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1.3. L’attirance homosexuelle

Parfois, une personne est attirée par une personne du même sexe. Ce phénomène ancien soulève des opinions variées :

  • Certains pensent qu’il s’agit d’une question d’identité contre laquelle on ne peut rien ;
  • D’autres estiment que c’est un choix personnel libre et respectable ;
  • Les psychanalystes sont partagés, en y voyant une pathologie à guérir ou une identité fondamentale ;
  • D’autres font du prosélytisme en faveur de la théorie du genre, promue par le lobby LGBT[1].
  • La société occidentale condamne l’homophobie ou « peur de l’homosexualité », au même titre que la xénophobie ou « peur de l’étranger » et toutes les formes de discriminations envers ceux qui ne nous ressemblent pas ;
  • Les personnes concernées vivent parfois très mal leur orientation sexuelle. Leur taux de suicide est élevé ;
  • L’Eglise invite les fidèles à accueillir les homosexuels avec amour et miséricorde tout en considérant les actes d’homosexualité comme contraires à la vision de Dieu sur l’homme et la femme, sans confondre attirance sexuelle et passage à l’acte homosexuel et sans juger les personnes :

Si une personne est homosexuelle, qui suis-je pour la juger ?
Nous devons être frères[2].

Finalement, la question est complexe. Les personnes intéressées peuvent l’approfondir en s’inspirant :

  • Pour la société civile, de l’association  Le refuge[3], reconnue d’utilité publique, dont l’objet consiste à prévenir l’isolement et le suicide des jeunes LGBT, de 18 à 25 ans, victimes d’homophobie ou de transphobie, et en situation de rupture familiale ;
  • Pour l’Eglise catholique,  des § 2357 à 2359 du catéchisme de l’Eglise catholique, et des groupes de partage spécialisés comme Aelred[4], Courage[5], Oser en parler[6], sachant que :

le Synode veut renouveler l’engagement de l’Eglise
contre « toute discrimination et toute violence
liées à l’orientation sexuelle [7]».


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Source de l’image : https://l1visible.com/xavier-%E2%80%AFjai-quitte-ami%E2%80%AF/

[1] Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transsexuels

[2] Pape François, le 31 juillet 2013

[3] https://www.le-refuge.org/

[4] http://frataelred.free.fr/chretiens.html

[5] https://couragerc.org/

[6] http://www.oserenparler.com/

[7] www.vatican.va/content/francesco/fr/apost_exhortations/
documents/papa-francesco_esortazione-ap_20190325_christus-vivit.html

1.2. Le sentiment amoureux

Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas[1]

Le sentiment amoureux compte parmi les ressentis humains les plus forts : il se traduit par une émotion intense qui envahit notre être à la vue ou à la pensée d’une personne en particulier. Il produit un état d’exaltation et de grande énergie, un sentiment de bien-être. L’amour naissant se manifeste souvent par des signes qui ne trompent pas : palpitations, gorge nouée, mains moites, ou encore un bonheur immense qui nous envahit à la pensée ou à la vue de cet être désiré ?

Qu’il me donne les baisers de sa bouche :
meilleures que le vin sont tes amours ![2]

Au début de la relation, les amoureux vivent une sorte de romance, un temps de grâce. Chacun admire l’autre en s’émerveillant de ses qualités. Ils ont des valeurs communes qu’ils sont heureux de partager. Ils sont heureux d’être ensemble car ils ont l’impression que l’autre comble tous leurs besoins. L’harmonie est palpable, et chacun souffre de devoir se séparer, ne serait-ce qu’un moment.

Les amoureux sont seuls au monde[3]

Ce sentiment amoureux est beau et heureux, au point que certain le recherchent sans fin, en changeant de partenaire lorsqu’il s’estompe, sans véritable souci de l’être aimé, mais pour jouir de leur propre sentiment. Pas question alors de fidélité ni de mariage.

Les Pères synodaux ont fait allusion aux actuelles tendances culturelles qui semblent imposer une affectivité sans limites […] une affectivité narcissique, instable et changeante qui n’aide pas toujours les sujets à atteindre une plus grande maturité[4]

L’émotion qui s’installe en l’absence de l’autre est un élément important pour écouter et connaître ses propres besoins, faire mûrir son désir et s’exercer à aimer.

L’homme quittera son père et sa mère,

il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un[5]

Si l’on n’a pas suffisamment quitté intérieurement son père ou sa mère, le sentiment amoureux qui nous habite risque d’être une imitation de l’amour des parents, et donc une envie. Tôt ou tard, l’envie va tomber au profit d’un désir personnel, d’où l’importance du discernement, seul ou avec de l’aide.

Tu ne convoiteras pas la femme de ton voisin[6]

Si l’émotion, le sentiment et la sensualité sont forts au point d’annihiler la raison, on parle alors de coup de foudre, mais il peut aussi exister d’autres formes de sentiment amoureux, plus paisibles, comme, par exemple, un profond bien-être en compagnie ou à la pensée de l’être aimé.

Ainsi, le temps de grâce, appelé parfois « lune de miel », est éphémère et, au premier temps de l’amour, succède immanquablement une étape dans laquelle les signes de la passion diminuent progressivement, l’image idéalisée s’effrite, la fixation sur l’autre disparaît, chacun retrouve ses centres d’intérêts et redonne une place à d’autres personnes dans sa vie.

Il peut s’ensuivre une désillusion dont nous aurons l’occasion de reparler.

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Source de l’image : http://perlim.blogspot.com/2013/11/linstant-psy-quand-juliette-rencontre.html

[1] Blaise Pascal, Mathématicien, Philosophe, Physicien, Scientifique, Théologien français (1623 – 1662)

[2] Cantiques des cantiques, 1, 2.

[3] Dicton français. Voir aussi  https://www.mon-poeme.fr/citations-amoureux/

[4] Amoris Laetitia, 41.

[5] Genèse 2, 24.

[6] Neuvième commandement donné à Moïse pour rester libre.

1.1. Le temps du célibat

https://www.youtube.com/watch?v=WZpg4Irhy5c

Beaucoup de jeunes ou de moins jeunes souffrent de ne pas avoir trouvé l’âme sœur et, parfois même, ils subissent une pression sociale, en se culpabilisant d’être encore seuls et célibataires.

Des agences matrimoniales leur proposent leurs services, et de nombreux célibataires ou divorcés ont recours aux sites de rencontre. Pour limiter les abus constatés[1], la France a d’ailleurs règlementé le secteur avec la loi du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs, ainsi qu’à diverses pratiques commerciales[2].

Parfois les rencontres ne débouchent pas, car la personne n’est pas prête intérieurement à fonder une famille, et la priorité pour elle consiste à développer sa maturité émotionnelle et humaine. Des coaches, des psychologues et des conseillers conjugaux proposent leurs services en ce sens, tandis que l’Eglise invite les jeunes à développer leur vie intérieure.

Beaucoup de célibataires se demandent pour quelle raison ils n’ont pas trouvé l’homme ou la femme de leur vie, et quelle est la valeur de leur célibat.

Le célibat est une période de préparation plus que d’attente car la vie vaut la peine d’être vécue, même seul ! [3].

A défaut d’avoir rencontré l’âme sœur, certains cherchent dans le monde virtuel une consolation à la difficulté du monde réel.

Internet et les réseaux sociaux ont créé une nouvelle manière de communiquer et de se mettre en relation et
sont des espaces où les jeunes passent beaucoup de temps
et se rencontrent facilement[4]

Des sages comme Etti Hillesum, Jordan B. Peterson ou Jacqueline Morineau dans le monde profane ou bien Jean Bosco et Ignace de Loyola dans l’Eglise catholique, ont appris à discerner ce qui rend heureux. Il est bon de profiter de leur expérience précieuse, en méditant les points de repère qu’ils proposent :

  • Se connecter à son être profond, c’est-à-dire son âme, plutôt que de rester dans le mental et les plaisirs, qui  développent leur ego ;
  • cultiver une vraie liberté qui rende possible la rencontre avec d’autres, au lieu d’organiser sa vie comme exclusivement centrée sur soi ;
  • réfléchir à ce qu’on souhaite construire en observant des célibataires hommes, femmes et des couples plutôt que de céder à la facilité en vivant avec quelqu’un qui, comme nous, voudrait échapper à la solitude ;
  • nouer et cultiver des relations vraies et durables, en allant vers plus d’authenticité envers soi-même, plutôt que de multiplier les connaissances à l’infini,
  • se donner dans l’amitié, dans le service aux autres plutôt que multiplier les aventures et les amourettes, par peur d’être seul.
  • trouver le moyen de donner sa vie en dehors de la vie conjugale ou familiale qui tarde à se réaliser, plutôt que de nous obséder sur un résultat imaginaire ;
  • chercher ce qui nous rend vraiment heureux.

Le médecin psychanalyste Carl Gustav Jung parlait du principe de synchronicité, exprimant le fait que les occasions se présentent si l’on est soi-même prêt à les accueillir. Quoi qu’il en soit, il est sûr qu’on saura d’autant mieux saisir une occasion si l’on se connaît bien soi-même, si l’on s’accepte tel qu’on est, et si l’on est disponible intérieurement. Il importe donc de travailler sur soi-même, en apprenant à aimer notre personnalité toute entière, avec ses ombres et ses lumières, et en acceptant parfois de se faire aider.

Celui qui est dur pour soi-même, pour qui serait-il bon ?[5]

Une situation bien différente est celle des mères-célibataires voire des pères-célibataires[6], que le conjoint a abandonnés. Nous évoquerons ce point dans les sections 3.4 et 3.5 sur l’attente et l’accueil de l’enfant.

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[1] https://www.dossierfamilial.com/famille/couple/agences-matrimoniales-comment-eviter-larnaque-340613

[2] https://www.village-justice.com/articles/Les-agences-matrimoniales-loi,24549.html

[3] http://www.viesavie.com/question/vivre-le-celibat-comme-un-temps-de-preparation/

[4] François (Pape) Christus Vivit, n° 87.

[5] Amoris Laetitia, n° 101.

[6] Il existe des cas rares, où la mère abandonne son enfant au père et disparaît alors de sa vie.

1. Secrets d’amoureux

Accordailles

Tu as besoin d’amour ? Tu ne le trouveras pas dans la débauche, en utilisant les autres, en possédant les autres ou en les dominant. Tu le trouveras d’une manière qui te rendra véritablement heureux. […]
Tu cherches la passion ? Comme le dit ce beau poème, tombe amoureux ! […]
C’est cela qui te décidera à sortir du lit le matin,
qui décidera de ce que tu fais de tes soirées,
de ce à quoi tu emploies tes weekends, de ce que tu lis, de ce que tu sais, de ce qui brise ton cœur
et de ce qui te submerge de joie et de gratitude.
Tombe amoureux ! Demeure dans l’amour ! Tout sera différent[1]

Pour ceux qui ne sont pas encore amoureux, cet extrait d’une lettre du pape François aux jeunes, évoquait l’amour de Dieu, mais on peut aussi entendre à propos de l’amour humain.

Pour ceux qui sont amoureux et qui envisagent de vivre en couple, il importe de distinguer deux temps distincts :

  • le temps de discernement, pendant ce temps que l’on appelle parfois accordailles, allant du début de la relation amoureuse jusqu’à la décision de partager sa vie ou à celle d’interrompre la relation ;
  • le temps de la préparation à la vie commune, que nous appellerons aussi temps de fiançailles que nous développerons plus loin.
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[1] François (Pape) Christus Vivit, n° 131.

Partie I

Parmi les étapes de la vie, la plus joyeuse est sans doute la découverte de l’amour ;  la plus douce le début de la vie commune ; la plus  pénible, le désenchantement issu des conflits ; la plus dure la séparation et la plus belle la tendresse après les retrouvailles.

Pour permettre aux lecteurs de s’y retrouver, nous avons réparti les « secrets d’amour » en fonction des cinq grandes périodes possibles de la vie d’un couple :

  1. avant les fiançailles, avec la souffrance du célibat, la joie de la rencontre de l’être aimé et la nécessité du discernement ;
  2. une fois envisagé le projet de former un couple, au cours de la période des fiançailles et/ou de préparation au mariage ou à la vie commune ;
  3. au début la vie commune, pendant « la lune de miel » puis lorsque l’attirance initiale s’estompe, et que la routine, la venue de l’enfant ou les épreuves ébranlent les sentiments amoureux ;
  4. lors des moments de crise, quand « le vilain mari tue le prince charmant[1]» et qu’il importe de dépasser les rancœurs et accusations réciproques, voire de discerner dans la paix s’il est possible de continuer en couple, ou s’il faut envisager une séparation ;
  5. après une éventuelle séparation, définitive ou provisoire, et un divorce, avec ou sans retrouvailles et/ ou nouvelle union.

On peut rencontrer le même type de difficultés à plusieurs des étapes évoquées, mais nous avons choisi d’évoquer une seule fois les  mêmes conseils, si bien que nous proposons la table ci-après et un index en fin d’ouvrage pour permettre aux lecteurs de trouver facilement les indications qu’ils recherchent.

EtapesConseils
AccordaillesLe temps du célibat
Le sentiment amoureux
L’attirance homosexuelle
Le choix du futur conjoint
Le choix de former un couple
La chasteté préconjugale
La construction du nous
La saint Valentin autrement
FiançaillesLe choix du type d’union
La préparation au mariage
Apprendre à dialoguer et partager
Vers la maturité émotionnelle
Vers l’entente et l’harmonie Face aux premiers conflits
La prière en famille
Le courage de s’engager ou rompre
La cérémonie
Jeunes couplesLes clés pour être heureux
La sexualité dans le couple
La parentalité responsable
L’attente de l’enfant
L’accueil de l’enfant
Les équilibres dans le couple
Face à la routine
Face aux épreuves de la vie
Acteurs d’un projet commun
Temps de criseSignes précurseurs des difficultés
Face aux tensions quotidiennes
L’apprentissage du pardon
Les moyens d’apaiser les tensions
Face à l’infidélité,
Face à la violence
Vivre ensemble, malgré la souffrance
Discernement sur le lien conjugal
La souffrance des enfants
SéparésSéparés mais fidèle
Discernement sur la validité du mariage
Divorce civil et le procès en invalidité de mariage
Divorcé engagé dans une nouvelle union
Retrouvailles

Aimer pour la vie, ça s’apprend, ça s’entretient[2]

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[1] Claude Nougaro, « Une petite fille en pleurs »

[2] Slogan de www.vivre-et-aimer.org

Secrets d’amour : introduction

En visitant Paris, une chinoise s’est arrêtée devant une procession de mariage sortant d’une église. Après quelques explications avec leurs hôtes français, elle s’est écriée : « Moi, je voudrais me marier à l’Eglise catholique, parce que le mariage est indissoluble. »

Actuellement, le taux de divorce rapportés au nombre de mariages augmente partout dans le monde[1] :

  • 66 % au Luxembourg en 2016
  • 54 % en France[2] et en Belgique en 2016
  • 52 % en Russie en 2011
  • 48 % au Canada en 2010
  • 47 % en Italie en 2016
  • 46 % aux Etats-Unis en 2014
  • 30 % en Chine en 2015
  • 17 % en Egypte en 2010
  • 16 % en Algérie en 2013
  • 12 % à Malte en 2016
  • …/…

Ainsi le taux de divorce dans les pays musulmans est plus faible et de même chez les catholiques où, si l’on en croit le Georgetown’s Center for Applied Research, le taux de divorce serait deux fois moindre que celui des autres couples aux USA[3]. Les croyances et les pratiques religieuses y contribuent certainement, mais il y a aussi quelques secrets d’amour, que les sociétés religieuses ont découverts au fil des siècles et que l’Eglise catholique a mis en lumière lors du synode sur la famille et de l’exhortation « Amoris Laetitia » ou « la joie de l’amour ».

Les sociétés religieuses n’ont pas le monopole de l’amour, et la société civile fourmille aussi d’idées, de travaux et de bonnes pratiques ainsi que de secrets d’amour souvent méconnus, que nous nous proposons de mettre également en lumière.

Pour savoir d’où je parle, permettez-moi de me présenter :

J’ai 65 ans et je suis marié depuis 36 ans. Nous avons six enfants et deux petits-enfants. Fils d’hôteliers savoyards, j’ai alterné ma scolarité entre l’enseignement catholique et les écoles publiques, y compris  l’Ecole Polytechnique, et j’ai aimé ces deux mondes, au point que je me sens à la fois enfant de l’Eglise et enfant de la société. Comme un enfant de deux mères, je vis mal la tension entre l’Eglise et l’Etat, au point que je me sens mieux en Afrique qu’en France, où il m’est plus facile de concilier ma foi et mon travail professionnel. Après 40 ans dans l’administration française à Bercy, Matignon (Datar), dans des collectivités territoriales et dans des agences (ANVAR, Ademe), et ailleurs, j’ai créé mon entreprise energeTIC[4] pour faire ce que j’aime, en aidant les gouvernements africains pour la transformation énergétique, numérique et sociale de leur pays. Je vois trois raisons à l’écriture de ce livre :

  • La raison extérieure, cause accidentelle comme dirait Aristote, fut la constatation que les évêques chargés de créer des services d’information, de conseil et de médiation pour les couples en difficulté, n’avaient pas les outils pour le faire. Sur la demande de l’un d’entre eux, j’ai décidé apporter ma contribution puisque, personnellement, je dispose de quelques compétences en tant qu’homme marié, en tant que canoniste[5], et en tant que médiateur formé à la psychologie et à la transformation constructive des conflits.
  • La seconde raison, plus profonde, mais longtemps inavouée, est que mon couple et certains de nos enfants traversent actuellement des difficultés, et que je sentais confusément la nécessité de faire quelque-chose pour eux  et pour moi.
  • La troisième est un espoir que ce livre, serve pour d’autres que moi, et, pourquoi pas pour vous ?

Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à entretenir notre voiture, à promener notre chien, à regarder la télévision, à étudier des tas de choses, à développer notre carrière professionnelle. Quel temps consacrons-nous à notre conjoint, à notre relation de couple, à notre famille ?

De même, un nombre croissant de personnes consacre du temps et de l’énergie à leur développement personnel, pour se connecter à leur moi profond, que l’on peut appeler âme. Mais quels couples s’occupent de leur « développement conjugal » pour devenir une seule chair et une seule âme alors que certains s’interrogent : est-il bon, possible et souhaitable de vivre avec le même conjoint  toute sa vie ?

Ces quelques pages se proposent de les y aider, puisque j’ai découvert de précieux secrets d’amour, en fouillant d’une part dans mon expérience, et d’autre part dans les écrits des sages, les travaux des professionnels et les enseignements de la société et de l’Eglise.

Les professionnels de l’accompagnement des couples y trouveront sans doute la vision naïve d’un non-professionnel, mais ce faisant, ils pourront sortir des sentiers battus de ce qu’on leur enseigne, pour découvrir quelques perles inconnues, ne serait-ce que parce que la société civile et les sociétés religieuses ont à beaucoup apprendre l’une de l’autre.

L’ouvrage est structuré en deux parties complémentaires :

  1. les secrets d’amour des couples, consistant en une série d’expériences, de découvertes et de conseils proposés par des psychologues, des conseillers conjugaux et des médiateurs familiaux de par le monde, filtrés et illustrés avec mon expérience d’homme ordinaire, marié depuis 36 ans ;
  2. les secrets d’amour de la société pour l’accompagnement des couples et des familles, spécialement en France, en distinguant la société civile et les sociétés religieuses.

L’ouvrage s’adresse à cinq catégories de personnes :

  1. les hommes et femmes qui accordent de l’importance à la vie en couple et à la vie en famille ;
  2. les accompagnateurs des couples et des familles ; professionnels ou non, chrétiens ou non, qui souhaitent découvrir des travaux récents en matière de psychologie, sociologie, conduite du changement ;
  3. les décideurs et autres « policy makers » qui souhaitent ouvrir une fenêtre sur ce que font leurs voisins : d’une part les acteurs de la société civile intéressés par une politique familiale visant à la stabilité des familles, et d’autre part les évêques diocésains chargés de créer des « services d’information, de conseil et de médiation » pour les couples en préparation, en marche et/ou difficulté ;
  4. les « journalistes » et les chercheurs, intéressés par une étude comparée des bonnes pratiques ;
  5. mon épouse, nos six enfants et leurs proches, ainsi que nos amis, sans oublier moi-même.

Se marier est l’affaire d’un jour,

rester marié est l’effort de toute une vie[6]

Chaque section est accompagnée de nombreuses citations, illustrations et références  tirées principalement :

  • de grands témoins de la société comme Etty Hillesum, Adam Kahane, Gary Chapman, John M. Gottman, Jordan B. Pederson et d’autres professionnels de la relation conjugale ;
  • de la Bible, du Coran et des exhortations des papes Jean-Paul II et François ainsi que des associations agissant en faveur des couples ;
  • des poésies de mon épouse Sylvie, et de ma propre histoire ;
  • du web et de mes formations de facilitateur, médiateur et formateur.

Nous nous sommes efforcés de  conserver un équilibre entre les deux types de sources profanes et sacrées, que nous estimons complémentaires, même si elles sont parfois contradictoires sur certains points. Le choix de nos quelques 500 citations et références privilégie en outre :

  • les sources accessibles gratuitement sur le web, par rapport à celles qui sont enfermées dans des bibliothèques ou disponibles moyennant l’achat d’un livre ;
  • celles qui sont pratiquement utilisables, par rapport à celles qui sont plus théoriques.

Pour affronter une crise, il faut être présent.
C’est difficile, car parfois les personnes s’isolent
pour ne pas exposer ce qu’elles sentent,
elles s’enferment dans un silence mesquin et trompeur.
En ces moments, il est nécessaire de créer des espaces
pour communiquer cœur à cœur. Le problème est qu’il devient plus difficile de communiquer de cette façon
durant une crise, si on n’a jamais appris à le faire.
C’est tout un art qu’on apprend dans des moments de calme,
pour le mettre en pratique dans les temps durs[7].

Après avoir relu les pages de cet ouvrage et les avoir adaptées à leur vision et à leur contexte, les acteurs des politiques familiales et les personnes intéressées pourront s’en servir à volonté et recopier sur leur site internet ou sur d’autres supports celles qui leur semblent utiles.

 C’est la raison pour laquelle les présentes informations sont en accès libre sur le web[8], diffusées sous licence « creative common » avec les options suivantes :

  • Paternité : mettre un lien sur www.canonistes.org/couples/ et citer obligatoirement le nom des auteurs antécédents ;
  • Utilisation commerciale : non autorisée, sans autorisation de l’Harmattan ;
  • Modifications : autorisées avec obligation de partage dans les mêmes conditions

La pré-édition du 11 octobre 2019 intègre des corrections nécessaires par rapport à celle du 8 septembre et commence à prendre en compte l’expérience des musulmans chez qui le taux de divorce apparaît très faible  dans les statistiques nationales.

Comme il l’a fait pour ses précédents ouvrages, l’auteur est friand de tous les conseils et critiques qui lui seront prodigués pour compléter et/ou améliorer cet ouvrage au service des couples, des familles, de l’Eglise et de la société.

Partie 1 : secrets d’amour
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[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Divorce_demography

[2] 46 % selon l’INED : https://www.ined.fr/fr/tout-savoir-population/chiffres/france/mariages-divorces-pacs/divorces/

[3] http://www.ncregister.com/daily-news/catholics-continue-to-have-lowest-divorce-rates

[4] www.energeTIC.fr

[5] Juriste de l’Eglise catholique. Cf www.canonistes.org

[6] Slogan de http://retrouvaille-coupleencrise.fr/

[7] Amoris Laetitia, n° 234.

[8] www.canonistes.org/couples/

La médiation à la lumière de la Bible

Je me suis risquée à explorer des similitudes entre les ap­ports de la Bible et ceux de la médiation. Voici les rapprochements que j’ai trouvés : la Bible dresse le cadre légal, dit comment cheminer vers l’accord, prône l’importance de l’altérité, du rétablissement de la confiance et, grâce à la communi­cation non violente, donne la conduite pour aboutir à la réconciliation et au pardon. Spiritualité et médiation ne peu­vent être dissociées.

I. Le cadre légal de la médiation

La médiation, prévue par la loi, est un outil supplémentaire, donné au juge, pour lui permettre de remplir au mieux sa mis­sion qui est de contribuer à la paix sociale.

Une autorité extérieure peut trancher le litige, conformément à la loi. Mais le différend peut aussi se dénouer de l’intérieur quand les parties, après s’être écoutées, trouvent elles-mêmes une solution conforme à leurs intérêts.

On retrouve dans la Bible ces différents moyens de résoudre les conflits. Le texte sacré nous renvoie à la Loi, mais aussi, au-delà du texte de la Loi, à l’Esprit de la Loi pour trouver une solution équitable, dans l’écoute et le respect de l’autre.

1. La Loi dans la Bible

Dans les livres de l’Exode et du Deutéronome, la Bible nous enseigne que le premier médiateur entre Dieu et les hommes, c’est Moïse : Dieu lui remet les tables de la Loi sur lesquelles il a gravé, dans la pierre, le Décalogue. Les dix commandements sont des recommandations de Dieu pour permettre aux humains de construire une relation harmonieuse, tout en les laissant libres de leurs actes.

Étymologiquement, le mot « commandement » vient du latin Cum Manum Dare, donner la main. Dieu prend les hommes par la main et leur donne la direction à suivre.

Les relations humaines découlant de la Bible s’inscrivent donc dans un cadre légal, dans une communication verticale, « parent-enfant », qui n’est pas sans évoquer notre institution judiciaire où le juge, brandissant l’épée et appliquant la loi, donne la norme à suivre à nos concitoyens.

Le second médiateur dans la Bible, c’est Jésus. Il n’est pas venu pour abolir la loi, mais pour l’accomplir[1].

À côté de la loi, il y a une place pour l’écoute de la souf­france. Jésus n’est pas venu pour les bien-portants qui suivent la loi, mais pour ceux qui souffrent :

« Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de mé­decins, mais les malades. Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs ».[2]

Jésus s’attache à l’équité et à l’esprit de la loi, plus qu’au texte même. Il va permettre à l’homme de devenir co-créateur de son propre destin dans une relation d’égalité. On entre dans une communication horizontale, d’adulte à adulte, que l’on re­trouve en médiation.

2. L’homme créateur de son destin

Le procès peut être comparé à un iceberg : la partie visible de l’iceberg correspond au litige juridique dont est saisi le juge : une des parties a violé la loi. Mais, au-delà de l’atteinte à la loi, le conflit peut ne concerner que la relation interpersonnelle entre deux parties. Il peut naître d’une souffrance psycholo­gique à laquelle l’application de la loi ne peut apporter de remède. Un procès naît souvent d’une souffrance habillée en termes juridiques par l’avocat, puis par le juge.

C’est pourquoi les Évangiles incitent d’abord au dialogue avant de recourir au juge :

« Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins. Que s’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté. » [3]

Le premier miracle accompli par Jésus est celui des noces de Cana où Jésus transforme l’eau contenue dans six jarres en vin.[4] Il signe le passage de l’Ancien au Nouveau Testament. L’eau, don de Dieu, est le symbole de l’Ancien Testament (Moïse fait jaillir l’eau du désert, les eaux de la Mer Rouge se retirent lors­que les Hébreux fuient d’Égypte.) À Cana, l’eau est changée en vin, symbole du Nouveau Testament. Le vin, c’est le fruit de la vigne « et du travail de l’homme ». L’homme est désormais associé à la création divine, comme il l’est, en médiation, dans la recherche de son accord.

Le chiffre sept est le chiffre de l’Homme et celui de Jésus. Il est composé du quatre, qui représente la matière et du trois, qui est l’esprit. Le sept, c’est l’incarnation de l’Esprit dans la ma­tière : Dieu en chacun de nous. Dieu crée le monde en six jours et le septième, il se repose. En fait, le septième jour, Dieu laisse le soin à l’homme de poursuivre son œuvre. L’homme a la li­berté de construire son avenir et de parachever la création de Dieu.

Chacun a raison de son point de vue. Cette « vue d’un point » n’est pas objective. Ce n’est pas la Vérité. La médiation suppose un travail sur les représentations de chacun (croyances, valeurs, besoins) pour construire ensemble une autre réalité qui tienne compte des perceptions de l’un et de celles de l’autre.

Déjà, dans l’Ancien Testament, Justice, Vérité, Paix et Amour étaient liés :

« Amour et Vérité se rencontrent, Justice et paix s’embrassent. La Vérité germera de la terre et du ciel se pen­chera la Justice ».[5]

Cette phrase fait écho à ce que disait Pierre Drai, premier prési­dent de la Cour de cassation : « La Justice sans la Paix, est-ce encore la Justice ? »

L’enseignement de Jésus nous amène à associer Justice, Paix et Vérité, but de la médiation. Un médié m’a écrit un jour : « Je vous remercie de m’avoir permis de retrouver la Paix, à travers Justice et Vérité. »

Tout médiateur commence sa présentation en disant aux mé­diés : c’est vous qui allez créer votre accord. On ne va pas vous le souffler. On vous donne le cadre, on vous donne les moyens, et vous allez trouver votre accord. Et les médiés vont cheminer avec le médiateur qui va les guider en les prenant « par la main ».

3. Les qualités du médiateur

Quelles sont les qualités du médiateur ?

La tradition chrétienne fait naître Jésus entre un âne et un bœuf. Pourquoi, alors que, en Palestine, il n’y a pas de bœufs ?

Dans Isaïe[6] on lit : « Le bœuf connaît son maître » : il con­naît la personne de son maître. Il symbolise le verbe être. « L’âne connaît la maison de son maître » : il connaît donc l’avoir. Jésus serait-il né entre l’âne et le bœuf pour permettre à tout homme de réconcilier en lui l’être et l’avoir ?

Mais il y a une deuxième symbolique de l’âne et du bœuf. Quelle est la caractéristique d’un âne ? Il a de grandes oreilles. Qu’est-ce qu’on fait avec des oreilles ? On écoute. Tiens, tiens, l’écoute active, vous n’en avez pas entendu parler en média­tion ? Le sage sait écouter. Donc l’âne, qui est en Palestine un compagnon de voyage, va souffler sur Jésus la sagesse.

Le bœuf tire la charrue. Il représente ainsi le travail et la droi­ture. Et ses cornes sont comme des antennes reliées au Ciel : symbole de la connaissance.

C’est-à-dire que ces deux animaux, l’âne et le bœuf, vont souf­fler à ce nouveau-né les grandes qualités du médiateur, compagnon de voyage des médiés : sagesse, connaissance, tra­vail et droiture, vont lui permettre de les prendre par la main pour les aider à cheminer.

II. Accepter de cheminer

Pour cheminer, l’homme doit d’abord abandonner son état d’esclave pour celui d’homme libre. Il le fait, en passant la Mer Rouge. La tradition fait des Hébreux des esclaves en Égypte.[7]

Lors du passage de la mer Rouge, les eaux qui se retirent font penser à une naissance. L’esclave va accéder à la liberté. C’est la Pâque, le passage. Mais il ne devient pas libre du jour au lendemain. Il commence par errer 40 ans dans le désert. C’est le cheminement à faire pour gagner la liberté.

« Dieu créa l’homme à son image, à sa ressemblance. »[8] L’homme a été créé pour tendre à la ressemblance de Dieu. Ève a péché, c’est-à-dire qu’elle s’est trompée de chemin. Elle n’a pas tendu à la ressemblance de Dieu, elle a voulu être Dieu.

Le livre de la Genèse nous enseigne[9] qu’au paradis terrestre, il y a l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Qui a la connais­sance sinon Dieu ?

« Le serpent dit à la femme… Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux qui connaissent le bien et le mal »[10]

Ève mange la pomme, fruit de la connaissance. Par ce rac­courci, elle veut acquérir la connaissance de l’extérieur pour devenir aussi puissante que Dieu. Elle veut « avoir » la connais­sance, alors qu’elle aurait dû « devenir » connaissance. On est encore dans l’être et l’avoir. Elle n’a pas fait son chemin.

C’est pourquoi le médiateur ne doit pas souffler l’accord aux parties. Il doit les laisser cheminer pour « devenir » leur accord. Ils doivent accoucher d’eux-mêmes après que cha­cun ait compris le point de vue de l’autre.

III. L’altérité

L’altérité occupe une grande place dans la Bible : « Aime ton prochain comme toi-même. »[11]

Le prochain est mis sur un pied d’égalité avec nous-mêmes. On ne l’aime pas plus ou moins que soi-même : on doit l’aimer comme soi-même. L’enseignement de l’Évangile est basé sur le respect de l’autre avec qui nous devons cheminer, car son « point de vue » est aussi important que la vue que j’ai du point où je me situe.

Nous avons une illustration de cette solidarité avec la para­bole du bon Samaritain[12] 

Le Samaritain, en Palestine, à l’époque des Évangiles, est un étranger rejeté. Mais lui, au lieu de rejeter l’autre à son tour, va s’arrêter et secourir un homme laissé à demi mort sur la route. Il va l’amener dans une auberge. Il est tourné vers les besoins de l’autre.

IV. La confiance

Pour cheminer avec l’autre vers un accord, il faut avoir con­fiance à la fois dans le médiateur et dans la parole de l’autre et croire que l’accord est possible. Le médiateur amène les parties à cheminer dans la confiance.

Dans notre vie de tous les jours, il y a les tourments, la presse, les tourbillons, les ennuis. Et on a l’impression qu’on n’y arrivera pas et qu’on va couler.

C’est pourquoi le médiateur doit continuellement redonner con­fiance aux personnes en cherchant à toujours positiver :

  • Il m’a traité de menteur, donc c’est fini, j’arrête la média­tion.

Et le médiateur intervient, reformule :

  • Je vois que vous êtes tous les deux très attachés à la no­tion de vérité, donc, on va y arriver. » Et on repart.

Se dire que tout est possible et qu’il doit être posé des actes de confiance se retrouve dans la Bible : « Tout ce que vous deman­derez en priant, croyez que vous l’avez reçu et vous le verrez s’accomplir »[13]

Cette confiance est illustrée par Pierre qui marche sur les eaux.[14]

Il y a une grande tempête. C’est la panique à bord de la barque (c’est-à-dire en nous). Et, tout à coup, Jésus arrive vers les apôtres, en marchant sur les eaux. Alors, Pierre, dans sa can­deur, lui demande de dire un mot pour qu’il le rejoigne et Jésus lui dit seulement « viens ». Ça ne pouvait pas être plus bref. À Pierre, cela suffit. Il a confiance. Il enjambe la barque et marche sur l’eau. L’évangéliste écrit : il « voit » la force du vent. On sent le vent, mais on ne le voit pas. L’emploi du mot « voir » est important. Pierre détourne son regard de son but : Jésus. Il re­garde à côté et il voit la mer démontée. Il a peur, il n’a plus confiance et il coule.

V. La communication non violente (CNV)

La CNV nous enseigne que ce sont nos propres défauts qui nous font souffrir. Pour se protéger, on se les cache à soi-même. C’est pourquoi, lorsqu’on les retrouve chez les autres, on ne les supporte pas. On reproche à l’autre, par exemple, son égoïsme ou son orgueil ou d’avoir peur de tout. En fait, on se projette sur l’autre qui nous renvoie nos défauts comme un miroir. Toute la CNV est fondée sur les besoins essentiels de celui qui s’exprime et sur l’interdiction de le juger.

Je me rappelle d’une femme qui m’avait dit :

  • Mon mari est égoïste.

Je lui ai demandé de me préciser en quoi il était égoïste.

Elle m’a répondu :

  • J’ai froid et il ne met pas le chauffage à la maison.

Mais, les finances du couple ne permettaient pas d’améliorer le chauffage. J’ai amené la femme à réaliser qu’en réalité elle avait besoin que son mari s’occupe d’elle. Et que l’égoïste… c’était elle !

Or, la Bible nous enseigne que la femme a été créée, non pas avec une côte d’Adam, ce qui n’aurait aucun sens, et qui serait le résultat d’une erreur de traduction[15], mais avec l’autre côté d’Adam, son côté dans les ténèbres, pour que, détaché de lui, il puisse en prendre connaissance par un effet de miroir.

On lit, dans ce texte, que Dieu donna à l’homme des pouvoirs sur la terre, y compris celui de nommer « les animaux ».[16] Qui sont les animaux que l’homme peut nommer ? Est-ce le chien, le chat, l’éléphant, les moustiques, etc., ce qui, là encore, n’aurait aucun sens ? Ne serait-ce pas plutôt nos animaux inté­rieurs, nos besoins essentiels, nos défauts ?

Une fois nommés, on a un pouvoir sur eux. Quand un ami passe dans la rue et que je l’interpelle : Daniel ! Il se retourne. J’ai un pouvoir sur lui : je connais son nom.

Ainsi, l’autre est par son comportement le révélateur d’un be­soin essentiel qui, en moi, n’est pas satisfait, mais que je ne veux pas connaître, précisément parce que, inconsciemment, il me fait souffrir. Une fois mis en lumière, j’ai un pouvoir sur lui.

C’est la supériorité de l’homme sur l’animal. Le chien ne sait pas que, dans telle circonstance, il va se mettre en colère. Il n’a aucun pouvoir sur « ses animaux intérieurs ». Tout au long de la médiation, le médiateur permet à chacun de mettre en évi­dence ses besoins et ceux de l’autre. Il est différent, mais on va respecter son point de vue. Le respect de l’autre est une valeur chrétienne. Les bases de la communication non violente se retrou­vent dans la Bible !

Le « Tu ne jugeras pas » de l’Évangile prend alors toute sa di­mension :

« En jugeant les autres, tu te condamnes toi-même, puisque toi qui juges, tu fais les mêmes choses »[17]

De même, cet autre passage est une illustration de la CNV[18] :

« Qu’as-tu à regarder la paille dans l’œil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton œil à toi, tu ne la remarques pas ? Comment peux-tu dire à ton frère : “Frère, laisse-moi retirer la paille qui est dans ton œil”, alors que tu ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? Esprit faux ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère. »

VI. La réconciliation et le pardon

On ne peut pas cheminer avec quelqu’un que l’on considère comme un « adversaire ». La réconciliation passe par le pardon.

L’Évangile de Matthieu est riche en référence au pardon :

« Si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec ton frère. »[19]

Qui n’a pas présent dans l’esprit la réponse de Jésus à Pierre qui lui demandait combien de fois il faudra qu’il pardonne à son frère lorsqu’il péchera contre lui. « Sera-ce sept fois ? Jésus lui dit : je ne te dis pas sept fois, mais 77 fois sept fois ».[20]

C’est un appel à la plénitude dans le pardon. Pour pouvoir che­miner sur le chemin de vie sans être entravé par les liens de la rancune et le désir de vengeance, il est nécessaire de passer par le pardon. Pour Lewis B. Smedes, « Pardonner, c’est libé­rer un prisonnier et découvrir que le prisonnier c’était soi-même ».

Une médiation menée à la lumière des Évangiles

Voici un exemple de médiation qui illustre l’importance et l’usage de la culture commune et partagée. Si je n’avais pas été de culture chrétienne, cette médiation, que j’ai menée, n’aurait pas abouti. J’ai mené ce cas, en co-médiation, avec mon mari, Michel.

Le juge m’avait téléphoné pour m’avertir qu’il y avait du meurtre dans l’air. Quatre frères et sœurs et leurs conjoints : huit personnes dans la salle. Dès la première réunion, tout le monde hurlait. Surtout deux femmes, deux belles-sœurs, qui s’invectivaient.

Nous avons dû interrompre la réunion. J’ai pris à part les deux femmes, pendant que Michel continuait avec les autres. Cette réunion séparée a permis de découvrir la partie invisible de l’iceberg : l’une était allée conter fleurette à son beau-frère, c’est-à-dire le mari de l’autre. C’était même plus que fleurette. Elle était devenue « une voleuse de mari ».

À partir de là, la famille se battait pour sept centimètres de mur. Ils étaient quatre maçons et avaient acheté un terrain en commun sur lequel chacun avait construit sa maison. Et voilà qu’un mur (celui du mari trompé) dépassait de sept centimètres sur le terrain voisin, celui du beau-frère coupable ! Pour sept centimètres de mur, on était en procès depuis 10 ans ! Vous réalisez ce que c’est que sept centimètres ?

Pour régler ce problème, il fallait passer par le pardon. J’entre dans la maison de la femme adultère et suis accueillie par la Vierge de Fatima et, dans le salon, par le Christ.

On échange :

  • La femme : je suis une pécheresse. Je vais à la messe tous les jours et je ne me pardonnerai jamais ce que j’ai fait.
  • Moi : Qu’est-ce que Jésus a dit à la femme adultère ?
  • La femme : Ah oui, il a dit « Moi non plus, je ne te con­damne pas. Va et ne pèche plus ».
  • Moi : Jésus ne vous condamne pas. C’est vous qui vous con­damnez. On est tous pécheurs. Et, Jésus a dit « Je ne suis pas venu pour les bien-portants, je suis venu pour les pé­cheurs ».[21]
  • La femme : Je vais à la messe tous les jours.
  • Moi : Cela ne sert à rien si vous ne vous êtes pas par­donné et si vous n’avez pas demandé pardon à l’autre.
  • La femme : Lui demander pardon, c’est impossible, elle n’acceptera pas.
  • Moi : si vous ne le lui demandez pas, elle ne peut pas accep­ter.
  • La femme : Je vous ai dit qu’elle n’accepterait pas
  • Moi : Et si elle acceptait, vous pourriez lui demander par­don ?
  • La femme : Oui, si elle acceptait de me pardonner.
  • Moi : Alors, je vais lui parler.
  • La femme : Bon, je veux bien. Si elle vient chez moi, je lui demanderai pardon.

Alors, me voici chez l’autre femme.

  • La femme : C’est une garce, elle a fait une chose épouvan­table. Je ne lui pardonnerai jamais. Mais je prie pour elle, pour qu’elle change. Je vais à la messe tous les jours, et je communie quotidiennement.
  • Moi : Cela ne sert à rien si vous ne lui pardonnez pas. Rap­pelez-vous ce que Jésus a dit : « si tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, va d’abord te réconci­lier avec ton frère, puis reviens et alors présente ton offrande ».[22]
  • La femme : Ce qu’elle a fait est impardonnable.
  • Moi : Jésus n’a-t-il pas dit à Pierre de pardonner 77 fois sept fois ? C’est-à-dire qu’il faut pardonner en toutes cir­constances. Tant que vous n’aurez pas pardonné, vous serez liées l’une à l’autre. C’est encore dans l’Évangile : « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel ».[23] C’est-à-dire que c’est seulement si vous acceptez de lui pardonner, que tout pourra être délié. Connaissez-vous l’étymologie du mot « condamner » ? Il vient du latin « cum damnare », se damner avec. Si vous la ju­gez et que vous la condamnez, vous vous damnez avec elle. Mais vous pouvez redevenir libre, en pardonnant. Est-ce que vous seriez d’accord ?
  • La femme : Non, parce qu’elle ne voudra jamais me deman­der pardon. Elle est bien trop fière.
  • Moi : Si elle vous demande pardon, est-ce que vous accepte­riez de lui donner ce pardon ?
  • La femme : Oui, si elle me le demande, j’accepterais, mais elle ne le demandera pas.
  • Moi : Venez chez elle. Elle va vous demander pardon.

Elles sont tombées dans les bras l’une de l’autre, en larmes. C’était bouleversant. Le pardon demandé fut accordé. Elles se sont embrassées, scellant ainsi leur réconciliation. Elles étaient rayonnantes. La médiation était bien plus qu’un accord.

Pour les maris, ce fut autre chose. On n’est pas arrivé au même stade, mais les femmes ont décidé d’œuvrer chacune dans leur foyer, pour qu’ils se reparlent et se pardonnent.

Un jeu de rôle de médiation trouvé dans les Évangiles : la femme adultère

L’Évangile de la femme adultère nous donne un magnifique exemple de médiation fondé sur le non-jugement :

« Les spécialistes de la loi et les pharisiens amenèrent une femme surprise en train de commettre un adultère. Ils la placè­rent au milieu de la foule et dirent à Jésus : “Cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes. Et toi, que dis-tu ? »

Ils disaient cela pour lui tendre un piège, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus se baissa et se mit à écrire avec le doigt sur le sol.

Comme ils continuaient à l’interroger, il se redressa et leur dit :

Que celui d’entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle.

Puis il se baissa de nouveau et se remit à écrire sur le sol. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, à commencer par les plus âgés et jusqu’aux derniers ; Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors il se redressa et, ne voyant plus qu’elle, il lui dit :

Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a donc condamnée ?

Elle répondit :

Personne, Seigneur.

Jésus lui dit :

Moi non plus, je ne te condamne pas. Va et désormais, ne pèche plus. »[24]

Les scribes et les pharisiens cherchent à confondre Jésus qui est face au dilemme : condamner ou refuser d’appliquer la loi. En tant que médiateur, nous avons tous connu ce genre de situa­tion déstabilisante qui peut nous faire perdre notre impartialité :

  • Et vous, monsieur le médiateur, et vous madame la média­trice, qu’est-ce que vous auriez fait à ma place ? Ce qui sous-entend que vous aussi, vous auriez fait la même chose que moi, n’est-ce pas ? Vous êtes de mon côté. On ap­prend à s’en tirer par une pirouette du genre :
  • Je comprends, mais mettez-vous aussi à la place de l’autre. Ou bien :
  • Je sais ce que je ferai à ma place, mais, à votre place, non je ne sais pas ce que je ferai.

Jésus se lève et déjoue le piège. Debout, c’est le maître qui parle :

  • Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre.

Il se rassoit et continue à écrire. Une fois seul avec la femme, il se relève et lui fait reformuler la situation :

  • Personne ne m’a condamnée.

C’est sa bouche qui prononce ces paroles. Vous comprenez l’importance de cette reformulation. Après qu’elle a reformulé la situation, Jésus conclut :

  • Moi non plus, je ne condamne pas, je ne te juge pas.

VII. Conclusion : la prière du médiateur

La magnifique prière de Saint François d’Assise pourrait être celle du médiateur, car elle dicte la manière de faire naître réconfort, compréhension et pardon. C’est en semant l’amour que l’on contribue à éradiquer la haine pour éviter de répondre œil pour œil, dent pour dent.

Seigneur, fais de moi un instrument de Ta paix

Là où il y a la haine, que je mette l’Amour

Là où il y a l’offense, que je mette le pardon

Là où il y a la discorde, que je mette l’union

Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité

Là où il y a le doute, que je mette la foi

Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance

Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière

Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.

Ô, Seigneur, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à con­soler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer… (Saint François d’Assise).

Béatrice Blohorn-Brenneur

Présidente de chambre honoraire,
présidente de GEMME, de GEMME-France et de CIM,
ancienne médiatrice du Conseil de l’Europe,
formatrice en médiation et médiatrice


[1] Matthieu 5, 17-18

[2] Mc 2,17 ; Lc 5, 31-32; Mtt 9, 12-13 

[3] Mtt 18, 15-18

[4] Il est relaté dans Jean, 2, 2-11

[5] Ps 84

[6] Isaïe 1,3

[7] Selon Annick de Souzenelle, dans son livre « L’Égypte intérieure ou les dix plaies de l’âme », « l’Égypte, Mitsraïm en hébreu, est essentiellement une matrice d’eau (Maïm – les eaux et Tsr — étroit) » (Ed Albin Michel page 31).

[8] Gn 1, 26-27

[9] Gn 2, 16-17

[10] Gn 3, 5-6

[11] Matthieu 19,19 ; Marc12, 31 : Luc 10, 27-28 ; Lévitique 19,18

[12] Luc 10, 25-37

[13] Luc 10, 25-37

[14] Mtt 14,22-33

[15] Annick de Souzenelle, propose une traduction différente de la Bible, dans son livre, « La parole au cœur du corps ». Elle soutient que le même mot en hébreu veut dire « côte » ou « côté ». En réalité, la traduction la plus logique serait que la femme ait été créée avec l’autre côté d’Adam, côté qui lui demeurait caché.

[16] Gn 2, 20

[17] Lettre de St Paul aux Romains, chapitre 2

[18] Lc, 6, 39-42

[19] Mtt 5, 23

[20] Mtt 18,22

[21] Lc, 5, 32

[22] Mtt 5, 23

[23] Mtt 18 : 18

[24] Jean 8, 1-11

Médiations judiciaires et administratives dans les sociétés religieuses.

Peut-on parler de médiation judiciaire et administrative dans les sociétés religieuses ?

La réponse à cette question nécessite de questionner le droit propre de ces sociétés à savoir :

  • le droit canonique pour l’Église catholique,
  • la discipline dans les Églises protestantes,
  • la Charia et le Fiqh pour l’Islam,
  • la Thora, le Talmud, la Mishna, les Takkanot et les Res­ponsa pour le judaïsme, etc.

Pour ce qui concerne les Églises chrétiennes, commençons par quelques passages des Écritures :

  • Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamnés. Pardonnez, et vous se­rez pardonnés. (Luc 6, 37)
  • Votre Père qui est aux cieux ne veut pas qu’un seul de ces petits soit perdu. Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. S’il ne t’écoute pas, prends en plus avec toi une ou deux personnes afin que toute l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois té­moins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’assemblée de l’Église ; s’il refuse encore d’écouter l’Église, considère-le comme un païen et un publicain. Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. (Mt 18, 14-18)
  • Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. (Mt, 5, 25)
  • Lorsque l’un d’entre vous a un désaccord avec un autre, comment ose-t-il aller en procès devant des juges païens plutôt que devant les fidèles ? (Co, 6, 1)

De ces passages, interprétés à la lumière de l’ensemble de l’Écriture et de la tradition chrétienne, nous retiendrons cinq points :

  • 1. Les fidèles doivent rechercher par le dialogue, un ac­cord avec leur adversaire ;
  • 2. En cas d’échec, ils doivent faire appel à des tiers, agis­sant comme témoins ou médiateurs[4] ;
  • 3. Les apôtres ont reçu le pouvoir de lier et délier pour le bien de la communauté ;
  • 4. Tous doivent éviter les procès à l’intérieur de la commu­nauté et, a fortiori en dehors d’elle ;
  • 5. Chacun est invité respecter les autres, y compris ceux qui se comportent comme des païens.

Chez les chrétiens, la justice a fonctionné, au point qu’aux IVe et Ve siècles, certains évêques, dont saint Augustin, se plaigni­rent d’être surchargés de procès, qui les détournaient de leur vraie mission.[5]

Au XXe siècle, le Concile Vatican II a profondément modi­fié la vision que l’Église catholique avait d’elle-même, en passant d’une Église hiérarchique, vue comme société parfaite, à une Église basée sur la communion entre les fidèles d’égale dignité, du fait de leur baptême[6]. Ainsi la justice de l’Église a-t-elle désormais pour objet le salut des âmes et « la reconstitution de la communion ecclésiale »[7]

Le 15 août 1967, peu après le Concile Vatican II, le pape Paul VI a considéré qu’il ne suffisait pas de donner des droits et des obligations aux fidèles, mais qu’il fallait aussi leur donner le moyen de les faire respecter, notamment vis-à-vis des abus de pouvoir de la hiérarchie ecclésiastique. Il a ainsi créé une sec­tion administrative au sein du Tribunal suprême de la Signature apostolique, chargée de trancher « les contestations nées de l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique ».

En 1983, l’Église a révisé son code de droit canonique pour l’Église romaine[8], en évoquant la médiation conventionnelle (avant les procès) et judiciaire (au cours des procès), comme indiqué ci-après :

Can. 1733 — § 1. Il est hautement souhaitable que chaque fois qu’une personne s’estime lésée par un décret, le conflit entre elle et l’auteur du décret soit évité et que soit recherchée entre eux d’un commun accord une solution équitable, en utili­sant au besoin la médiation et les efforts de sages, pour éviter le litige ou le régler par un moyen adéquat.

Can. 1733 — § 2. La conférence des évêques peut décider que soit constitué de manière stable dans chaque diocèse un organisme ou un conseil dont la charge sera de rechercher et de suggérer des solutions équitables selon les normes établies par la conférence ; mais si la conférence ne l’a pas ordonné, l’Évêque peut constituer un conseil ou un organisme de ce genre.

Can 1446 — § 2. Au début du procès et même à tout mo­ment, chaque fois qu’il entrevoit quelque espoir d’une solution favorable, le juge ne doit pas omettre d’exhorter et d’aider les parties à chercher d’un commun accord une solution équitable à leur différend, et il leur indiquera les moyens convenables à cette fin, en ayant notamment recours à la médiation de sages.

En application du canon 1733 § 2, l’Église a expérimenté la médiation dans de nombreux pays avec des modalités et des résultats variables :

En France, le Secrétariat général de l’épiscopat a publié en 1993 un document intitulé « Laïcs chargés d’une mission dans l’Église », invitant les diocèses volontaires à mettre en place des conseils de médiation. Vingt-sept diocèses pilotes les ont expéri­mentés en 1994 et 1995, mettant en évidence deux difficultés :

  • le caractère obligatoire ou non des accords de médiation vis-à-vis de l’autorité ;
  • le fondement juridique incertain des conseils interdiocé­sains.

Ainsi, la Conférence des évêques de France a adopté, le 6 no­vembre 1996, un décret prévoyant que chaque évêque crée un « conseil diocésain de médiation » pour rechercher des solu­tions équitables en cas de conflit. Ce décret ayant été approuvé par la Congrégation des évêques du Saint-Siège, 40 évêques français ont créé de tels conseils, 21 ont choisi de ne pas en créer tandis que les autres restaient indécis[9].

Outre ces conseils diocésains, quelques instances nationales de médiation ont été créées et fonctionnent encore aujourd’hui :

  • En 2001, la Conférence des évêques de France a créé en son sein un Service des Accueil et Médiation pour la vie reli­gieuse et communautaire (SAM)
  • En 2013, l’article 83 des statuts de l’enseignement catho­lique[10] indique « En cas de désaccord, voire de crise, les personnes peuvent être accompagnées sous la forme de mé­diation. Il s’agit d’un processus volontaire guidé par un tiers indépendant et impartial ; les décisions et accords qui interviennent sont le seul fait des personnes concer­nées par la médiation. » Un groupe de médiateurs a été mis en place et fonctionne[11].

À l’étranger, le canon 1733 §2 a reçu diverses formes d’application, par exemple :

  • Aux Pays-Bas, quatre diocèses sur sept ont mis en place un conseil, avec un certain succès, puisque la moitié des 30 médiations effectuées en 1999 et 2000 ont abouti à un ac­cord ;
  • Aux États-Unis, la Canon Law Society of America (CSLA) a adopté un rapport sur les procédures équitables de résolution alternatives des conflits (due process), qui a permis d’aboutir à un accord dans plus de la moitié du mil­lier de cas traités. En 1991, le rapport est actualisé, en prévoyant trois types de procédures à savoir la concilia­tion, l’arbitrage et le procès administratif.

Malgré ces avancées dans de nombreux pays, la médiation dans l’Église catholique n’a pas reçu le succès escompté, sans doute du fait de quatre raisons suivantes :

  • souvent, l’Eglise préfère nier les conflits plutôt que les abor­der[12] ;
  • souvent les médiateurs retenus n’étaient pas formés à la mé­diation ;
  • souvent, les médiateurs étaient des prêtres, dépendants des évêques, et donc non indépendants des parties ;
  • souvent, les évêques ont remis en cause les accords de mé­diation conclus dans leur diocèse.

Plus fondamentalement, la justice administrative de l’Église propose cinq étapes pour rétablir la communion en cas de con­flits, dont trois prévoient une médiation possible ou recommandée :

  • 1. S’apaiser en reconnaissant sa part de responsabilité, et en priant pour demander la paix ;
  • 2. Rencontrer l’adversaire seul à seul, avec une communica­tion non violente ;
  • 3. Faire recours aux sages en demandant une médiation ;
  • 4. Faire un recours hiérarchique, en demandant éventuelle­ment une médiation à ce stade ;
  • 5. Faire un recours contentieux, en demandant éventuelle­ment une médiation à ce stade.

Personnellement, j’estime que la médiation est tout à fait fonda­mentale dans l’Église, car elle seule permet une juste réconciliation entre les parties, contrairement :

  • au silence qui, sous prétexte d’éviter les conflits, cau­tionne des comportements injustes,
  • au procès qui fait un gagnant et un perdant,
  • à la soumission qui s’oppose à l’obéissance, parce que la personne qui se soumet entend l’autre, mais elle nie ses propres intuitions et, finalement son intégrité.

En conséquence, il importe de créer et de développer un ré­seau des médiateurs des Églises, croyances et religions (ReMede), relié au Conseil international de la médiation d’une part, et aux hiérarchies respectives des sociétés religieuses d’autre part, pour promouvoir la médiation dans ces Églises et sociétés, et pour y effectuer des médiations en s’appuyant sur leur spiritualité et leurs valeurs respectives[13].

Alain Ducass, coach, médiateur et canoniste


[1] https://canonistes.org

[2] https://energeTIC.fr/mediation/

[3] La « Conférence internationale de la médiation pour la justice » (CIMJ), créée en 2009 est devenue en mai 2019, le Conseil international de la médiation, association sans but lucratif, constituée selon la loi française du 1er juillet 1901. Son objectif est de créer un réseau des acteurs internationaux de la médiation.

[4] Un approfondissement exégétique serait bienvenu pour être plus précis.

[5] Jean Gaudemet, Église et cité, histoire du droit canonique, Paris, Cerf, Montchrestien, 1994, p. 112.

[6] Lumen Gentium, constitution dogmatique sur l’Église, 21 novembre 1964.

[7] Benoit XVI, pape discours du 4 février 2011 à l’Assemblée plénière du Tribunal suprême de la Signature apostolique.

[8] et en 1990 pour les Églises orientales ;

[9] Donguy (Jean), « Application en France des canons 1733 et 1734 relatifs aux conseils de médiation ». Mémoire de droit canonique soutenu le 2 juin 2000 à la faculté de droit canonique de Paris.

[10] Les statuts de 2013 de l’enseignement catholique ont introduit un article 83 consacré à la médiation alors qu’il n’y en avait pas dans les précédents statuts de 1992.

[11]  https://groupemediations.com

[12] L’injonction du droit canonique : « Il faut s’efforcer d’éviter les conflits » prête à mon avis à confusion. J’aurais préféré qu’il dispose « « il faut s’efforcer d’éviter la violence des conflits »

[13] Au début de l’année 2020, le réseau ReMede comporte une dizaine de médiateurs ayant exercé leur art dans l’Eglise, et il est en train de se structurer à l’instar du réseau Talenthéo pour les coachs chrétiens.

Ressources pour la médiation

16 avril 2020 : parution chez l’Harmattan de l’ouvrage collectif : « Médiation, cultures et religions, de l’esprit à la méthode », dont voici quelques titres d’articles de la partie I « spiritualité et médiation :

21 février 2019 : colloque « Religions, conflits et médiations »au Centre Culturel saint Paul d’Abidjan sous la présidence de Mgr Laurent Dabiré, évêque de Dori au Burkina Faso.

Autres ressources :

Religions, conflits et médiations

Thématique

L’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme et tous deux ne feront plus qu’un. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas !

Sur notamment cette base que les religions prohibent le divorce. De même, elles prônent la paix, la concorde et la communion. Sachant que le conflit est connaturel à la nature et à l’homme, que font les religions pour que les conflits familiaux ecclésiaux et sociaux ne dégénèrent pas en violence psychologique ou physique ? Même s’ils dégénèrent, que font les religions pour rétablir le lien conjugal, la communion ecclésiale et la paix sociale ?

Telles sont les questions que nous poserons à nos intervenants, lors de la journée religions, conflits et médiations, sachant que l’après-midi sera consacrée à une introduction au droit canonique, tel que demandée par des juristes civils à S.E. Jean-Pierre, cardinal Kutwa.

Programme

09H00 Introduction par l’archevêque, Mgr Jean-Pierre, Cardinal Kutwa ou son représentant

09H30 Conflits familiaux, l’action des religions pour la paix dans les ménages :

  • Mme. Ballo-Touré Karidja, présidente de la commission d’écoute des familles
  • Jean Messengue, psychologue, professeur à l’ITCJ
  • Mme Salimata Touré Kpli, médiatrice et spécialiste de l’Islam

11H00 Conflits sociaux, le rôle des religions pour la paix civile

  • Mgr. Laurent Dabiré, évêque de Dori, Eglise et médiation
  • Michel Savadogo, société des missions africaines, le réseau Shalom
  •  Abbé Gaston Ogui, UCAO, master de gestion des conflits

12H00 Conclusion

12H30 pause déjeuner (libre, à la convenance de chacun)

15H00-17H00 introduction au droit canonique avec Père Honoré Beugré, directeur de la faculté de droit canonique (UCAO)

Inscriptions

Entrée gratuite en fonction des places disponibles sur inscription préalable à : https://seam2019-religions.eventbrite.fr