38DeFilippi_10juillet2008

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Coram  DEFILIPPI

 Exclusion du bien des enfants

Exclusion du bien de la fidélité

 Katowice (Pologne) – 10 juillet 2008

  1. N. 20.029

Constat pour l’exclusion du bien des enfants

__________

PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. LE VÉRITABLE MARIAGE
  1. Action de Dieu
  2. Action de l’homme
  3. La présomption de validité du mariage
  1. LA SIMULATION
  1. Définition
  2. Simulation totale ou partielle
  3. L’acte positif de volonté dans la simulation

III. L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS

  1. Le bien des enfants est un élément essentiel du mariage
  2. Droit aux enfants ou droit aux actes ordonnés à la procréation
  3. Exclusion du droit-devoir ou exclusion de l’exercice du droit-devoir
  4. Les critères de la jurisprudence sur ces deux exclusions
  1. L’EXCLUSION DU BIEN DE LA FIDÉLITÉ
  1. Unité et fidélité, deux notions distinctes
  2. La Doctrine
  3. La Jurisprudence
  4. Exclusion du droit-devoir ou exclusion de l’exercice du droit-devoir

 

  1. LA PREUVE DE L’EXCLUSION
  1. Les critères de preuve
  2. La nécessaire pondération des actes

__________

EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 Stéphane P. et Barbara R. font connaissance en 1982. Peu de temps après, Barbara, qui souhaitait avoir une maison confortable, demande à Stéphane de l’épouser. Le mariage civil a lieu le 12 mars 1983 et, sur les instances du mari, le mariage religieux est célébré quelques mois après, le 27 août 1983. Stéphane avait 27 ans et Barbara 26.

 

La vie commune, sans enfant, n’est pas heureuse et connaît l’échec, dont le mari, devant la Justice, rend sa femme responsable pour violation de la fidélité conjugale dès le début de leur union, et pour refus d’avoir des enfants. De fait la vie conjugale est définitivement rompue 11 ans après la célébration du mariage et le divorce est prononcé en novembre 1994.

 

Désireux de retrouver un état normal devant l’Eglise, Stéphane présente le 10 février 1995 un libelle auprès du Tribunal métropolitain de Katowice, accusant son mariage de nullité pour exclusion du bien des enfants et du bien de la fidélité de la part de son épouse. Barbara s’oppose fermement à cette demande, mais refuse de comparaître devant le juge ecclésiastique, ce qui entraîne pour elle une déclaration d’absence du jugement. La sentence du 2 avril 1997 est négative sur les deux chefs allégués et elle est confirmée par le Tribunal métropolitain de seconde instance de Cracovie.

 

Stéphane présente le 24 mars 1998 un recours à la Rote pour obtenir une nouvelle proposition de la cause, qui est acceptée le 12 novembre 1999. Le 25 novembre 2002 le doute est formulé de la manière suivante : La preuve est-elle rapportée que le mariage en cause est nul pour exclusion du bien des enfants et/ou pour exclusion du bien de la fidélité de la part de l’épouse, selon le c. 1101 § 2 CIC ?

 

Il n’y a pas de supplément d’instruction. Le Tour Rotal, le 26 janvier 2007, déclare la nullité du mariage pour les deux chefs allégués, avec un vetitum pour l’épouse.

 

La cause, conformément au c. 1682 § 1, est transmise au Tour Supérieur, c’est-à-dire le nôtre, constitué le 28 mars 2007. Le doute est formulé comme pour l’instance précédente et porte donc sur l’exclusion du bien des enfants et/ou sur l’exclusion du bien de la fidélité de la part de l’épouse partie appelée.

 

EN  DROIT

 

  1. LE VÉRITABLE MARIAGE

 

  1. Action de Dieu

 

  1. Le mariage in facto esse (le mariage-état de vie) a sa propre structure objective particulière, qui le distingue de toute autre institution. Bien plus, le mariage, en ce qui concerne sa constitution objective, « échappe à la fantaisie de l’homme », « car Dieu lui-même est l’auteur du mariage, qui possède en propre des valeurs et des fins diverses »[1]. Cela était déjà solennellement déclaré dans l’Encyclique Casti Connubii : « Rappelons d’abord ce fondement qui doit rester intact et inviolable : le mariage n’a pas été institué ni restauré par les hommes, mais par Dieu ; ce n’est point par les hommes, mais par l’auteur même de la nature et par le restaurateur de la nature, le Christ Notre-Seigneur, que le mariage a été muni de ses lois, confirmé, élevé ; par suite, ces lois ne sauraient dépendre en rien des volontés humaines, ni d’aucune convention contraire des époux eux-mêmes »[2].

 

  1. Action de l’homme

 

  1. D’autre part toutefois, il faut proclamer que le consentement personnel de ceux qui se marient est l’unique, adéquate, absolument nécessaire et sans dérogation, cause efficiente du mariage in facto esse. Car ce principe : « C’est le consentement qui fait le mariage », énoncé par les Romains[3], reçu dans toute la doctrine canonique et théologique et proposé par le Magistère de l’Eglise, est repris dans le c. 1057 § 1 du Code en vigueur : « C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine ».

 

Le consentement matrimonial est défini pour sa part comme « l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage » (c. 1057 § 2).

 

En conséquence, comme le déclare une sentence c. Sable du 24 février 1995, « d’une part la volonté du Créateur a dès le début circonscrit l’institution du mariage et a défini cette relation spécifique entre l’homme et la femme et l’a distinguée de toutes les autres relations. D’autre part […] la volonté du contractant doit confluer vers le seul et même mariage constitué par Dieu créateur, autrement la volonté se porte sur quelque chose d’autre que le mariage[4] ».[5]

 

C’est pourquoi, bien que ce soit uniquement de la libre décision des époux que dépendent la décision de l’état de vie conjugale, le choix du partenaire avec qui on entend réaliser l’état conjugal, et la manifestation du consentement par lequel le mariage est constitué, toutefois « la nature du mariage est absolument soustraite à la liberté de l’homme, en sorte que quiconque l’a une fois contracté se trouve du même coup soumis à ses lois divines et à ses exigences essentielles »[6]. En d’autres termes, comme Nous l’a rappelé le Souverain Pontife Paul VI dans son Discours à la Rote du 9 février 1976 : « Lorsque les époux échangent leurs libres consentements, ils ne font qu’entrer et s’inscrire dans un ordre objectif, dans une ‘institution’ qui les dépasse et qui ne dépend pas d’eux, ni dans son être, ni dans ses lois propres »[7].

 

Il n’est toutefois pas requis pour constituer le mariage que celui qui se marie examine directement et explicitement tous et chacun des éléments objectifs essentiels et des propriétés du mariage. Il suffit qu’au moins implicitement il les regroupe dans la volonté de contracter mariage avec une intention droite, sans exclure aucun élément essentiel constitutif du mariage ni aucune de ses propriétés essentielles.

 

  1. La présomption de validité du mariage

 

  1. Comme la plupart du temps dans les relations humaines il faut ajouter foi aux paroles et aux signes dont l’homme se sert pour manifester ce qu’il a dans l’esprit, surtout lorsqu’il s’agit de choses de très grande importance comme le mariage, qui engendre de graves effets qui durent toute la vie, le Législateur Suprême de l’Eglise déclare fort opportunément, outre les principes généraux de la présomption de validité de tout acte juridique correctement posé (c. 124 § 2) et de la faveur du droit dont jouit le mariage (c. 1060), et plus spécialement à propos de notre affaire, cette présomption du droit : « Le consentement intérieur est présumé conforme aux paroles et aux signes employés dans la célébration du mariage » (c. 1101 § 1).
  2. LA SIMULATION

 

  1. Définition

 

Cependant, si dans un cas le consentement nuptial qui, en tant qu’unique et absolument nécessaire cause efficiente du mariage, « ne peut être suppléé par aucune puissance humaine », se trouve réellement déficient, le même Législateur Suprême Canonique, comme la conformité entre la condition juridique et la vérité objective sur le statut des personnes apporte beaucoup au salut des âmes, « qui doit toujours être dans l’Eglise la loi suprême » (c. 1752), a statué également en conséquence : « Cependant, si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles contractent invalidement » (c. 1101 § 2). Dans ce cas il y a simulation du consentement, ou, en d’autres termes, « une dissension entre la volonté interne et sa manifestation externe, c’est-à-dire lorsque ‘autre chose est de faire, et autre chose est de faire semblant de faire’[8] ».[9]

 

  1. Simulation totale ou partielle

 

Cette simulation, comme il ressort du texte cité du c. 1101 § 2, peut être totale ou partielle : « Celui qui simule totalement n’a aucune intention de contracter mariage ; par contre celui qui exclut un bien veut, au contraire, contracter mariage, mais il l’entend comme conçu et établi par lui-même, c’est-à-dire que l’objet du mariage est quelque chose d’autre que l’objet vers lequel, de par sa nature, doit se porter le consentement matrimonial ».[10]

 

  1. L’acte positif de volonté, dans la simulation

 

Selon le c. cité 1101 § 2 CIC, la simulation partielle du consentement n’a lieu que lorsque l’exclusion d’un élément essentiel ou d’une propriété essentielle entre efficacement, en le limitant, dans l’objet même du consentement conjugal, de telle sorte que ce consentement se porte sur un objet substantiellement falsifié. C’est-à-dire, comme Nous l’a rappelé le Pape Jean-Paul II dans son Discours à la Rote du 21 janvier 2000 : « La tradition canonique et la Jurisprudence Rotale, pour affirmer l’exclusion d’une propriété essentielle ou la négation d’une finalité essentielle du mariage, ont toujours requis que celles-ci soient réalisées par un acte positif de la volonté »[11].

 

C’est pourquoi cette « exclusion », pour comporter une force irritante, doit se faire par un acte de la volonté, c’est-à-dire par un acte qui soit : a) « humain », ou, en d’autres termes, qui procède délibérément de l’intelligence et de la volonté ; b) « positif », ou en d’autres termes, qui est posé de façon actuelle ou au moins virtuelle au moment de la célébration du mariage, et donc efficacement connexe au consentement matrimonial, dont il détermine substantiellement l’objet ; c) « ferme », de telle sorte que le mariage soit contracté réellement selon cette détermination de celui qui se marie, et pas autrement.

 

Bref, « dans l’esprit du contractant, pour qu’il y ait simulation […] il faut qu’il y ait, non pas une absence de la volonté de se marier, mais la présence d’une volonté positive d’exclure »[12].

 

Par conséquent il n’y a pas lieu à simulation dans des formes psychologiques qui en réalité ne réalisent pas cet acte positif de volonté, ainsi, par exemple, les simples idées erronées sur le mariage, l’intention purement habituelle, la volonté purement interprétative, une velléité générique, une inclination contraire etc.

 

Comme dans notre cas présent il est question de la nullité du mariage pour double simulation partielle du consentement : exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse partie appelée, et exclusion du bien de la fidélité de la part de cette même épouse, il faut rappeler au moins les principes majeurs du droit qui regardent spécifiquement chacune des deux formes de simulation du consentement.

 

III. L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS

 

  1. Le bien des enfants est un élément essentiel du mariage

 

  1. En ce qui concerne l’exclusion du bien des enfants, il faut remarquer que dans ce cas la simulation du consentement a lieu en raison de l’exclusion de l’un des éléments essentiels du mariage, puisqu’est exclue une de ses fins essentielles. Le mariage est en effet défini dans le Code comme « l’alliance matrimoniale par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints, ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants » (c. 1055 § 1 ; cf. aussi c. 1061 § 1 ; c. 1096 § 1) Le Concile Vatican II enseigne en effet : « C’est par sa nature même que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation qui, tel un sommet, en constituent le couronnement […]. Un amour conjugal vrai et bien compris, comme toute la structure de la vie familiale qui en découle, tendent, sans sous-estimer pour autant les autres fins du mariage, à rendre les époux disponibles pour coopérer courageusement à l’amour du Créateur et du Sauveur qui, par eux, veut sans cesse agrandir et enrichir sa propre famille »[13].

 

Cette vérité, le Souverain Pontife nous l’a redite récemment : « La possibilité de procréer une nouvelle vie humaine est incluse dans la donation intégrale des époux. Si en effet, toute forme d’amour tend à répandre la plénitude dont il vit, l’amour conjugal a un mode propre de se communiquer : engendrer des enfants. Ainsi non seulement il ressemble mais il participe à l’amour de Dieu qui veut se communiquer en appelant à la vie les personnes humaines »[14].

 

  1. Droit aux enfants ou droit aux actes ordonnés à la procréation

 

  1. Cependant l’ordonnancement du mariage au bien des enfants, en tant que finalité institutionnelle du mariage et donc un de ses éléments essentiels, dont l’exclusion par un acte positif de volonté détermine la nullité du mariage, doit être exposé, au moins brièvement.

 

  1. Tout d’abord il faut déclarer que personne ne peut s’attribuer un droit à avoir des enfants. En effet, « l’enfant n’est pas un , mais un don. Le ‘don le plus excellent du mariage’ est une personne humaine. L’enfant ne peut être considéré comme un objet de propriété, ce à quoi conduirait la reconnaissance d’un prétendu ‘droit à l’enfant’. En ce domaine, seul l’enfant possède de véritables droits : celui ‘d’être le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa conception’[15]»[16].

 

Au contraire, « Le mariage ‘donne seulement aux conjoints le droit de poser les actes conjugaux qui sont ordonnés par eux-mêmes à la procréation’[17].[…] Le principe récemment cité nous apporte la certitude la plus grande de la position doctrinale selon laquelle la question du bien des enfants doit toujours être qualifiée et mesurée avec les actes aptes par eux-mêmes à la génération d’enfants, c’est-à-dire avec l’acte conjugal »[18].

 

En d’autres termes, « il faut dire qu’il n’est pas nécessaire à l’essence du mariage qu’il y ait une génération d’enfants, mais seulement que les actes conjugaux soient ordonnés à la génération d’enfants »[19].

 

Toutefois, si l’on examine en particulier ce qui est dit soit au c. 1061 § 1, selon lequel le mariage « est ordonné par sa nature » « à l’acte conjugal apte de soi à la génération, » soit au c. 1055 § 1, selon lequel « l’alliance matrimoniale […] est ordonnée par son caractère naturel […] à la génération et à l’éducation des enfants », il faut déclarer aussi que « le bien des enfants embrasse également les effets qui découlent naturellement du droit aux actes conjugaux, c’est-à-dire le droit-devoir à la naissance et à la conservation dans la vie des enfants éventuellement engendrés »[20].

 

  1. Exclusion du droit-devoir ou exclusion de l’exercice du droit-devoir

 

  1. En outre il faut avec soin distinguer d’une part l’exclusion du « droit-devoir » aux actes conjugaux à réaliser « de manière humaine », qui sont ordonnés par eux-mêmes à la procréation, et d’autre part la dénégation de l’« exercice-accomplissement » de ce droit-devoir. Quand en effet le mariage est célébré, il est question des droits-devoirs à donner et à recevoir mutuellement, mais non de leur exercice-accomplissement. C’est pourquoi a une force irritante l’acte positif de volonté qui atteint le droit-devoir, mais pas l’acte de volonté qui regarde simplement l’exercice-accomplissement du droit concédé ou de l’obligation reçue. En effet, « comme l’être d’une chose ne dépend pas de son usage », « le droit et l’obligation aux actes conjugaux peuvent exister bien que l’usage du droit et l’accomplissement de l’obligation, dans le cas concret, soient inexistants […]. Autre chose est en effet de ne pas donner le droit au bien des enfants dans ses principes, et autre chose est de donner ce droit au partenaire avec l’intention de violer ou de ne pas exécuter l’obligation reçue, soit pour un temps déterminé, soit pour un temps indéterminé »[21]. En d’autres termes, « ce qui rend nul le mariage, ce n’est pas le simple défaut d’enfant, mais l’exclusion des enfants ‘dans ses principes’[22], du fait que ‘ne répugne pas à la substance du mariage le non-usage, mais l’impossibilité de l’usage’[23]»[24].

 

  1. Les critères de la jurisprudence sur ces deux exclusions

 

  1. Bien que les principes juridiques soient clairs, il n’est pas facile dans chaque cas de voir s’il s’agit de l’exclusion du droit-devoir, ou seulement de l’exclusion du simple exercice-accomplissement. Quelques critères ont cependant été élaborés par la Jurisprudence de Notre Tribunal Apostolique.

 

 

 

Tout d’abord, « de l’exclusion absolue des enfants se conjecture l’exclusion du droit aux actes conjugaux et en conséquence la nullité du mariage […]. Comme on le sait, le contractant qui ne veut le mariage que sans enfant ne peut pas en même temps assumer les obligations substantielles du bien des enfants »[25].

 

Il peut arriver en outre que le simulant allégué, bien que, dès l’époque de la célébration du mariage, il exclue réellement et absolument les enfants, n’informe pas clairement de son intention l’autre partie et les témoins. Dans ce cas cependant on pourra déduire de l’étude des motifs pris tous ensemble et de la conduite constante de cette personne qu’elle a exclu les enfants dès l’époque du mariage et de façon absolue.

 

Quand il s’agit de l’exclusion hypothétique ou temporaire des enfants, il faut faire des distinctions adéquates, parce qu’une telle exclusion peut irriter le mariage si elle atteint le droit, qui « doit être donné et reçu non seulement mutuellement, mais pour toujours »[26].

 

En effet, « même si par eux-mêmes les actes pour la génération d’enfants peuvent admettre une interruption, le droit aux actes aptes par eux-mêmes à la génération d’enfants n’admet d’aucune façon une interruption. C’est-à-dire : le contractant, en donnant son consentement, concède dès lors à l’autre partie la faculté de demander l’acte à accomplir de façon humaine pour exercer ce droit, et cette demande peut être faite sans aucune limite. Le droit, donné dans le consentement, ne peut admettre aucune limitation de la part du contractant, même temporaire »[27]. Par conséquent, « la Jurisprudence Rotale, pacifiquement et constamment, a reconnu et admis que le refus temporaire des enfants, s’il se ramène à une diminution ou une limitation du droit, entraîne la nullité du mariage, puisqu’on a la preuve que le contractant, en raison de sa façon de penser, a rejeté le don du droit et a restreint l’objet du consentement, au moins si et dans la mesure où surviennent certaines circonstances »[28].

 

Semble rejeter le droit celui qui exclut les enfants pour un temps absolument indéterminé, en le liant à l’arrivée d’un événement futur et complètement incertain. « Dans cette hypothèse, lit-on dans une sentence c. de Lanversin du 5 avril 1995, la validité du mariage est anéantie, comme le tient la Jurisprudence de Notre For, à savoir que ‘celui qui, en contractant, se réserve le don du droit si et dans la mesure où se produisent dans l’avenir certaines circonstances, ne donne pas, sans le moindre doute, le droit lors de l’acte de célébration du mariage, et donc restreint l’objet du consentement’[29] ».[30]

 

Au contraire l’exclusion temporaire des enfants, la plupart du temps, si elle montre un simple report à plus tard, à une époque peut-être plus propice, ou à des conditions économiques plus favorables, de travail ou de logement, peut s’accorder avec un don-acceptation correct du droit conjugal. Car « l’exclusion temporaire, selon la Jurisprudence constante de Notre Tribunal Apostolique, fait présumer que les conjoints, par le report à plus tard de la génération, ont entendu repousser seulement l’exercice du droit concédé, qui par lui-même, comme il ressort de la doctrine de la paternité responsable, ne peut infecter le consentement matrimonial »[31].

 

 

 

  1. L’EXCLUSION DU BIEN DE LA FIDÉLITÉ

 

  1. Unité et fidélité ; deux notions distinctes

 

  1. En ce qui concerne l’exclusion du bien de la fidélité, on comprend par là, en pratique, soit l’exclusion de la propriété essentielle de l’« unité » (cf. c. 1056), soit l’exclusion de cet élément essentiel du mariage, qui s’appelle « foi » ou « fidélité ». En effet, comme l’enseigne l’encyclique Casti Connubii, le « bonum fidei » est « la fidélité mutuelle des époux à observer le contrat de mariage, en vertu de laquelle ce qui, à raison du contrat sanctionné par la loi divine, revient uniquement au conjoint ne lui sera point refusé ni se sera accordé à une tierce personne ; et au conjoint lui-même il ne sera pas concédé ce qui, étant contraire aux lois et aux droits divins et absolument inconciliable avec la fidélité matrimoniale, ne peut jamais être concédé. C’est pourquoi cette fidélité requiert tout d’abord l’absolue unité conjugale […]. En outre la fidélité conjugale requiert que l’homme et la femme soient unis par un amour particulier, par un sain et pur amour ; ils ne doivent pas s’aimer à la façon des adultères, mais comme le Christ a aimé l’Eglise »[32].

 

Cependant l’« unité » et la « fidélité » sont proprement des notions absolument distinctes.

 

  1. La Doctrine

 

En effet, « la propriété de l’unité ne coïncide pas avec le ‘bonum fidei’, en tant que l’unité exclut seulement la polygamie simultanée, alors que le ‘bonum fidei’ exclut aussi l’adultère. Techniquement il serait souhaitable […] que les rares cas de nullité qui se vérifient par l’exclusion de l’unité ne rentrent pas dans les cas d’exclusion du bonum fidei, mais soient reçus spécifiquement comme cas de nullité pour exclusion de la propriété essentielle de l’unité »[33]. En d’autres termes, « en raison de l’exclusion de la propriété de l’unité contracte invalidement seulement celui qui se réserve le droit d’avoir plus d’une femme (ou d’un mari), au sens strict de la polygamie […]. Celui qui entend n’avoir qu’une seule femme, si cependant il se réserve le droit de commettre l’adultère ou s’il exclut l’obligation de la fidélité conjugale, contracte invalidement, mais pas pour exclusion de la propriété de l’unité, qu’en réalité il n’exclut pas »[34]

 

  1. La Jurisprudence

 

En ce qui concerne la Jurisprudence de Notre Tribunal Apostolique, certes, comme l’écrit avec justesse R. Funghini, jusqu’au « début des annés 60, on prétendait à une certaine égalité entre ‘fidélité’ et ‘unité’. Cette égalité avait entraîné l’affirmation constante qu’il fallait considérer que le bonum fidei n’était exclu que lorsque le contractant, en manifestant son consentement, avait eu l’intention de donner le droit au corps propre aux actes aptes par eux-mêmes à la génération d’enfants, non seulement à son conjoint mais aussi à une tierce personne ou à d’autres personnes, ou, pour le moins, s’était réservé le droit d’avoir des rapports avec une autre personne, en refusant l’obligation d’en avoir seulement avec son conjoint »[35].

 

La Jurisprudence récente de Notre Tribunal Apostolique, cependant, en accord avec la doctrine canonique, après avoir affirmé la distinction entre « unité » et « fidélité », « a mis en lumière, en ce qui concerne l’objet du bonum fidei, l’importance du fait de refuser à l’autre conjoint le droit exclusif, ainsi que celle du fait de concéder un tel droit à une tierce personne. La même chose est dite naturellement pour ce qui concerne l’intention de ne pas accepter le droit exclusif que l’autre personne entend concéder »[36].

 

En somme, « le bonum fidei essentiel, comprend, outre l’unité du lien, le droit et l’obligation mutuelle des conjoints tant à la demande et à l’accomplissement du devoir conjugal, qu’à l’exclusivité de faire les actes propres de la vie conjugale. Ceci s’entend d’une autre façon que dans le bien des enfants, c’est-à-dire non pas comme le droit et l’obligation aux actes conjugaux nécessaires pour propager la vie et donc engendrer les enfants, mais plutôt comme le droit et l’obligation à user de la sexualité de façon exclusive entre les conjoints »[37].

 

C’est pourquoi la Jurisprudence récente a cessé « d’exiger dans l’exclusion du bonum fidei, l’intention de pratiquer une certaine polygamie, puisqu’il suffit pour entraîner la nullité qu’il y ait l’intention, soit de ne pas donner au conjoint ou de ne pas accepter de lui le droit exclusif, soit de rejeter l’obligation de garder la fidélité, soit de limiter le consentement par une restriction qui soit contraire au devoir de garder la fidélité […]. Une telle intention en effet retire quelque chose d’essentiel à l’exclusivité du droit, active ou passive[38], ainsi qu’à l’obligation corrélative, et pose une limite au consentement par rapport à son objet formel essentiel »[39].

 

  1. Exclusion du droit-devoir ou exclusion de l’exercice du droit-devoir

 

  1. Toutefois, quand la nullité du mariage est en jeu pour exclusion du bonum fidei, il faut affirmer nettement qu’il y a une distinction entre l’exclusion de la « fides » comme celle du « droit-devoir » et l’exclusion de la « fides » comme celle de « l’exercice » de ce droit-devoir. Saint Thomas en effet nous avertit clairement que la « fides » peut être considérée de deux façons : l’une, en elle-même, et ainsi elle appartient à l’usage du mariage par lequel le pacte conjugal est gardé, l’autre, dans son principe, et alors pour « fides » on voit le devoir de garder la fidélité. Dans le premier cas, le mariage existe parfois sans fidélité, parce que l’être d’une chose ne dépend pas de son exercice ; dans le second cas, le mariage ne peut pas exister sans fidélité, parce que ce devoir dans le mariage est causé par le pacte conjugal lui-même, de telle sorte que si quelque chose de contraire est exprimé dans le consentement, il n’y a pas de véritable mariage.[40]

 

C’est pourquoi, pour provoquer la nullité du mariage, il est requis que la fides soit exclue « dans ses principes », c’est-à-dire que soient exclus soit le « droit » lui-même, soit l’« obligation » elle-même, et non pas seulement l’« exercice » du droit ou l’« accomplis-sement » de l’obligation. C’est ce que fait non seulement le contractant qui, « dans le domaine de l’acte véritablement marital »[41], donne à une tierce personne quelque droit sur son propre corps, mais aussi celui qui entend donner le droit à son conjoint, mais un droit qui n’est pas exclusif, ou encore celui qui décide de ne donner le droit lui-même à personne, ni à son partenaire, ni à une autre ou plusieurs autres personnes.[42]

 

En conséquence, « le bien de la fidélité n’exclut pas le simple propos de commettre l’adultère, le cas échéant, mais ce qui exclut le bien de la fidélité, c’est le refus ferme et déterminé de faire une donation totale de soi, ou la réserve faite par un acte positif de volonté d’avoir aussi des rapports avec d’autres personnes, selon son propre gré, ou le propos obstiné, en se mariant, de donner pouvoir sur son propre corps à son amant ou sa maîtresse, avec qui le contractant avait noué des relations avant le mariage […]. ‘En effet, lit-on dans une sentence c. Brennan, il y a entrave au bien de la fidélité lorsque les parties se réservent le droit (si l’on peut ainsi parler) de commettre l’adultère. Cela, bien sûr, ne doit pas être compris comme si on donnait un ‘droit’ au délit, mais le ‘droit à l’adultère’ montre plutôt l’intensité de la volonté par laquelle quelqu’un veut, de la même façon, avoir des rapports avec une personne et adhérer pareillement à une autre’[43] ».[44]

 

  1. LA PREUVE DE L’EXCLUSION

 

  1. Les critères de preuve

 

  1. La preuve de cette simulation du consentement (et donc également de l’exclusion des biens des enfants et de la fidélité) est, par nature, difficile. Il s’agit en effet d’un acte interne connu de Dieu seul, et contraire à l’acte manifesté de façon externe quand le mariage a été célébré, alors que dans le Code de Droit Canonique il est déclaré à plusieurs reprises qu’il existe une présomption de validité du mariage (cf. c. 124 § 2, c. 1060 et c. 1101 § 1). Cette preuve cependant, selon les critères reçus et la jurisprudence traditionnelle, est possible si trois éléments se rencontrent et s’unissent : « la confession du simulant, judiciaire et surtout extra-judiciaire, faite à une époque non suspecte à des témoins dignes de foi ; une cause grave et proportionnée de simulation qui, de nature bien distincte de la cause qui a poussé au mariage, prévale de fait sur elle ; des circonstances antécédentes, concomitantes et subséquentes, qui rendent la simulation perpétrée non seulement possible, mais probable et bien crédible »[45]

 

Ce schéma cependant doit être adapté au cas sur lequel il faut porter un jugement, parce qu’il s’agit principalement d’une question de « fait », et chaque « fait » a en propre son histoire, sa dialectique, ses personnes et ses circonstances particulières. Cela signifie que le cas est à examiner selon la condition concrète et existentielle dans laquelle se trouvait, au moment du mariage, celui à qui est attribuée judiciairement la simulation du consentement.

 

En outre, dans ce genre de causes qui « en général reposent sur des indices »[46], il faut remarquer que la vérité ne doit pas être tirée de l’un ou l’autre des éléments, mais de l’ensemble des moyens de preuve recueillis, considérés ensemble, qui ne peuvent être interprétés logiquement que si l’on admet la simulation alléguée du consentement.

 

Les moyens de preuve doivent conduire à ce que, « à partir des actes et des preuves », naisse « dans l’esprit du juge la certitude morale au sujet de l’affaire à trancher par la sentence » (c. 1608 § 1 et 2), soit, dans notre cas, au sujet de « l’exclusion du bien des enfants et/ou de l’exclusion du bien de la fidélité de la part de l’épouse partie appelée ».

 

Il revient au juge, principalement, après avoir apprécié tous les moyens de preuve « selon sa conscience » (c. 1608 § 3), de conclure que dans le cas la nullité du mariage est, avec une « certitude morale », prouvée pour les chefs allégués.

 

Cette preuve de la simulation du consentement est sans aucun doute plus difficile si la partie appelée ou bien refuse de comparaître devant le juge ecclésiastique ou rejette ce qu’allègue la partie demanderesse, mais elle n’est pas impossible. Car dans ce genre de cas, « le devoir du juge est d’établir, à partir de l’examen interne des actes, à qui doit être accordée la plus grande crédibilité. Il faut avoir présents à l’esprit, s’ils existent, les témoignages de crédibilité rédigés par des curés ou des prêtres, les dépositions de témoins dignes de foi, ainsi que les faits, circonstances et présomptions qui peuvent être recueillis à partir des fermes moyens de preuve apportés »[47].

 

  1. La nécessaire pondération des actes

 

De toute façon il faut agir avec une pondération diligente sans a priori, pour respecter également l’esprit du Code actuellement en vigueur, qui « peut être considéré comme plus humain, c’est-à-dire tendant à un plus grand respect pour l’homme et sa dignité ». En effet, « les normes codifiées dans le Code de 1983 reflètent une tendance vers un plus grand respect pour la personne dans son ensemble, un plus grand respect de l’humanité profonde de la personne. Le développement représente un respect fondé sur l’authentique ‘charité’ »[48]. Et donc « nous sommes certainement bien loin du précepte de l’art. 117 de l’Instruction Provida Mater : ‘La déposition judiciaire des conjoints n’est pas idoine à constituer une preuve contre la validité du mariage’ »[49]. D’ailleurs ceux qui s’adressent au Tribunal ecclésiastique, « mus exclusivement par des raisons de conscience, savent bien que ne leur apporterait rien une décision judiciaire d’un tribunal de l’Eglise basée ou fondée sur des assertions ne correspondant pas à la vérité »[50].

 

C’est proprement pourquoi, « afin que soit exclu tout différend – autant que faire se peut – entre la vérité accessible dans un procès et la vérité objective, connue par la conscience droite »[51], dans le Code de Droit Canonique, s’il est statué de façon générale à propos des jugements contentieux ordinaires : « dans les causes qui concernent le bien public, l’aveu judiciaire et les déclarations des parties qui ne sont pas des aveux peuvent avoir valeur de preuve ; le juge devra les apprécier en relation avec les autres éléments de la cause ; mais une valeur probante plénière ne peut leur être reconnue à moins qu’il n’y ait d’autres éléments qui les corroborent pleinement » (c. 1536 § 2), il est édicté plus loin, en ce qui concerne proprement les causes de nullité de mariage : « A moins que les preuves n’aient par ailleurs pleine valeur probante, le juge, pour apprécier les dépositions des parties selon le c. 1536, fera appel, si c’est possible, en plus des autres indices et éléments probants, à des témoins sur la crédibilité des parties elles-mêmes » (c. 1679).

 

Cette diligence et cette équité du juge, le « salut des âmes, dont parle le c. 1752 CIC, les demande à coup sûr, mieux il les impose ». En effet « le principe suprême de Notre For postule que ‘la mission du juge dans ce genre de causes est sans aucun doute très difficile. Il serait toutefois injuste que le juge, dont on invoque la science, la prudence et l’équité dans l’administration de la justice, fuît sa responsabilité de juge et, par peur de se tromper, se retourne facilement vers le c. 1060 CIC. D’ailleurs, pour le prononcé d’une sentence, il n’est pas exigé une certitude absolue ou mathématique, il suffit d’une certitude morale, qui, si d’une part elle se distingue de la simple probabilité, parce qu’elle n’admet pas un doute positif et prudent, d’autre part n’exclut pas une crainte prudente de se tromper’[52] ».[53]

 

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

  1. RÉFLEXIONS PRÉLIMINAIRES  GÉNÉRALES

 

Comme il est question dans la cause présente d’une double forme de simulation : par exclusion du bien des enfants et/ou par exclusion du bien de la fidélité, nous pouvons faire des réflexions préliminaires qui concernent à la fois ces deux chefs de simulation du consentement.

 

Tout d’abord l’épouse partie appelée n’a jamais répondu aux demandes du juge pour une déposition et n’a jamais cité de témoins. Par contre le demandeur a avec persévérance, malgré les sentences négatives des deux premières instances, tenté de prouver la nullité de son mariage et il a agi de la sorte pour la paix de sa conscience, puisque le divorce civil avait réglé tous les problèmes matériels. De plus il est présenté par les témoins comme un homme religieux et pleinement crédible.

 

Si l’on regarde le fond de la cause, on voit sans peine, à la lecture des actes, que l’épouse partie appelée était dans une situation favorable à une double simulation. Elle n’était pas pratiquante et, peu de temps après avoir fait la connaissance de son futur mari, elle était, aux dires des témoins, pressée de se marier pour pouvoir avoir une maison plus grande. Elle ne souhaitait d’ailleurs qu’un mariage civil et elle n’a accepté le mariage religieux que pour ne pas déplaire à sa famille et éviter les réflexions des habitants de son village. Des témoins affirment que pour elle le mariage religieux n’avait aucune importance, ils déclarent également qu’elle était une fille facile.

 

Tout ceci montre que la cause éloignée de la simulation est un manque de formation religieuse et morale, et donc un manque de considération pour le sacrement de mariage.

 

Quant à la cause qui a conduit au mariage, c’est le désir d’avoir un certain niveau de vie, avec une maison plus grande, alors que la future épouse n’éprouvait aucun amour pour son mari.

 

  1. L’EXCLUSION DU  BIEN  DES  ENFANTS

 

Dans la procédure du divorce, l’épouse partie appelée a déclaré au juge civil qu’elle ne voulait absolument pas d’enfant, contrairement à son mari, et que cela avait eu une influence sur la désagrégation de leur vie matrimoniale. Toutefois, cette intention d’exclure les enfants était-elle antérieure ou postérieure au mariage ?

 

Dans sa lettre du 17 février 1995 au Tribunal ecclésiastique de 1° instance, l’épouse semble affirmer qu’elle avait, avant son mariage, constaté que le comportement de son futur mari ne lui donnait pas une garantie de sécurité au cas où elle aurait un enfant, mais elle n’explicite pas en quoi ce comportement l’amenait à une telle opinion. Il reste au moins sa déclaration au juge civil pour le divorce, où l’épouse avait affirmé que, pendant la vie conjugale, elle n’avait absolument pas voulu d’enfant.

Le mari demandeur, de son côté, a dit clairement, au juge civil et au juge ecclésiastique, que sa femme ne voulait pas d’enfant, mais devant chacun des juges il n’a pas précisé si l’intention de son épouse contre le bien des enfants existait avant le mariage ou ne s’était manifesté qu’après le mariage. Les détails très réalistes qu’il cite concernant ses relations conjugales et les moyens qu’y prenait son épouse pour éviter d’être enceinte n’apprennent rien sur l’époque où celle-ci aurait décidé de ne jamais procréer.

 

Les témoins n’ont appris le refus absolu de l’épouse d’avoir des enfants qu’après le mariage. Toutefois ils ont compris, pour l’avoir entendu soit de l’épouse elle-même, soit du mari demandeur, qu’il ne s’agissait pas d’un simple report à plus tard de la génération, mais d’une exclusion absolue de celle-ci. La mère, le père, l’oncle du demandeur sont très nets sur ce point, comme deux autres témoins.

 

Le problème reste entier : l’intention de l’épouse contraire au mariage est-elle une intention prématrimoniale, ou postmatrimoniale ?

 

L’épouse elle-même a montré que son intention était fondée sur sa mentalité personnelle : sa carrière professionnelle, le soin de son corps, le travail causé par l’éducation et le soin des enfants, le désir d’une vie sans souci superflu, et donc que ses raisons n’étaient pas apparues après son mariage, mais qu’elles étaient dans son esprit avant le mariage. La cause de la simulation n’est pas affaiblie par la cause qui a poussé au mariage puisque l’épouse n’éprouvait pas d’amour pour son mari, mais souhaitait arriver à ses propres fins.

 

Bien que la vie conjugale ait duré presque onze ans, et bien que son mari ait souhaité avoir des enfants, l’épouse n’a jamais renoncé à son intention d’exclure absolument toute naissance et ce ferme refus, comme elle l’a déclaré devant le juge civil, a eu une influence sur la désagrégation de sa vie matrimoniale. Bref, par son obstination à refuser des enfants, l’épouse a montré qu’elle préférait ruiner son mariage plutôt que d’accéder aux désirs de son mari.

 

De l’ensemble des éléments de preuve, les Pères Auditeurs soussignés déclarent prouvée la nullité du mariage pour exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse partie appelée.

 

III.  L’EXCLUSION  DU  BIEN  DE  LA  FIDÉLITÉ

 

Les témoignages sur ce chef de nullité ne suffisent pas à prouver l’exclusion de la fidélité conjugale « dans ses principes » qu’aurait réalisée l’épouse au moment de son mariage :

 

– Personne n’a jamais entendu l’épouse parler explicitement contre l’obligation de la fidélité conjugale.

– Bien que l’épouse ait été une fille facile avant son mariage, personne ne l’accuse de libertinage après son mariage.

– Les époux ont vécu chastement avant leur mariage et ils n’ont eu de rapports conjugaux qu’après leur mariage.

– Certes certains témoins parlent d’un certain Monsieur M., que connaissait l’épouse avant son mariage et qu’elle aurait continué à fréquenter après son mariage, mais rien ne prouve qu’ils aient été amants.

– Les témoins ne prouvent pas l’infidélité de l’épouse après son mariage.

 

Bref, la preuve de l’exclusion du bien de la fidélité par l’épouse partie appelée n’est pas rapportée.

 

 

Constat de nullité

seulement pour exclusion du bien des enfants

de la part de l’épouse partie appelée

 

 

Vetitum pour l’épouse

 

 

Giovanni Baptista DEFILIPPI, ponent

Robert M. SABLE

Egidio TURNATURI

 

__________

[1] GAUDIUM et SPES, n. 48 § 1

[2] 31 décembre 1930, AAS 22, 1930, p. 541

[3] D. 35, 1, 15 ; D. 50, 17, 30

[4] Cf. DE LUGO, De justitia et jure, disput. XXII, n. 361

[5] C. SABLE, 24 février 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 166, n. 2

[6] Encyclique Casti Connubii, AAS 22, 1930, p. 541

[7] AAS 68, 1976, p. 207

[8] ULPIEN, D. 14, 9

[9] C. TURNATURI, 1° mars 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 170, n. 9

[10] C. TURNATURI, 14 décembre 2006, 166/06, n. 10

[11] AAS 92, 2000, p. 352, n. 4

[12] O. GIACCHI, Il consenso nel matrimonio canonico, Milan 1968, p. 92

[13] GAUDIUM et SPES, n. 48 et 50

[14] Message au Congrès international pour le 40° anniversaire de l’encyclique Humanae Vitae, Osservatore Romano, 4 octobre 2008, p. 1

[15] Instr. Donum vitae, 2, 8, AAS 80, 1988, p. 97

[16] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2378

[17] Instr. Donum vitae, n. 1

[18] C. POMPEDDA, 3 juillet 1990, SRRDec, vol. LXXXII, p. 583, n. 3

[19] C. SABLE, 29 mai 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 443, n. 7

[20] C. HUBER, 1° juillet 1998, Sent. 71/98, n. 5

[21] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 300, n. 19

[22] S. THOMAS, Suppl., q. 49, art. 3

[23] BENOÎT XVI, De Synodo diocesana, XIII, 22, 11

[24] C. FUNGHINI, 22 février 1989, SRRDec, vol. LXXXI, p. 132, n. 4

[25] C. POMPEDDA, 19 octobre 1992, SRRDec, vol. LXXXIV, p. 495, n. 5-7

[26] C. FUNGHINI, 15 avril 1997, SRRDec, vol. LXXXIX, p. 282, n. 4

[27] C. SABLE, 14 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 595, n. 8

[28] C. TURNATURI, 20 janvier 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 57, n. 9

[29] C. BRENNAN, 14 octobre 1966, SRRDec, vol. LVIII, p. 724, n. 3

[30] C. de LANVERSIN, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 255, n. 8

[31] C. BRUNO, 1° février 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 68, n. 5

[32] AAS 22, 1930, p. 546 et 548

[33] U. NAVARRETE, I beni del matrimonio : elementi e proprietà essenziali, dans l’ouvrage collectif La nuova legislazione matrimoniale canonica, Cité du Vatican, 1986, p. 94

[34] U. NAVARRETE, De jure ad vitae communionem, Periodica LXVI, 1977, p. 250

[35] R. FUNGHINI, L’esclusione del bonum fidei, dans l’ouvrage collectif La simulazione del consenso matrimoniale, Cité du Vatican 1990, p. 139 sq.

[36] M.F. POMPEDDA, Il consenso matrimoniale, dans l’ouvrage collectif Il matrimonio nel nuovo Codice di Diritto Canonico, Padoue 1984, p. 77

[37] C. FUNGHINI, 25 novembre 1987, SRRDec, vol. LXXIX, p. 686, n. 3

[38] Cf. c. de JORIO, 26 février 1969, SRRDec, vol. LXI, p. 205, n. 4

[39] C. STANKIEWICZ, 26 mars 1987, SRRDec, vol. LXXIX, p. 145, n. 7

[40] Cf. SAINT THOMAS, III, Suppl., q. XLIX, art. III

[41] C. POMPEDDA, 26 novembre 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 719, n. 6

[42] Cf. c. COLAGIOVANNI, 16 octobre 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 536, n. 8

[43] C. BRENNAN, 28 juin 1954, SRRdec, vol. XLVI, p. 521, n. 3

[44] C. FUNGHINI, 24 mai 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 315, n. 6

[45] C. TURNATURI, 20 octobre 2005, sent. 104/05, n. 16

[46] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 297, n. 7

[47] C. BRUNO, 19 décembre 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 734, n. 6

[48] M.F. POMPEDDA, Decisione-sentenza nei processi matrimoniali, dans Studi di diritto processuale canonico, Giuffré, Milan 1995, p. 184

[49] M.F. POMPEDDA, Verità e giustizia nella doppio sentenza conforme, dans l’ouvrage collectif La doppio sentenza conforme nel processo matrimoniale, Cité du Vatican 2003, p. 15

[50] Même endroit

[51] Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur l’admission à l’Eucharistie des divorcés-remariés, 14 septembre 1994, AAS 86, 1994, p. 492, n. 9

[52] C. BRUNO, 30 mai 1986, SRRDec, vol. LXXVIII, p. 356, n. 9

[53] C. SABLE, 2 avril 1998, SRRDec, vol. XC, p. 315, n. 7 ; cf. aussi c. TURNATURI, 1° mars 1966, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 176, n. 17

À propos de l’auteur

Yves Alain administrator

Je suis un homme ordinaire, évoluant d'une posture de sachant à celle de sage. La vie m'a donné de nombreux privilèges : français, catholique, marié, père de six enfants, grand-père, ingénieur polytechnicien, canoniste, médiateur, coach, écrivain et chef d'entreprise (https://energeTIC.fr) Il me faut les lâcher peu à peu pour trouver l'essentiel. Dans cette quête, j'ai besoin de Dieu, de la nature et peut-être de vous.