalie psychique ou d’une immaturité psycho-affective existant, bien que de façon latente, au moment où le mariage a été contracté, au point que ceux qui se marient ne peuvent pas s’obliger en ce qui concerne les obligations essentielles du mariage, ou tenir leurs promesses »[6]. Comme on l’a dit plus haut, la capacité d’assumer le devoir de communion de la vie conjugale, considérée en elle-même, se réfère à de nombreux éléments essentiels de cette communion, soit en ce qui concerne la relation sexuelle, soit en ce qui se rapporte à la relation interpersonnelle. Toute l’investigation doit se tourner vers le sujet, qui est dit incapable, c’est-à-dire vers la cause psychique.

 

  1. L’habilité à la relation interpersonnelle

 

Dans une sentence c. Stankiewicz, du 24 octobre 1985, il est affirmé : « Dans les causes d’incapacité, il faut procéder au maximum à une recherche ‘sur l’habilité à la relation interpersonnelle’ ; il faut surtout considérer très attentivement le domaine de la vie psychique où s’instaure la relation interpersonnelle et où elle se développe […] parce que si cette habilité vient à manquer, il sera inutile de discuter des droits et des devoirs conjugaux, de même qu’on insistera en vain sur la faculté ou le devoir, qui, en raison de l’impossibilité, sont privés de leur substance »[7].

 

III.  LES  DÉFAUTS  DE  LA  SEXUALITÉ

 

  1. A propos du défaut de la sexualité, en cette cause, la sentence en appel remarque justement : « En ce qui concerne les défauts de la sexualité, d’où ne découle pas nécessairement l’impuissance, il faut parmi eux placer tous ceux qui empêchent l’exercice correct, à réaliser de manière humaine, des actes aptes par eux-mêmes à la génération d’enfants.

 

Parmi les maladies qui peuvent empêcher l’exercice normal de la sexualité, ordonné à l’obtention du bien des conjoints, c’est-à-dire à la formation de la communauté conjugale qui comprend le bien des enfants, l’aide mutuelle et la donation sexuelle (‘le remède à la concupiscence’), on trouve l’Anorgasmie et la Dyspareunie.

 

  1. L’anorgasmie

 

« L’anorgasmie – lit-on dans le ‘Dizionario medico’ – est l’incapacité de la femme à atteindre l’orgasme après une phase d’excitation normale. Elle peut être primaire (la femme n’a jamais eu d’orgasme) ou secondaire (perte de la capacité d’avoir un orgasme) […]. Dans la majeure partie des cas, l’anorgasmie est due à des problèmes de caractère psychologique, moins souvent à des causes organiques.[8]

  1. La dyspareunie

 

Par dyspareunie, on entend un rapport sexuel douloureux et difficile pour la femme. Si cet état se manifeste durant les premiers rapports sexuels, il est souvent dû au vaginisme, causé par la contraction de la musculature périnéale et par un spasme de la partie plus extérieure du canal vaginal en absence de sécrétion. Le responsable de cette situation peut être un hymen particulièrement rigide. Parfois elle se manifeste par une peur anticipatoire ou une répulsion pour la pénétration du pénis. Ce trouble peut être associé à une personnalité anxieuse, immature, ou être le symptôme d’un trouble psychologique[9] ».[10]

 

  1. Le DSM IV-TR

 

  1. Le Manuel DSM IV-TR propose « un diagnostic différentiel avec la ‘Dysfonction sexuelle due à un état médical général’ (dyspareunie due à des effets physiologiques tels que : insuffisante lubrification vaginale, pathologie pelvienne due à des infections vaginales ou urinaires, endométriosie, adhérence ou tissu cicatriciel vaginal, atrophie vaginale post-ménopausale, chute des oestrogènes durant l’alimentation, irritations ou infections des voies urinaires, troubles gastro-intestinaux) et la ‘Dysfonction sexuelle induite par des substances’ (dyspareunie causée par exemple par l’usage de flufénazine, tioridazine ou amoxapine). Si la dyspareunie est concomitante avec l’une des dysfonctions décrites et s’il arrive que concourent encore des facteurs intrapsychiques ou interpersonnels, on proposera le diagnostic de ‘dyspareunie due à des facteurs combinés’; s’il n’y a pas la présence de dysfonctions de l’état médical général ou d’inductions de substances, on regardera une espèce de ‘Dyspareunie due à des facteurs psychologiques’ ».

 

Donc, la dyspareunie est caractérisée par « des douleurs provoquées chez la femme par des rapports sexuels. Si la dyspareunie peut être liée à des facteurs anatomiques ou infectieux, elle est le plus souvent d’origine psycho-affective. L’abord psychothérapique est alors indispensable »[11].

 

  1. L’INFLUENCE DE  LA  SEXUALITÉ  DANS  LE  CONSENTEMENT  MATRIMONIAL

 

  1. Les enseignements de la doctrine

 

  1. Sur l’influence de la sexualité en ce qui concerne le consentement matrimonial, la sentence en appel note que le Magistère, sur lequel s’appuient à juste titre – comme fondement nécessaire et inébranlable – la doctrine canonique ci-dessus rappelée et la jurisprudence, enseigne très clairement :

 

« La sexualité est ordonnée à l’amour conjugal de l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité corporelle des époux devient un signe et un gage de communion spirituelle. Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés par le sacrement »[12].

 

« La sexualité, par laquelle l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre par les actes propres et exclusifs des époux, n’est pas quelque chose de purement biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime. Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement l’un vis-à-vis de l’autre jusqu’à la mort »[13].

 

« Les actes […] qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance »[14].

 

« La sexualité est source de joie et de plaisir »[15].

 

  1. Le droit au corps, ou devoir conjugal

 

  1. Personne en effet ne met en doute que parmi les obligations essentielles, c’est-à-dire les droits et devoirs du mariage, dont parle le c. 1095, 3°, en tant que facultés légitimes d’agir et d’exiger, il y a en vérité ce que le langage classique appelle le « droit au corps », en d’autres termes le « devoir conjugal », c’est-à-dire l’exercice de la sexualité entre conjoints, qui doit s’effectuer de manière humaine et qui est ordonné à la génération d’enfants (c. 1055).

 

Le contractant qui, en raison de graves difficultés d’ordre sexuel, provenant de causes de nature psychique, ne peut effectuer l’exercice correct (« humano modo ») de la sexualité, compte tenu de la relation très étroite entre la sphère psychique et la sphère génitale, contracte invalidement en vertu du c. 1095, 3°[16].

 

  1. La question se pose – lit-on dans la première sentence – du commerce sexuel entre époux, dont parle ouvertement le Concile Vatican II : « Cette affection a sa manière particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage. En conséquence les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance »[17].

 

Sous cet aspect, « cette affection appartient à l’essence même de l’alliance conjugale et elle a, comme par elle-même, une consistance et une subsistance par rapport au bien des conjoints […] même abstraction faite de ces actes aptes à la génération d’enfants […] avec lesquels cependant elle ne fait qu’un et n’est conçue que comme une unité »[18].

 

  1. NOTE SUR  L’ÉGOCENTRISME

 

  1. En ce qui concerne la définition de l’égocentrisme, on peut dire ceci : « Façon de tout ramener à soi. Se référer essentiellement à soi-même, considérer ses comportements, ses jugements, ses opinions comme seules références et critères valables, substituer sa propre subjectivité à l’objectivité résument l’égocentrisme. Relativement fréquente, elle est cependant irritante pour autrui mais ne devient trouble psychique que lorsqu’elle prend des proportions anormales car exagérées et systématiques », ou encore : « Intérêt que le moi porte à lui-même. La personne n’envisage les choses que par rapport à elle-même et ne connaît que son point de vue personnel. Tendance à se considérer comme le centre de l’univers. L’égocentrisme est majeur dans les paranoïas mais se rencontre également dans d’autres troubles mentaux comme l’hypochondrie, la mythomanie, la mégalomanie »[19].

 

 

 

 

  1. LA PREUVE  DE  L’INCAPACITÉ  D’ASSUMER

 

  1. Dans la cause présente, la preuve de l’incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage pour des causes de nature psychique, de la part de la femme, est à chercher surtout dans la déclaration du demandeur et dans celle de l’épouse partie appelée, ensuite dans les dépositions des témoins dignes de foi, les unes et les autres confirmées en jugement. Par ailleurs il ne faut pas oublier des indices, des éléments et des circonstances d’avant et d’après le mariage.

 

Enfin le juge devra examiner le rapport de l’expert.

 

Il faut surtout évaluer la crédibilité des personnes qui font des déclarations et leur cohérence intrinsèque et extrinsèque. Il faut donc bien distinguer « l’objet des preuves » et les « moyens de preuve ». L’objet de la preuve, en effet, sont les faits affirmés par le demandeur pour fonder sa demande, c’est-à-dire la demande de sa cause. Les moyens de preuve sont les instruments par lesquels la vérité des faits peut être découverte par le Juge. Ces instruments, on l’a dit, sont les déclarations des parties, des documents, les dépositions des témoins, des présomptions et des expertises. Selon le précepte du c. 1680, dans les causes de défaut du consentement, « le juge utilisera les services d’un ou plusieurs experts, à moins qu’en raison des circonstances cela ne s’avère manifestement inutile ». Il revient au Juge de nommer les experts, « ou bien, le cas échéant, de prendre en compte les rapports déjà établis par d’autres experts » (c. 1575).

 

Le juge cependant doit apprécier attentivement « non seulement les conclusions, même concordantes, des experts, mais également les autres données de la cause » (c. 1579 § 1). Toutefois le juge n’est pas tenu de suivre, contre son propre sentiment, les conclusions des experts, même concordantes. Son rôle est d’examiner de façon critique, selon le droit, les rapports d’expertise, en tenant compte des autres données de la cause. « Les experts doivent indiquer clairement […] par quelle voie et selon quelle méthode ils ont procédé dans l’exécution de la mission qui leur a été confiée, et principalement sur quels arguments ils appuient leurs conclusions » (c. 1578 § 2). Il doit examiner les présupposés anthropo-logiques selon lesquels l’expertise a été réalisée. Dans son Discours à la Rote du 5 février 1987, Jean-Paul II affirmait que le dialogue et la communication efficace entre le juge et le psychiatre ou le psychologue sont plus faciles si le point de départ de l’un et l’autre se situe dans les limites de l’anthropologie commune de telle sorte que même si la méthode, les questions et les finalités sont différentes, cependant la vision de l’un reste ouverte à l’autre.[20]

 

Il faut donc avoir présent à l’esprit le principe souligné par l’art. 209 § 2, 3° de l’Instruction Dignitas Connubii, selon lequel, dans les causes pour incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage il faut rechercher la gravité de la cause psychique « à cause de laquelle la partie n’est pas seulement affectée d’une grave difficulté, mais également d’une impossibilité d’accomplir les actions inhérentes aux obligations du mariage ».

 

  1. A propos des preuves, la sentence en appel fait justement remarquer : « Comme nous l’avons dit plus haut, dans ces causes, il faut absolument que les experts apportent leur concours au juge (c. 1680, 1574), soit en ce qui concerne l’aspect spécifiquement physique, soit en ce qui concerne les causes de nature psychique d’où provient la difficulté sexuelle : c’est au juge uniquement qu’il revient d’évaluer et de critiquer ces rapports d’expertise, surtout avec l’ensemble du complexe de la cause, en même temps qu’avec une appréciation attentive des événements qui ont eu lieu avant et après le mariage »[21].

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

Les défauts de l’épouse dans le domaine de la sexualité ont eu une incidence sur sa capacité d’assumer les obligations essentielles du mariage, sous un triple aspect :

– a. Incapacité du don de la sexualité.

Le demandeur et l’épouse reconnaissent avoir eu de très rares relations sexuelles, et le docteur V., à propos de cette anorgasmie, évoque l’hypothèse d’une structure névrotique, comme aussi l’expert, docteur Z.

– b. Incapacité d’assumer des relations stables.

Le premier expert affirme que l’épouse souffre d’une pathologie qui empêche le contact profond et durable avec l’autre, ce que souligne la 1° sentence rotale.

– c. Incapacité de procurer une communauté de vie tolérable, comme le reconnaît l’épouse.

 

L’incapacité de l’épouse est antérieure au mariage (expert, docteur Z.), et elle est grave (expert, docteur Z.).

 

Les témoins affirment que l’incapacité de l’épouse à remplir les obligations essentielles du mariage provient de la sexualité : ainsi la mère et le père de Katia, l’oncle de l’épouse, missionnaire au Brésil, qui a reçu des confidences de celle-ci, ainsi également plusieurs prêtres qui, eux, ont été informés par le mari demandeur.

 

Le premier expert, le docteur V., a dû faire une expertise sur dossier, l’épouse ayant refusé de le rencontrer. Il parle à son sujet de Trouble histrionique de la Personnalité, cause des difficultés sexuelles de la femme. L’expert rotal, le docteur Z., a lui aussi essuyé un refus de la part de l’épouse pour une expertise psychiatrique, et, après étude des actes, il conclut comme son confrère de 1° instance à un Trouble histrionique de la Personnalité, qui a pu comporter une répulsion des relations sexuelles, et il évoque aussi une aversion sexuelle ou encore une frigidité maladive. (Il est inutile de reproduire ici les longues remarques de l’expert reprises par la 2° sentence rotale.)

 

En conclusion, les Auditeurs soussignés estiment que l’épouse souffrait de difficultés dans les relations sexuelles. L’origine de ces difficultés est incertaine : hystérie, frigidité, mais il est sûr que l’épouse était incapable de remplir « humano modo » le devoir conjugal par une vie sexuelle correcte.

 

Il ne s’agit donc pas de simples difficultés mais d’une véritable répugnance de l’épouse pour les relations sexuelles et donc d’une incapacité d’accomplir et d’assumer les obligations essentielles du mariage.

 

 

– Constat de nullité pour incapacité d’assumer                           Abdou YAACOUB, ponent

de la part de l’épouse                                                                       Javier AROKIARAJ

– Vetitum pour l’épouse                                                                     Alessandro CEDILLO

__________

[1] Cf. c. STANKIEWICZ, 28 mai 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 344, n. 3

[2] C. POMPEDDA, 10 décembre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 835, n. 13

[3] Cf. sentence en appel, n. 13

[4] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 5 février 1987, AAS 79, 1987, p. 1457, n. 7

[5] C. FALTIN, 7 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 587, n. 6

[6] Cf. SABLE, 15 décembre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 857, n. 8

[7] C. STANKIEWICZ, 24 octobre 1985, SRRDec, vol. LXXVII, p. 447, n. 5

[8] UTET, Turin 2004, vol. I, p. 110

[9] Ouvrage cité, p. 478-479

[10] Sentence en appel, n. 14

[11] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, Dion, 2005, p. 119

[12] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2360

[13] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2361 ; JEAN-PAUL II, Familiaris Consortio

[14] GAUDIUM et SPES, n. 49

[15] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2362

[16] Cf. sentence en appel, n. 17-20

[17] GAUDIUM et SPES, n. 49

[18] C. de LANVERSIN, 24 mars 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 230, n. 8

[19] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, Dion, 2005, p. 124

[20] Cf. JEAN-PAUL II, Discours à la Rote du 5 février 1987, AAS 1987, p. 1455, n. 3

[21] Sentence en appel, n. 21

Procédures de recours administratif

Procédures de recours :

Le système de la justice ecclésiastique figure parmi les institutions les plus dynamiques rapidement introduites dans le droit ecclésiastique après le second Concile œcuménique du Vatican, c’est-à-dire la revendication des droits subjectifs qui seraient déclarés blessés par un acte de l’autorité administrative prétendument illégitime[1].

Actuellement, le canon 1400 §2, situé en introduction du livre VII sur les procès, distingue les trois voies de recours que sont la voie judiciaire classique, non applicable aux actes administratifs, et les deux voies administrative et judiciaire qui constituent le mode de justice administrative. La procédure à suivre dans ces recours fait l’objet des canons 1732 et suivants.

En pratique, en cas de contestations par rapport à un acte administratif de l’autorité, voici, très schématiquement les démarches à accomplir en respectant scrupuleusement les délais :

  1. d’examiner dans la prière si l’acte administratif ne traduit pas l’expression de la volonté de Dieu pour nous ;
  2. dans le cas contraire, de dialoguer pour éviter le conflit ;
  3. en cas d’échec de demander formellement à l’auteur de l’acte de le modifier ou de le retirer et ce, dans les dix jours suivant la notification de l’acte ;
  4. en cas d’échec , de déposer un recours gracieux auprès du supérieur hiérarchique, dans les 15 jours qui suivent la notification de l’acte ou un silence persistant pendant 30 jours ;
  5. en cas d’échec,  de déposer un recours gracieux auprès du dicastère compétent de la Curie romaine, dans les 15 jours qui suivent la notification de l’acte ou un silence persistant pendant 30 jours ;
  6. en cas d’échec, de déposer un recours contentieux-administratif auprès du Tribunal suprême de la Signature apostolique dans les 60 jours après la réponse du Dicastère ou son silence persistant pendant 30 jours.

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[1] Ce canon ouvre la section 1 du livre V sur les procès, consacrée aux recours contre les décrets administratifs.

[1] Daniel (William L.), “The doctrinal contribution of Zenon Grocholewski to the canonical notion of administrative justice”, Studia canonica, 46 (2012), p. 183. Traduction de l’anglais par l’auteur.

Jubilé de la justice administrative de l’Eglise catholique

Le 15 août 1967, après que le Concile a indiqué les droits et obligations des fidèles catholiques, le pape Paul VI crée la seconde section du Tribunal suprême de la Signature apostolique en vue de « trancher les contestations nées de l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique ».

L’année 2017 marque donc le jubilé de la justice administrative de  l’Église catholique, mais qui la connaît ?

Pour répondre à cette question, L’Harmattan vient de publier  le livre d’Yves-Alain Ducass : La justice administrative de l’Église catholique. 50 années au service du bien commun de l’Église et de la protection des droits des fidèles vues par un fidèle catholique.

Par ce livre, l’auteur vise cinq objectifs suivants

  1. Évoquer, de son point de vue, les progrès accomplis par l’Église catholique en cinquante années d’exercice de la justice administrative ;
  2. illustrer sa mise en œuvre pratique par une centaine d’exemples de conflits et de jurisprudence ;
  3. faire connaître aux différentes catégories de fidèles leurs droits et obligations vis-à-vis de la hiérarchie de l’Église catholique, ainsi que les moyens de les défendre ;
  4. apporter une contribution scientifique au monde des canonistes, à partir d’une base de données inédite sur la jurisprudence administrative ; (Cf partie professionnelle du site)
  5. contribuer à la communion ecclésiale en célébrant dans la joie le jubilé de la justice administrative de l’Église et en proposant des pistes d’améliorations.

Voici les premiers retours de ce livre :

  • Michel Dubost, évêque d’Evry Corbeil-Essonnes : Cher monsieur, merci beaucoup. Ce genre de livre est très précieux. Que Dieu vous garde !
  • + Hervé Giraud Archevêque de Sens-Auxerre, Prélat de la Mission de France : Merci pour votre message.  J’espère que tout ce grand et beau travail servira à la justice de l’Église. En vous souhaitant une bonne année. Fraternellement,
  • Carine Dequenne, Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique : Cher Yves Alain, félicitations pour la rédaction et la publication cet ouvrage ! Je serais évidemment très heureuse de pouvoir y jeter un oeil …
  • Wiktor Zamojski, Directeur de cabinet de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri  : Monsieur, Je vous remercie pour votre courriel que j’ai porté à la connaissance de Monseigneur. Monseigneur m’a chargé de transmettre votre courriel aux personnes idoines.
  • Joël Mercier, Archevêque secrétaire de la Congrégation pour le Clergé : j’en prendrai connaissance [du livre] avec grand intérêt.

Discernement sur le mariage chrétien

Le discernement par rapport au mariage chrétien fait l’objet du chapitre 8 de l’exhortation apostolique Amoris laetitia

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Discernement pour les personnes mariées en difficultés

Vous êtes marié religieusement et vous rencontrez des difficultés dans votre couple. Avant d’entreprendre une séparation de corps, voire une procédure de divorce civile accompagnée d’une demande de reconnaissance de nullité du mariage religieux, vous voulez discerner si votre mariage était valide ou non.

Le synode sur la famille a été un moment important de réflexion sur ces questions, et l’exhortation post-synodale du pape François sur « l’amour dans la famille » apporte un éclairage important. Il est conseillé de la lire en entier, avec une attention particulière sur le chapitre 6 « Quelques perspectives pastorales » dont voici quelques courts extraits, et plus particulièrement les numéros 231 à 252 : « Eclairer, les crises, les difficultés et les angoisses » :
• C’est la paroisse qui offre la contribution principale à la pastorale familiale. [n° 202]
• Les professionnels, surtout ceux qui ont l’expérience de l’accompagnement, aident à concrétiser les directives pastorales dans les inquiétudes concrètes des familles. …/… cela ne diminue d’aucune manière, mais complète la valeur fondamentale de la direction spirituelle, des inestimables ressources spirituelles de l’Eglise et de la Réconciliation sacramentelle [n° 204]
• Etant donné que ces confusions [cf. les pathologies de l’amour conjugal] sont fréquentes, il convient d’accompagner les premières années de la vie matrimoniale pour approfondir la décision consciente et libre de s’appartenir et de s’aimer jusqu’à la fin. (217)
• Il ne faut en aucune manière se résigner à une courbe descendante, à une détérioration inévitable, à une médiocrité supportable (232)
• Pour affronter une crise, il faut être présent. (n° 234)
• Il est devenu fréquent que, lorsque quelqu’un sent qu’il ne reçoit pas ce qu’il désire, ou que ne se réalise pas ce dont il rêvait, cela semble suffisant pour mettre fin au mariage. A cette allure, il n’y aura pas de mariage qui dure (n° 237)
• Il y a des cas où la séparation est inévitable …/… mais on ne peut l’envisager que « comme un remède extrême lorsqu’on [a] vainement tout tenté ce qui était raisonnablement possible pour l’éviter » (n° 241)
• Les Pères [du synode] ont estimé qu’un discernement particulier est indispensable pour accompagner pastoralement les personnes séparées, divorcées, ou abandonnées. …/… Les personnes divorcées mais non remariées, qui sont souvent des témoins de la fidélité conjugale, doivent être encouragées à trouver dans l’Eucharistie la nourriture qui les soutienne dans leur état. [n° 242]
• Il sera donc nécessaire de mettre à la disposition des personnes séparées ou des couples en crise, un service d’information, de conseil et de médiation, lié à la pastorale familiale, qui pourra également accueillir les personnes en vue de l’enquête préliminaire au procès matrimonial (Cf. Mitis iudes, Art. 2-3)
• la charité fraternelle est la première loi des chrétiens (cf. Jn 15, 12 ; Ga 5, 14) [n° 306]
Par ailleurs, le chapitre 8 « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » donne des indications précieuses sur l’amour de Dieu et de l’Eglise pour chaque personne, quelle que soit sa situation.

Simplification des procès matrimoniaux : Motu proprio : Mitis Iudex Dominus Iesus

Le 8 septembre 2015, le Pape François a publié deux lettres apostoliques simplifiant les règles de droit canonique concernant les procédures de reconnaissance de nullité de mariage dans le monde catholique occidental et oriental (Motu proprio Mitis et misericors Iesus).
Cette réforme, qui entre en vigueur le 8 décembre 2015, intervient dans le contexte du synode sur la famille, pour permettre à l’Eglise de mieux répondre aux attentes des fidèles, dont le mariage aboutit à un échec, et qui désirent savoir s’il était valide ou nul car « La charité et la miséricorde exigent que l’Eglise comme mère se rapproche de ses enfants qui s’en considèrent séparés »

En France environ 500 mariages à l’Eglise sont déclarés nuls chaque année par les tribunaux de l’Eglise appelés officialités. Il s’agit aucunement d’une procédure de divorce entre les deux parties, mais d’une procédure de droit ecclésiastique, dans lequel c’est un mariage particulier qui est attaqué, et l’Eglise, garante du sacrement, doit déterminer s’il est valide ou non. Elle le fait par une procédure précise, impliquant une enquête auprès des parties et de leurs témoins, pour rechercher si, au moment du mariage, les conditions de sa validité étaient ou pas réunies.

Les réformes apporteront notamment les simplifications suivantes :
• Un procès plus bref, quand l’accusation de nullité de mariage est soutenue par des arguments particulièrement évidents, sans nécessiter un deuxième jugement conforme, comme c’est le cas actuellement
• L’évêque lui-même ou un juge unique sous sa responsabilité, sera suffisant pour les jugements en première instance,
• en appel, deux laïcs pourront désormais faire partie du collège des trois juges

Une traduction française du Motu proprio est disponible sur le site du Saint-Siège.

D’autres informations sur les demandes de reconnaissance de nullité de mariage sont disponibles aux rubriques « s’informer » et « trouver« .

FAQ_Reduction_Eglises_Usage_profane

En France, on dénombre environ 45 000 églises dont l’entretien et le caractère sacré sont définis par deux types de droit :

_ le droit civil et notamment l’article 9 n°1 de la loi de 1905 : « Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s’ils n’ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal » Une circulaire du ministère de l’intérieur indique aux préfets la manière dont ils doivent appliquer le droit civil français en la matière

_ le droit canonique (de l’église catholique) pour le caractère sacré de l’église :
Le canon 1214 définit une église comme : l’édifice sacré destiné au culte divin où les fidèles ont le droit d’entrer pour l’exercice du culte divin, surtout lorsqu’il est public.
Le canon 1222 prévoit deux cas où une église peut être réduite à un usage profane :
_ si elle ne peut en aucune manière servir au culte divin et qu’il n’est pas possible de la réparer, elle peut être réduite par l’Évêque diocésain à un usage profane qui ne soit pas inconvenant.,
_ Là où d’autres causes graves conseillent qu’une église ne serve plus au culte divin, l’Évêque diocésain,
après avoir entendu le conseil presbytéral, avec le consentement de ceux qui revendiquent légitimement
leurs droits sur cette église et pourvu que le bien des âmes n’en subisse aucun dommage, peut la réduire
à un usage profane qui ne soit pas inconvenant.

Voici quelques réponses aux questions qui se posent à ce propos en droit canonique
_ Le manque de prêtres peut-il justifier la fermeture d’une église ? Le manque de prêtres ne constitue pas une raison grave suffisante pour réduire une église à un usage profane car il est déjà arrivé dans l’histoire qu’en l’absence de prêtre, des personnes laïques et pieuses, préservent une église comme un bâtiment sacré et un témoignage de la foi catholique
_ L’incapacité des paroissiens d’entretenir une église peut-elle justifier la fermeture d’une église ? Oui
_ La nécessité d’effectuer des travaux peuvent-elle justifier que l’évêque ferme une église appartenant à l’Eglise ? Lorsqu’une église appartenant à l’Eglise a subi des dommages et doit être réparée mais que des raisons financières justifient un choix différent, l’impossibilité morale prévue au c. 1222, § 1 ne peut pas être prouvée aussi convient-il de recourir au c. 1222, § 2, sachant que l’évêque est habilité à décider si cette carence constitue ou non une raison grave, après avoir entendu les conseils prévus à cet effet ;
_ Le manque d’argent peut-il justifier la vente d’une église ? le besoin financier d’un diocèse ne constitue pas une raison grave suffisante pour vendre une église qui appartiendrait au patrimoine du diocèse ;
_ Quelles sont les conditions pour que la consultation du conseil presbytéral soit valide ? Il est nécessaire de préparer la décision par des études appropriées sur l’état du bâtiment, le coût de la réparation, la possibilité de trouver des fonds, avant que l’évêque n’impose à une paroisse ou à un institut religieux de réparer une église qui n’est pas l’église paroissiale ; son audition doit avoir porté explicitement sur la réduction à usage profane d’une église et pas seulement sur la suppression de paroisses, en distinguant bien les deux décisions de l’évêque ;
_ Que deviennent les meubles d’une l’église réduite à un usage profane ? l’autel et les objets pieux ne perdent pas leur caractère sacré avec la réduction de l’église à un usage profane non inconvenant. Ils doivent donc être transportés ailleurs.