Chère Sylvie,
La plus grande épreuve de notre vie de couple est survenue après un an de mariage.
Pour des raisons que je n’ai toujours pas élucidées, j’ai sombré dans un désespoir profond, une sorte de « burn out », comme on dit aujourd’hui. Je n’acceptais plus tes gestes d’amour, que je ressentais comme une pitié, et je refusais de même les paroles et les gestes de nos amis, dont nous étions très proches. J’étais alors partagé entre l’amour et la haine de mon analyste, qui tenait une place essentielle dans ma vie. J’ai très mal vécu l’arrivée de notre premier enfant, en enviant tous ceux qui témoignaient de l’affection à toi et à lui, alors que j’en étais incapable.
Je te serai éternellement reconnaissant de t’être montrée discrète et patiente pendant plus d’un an et je repense à cette chanson que nous avons écrite ensemble, au moment où je broyais du noir :
L’homme qui s’est laissé abattre,
et qui n’a plus goût à la vie,
dont l’âme est devenue grisâtre
qui ne sent plus le feu en lui
Qu’il regarde le lys des champs
Et retrouve un espoir renaissant
Comme cette prairie en friche
le maître te labourera
Que tu sois pauvre ou bien trop riche,
fertile et belle il te rendra
Tu seras comme un lys des champs
Mets en lui ton espoir naissant
Au jour de tes premières fleurs,
quelqu’un avait mis la semence
Elle germera avec bonheur
si tu retournes à l’espérance
Tu vaux plus que le lys des champs
Garde en toi l’espoir bien vivant
Me voilà homme devenu
Je ne veux lus emplir les nues
Mais avec toi qui est venue
Chantons notre sauveur Jésus
Regardons bien le lys des champs
Du paradis qui nous attend
Le désespoir s’est estompé quand nous avons déménagé à Amiens, où nous ne connaissions personne. Nous avons cherché, tant bien que mal, à construire notre famille. En arrivant, nous étions trois avec notre fils aîné, et en repartant cinq ans plus tard, nous étions six, avec trois autres garçons. Voici un poème que tu m’as écrit à cette époque :
Flamme de bougie près du verre d’eau amour deviné au bord d’un regard dessin de la lèvre esquissant mon nom douceur d’une vie tant insaisissable… il fait beau de vivre en une maison un jardin de paix un berceau d’enfance il fait doux de vivre auprès de ta main ami de mon âme quand je deviens femme lumière dorée espérance d’être au soir attendu plus tendres et plus sages aventure avec un homme inconnu dont le nom ressemble à toi qui es là… | je te dis merci pour tous ces instants où le cœur s’éveille où le bonheur luit notre vie grandit comme un arbre vert tendant ses rameaux vers le ciel de mai notre vie s’avance en courbes très lentes vers ce qui n’est pas vers ce qui se forme au milieu du monde mystérieux et nous apprenons année après an les fleurs et les fruits de chaque saison les jours et les temps de toute moisson Sylvie Ducass Eté 86, 3 ans de mariage |
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