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5 Epilogue du chapitre 5

Pour ma part, je n’ai pas divorcé mais j’ai vécu une rupture.

Chère Sylvie,

Un des plus forts moments de ma vie a été ma rupture avec mon analyste et les associations qu’il a créées. Elle a mûri pendant plusieurs années, et je l’ai vécue comme un divorce dont je n’ai pas terminé le deuil.

Je te suis très reconnaissant de ton attitude envers moi pendant ce temps, même si tu as fait un choix différent du mien, en restant dans le groupe. Tu as respecté ma liberté et nous avons parlé de nos choix respectifs, en partageant nos émotions, nos sentiments, nos pensées, dans le respect de nos positions respectives. 

Je te remercie également d’avoir accepté mes nombreux voyages à l’étranger, peuplés d’amis et d’amies, auprès de qui j’ai recherché le soutien que j’ai perdu dans le groupe, découvrant avec eux de nouveaux espaces, construisant des projets solides et vivant des relations émouvantes, comme si j’avais besoin d’eux pour guérir mes blessures et exercer ma fécondité.

Aujourd’hui, je poursuis mon chemin de deuil, refusant de soumettre notre couple à des forces extérieures, et acceptant ton exigence de respect par rapport à des personnes que tu continues à aimer.

A force de travailler sur la transformation constructive des conflits, j’ai reconstruit ma vie en écrivant ce livre, en devenant  conciliateur de justice, médiateur international et coach. A plusieurs reprises, nous avons rencontré des gens en souffrance et, lorsque tu étais là, ils ont toujours apprécié ton attitude, fondamentalement différente de la mienne et, visiblement apaisante, à côté de mon caractère fonceur.

J’en viens à croire maintenant que nous pouvons avoir une fécondité de couple dans ce domaine.

Je t’aime, ton mari, Alain 

Parmi tes poèmes récents, je préfère celui-ci :

Depuis tant de siècles et tant d’années

se maintient le rêve qui nous soutient

à cheval sur un destrier qui va plus loin que le soleil

nous avons rêvé de l’amour notre unique flamme et notre conquête

plus que d’empires et de pays

plus que de terres inconnues

d’animaux rares et d’étoiles

oubliées au fond du cosmos

nous avons rêvé de l’amour comme du seul chemin à vivre       
en ces aventures du monde aux quatre vents qui rient et pleurent

Mais qui pourra dire et comprendre que l’amour en sa vérité

prenant notre main pour nous emmener

vers le temps qui tremble de jour en jour

que l’amour tel qu’il se révèle après avoir ôté ses  habits chamarrés

pour un partage simple en notre vie ensemble

que l’amour notre grand désir

nous amène à considérer

oubliant châteaux et trésors

notre petitesse au fond de la chambre

et  par ce grand bonheur qui nous prend dans ses bras

                                                               nous voici dans l’humilité.

Sylvie Ducass, 30 ans de mariage

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4. Epilogue du chapitre 4

Source = Rimlishof

Chère Sylvie,

En comparaison à la crise du début de notre mariage, l’annonce du grave handicap de notre fils aîné Clément a été peu de chose et, aussi étonnement que cela puisse paraître, cette épreuve nous a rapprochés : malgré son manque presque total d’autonomie, il est une joie pour notre famille. Je te remercie de bien t’en occuper.

Durant notre mariage, nous avons vécu des grands moments de tension. Souvent j’étais triste de constater ou d’imaginer que tu ne m’aimais pas, quand je voyais la maison en désordre, les repas en retard ou les vêtements sales entassés. Toi-même me reprochais de consacrer trop d’énergie à mon travail ou  de te presser pour faire les choses, au lieu de t’accorder de l’attention et de t’aider. Alors, je faisais la sourde oreille à tes reproches, et parfois, je restais des jours sans te parler, perdant l’espoir de communiquer avec toi, tant nos antagonismes étaient forts.

Souvent, tu retrouvais le calme en fréquentant nos amis qui t’apportaient une bouffée d’air. Moi-même, j’ai choisi un métier qui me permettait de voyager et je me suis formé à la transformation constructive des conflits. Finalement, un peu de distance entre nous a contribué à apaiser nos tensions.

J’ai peu à peu entendu ton appel au secours, quand tu me répétais que notre couple sombrait dans une sorte de cohabitation pacifique, où l’amour avait de moins en moins de place.

Alors que je travaillais à ce livre, je t’ai proposé un week-end « Vivre et Aimer » et tu as accepté. Très rapidement,  les trois couples animateurs nous ont demandé de nous écrire l’un à l’autre,  en commençant par nous remercier pour une qualité que l’autre a montrée dans la semaine. Je t’avoue avoir eu du mal à en trouver, tant j’avais de revendications contre toi.  En deux jours, nous nous sommes écrit six ou sept lettres, un peu comme celle-ci, reconnaissant nos parts de responsabilité, exprimant notre gratitude, nos émotions, nos sentiments et nos besoins face à telle ou telle situation[1]. A la fin du week-end, j’avais oublié toutes mes revendications.

Depuis lors j’ai constaté que notre dialogue d’époux était entré dans une nouvelle phase, et j’ai l’espoir que notre meilleure entente aura un impact positif sur  nos enfants.

En cette rencontre si ordinaire
en ces instants où passe entre nous le courant
quand nos mains se  recherchent
quand notre sang réchauffe
le coeur qui bat plus vite à l’appel de son nom
je ne peux pas dire ce qui se passe
il semble que tout soit bien simple et limité dans le soir
où comme deux aveugles nous cherchons le corps
qui nous indique l’âme et son chant son appel
il semble que tout passe et presque rien ne bouge
en nos sentiments éloignés
et pourtant sans trop qu’on y pense
et sans le comprendre ou le calculer
tout à coup voici que la paix nous vient
et que nous nous sommes donnés
quelque chose de notre lien
est venu nous parler au coeur
en un lieu intérieur au-delà de ces mot
qui sont si rares et si pauvres
un état de grâce tout doucement
s’insinue en nous comme une eau profonde
tout à coup voilà
le coeur est touché.

poème, Sylvie Ducass


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[1] Cf. exemples de lettres au § 1.3.6. e. « Face au numérique »

3 Epilogue du chapitre 3

Chère Sylvie,

La plus grande épreuve de notre vie de couple est survenue après un an de mariage. 

Pour des raisons que je n’ai toujours pas élucidées, j’ai sombré dans un désespoir profond, une sorte de « burn out », comme on dit aujourd’hui. Je n’acceptais plus tes gestes d’amour, que je ressentais comme une pitié, et je refusais de même les paroles et les gestes de nos amis, dont nous étions très proches.  J’étais alors partagé entre l’amour et la haine de mon analyste, qui tenait une place essentielle dans ma vie. J’ai très mal vécu l’arrivée de notre premier enfant, en enviant tous ceux qui témoignaient de l’affection à toi et à lui, alors que j’en étais incapable.

Je te serai éternellement reconnaissant de t’être montrée discrète et patiente pendant plus d’un an et je repense à cette chanson que nous avons écrite ensemble, au moment où je broyais du noir :

L’homme qui s’est laissé abattre,
et qui n’a plus goût à la vie,
dont l’âme est devenue grisâtre
qui ne sent plus le feu en lui

                Qu’il regarde le lys des champs
                Et retrouve un espoir renaissant

Comme cette prairie en friche
le maître te labourera
Que tu sois pauvre ou bien trop riche,
fertile et belle il te rendra
Tu seras comme un lys des champs
Mets en lui ton espoir naissant
Au jour de tes premières fleurs,
quelqu’un avait mis la semence
Elle germera avec bonheur
si tu retournes à l’espérance
                Tu vaux plus que le lys des champs
                Garde en toi l’espoir bien vivant

Me voilà homme devenu
Je ne veux lus emplir les nues
Mais avec toi qui est venue
Chantons notre sauveur Jésus

Regardons bien le lys des champs
Du paradis qui nous attend

Le désespoir s’est estompé quand nous avons déménagé à Amiens, où nous ne connaissions personne. Nous avons cherché, tant bien que mal, à construire notre famille. En arrivant, nous étions trois avec notre fils aîné, et en repartant cinq ans plus tard, nous étions six, avec trois autres garçons. Voici un poème que tu m’as écrit à cette époque :

Flamme de bougie près du verre d’eau amour deviné au bord d’un regard dessin de la lèvre esquissant mon nom douceur d’une vie tant insaisissable… il fait beau de vivre en une maison un jardin de paix un berceau d’enfance il fait doux de vivre auprès de ta main ami de mon âme quand je deviens femme lumière dorée espérance d’être au soir attendu plus tendres et plus sages aventure avec un homme inconnu dont le nom ressemble à toi qui es là…je te dis merci pour tous ces instants où le cœur s’éveille où le bonheur luit notre vie grandit comme un arbre vert tendant ses rameaux vers le ciel de mai notre vie s’avance en courbes très lentes vers ce qui n’est pas vers ce qui se forme au milieu du monde mystérieux et nous apprenons année après an les fleurs et les fruits de chaque saison les jours et les temps de toute moisson  
Sylvie Ducass
Eté 86, 3 ans de mariage  
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