DEFILIPPI 15/10/2009

DEFILIPPI 15/10/2009

Coram  DEFILIPPI

 Exclusion du bien du sacrement

Exclusion du bien des enfants

 

Tribunal régional de Lombardie (Italie)

15 octobre 2009

P.N. 19.694

Constat pour les deux chefs

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PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. LE CONSENTEMENT DANS LE MARIAGE
  2. Nature et effets du consentement
  3. Qualités du consentement
  4. Rôles de l’intelligence et de la volonté
  5. Le consentement est un acte humain
  6. Le consentement est un acte libre
  7. La conformité du consentement avec la structure objective du mariage

 

  1. LA SIMULATION
  2. La simulation en général
  3. La simulation partielle

 

III. L’EXCLUSION DU BIEN DU SACREMENT

  1. La pensée de l’Eglise sur l’indissolubilité
  2. L’exclusion de l’indissolubilité

 

IV L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS

  1. L’ordonnancement du mariage à la procréation
  2. Il n’y a pas de droit à l’enfant
  3. Le droit-devoir à la génération et à l’éducation des enfants
  4. La distinction entre le droit-devoir et l’exercice-accomplissement
  5. La jurisprudence sur l’exclusion du droit-devoir

 

  1. LA PREUVE DE LA SIMULATION
  2. La preuve de toute simulation
  3. Le rôle du juge
  4. Règles spéciales pour les causes matrimoniales

 

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EXPOSÉ  DES  FAITS (résumé)

 

Barbara B., née le 27 juin 1971, et Roberto R., né le 16 mai 1970, font connaissance en 1994. Epris l’un de l’autre ils se considèrent presque comme des fiancés. Toutefois, en raison de leurs différences de caractère et de la mauvaise entente entre Barbara et la mère de Roberto, ils se disputent souvent, si bien que Barbara, à l’automne 1996, rompt avec Roberto. La séparation dure un an et, sur les instances de Roberto, les deux jeunes gens renouent leur relation, sans pour autant que cessent leurs querelles.

 

Malgré tout ils décident de se marier, mais les altercations se poursuivent et Roberto renonce au mariage au printemps 1999. Toutefois il change d’avis rapidement. Barbara, de son côté, très inquiète sur l’avenir de sa vie conjugale avec Roberto, mais n’osant pas s’opposer à la célébration du mariage, se propose intérieurement de rompre le lien conjugal si les choses tournent mal, et décide qu’elle n’aura pas d’enfants de son union avec Roberto.

 

Le mariage est célébré le 18 septembre 1999. Dès le voyage de noces les époux se querellent si bien qu’ils se séparent en avril 2000. La « séparation consensuelle » est sanctionnée le 10 novembre 2000 par le Tribunal civil de Milan, qui prononce le divorce en février 2004.

 

Entre temps, le 18 novembre 2002, Barbara s’était adressée au Tribunal ecclésiastique régional de Lombardie, accusant son mariage de nullité pour exclusion, de sa part, des biens du sacrement et des enfants. La sentence du 30 octobre 2003 est négative sur les deux chefs. En appel, le Tribunal régional de Ligurie procède à un complément d’enquête, avec une nouvelle audition de la demanderesse, le mari partie appelée refusant de comparaître. La sentence du 30 septembre 2005 infirme celle de la 1° instance, en déclarant le mariage nul pour exclusion du bien du sacrement et du bien des enfants de la part de l’épouse. En 3° instance à la Rote, il Nous revient d’examiner ces deux chefs allégués par la demanderesse.

 

EN DROIT

 

  1. LE CONSENTEMENT DANS LE MARIAGE

 

  1. Nature et effets du consentement

 

  1. Il faut tout d’abord rappeler le c. 1057 :

« § 1. C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine.

 

  • 2. Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage ».

 

C’est pourquoi, en contractant mariage, étant supposée l’adéquate capacité de ceux qui se marient, requise tant par le droit naturel que par le droit positif, il y a comme une rencontre dynamique entre le consentement subjectif des contractants et l’institution du mariage, dans son entité objective, vers la constitution de laquelle est dirigé le consentement de ceux qui se marient.

 

  1. D’une part, il faut résolument mettre en valeur l’importance, sans dérogation possible, du consentement personnel des contractants qui est l’unique, adéquate, suffisante et absolument nécessaire cause efficiente du mariage, au point que, comme on le lit dans une sentence c. Turnaturi du 16 juin 1995, « c’est tout à fait à juste titre qu’on dit que ‘tout le système matrimonial canonique a pour centre le consentement entre époux’[1]».[2]

 

  1. Qualités du consentement

 

  1. Rôles de l’intelligence et de la volonté

 

Ce consentement, bien qu’on le définisse « acte de la volonté », « présuppose nécessai-rement un acte de l’intelligence, selon le principe ‘rien n’est voulu qui ne soit d’abord connu’. Personne assurément ne peut vouloir sans vouloir quelque chose et savoir ce qu’il veut. La volonté en effet dépend de l’intelligence, elle suit l’intelligence et tend vers le bien appréhendé par l’intelligence, c’est-à-dire selon qu’il lui est présenté par la connaissance »[3].

 

  1. Le consentement est un acte humain

 

D’ailleurs, pour être valide, le consentement doit être un « acte humain », c’est-à-dire un acte dont l’homme est le maître. « L’homme est maître de ses actions par la raison et la volonté, et c’est pourquoi on dit que le libre arbitre est la faculté de la volonté et de la raison. Sont donc appelées proprement humaines les actions qui procèdent d’une volonté délibérée, en tant que la volonté suit la délibération de la raison »[4].

 

  1. Le consentement est un acte libre

 

En outre le consentement, en tant qu’« acte humain » doit être pourvu également de liberté, parce que « la dignité de l’homme exige qu’il agisse selon un choix conscient et libre, mû et déterminé par une conviction personnelle et non sous le seul effet de poussées instinctives ou d’une contrainte extérieure »[5].

 

  1. La conformité du consentement avec la structure objective du mariage

 

  1. D’autre part cependant le mariage, qui résulte du consentement, est une institution qui, dans sa constitution objective, « échappe à la fantaisie de l’homme, car Dieu lui-même est l’auteur du mariage, qui possède en propre des valeurs et des fins diverses »[6]. Le mariage « in facto esse », le mariage-état de vie, en effet, a une particulière structure objective, par laquelle il diffère de toute autre institution juridique. Il peut en effet être décrit comme une communauté entre deux personnes de sexe différent, « ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants » (c. 1055 § 1), revêtue des propriétés essentielles de l’unité et de l’indissolubilité (c. 1056), « élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement » (c. 1055 § 1), et faisant naître entre les conjoints « un lien de par sa nature perpétuel et exclusif » (c. 1134), en vertu duquel les conjoints s’obligent à des droits et devoirs particuliers et égaux, qui durent toute la vie, puisqu’il s’agit d’une mutuelle donation pleine et irrévocable.[7]

 

Par conséquent, le consentement de ceux qui se marient, pour être proprement matrimonial, doit envisager le mariage selon sa structure objective, comme le Pape Jean-Paul II l’a très opportunément déclaré dans son Discours à la Rote du 28 janvier 2002 : « Selon l’enseignement de Jésus, c’est Dieu qui a uni dans le lien conjugal l’homme et la femme. Il est certain qu’une telle union a lieu à travers le libre consentement de ces deux personnes, mais un tel consentement humain porte sur un dessein divin »[8].

 

Il s’ensuit que le consentement conjugal, pour produire ses effets, ne peut s’écarter des éléments et propriétés essentiels dont Dieu a orné le mariage, bien qu’il ne soit pas requis que celui qui se marie considère un à un et explicitement tous ces éléments et propriétés, puisqu’il suffit qu’il les rassemble tous, au moins implicitement, dans la volonté de contracter mariage avec une intention droite, sans exclure aucun élément essentiel du mariage ni aucune de ses propriétés essentielles.

 

  1. LA SIMULATION

 

  1. La simulation en général

 

  1. Puisque généralement il faut, dans les relations humaines, qu’il y ait une conformité entre ce qui est pensé et ce qui est manifesté extérieurement, surtout lorsqu’il s’agit de choses très importantes, le Législateur canonique, compte tenu de la dignité du mariage, déclare, outre les principes généraux de la présomption de validité de tout acte juridique régulièrement accompli (cf. c. 124 § 2) et de la « faveur du droit » dont jouit le mariage (c. 1060), précisément à propos de notre affaire, cette présomption du droit : « Le consentement intérieur est présumé conforme aux paroles et aux signes employés dans la célébration du mariage » (c. 1101 § 1).

 

Cependant, puisque le consentement des parties est la cause, sans aucune dérogation possible, qui constitue le mariage, il faut regarder la réelle intention de celui qui profère les paroles de ce consentement, ainsi qu’il est statué de façon adéquate dans le canon 1101 cité : « Si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles contractent invalidement » (c. 1101 § 2). Dans ce cas on a la simulation du consentement, c’est-à-dire « la discordance délibérée réalisée par le sujet entre la volonté interne et la déclaration externe »[9]. Et donc, en raison de cette discordance, réellement « une chose est d’agir, autre chose est de simuler qu’on agit »[10].

 

Cette simulation, comme on la déduit du c. 1101 § 2, peut être totale (si on exclut positive-ment le mariage lui-même), ou partielle, quand celui qui se marie, bien que voulant une certaine forme de mariage, vise ce mariage seulement selon ses propres idées, qui objectivement s’écartent de l’institution divine du mariage.

 

Bien que, tant dans la simulation totale que dans la simulation partielle, les conséquences juridiques soient objectivement les mêmes, à savoir que « le consentement donné souffre de nullité »[11], il faut cependant admettre une distinction entre ces deux simulations « en raison de l’objet de la simulation et de la conscience qu’on a de la simulation de l’acte »[12].

 

  1. La simulation partielle

 

  1. Selon le c. 1101 § 2 CIC, il y a simulation partielle du consentement lorsque l’exclusion d’un élément essentiel ou d’une propriété essentielle pénètre, en le restreignant efficacement, dans l’objet même du consentement matrimonial, de telle sorte qu’en réalité elle se porte sur un objet substantiellement corrompu. Comme nous l’a rappelé Jean-Paul II dans son Discours à la Rote du 21 janvier 2000, « la tradition canonique et la jurisprudence rotale, pour affirmer l’exclusion d’une propriété essentielle ou la négation d’une finalité essentielle du mariage, ont toujours requis que celles-ci se produisent avec un acte positif de volonté »[13].

 

Dans le texte du c. 1101 § 2, trois éléments sont requis : la volonté, l’acte, la positivité : « Le premier élément regarde la volonté, puisqu’elle seule est la cause efficiente, motrice, et source première de toute simulation ou exclusion […] Le second élément, c’est-à-dire l’acte, attribue à la volonté la forme d’opération, d’activité volitive, par laquelle elle se transforme en ‘acte de vouloir’ lequel, dans le domaine psychologique peut correspondre à la décision, marquée par le passage ‘du connaître à l’agir au moyen d’une délibération’, ou à la décision volontaire, conçue comme ‘un acte souverain de la volonté ou du Moi’ […] Enfin, le troisième élément, la positivité de l’acte, remplit le rôle d’un facteur qualifiant dans les aspects du même acte de volonté […] La nécessité de la positivité fait certainement exclure du phénomène de la simulation l’acte purement négatif […], et dépasse toute forme de transformation extrinsèque volitive de l’omission, qui consiste dans le comportement volontairement inerte »[14]. C’est pourquoi cet acte se présente comme un « ne pas vouloir » (velle non) et non comme un véritable « vouloir que ne pas » (nolle) [15]. En d’autres termes, pour parler plus clairement, n’accomplit pas un acte positif de volonté celui qui, inconsciemment, n’assume pas un élément essentiel du mariage, ou n’y pense même pas ; au contraire il est requis qu’il rejette réellement hors de l’objet du consentement cette propriété ou cet élément essentiel, « de telle sorte qu’il a visé un mariage uniquement comme cela et pas autrement »[16].

 

En conséquence, il n’y a pas lieu à simulation dans les formes psychologiques qui ne réalisent pas cet acte positif de volonté, comme par exemple les simples idées erronées sur le mariage, une intention seulement habituelle, une volonté purement interprétative, une certaine velléité générique, une inclination contraire etc.

 

Au contraire, « selon la Jurisprudence affermie de Notre For, non seulement l’acte positif explicite de volonté provoque un effet dirimant, mais encore l’acte positif implicite, mais exprès, qui ont comme objet direct et immédiat quelque chose qui est contenu dans l’exclusion d’une propriété ou d’un élément essentiel »[17].

 

De même il n’est pas requis que cet acte positif de volonté soit accompli au moment du mariage de façon « actuelle », mais il suffit qu’il soit « virtuel » (c’est-à-dire qu’au moment de la célébration du mariage il garde encore sa force d’acte auparavant exprès et non révoqué), de telle sorte qu’il soit efficacement connexe avec le consentement, dont il détermine substantiellement l’objet.

 

Selon la formule par laquelle sont définis les termes de la controverse présente (c’est-à-dire : la preuve est-elle rapportée que le mariage est nul pour exclusion du bien du mariage et/ou du bien des enfants de la part de l’épouse demanderesse), il faut rappeler distinctement au moins les principes essentiels et très connus du droit à propos de chacun de ces deux chefs.

 

 

 

 

 

III.  L’EXCLUSION  DU  BIEN  DU  SACREMENT

 

  1. La pensée de l’Eglise sur l’indissolubilité

 

  1. En ce qui concerne proprement l’exclusion du bien du sacrement, c’est-à-dire l’indissolubilité, il faut remarquer que, dans ce cas, il s’agit d’une simulation « partielle » du consentement en raison de l’exclusion de l’une des propriétés essentielles du mariage.

 

En effet le Concile Vatican II, reprenant la doctrine immuable de l’Eglise, a déclaré dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (n. 48). De même le véritable amour conjugal, « ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout consacré par le sacrement du Christ […] demeure indissolublement fidèle […] et il exclut donc tout adultère et tout divorce » (n. 49).

 

Ceci a été confirmé récemment par le Catéchisme de l’Eglise catholique : « L’amour des époux exige, par sa nature même, l’unité et l’indissolubilité de leur communauté de personnes qui englobe toute leur vie : ‘Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair’ (Mt 19, 6) » (n. 1644).

 

Pour recourir également à l’autorité de Saint Thomas d’Aquin, « l’indissolubilité, à laquelle se rapporte le sacrement, convient au mariage selon lui-même, parce que du fait que par l’alliance conjugale les époux se donnent mutuellement pouvoir perpétuel sur eux-mêmes, il s’ensuit qu’ils ne peuvent pas se séparer ; dès lors il n’y a jamais de mariage sans l’inséparabilité ; mais on le trouve sans la foi conjugale et sans l’enfant parce qu’une chose ne dépend pas de son usage »[18].

 

Et donc le Code en vigueur, fondé « sur l’hérédité juridique et législative de la Révélation et de la Tradition »[19], édicte : « Les propriétés essentielles du mariage sont l’unité et l’indissolubilité qui, dans le mariage chrétien, en raison du sacrement, acquièrent une solidité particulière » (c. 1056).

 

L’indissolubilité, en tant que propriété essentielle, « regarde et atteint tous les mariages, le mariage naturel n’y faisant pas exception »[20], bien que pour les chrétiens l’indissolubilité obtienne une fermeté en raison du sacrement, comme nous l’a rappelé Jean-Paul II dans son Discours à la Rote du 26 janvier 2002 : « Le renforcement ultérieur (des propriétés essentielles) dans le mariage chrétien à travers le sacrement repose sur un fondement de droit naturel, dont la suppression rendrait incompréhensibles l’œuvre salvifique même et l’élévation que le Christ a opérées une fois pour toutes dans les divers aspects de la réalité conjugale »[21].

 

  1. L’exclusion de l’indissolubilité

 

La simulation du consentement pour exclusion de l’indissolubilité a lieu quand quelqu’un, en contractant un mariage, le veut en réalité dissoluble, c’est-à-dire « en se réservant la faculté de retrouver une pleine liberté »[22]. Cela peut arriver non seulement si l’intention de rompre le lien est absolue, mais encore (comme il arrive habituellement) si l’intention de rompre le lien est « conditionnelle » ou « hypothétique », ou, en d’autres termes, « si le cas se présente », c’est-à-dire « si l’on prévoit que la vie commune avec le partenaire sera malheureuse ».

 

Dans ce cas-là, comme on le lit par exemple dans une sentence c. Palestro, du 24 mars 1993, « étant donné des raisons particulières, au moins subjectivement graves, naît la crainte que la communauté conjugale ne devienne malheureuse ou enfin impossible et donc s’installe un doute sur la future communauté de vie avec l’autre partie et de là, pour retrouver sa propre liberté, dans le cas d’un événement possible dans l’avenir et redouté, on se prémunit par une exclusion hypothétique de l’indissolubilité. En conséquence le consentement ainsi donné, c’est-à-dire révocable […] n’est pas valide pour constituer le mariage, c’est-à-dire que la volonté hypothétique ou conditionnelle de rompre le lien si certains événements se produisent, détruit radicalement le consentement donné, sans qu’on attende la vérification de l’événement prévu »[23].

 

De plus, dans ce cas en effet, l’acte de volonté qui vicie le consentement est absolu parce que c’est le mariage en tant que dissoluble de toute façon qui est visé, tandis qu’est seulement « conditionnelle » ou « hypothétique » la rupture de la vie conjugale qui dépend d’un événement qui, s’il se vérifie, amènera de fait celui qui se marie à rompre le lien. Bien plus, il faut à ce sujet faire plusieurs remarques :

 

 

  1. « Si le cas se présente » ne signifie pas « le désir qu’arrive le cas », mais « la caution prise si ce cas se présente » : celui qui se marie veut seulement se garantir face à un échec futur, mais il ne désire pas cet échec futur ;

 

  1. Le contractant peut également désirer et vouloir qu’une pacifique et heureuse vie commune dure jusqu’à la mort, et il peut également s’engager à la rendre heureuse, mais tout cela n’enlève rien et n’ajoute rien à la réserve qui a pour objet l’exclusion de l’indissolubilité du lien, puisque ce qui compte, précisément, c’est seulement l’acte positif de volonté qui a exclu de l’objet du consentement le bien essentiel de l’indissolubilité ;

 

  1. L’objet de l’acte positif de volonté n’est pas le divorce à faire – et même celui qui se marie peut également souhaiter ne jamais avoir à le faire – mais bien la réserve du droit de le faire »[24].

 

  1. L’EXCLUSION DU  BIEN  DES  ENFANTS

 

  1. L’ordonnancement du mariage à la procréation

 

  1. En ce qui concerne l’exclusion du bien des enfants, il faut remarquer que dans ce cas il y a simulation du consentement en raison de l’exclusion d’un des éléments essentiels du mariage, puisqu’est exclue une de ses fins essentielles. Dans le Code en effet, le mariage est défini comme « l’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et l’éducation des enfants […] » (c. 1055 § 1, cf. aussi c. 1061 § 1, c. 1096 § 1).

 

Cependant l’ordonnancement du mariage au « bien des enfants », en tant que finalité « institutionnelle » du mariage, et donc en tant qu’un de ses éléments essentiels, dont l’exclusion par un acte positif de volonté détermine la nullité du mariage, doit être exposé, au moins brièvement.

  1. Il n’y a pas de droit à l’enfant

 

Il faut d’abord déclarer que personne ne peut se conférer un droit à avoir des enfants. Car « l’enfant n’est pas un dû mais un don. ‘Le don le plus excellent du mariage’ est une personne humaine. L’enfant ne peut être considéré comme un objet de propriété, ce à quoi conduirait la reconnaissance d’un prétendu ‘droit à l’enfant’. En ce domaine, seul l’enfant possède de véritables droits : celui ‘d’être le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa conception’ »[25].

 

Au contraire, « le mariage ‘donne seulement aux conjoints […] le droit à accomplir les actes conjugaux qui, par eux-mêmes, sont ordonnés à la procréation’[26]. […] Le principe cité plus haut nous fait connaître au plus haut point la position doctrinale exacte, selon laquelle la question du bien des enfants doit toujours être qualifiée et mesurée avec les actes aptes par eux-mêmes à la procréation d’enfants, c’est-à-dire avec l’acte conjugal »[27].

 

En d’autres termes, « il faut dire qu’il n’est pas nécessaire à l’essence du mariage que naissent des enfants, mais seulement que les actes conjugaux soient ordonnés à la génération d’enfants »[28].

 

  1. Le droit-devoir à la génération et à l’éducation des enfants

 

Toutefois, si l’on examine proprement, soit ce qui est édicté au c. 1061 § 1, selon lequel le mariage « est ordonné par sa nature » « à l’acte conjugal apte de soi à la génération », soit ce que dit le c. 1055 § 1 déjà cité selon lequel « l’alliance matrimoniale (est ordonnée) par son caractère naturel […] à la génération et à l’éducation des enfants », il faut affirmer aussi que « le bien des enfants contient aussi les effets qui découlent naturellement du droit aux actes conjugaux, c’est-à-dire le droit-devoir à la mise au monde et à la conservation dans la vie des enfants éventuellement engendrés »[29].

 

  1. La distinction entre le droit-devoir et l’exercice-accomplissement

 

En outre il faut très attentivement faire une distinction entre l’exclusion du « droit-devoir » aux actes conjugaux à accomplir « de façon humaine », qui par eux-mêmes sont ordonnés à la procréation, et le refus de « l’exercice-accomplissement » de ce droit-devoir. Quand le mariage est célébré en effet, il est question de droits-devoirs à donner et à accepter mutuellement, mais non de leur exercice-accomplissement. C’est pourquoi a une force irritante l’acte positif de volonté qui atteint le droit-devoir lui-même, mais non l’acte de volonté qui regarde seulement l’exercice-accomplissement du droit concédé ou du devoir reçu. En effet, « comme l’essence d’une chose ne dépend pas de son usage, le droit et le devoir aux actes conjugaux peuvent exister bien que manquent, dans le cas concret, l’usage du droit et l’accomplissement du devoir […]. Une chose en effet est de ne pas donner le droit au bien des enfants dans ses principes, et une autre chose est de donner ce droit à son partenaire avec l’intention de violer ou de ne pas exécuter l’obligation reçue soit pour une période déterminée soit pour une période indéterminée »[30]. En d’autres termes, « ce qui rend nul le mariage, ce n’est pas le simple manque de procréation mais l’exclusion de la procréation ‘dans ses principes’[31], étant donné que ‘ne répugne pas à la substance du mariage le non-usage de celui-ci, mais le fait de ne pas pouvoir en user’[32] ».[33]

 

  1. La jurisprudence sur l’exclusion du droit-devoir

 

Bien que les principes juridiques soient clairs, il n’est pas facile de voir dans chaque cas s’il s’agit de l’exclusion du droit-devoir lui-même, ou seulement de l’exclusion du simple exercice-accomplissement. Toutefois la Jurisprudence de Notre Tribunal Apostolique a élaboré certains critères.

 

Tout d’abord, « l’exclusion absolue des enfants fait conjecturer l’exclusion du droit aux actes conjugaux et donc la nullité du consentement […]. Comme il est bien connu, le contractant qui ne veut pas le mariage sauf s’il y a exclusion des enfants, ne peut pas en même temps vouloir assumer les obligations essentielles du bien des enfants »[34]

 

Quand il s’agit toutefois de l’exclusion hypothétique ou temporaire des enfants, il faut apporter les distinctions adéquates, parce que ce genre d’exclusion peut irriter le mariage s’il atteint le droit lui-même, qui « doit être donné et reçu non seulement mutuellement, mais pour toujours »[35]. En effet, « le droit, une fois donné dans le consentement, ne peut admettre aucune limitation de la part du contractant, même temporaire. C’est là où ressort clairement le sens de la distinction entre le droit non donné et l’abus du droit donné »[36].

 

Assurément on voit que rejette le droit lui-même celui qui exclut la procréation pour un temps absolument indéterminé, en la liant à la survenance d’un événement futur et totalement incertain, et en se réservant le droit de déterminer quand il faudra accomplir les actes aptes par eux-mêmes à la génération. « Dans cette hypothèse, écrit Mgr de Lanversin dans une sentence du 5 avril 1995, la validité du mariage est détruite, comme le tient la Jurisprudence de Notre For, à savoir que ‘celui qui se réserve, en contractant, la donation du droit si et pour autant qu’arrivent des événements certains dans l’avenir, ne donne pas le droit dans l’acte de la célébration, ceci sans le moindre doute, et par conséquent il restreint l’objet du consentement’[37] ».[38] Dans ce genre de cas en effet, de fait « le contractant n’accepte pas l’inclination naturelle des actes vers la procréation et, dans cette matière, il prétend se conduire comme l’unique source du droit »[39].

 

Cela peut arriver lorsque celui qui se marie, en raison de graves perplexités sur le sort de la future vie conjugale, exclut le lien de l’indissolubilité. Dans ces cas en effet, il est poussé à exclure absolument toute procréation, au moins pour un temps indéterminé, soit parce que des enfants peuvent être un obstacle pour retrouver sa liberté si les choses tournent mal, soit pour éviter que ces enfants ne subissent des dommages par la rupture éventuelle de la communauté de vie des conjoints.

 

Au contraire l’exclusion temporaire de la procréation, ordinairement, si elle signifie un simple report à plus tard, à une période peut-être plus propice, à une situation économique plus adéquate, tant pour le travail que pour l’habitation, peut s’accorder avec une donation-acceptation correcte du droit conjugal. En effet, « l’exclusion temporaire, selon la jurisprudence constante de Notre Tribunal Apostolique, fait présumer que les conjoints, par le report à plus tard de la procréation, entendent seulement repousser l’exercice du droit concédé, ce qui, par lui-même, comme il apparaît également de la doctrine de la responsabilité parentale, ne peut pas vicier le consentement matrimonial »[40].

 

  1. LA PREUVE  DE  LA  SIMULATION

 

  1. La preuve de toute simulation

 

  1. La preuve de toute simulation du consentement (et donc également de l’exclusion du bien du sacrement et de celle du bien des enfants) est, par nature même, difficile. Car il s’agit d’un acte interne connu de Dieu seul et contraire à l’acte manifesté extérieurement quand le mariage a été célébré, alors que dans le Code il est plus d’une fois déclaré qu’il y a une présomption pour la validité du mariage (cf. c. 124 § 2 ; c. 1060 et 1101 § 1). Cette preuve cependant, selon les critères reçus de la Jurisprudence traditionnelle, est possible, si toutefois trois éléments se retrouvent ensemble : « la confession du simulant, judiciaire et surtout extrajudiciaire, apportée par des témoins dignes de foi ; une cause grave et proportionnée de simulation, qui, bien distincte de la cause qui a poussé au mariage, prévale de fait sur elle ; des circonstances antécédentes, concomitantes et subséquentes, qui rendent la simulation réalisée non seulement possible, mais probable et très crédible »[41].

 

Ce « schéma » toutefois doit être adapté au cas sur lequel doit porter le jugement, car il s’agit principalement d’une question « de fait », et chaque « fait » a sa propre histoire, sa propre dialectique, ses propres personnes et ses propres circonstances particulières. Cela veut dire que le cas est à examiner selon les conditions concrètes et existentielles dans lesquelles se trouvait au moment du mariage celui à qui est imputée en justice la simulation du consentement.

 

En outre, dans ce genre de causes, qui « généralement reposent sur des indices »,[42] il faut bien remarquer que la vérité n’est pas à découvrir à partir de tel ou tel élément pris isolément, mais à partir de tous les moyens de preuve réunis, considérés dans leur ensemble, qui ne peuvent s’expliquer logiquement que si l’on reconnaît la simulation alléguée du consentement.

 

  1. Le rôle du juge

 

Les moyens de preuve doivent conduire à ce que « à partir des actes et des preuves » naisse « chez le juge la certitude morale au sujet de l’affaire à trancher par la sentence » (c. 1608 §  1 et 2).

 

Il appartient au juge, après avoir examiné soigneusement « selon sa conscience » (c. 1608 §  3) tous les moyens de preuve, de conclure si, dans le cas, la nullité du mariage est, « avec une certitude morale », prouvée pour les chefs allégués.

 

Cette évaluation doit être réalisée avec diligence et sans a priori, également pour respecter l’esprit du Code en vigueur qui « peut être considéré comme plus humain, c’est-à-dire qu’il s’étend à un plus grand respect pour l’homme et sa dignité ». Car « les normes codifiées dans le Code de 1983 reflètent une tendance vers un plus grand respect pour la personne dans son ensemble, un plus grand respect de l’humanité profonde de la personne. Le développement représente un respect fondé sur l’authentique ‘charité’ »[43]. En conséquence, « nous sommes certainement bien loin de la règle de l’article 117 de l’Instruction Provida Mater : ‘La déposition judiciaire des époux n’est pas apte à constituer une preuve contre la validité du mariage’ »[44].

 

D’ailleurs ceux qui s’adressent à un Tribunal ecclésiastique, « mûs par des raisons exclusives de conscience, savent bien que ne leur servirait à rien un prononcé judiciaire d’un tribunal de l’Eglise basé ou fondé sur des assertions qui ne correspondent pas à la vérité »[45].

 

  1. Règles spéciales pour les causes matrimoniales

 

C’est pourquoi justement « pour que soit exclue toute différence – autant que faire se peut – entre la vérité accessible dans le procès et la vérité objective, connue par la conscience droite »[46], s’il est statué dans le Code de Droit Canonique, de façon générale pour les jugements contentieux ordinaires : « Dans les causes […] qui concernent le bien public, l’aveu judiciaire et les déclarations des parties qui ne sont pas des aveux peuvent avoir valeur de preuve ; le juge devra les apprécier en relation avec les autres éléments de la cause », mais « une valeur probante plénière ne peut leur être reconnue à moins qu’il n’y ait d’autres éléments qui les corroborent pleinement » (c. 1536 § 1), une règle suivante, en ce qui concerne en propre les causes de nullité de mariage, prescrit : « A moins que les preuves n’aient par ailleurs pleine valeur probante, le juge, pour apprécier les dépositions des parties selon le c. 1536, fera appel, si c’est possible, en plus des autres indices et éléments, à des témoins sur la crédibilité des parties elles-mêmes. » (c. 1679)

 

En conséquence les déclarations judiciaires du simulant allégué doivent être évaluées à la lumière de sa propre crédibilité. Pour examiner celle-ci on ne méprisera pas les critères « extrinsèques » de crédibilité, c’est-à-dire ceux qui sont pris des témoignages, surtout ceux de prêtres ou de témoins qui sont vraiment dignes de foi. En outre, sont d’une très grande importance les critères « intrinsèques » de crédibilité, soit en tant que ces déclarations judiciaires, regardées en elles-mêmes, apparaissent comme constantes ou inconstantes, cohérentes ou non (cf. c. 1572, n. 3), soit en tant que ce qui est affirmé s’accorde ou non avec les faits concrets ou les circonstances. Car les faits peuvent être plus éloquents que les paroles. En conséquence il faut évaluer « les circonstances précédentes, concomitantes ou subséquentes, qui confirment par des faits absolument certains et concordants les déclarations crédibles, qui les rendent persuasives et qui montrent la volonté interne de celui qui s’est marié et sa détermination de contracter un mariage selon sa mentalité erronée ou faussée, ou de contracter un mariage à l’essai.[47] » [48]. En conséquence tous les indices concrets sont à regarder, surtout en ce qui concerne la conduite du simulant allégué. C’est pourquoi il faut examiner si les déclarations judiciaires « font état de faits concrets et objectifs »[49]. C’est-à-dire : il faut porter une très grande attention à la cohérence (ou au manque de cohérence) entre les faits et les déclarations. Les faits en effet peuvent éclairer fortement les déclarations et les rendre univoques, mais ils peuvent également démentir réellement ces dernières, de telle sorte qu’elles doivent être tenues pour de simples paroles en l’air ou des bavardages.

Sans aucun doute sont à étudier avec soin, et la « cause de la simulation » (« lointaine » ou « prochaine »), et la « cause qui a poussé au mariage ». Car il faut savoir avec certitude si le contractant a envisagé cette « cause de la simulation » comme grave, et bien plus si pour lui elle prévalait sur la « cause qui a poussé au mariage ». Si en effet la « cause de la simulation » n’est pas prouvée, la simulation, qui en est l’effet, ne peut même pas se concevoir.

 

« Le salut des âmes, dont parle le c. 1752 CIC, demande à coup sûr ou, plus exactement, impose » la diligence du juge, dont nous avons parlé, et son équité. « Le principe suprême de Notre For, en effet postule que ‘le rôle du juge dans ce genre de causes est sans aucun doute très difficile. Mais il serait extrêmement grave que le juge, dont la science, la prudence et l’équité sont invoquées dans l’administration de la justice, fuie ses responsabilités de juge et, par peur de se tromper, se tourne facilement vers le c. 1060 CIC. D’ailleurs, pour prononcer une sentence, il n’est pas requis une certitude absolue ou mathématique, mais il suffit d’une certitude morale, qui, si d’une part elle se distingue de la simple probabilité, parce qu’elle n’admet pas un doute positif et prudent, d’un autre côté n’exclut pas toute crainte prudente de se tromper’[50] ».[51]

 

 

IN  FACTO  (résumé)

 

S’il y a discordance entre la sentence négative de 1° instance et la sentence positive d’appel, c’est que le Tribunal d’appel a pu obtenir des éléments que n’avait pu recueillir le Tribunal de 1° instance.

 

Le mari, partie appelée, a refusé de répondre aux convocations des Tribunaux, et donc il n’a présenté aucun témoin, contrairement à la demanderesse, que ses propres témoins avaient bien connue à l’époque de son mariage.

 

  1. CRÉDIBILITÉ DE  LA  DEMANDERESSE

 

Le principal témoignage de la crédibilité de Barbara, la demanderesse, est celui du vicaire de sa paroisse qui a écrit au Tribunal d’appel : « Barbara ne demande pas la déclaration de nullité de son mariage pour des motifs sentimentaux, mais pour des motifs de conscience. Je suis certain de sa bonne foi […]. Elle vit sa foi dans la participation à la vie chrétienne […]. Elle souhaite, par la déclaration de nullité de son mariage, une garantie spirituelle et morale toujours plus en accord avec l’Eglise et le Christ ».

 

Et il est vrai que Barbara a voulu être en paix avec sa conscience. Les problèmes matériels avaient été réglés par le divorce civil et elle savait qu’elle ne pourrait retrouver la paix intérieure que si, devant le juge ecclésiastique, elle exposait sa vie conjugale selon la vérité.

 

De plus Barbara a toujours été constante, sur l’essentiel, lors de ses quatre auditions judiciaires.

Enfin il y a un indice indirect de crédibilité dans le fait que les témoins de la demanderesse ne parlent que de ce qu’ils ont vu ou entendu, même si leurs déclarations, au moins matériellement, n’aident pas toujours Barbara.

 

  1. ÉLÉMENTS COMMUNS  AUX  DEUX  CHEFS  DE NULLITÉ  ALLÉGUÉS

 

  1. La cause lointaine de la simulation

 

Même si Barbara, en 1° instance, a affirmé avoir été bien éduquée dans sa famille et dans son école tenue par les Sœurs Ursulines, en fait, si l’on regarde les actes de la cause, on s’aperçoit qu’elle n’a pas reçu une éducation chrétienne solide : « J’ai fréquenté régulièrement l’église jusqu’à 18 ans, mais ensuite seulement de temps en temps », reconnaît-elle, et elle ajoute : « Quand j’ai fréquenté Roberto, je suis devenue plus laïque et donc superficielle, sans comprendre l’importance du sacrement ».

 

Les actes nous apprennent aussi que sa fréquentation avec Roberto ne reposait sur « aucune vraie passion » et que peu de temps avant son mariage elle a eu des rapports intimes avec un collège de bureau.

 

Bref, Barbara ne mettait pas en accord sa vie avec ses principes religieux, et quant au divorce, elle le considérait comme une issue normale si les choses allaient mal dans son couple.

 

La cause lointaine de la simulation se trouve dans la mentalité que l’épouse avait au moment du mariage.

 

  1. La cause prochaine de la simulation

 

  1. Les fiançailles

 

Très vite après leurs fiançailles Barbara et Roberto ont eu des discordes et des querelles, surtout en raison de leurs différences de caractère et de l’animosité qui existait entre Barbara et sa future belle-mère. A l’automne 1996, les fiançailles ont été rompues, pour reprendre un an après, avec de nouvelles disputes, si bien que Roberto a proposé à Barbara, au printemps 1998, de rompre définitivement.

 

Le père de Barbara est alors intervenu. Il avait dépensé beaucoup d’argent pour les préparatifs du mariage, et devant sa réaction violente Roberto se résolut à épouser Barbara, malgré les querelles qui durèrent jusqu’au jour même du mariage, pendant le voyage de noces et les mois qui suivirent, jusqu’à la séparation définitive en avril 2000.

 

En conclusion, étant donné cette situation de conflit, Barbara, avant son mariage, avait des doutes sérieux sur l’avenir de son couple, comme elle l’a déclaré dans toutes ses dépositions judiciaires, ce que de plus confirment les témoins.

 

On peut dire qu’était psychologiquement grave pour Barbara la cause prochaine de la simulation.

 

  1. La « causa contrahendi matrimonium », la cause qui a poussé au mariage

 

Vers le milieu de l’année 1998, Barbara avait accepté d’épouser Roberto, pour qui elle avait de l’affection, mais « ce n’était pas une véritable passion », dit-elle, en précisant qu’à cause de cela leurs rapports intimes étaient rares. Puis il y a la rupture des fiançailles et la reprise de celles-ci : « Quand Roberto m’a proposé le mariage comme un moyen de rétablir nos bonnes relations, je n’ai pas eu la force de m’y opposer, car je pensais que les choses pourraient s’arranger ».

 

De plus il ne faut pas sous-estimer la réaction de son père, qui avait déjà dépensé beaucoup d’argent pour les préparatifs du mariage : « J’avais des doutes sur la réussite de mon mariage, je n’ai pas eu le courage de m’opposer à Roberto et encore moins à mon père » : ceci est un résumé exact de la situation de Barbara à la veille de son mariage.

 

Les témoins confirment cet état d’esprit de la demanderesse.

 

En conséquence, la « causa contrahendi matrimonium » n’était pas assez forte pour infirmer la cause prochaine de la simulation.

 

III.  EXCLUSION  DU  BIEN  DU  SACREMENT

 

Dans ses quatre dépositions judiciaires, Barbara a fait état de ses doutes sérieux sur l’issue de sa future vie conjugale. Il est inutile ici de reproduire les longues citations de la sentence c. Defilippi.

 

En ce qui concerne la « confession extrajudiciaire », il n’y a que peu de témoins : la mère de Barbara, la cousine de celle-ci, un collègue de travail de la demanderesse, mais ils déclarent tous trois que Barbara avait des doutes sur la réussite de son mariage et, dit son collègue : « Elle n’a jamais fait mystère qu’en cas d’échec elle n’hésiterait pas à divorcer. »

 

Les circonstances, par ailleurs, militent pour la simulation : les disputes pendant les fiançailles, dont la gravité est confirmée par le fait que la vie conjugale, dès le début, a connu des affrontements ; comme on en parlera bientôt, la demanderesse a toujours refusé d’avoir des enfants en raison de ses querelles avec Roberto et de ses doutes sur l’issue du mariage ; la séparation a été sanctionnée par le Tribunal Civil sous la forme « consensuelle » sur les instances de Barbara.

 

Ce complexe d’éléments de preuve convainc le Tribunal que la demanderesse a simulé son consentement par exclusion du bien du sacrement.

 

 

  1. EXCLUSION DU  BIEN  DES  ENFANTS

 

La demanderesse a déclaré judiciairement qu’elle s’était mariée « avec la volonté précise de ne jamais avoir d’enfants de Roberto, parce qu’il aurait été absurde de mettre au monde un enfant dans les conditions où nous étions ». Elle a redit son refus à chacune de ses dépositions.

 

Là encore les témoins sont peu nombreux, mais formels. La cousine de Barbara confirme qu’avant le mariage celle-ci lui a dit qu’elle ne voulait pas avoir d’enfant de Roberto étant donné la conduite de celui-ci. Rosa Anna, le père et la mère de Barbara redisent la même chose.

 

Les circonstances, enfin, achèvent de convaincre les juges. La demanderesse a toujours usé de moyens contraceptifs, comme elle le déclare et que confirment les témoins.

 

La certitude morale nous est acquise de la simulation du consentement par exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse demanderesse.

 

 

Constat de nullité pour

– exclusion du bien du sacrement

– exclusion du bien des enfants

de la part de l’épouse demanderesse

 

Vetitum pour l’épouse

 

 

Giovanni Baptista DEFILIPPI, ponent

Robert SABLE

Egidio TURNATURI

 

__________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1] O. GIACCHI, Il consenso nel matrimonio canonico, Milan 1950, n. 21

[2] C. TURNATURI, 16 juin 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 362, n. 8

[3] C. STANKIEWICZ, 24 février 1994, SRRDec, vol. LXXXVI, p. 108, n. 5

[4] S. THOMAS, Somme Théologique, I-II, q. 1, art. 1

[5] Const. Past. GAUDIUM et SPES, n. 17

[6] Const. Past. GAUDIUM et SPES, n. 48

[7] Cf. Const. Past. GAUDIUM et SPES, n. 48 ; Exhortation Apostolique FAMILIARIS CONSORTIO, n. 20

[8] AAS 94, 2002, p. 342, n. 3

[9] C. SABLE, 13 avril 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 340, n. 3

[10] ULPIEN, D, 14, 9

[11] C. BRUNO, 12 mars 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 145, n. 4

[12] C. STANKIEWICZ, 23 juillet 1982, SRRDec, vol. LXXIV, p. 423, n. 3

[13] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote du 21 janvier 2000, AAS 92, 2000, p. 352, n. 4

[14] A. STANKIEWICZ, Simulatio per actum positivum voluntatis, Periodica 87, 1998, II-III, p. 280-282

[15] O. GIACHI, Il consenso nel Matrimonio Canonico, Milan 1968, p. 92

[16] C. POMPEDDA, 22 octobre 1969, SRRDec, vol. LXI, p. 948, n. 2

[17] C. FUNGHINI, 5 juin 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 436, n. 4

[18] Comment. in Lib. IV Sententiarum, dist. XXXI, q. 1, art. 3, in c.

[19] Const. Apost. Sacrae disciplinae leges, par laquelle, le 25 janvier 1983, a été promulgué le nouveau Code

[20] C. FUNGHINI, 5 juin 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 436, n. 2

[21] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 26 janvier 2002, AAS 94, 2002, p. 342, n. 3

[22] C. MONIER, 27 avril 2001, SRRDec, vol. XCIII, p. 295, n. 4

[23] C. PALESTRO, 24 mars 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 215, n. 4

[24] S. VILLEGIANTE, L’esclusione del « bonum sacramenti », dans l’ouvrage collectif La simulazione del consenso matrimoniale canonico, Cité du Vatican 1990, p. 213 sq.

[25] Instr. Donum vitae, 2, 8, AAS 80, 1988, p. 97 ; Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2378

[26] Instr. Donum vitae, n. 1

[27] C. POMPEDDA, 3 juillet 1990, SRRDec, vol. LXXXII, p. 583, n. 3

[28] C. SABLE, 29 mars 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 443, n. 7

[29] C. HUBER, 1° juillet 1998, sent. 71/98, n. 5

[30] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 300, n. 19

[31] S. THOMAS, Supplément, q. 49, art. 3

[32] BENOÎT XIV, De Synodo diocesana, XIII, 22, 11

[33] C. FUNGHINI, 22 février 1989, SRRDec, vol. LXXXI, p. 132, n. 4

[34] C. POMPEDDA, 19 octobre 1992, SRRDec, vol. LXXXIV, p. 495, n. 5-7

[35] C. FUNGHINI, 15 avril 1997, SRRDec, vol. LXXXIX, p. 282, n. 4

[36] C. SABLE, 14 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 595, n. 8

[37] C. BRENNAN, 14 octobre 1966, SRRDec, vol. LVIII, p. 724, n. 3

[38] C. de LANVERSIN, 5 avril 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 255, n. 8

[39] C. MONIER, 18 février 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 187, n. 4

[40] C. BRUNO, 1° février 1991, SRRDec., vol. LXXXIII, p. 68, n. 5

[41] C. TURNATURI, 20 octobre 2005, sent. 104/05, n. 16

[42] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 299, n. 7

[43] M.F. POMPEDDA, Decizione-sentenza nei processi matrimonali, dans Studi di diritto processuale canonico, Giuffré Editeur, Milan 1995, p. 184

[44] M.F. POMPEDDA, Verità e giustizia nella doppia sentenza conforme, dans l’ouvrage collectif La doppia conforme nel processo matrimoniale, Cité du Vatican 2003, p. 15

[45] Même ouvrage, même endroit

[46] Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, du 14 septembre 1994 sur la communion pour les divorcés remariés, AAS 86, 1994, p. 492, n. 9

[47] Cf. c. STANKIEWICZ, 25 avril 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 285, n. 10 ; c. STANKIEWICZ, 26 février 1999, SRRDec, vol. XCI, p. 111, n. 23

[48] C. TURNATURI, 18 décembre 2008, 195/08, n. 13

[49] C. FALTIN, 24 mai 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 334, n. 10

[50] C. BRUNO, 30 mai 1986, SRRDec, vol. LXXVIII, p. 356 sq., n. 9

[51] C. SABLE, 2 avril 1998, SRRDec, vol. XC, p. 315, n. 7

À propos de l’auteur

Yves Alain administrator

Je suis un homme ordinaire, évoluant d'une posture de sachant à celle de sage. La vie m'a donné de nombreux privilèges : français, catholique, marié, père de six enfants, grand-père, ingénieur polytechnicien, canoniste, médiateur, coach, écrivain et chef d'entreprise (https://energeTIC.fr) Il me faut les lâcher peu à peu pour trouver l'essentiel. Dans cette quête, j'ai besoin de Dieu, de la nature et peut-être de vous.