Coram VERGINELLI
Défaut de discretio judicii
Incapacité d’assumer
Tribunal régional du Latium (Italie) – 28 mai 2010
P.N. 19.788
Constat de nullité pour
l’incapacité d’assumer
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PLAN DE L’IN JURE
- Conditions d’un consentement valide
- Le rôle du juge et la certitude morale
- Moyens pour la certitude morale
- Les indices
- Le rôle des experts
- Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique
- Erreurs à éviter
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EXPOSÉ DES FAITS (résumé)
Gianfranco et Concetta se rencontrent en 1981. A cette époque le jeune homme est très éprouvé, surtout par la mort de ses parents, et c’est pourquoi il s’attache beaucoup à Concetta. En 1982-1983 il est atteint d’une maladie psychique pour laquelle il est soigné. En même temps, bien qu’éprouvant des sentiments pour une autre personne, il épouse Concetta, le 2 août 1986. Sa précédente relation amoureuse dure jusqu’en 1987, où il a une liaison avec une autre personne. Son union maritale avec Concetta prend fin en 2000, après 14 ans de vie commune, lorsque l’épouse découvre l’adultère de son mari. Aucun enfant n’est né de ce mariage.
Le 12 mars 2003, Gianfranco accuse de nullité son mariage, devant le Tribunal régional du Latium, pour grave défaut de discretio judicii de sa part ainsi que pour incapacité, toujours de sa part, d’assumer les obligations conjugales essentielles pour des causes de nature psychique. Pendant l’instruction de la cause une expertise psychiatrique est effectuée sur le mari demandeur. La sentence du 18 janvier 2006 est affirmative.
Le défenseur du lien et l’épouse partie appelée se tournent vers la Rote, où la cause, le 10 novembre 2006, est admise à l’examen ordinaire du second degré. Une nouvelle expertise est effectuée. Il Nous revient aujourd’hui de répondre au doute concordé sur les deux chefs présentés en première instance.
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EN DROIT
- Conditions d’un consentement valide
- Dès l’origine un consentement défectueux entraîne la nullité du lien nuptial.
Et donc un consentement marqué par une insuffisance ne peut être émis validement au risque de nullité.
C’est pourquoi, pour que naisse un mariage entre deux personnes de sexe différent, juridiquement capables, le consentement chez chacune des parties contractantes doit être strictement valide, c’est-à-dire intact de toute anomalie au sens psychique, parfois de manière grave.
Le mariage en effet, en tant qu’« affaire », présuppose légitimement dans l’acte de sa constitution que les époux soient capables d’émettre psychiquement un consentement dans lequel soit présente une discretio judicii qui permette de comprendre les obligations essentielles de l’union conjugale avec ses conséquences en ce qui concerne les devoirs essentiels des contractants-époux, et qui permette d’assumer ces mêmes obligations.
Au cas, donc, où un époux ne peut pas comprendre les charges essentielles du mariage en raison d’un désordre psychique et ne peut pas assumer les obligations essentielles du mariage, c’est-à-dire au cas où l’époux manque de capacité d’estimation et d’évaluation, il célèbre un mariage invalide (c. 1095, 2° et 3° CIC).
- Le rôle du juge et la certitude morale
- Le juge ne peut pas seulement connaître et évaluer le libelle accusatoire ainsi que la loi en même temps que la jurisprudence rotale, mais il doit examiner les arguments ou au moins les indices vraisemblables déposés dans les actes par les interrogatoires des témoins et par la remise de documents au point d’en venir à l’audition d’un expert comme l’impose le c. 1680 CIC.
Bien que le juge, en effet, ne soit pas tenu de suivre l’opinion de l’expert, ce dernier doit découvrir l’anomalie ou le désordre psychique éventuellement présent chez celui qui se marie et qui est peut-être inhabile à émettre un consentement sincère et valide : le juge qui reste incertain ne peut pas procéder, mais il doit acquérir une vraie certitude morale pour rendre sa sentence, sinon il court à sa perte, selon le c. 1060 CIC.
La certitude morale en effet doit être tirée par le juge non pas d’une lecture superficielle des actes – même si cela, hélas, se remarque parfois dans les tables des causes des tribunaux inférieurs – mais d’une investigation sérieuse et approfondie dans la limite des actes eux-mêmes.
- Moyens pour la certitude morale
- Les indices
- Les dépositions indiciaires ne suffisent pas, à proprement parler, à moins qu’il ne s’agisse d’une maladie connue de tous chez la personne. Les dépositions en effet sont proprement des indices sur lesquels travaille l’expert, selon sa science et sa conscience, également par l’inspection qui lui est confiée de la personne affectée d’une anomalie. Il ne suffit pas en effet d’avoir des indices indiqués par autrui et accommodés par l’expert à la personne.
- Le rôle des experts
On remarque souvent que de nombreux experts conviennent d’une difficulté sur la même chose mais qu’ils ont des opinions différentes les uns des autres. On souhaiterait, au contraire, des certificats cliniques continus sur la maladie traitée, où sont notés les soins administrés depuis l’adolescence jusqu’à la vie actuelle menée par le patient lié dans une vie commune conjugale, mais cela arrive rarement, et c’est pourquoi c’est l’expert lui-même qui, examinant l’homme ou la femme, ou les deux, affecté d’une anomalie psychique, découvre, par une connaissance directe venant de la psychologie ou de la psychiatrie, ou par une connaissance indirecte venant de tests relevant uniquement des systèmes généralement admis, une anomalie psychique certaine chez le patient : sinon son travail est vain. Il faut remarquer que les systèmes jadis en vogue ne sont pas tous univoques et aptes à découvrir les perturbations qui sont le fruit d’une anomalie psychique.[1]
L’expert doit à coup sûr découvrir les difficultés mentales subies par la partie dès l’âge juvénile et qui ont progressé jusqu’à l’émission du consentement matrimonial.
La personne, d’ailleurs, en ce qui concerne l’intelligence et la volonté, s’exprime et exprime son consentement nuptial par ces deux facultés, qui peuvent se distinguer mais, au contraire, ne peuvent jamais se séparer, et par conséquent ces facultés doivent être considérées par l’expert non pas en relation à leur pure fonction intellective et volitive, mais en relation à leur intelligence et leur pondération des obligations essentielles du mariage, du fait que l’« affaire » matrimoniale n’est pas une « affaire » purement et simplement mais une « affaire » particulière pour toute la vie des contractants et qui est ordonnée à une fin singulière, comme la décrit le c. 1055 CIC.
- Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique
- L’anomalie psychique, donc, comme il est requis par l’article 209 de l’Instruction Dignitas Connubii, touche fondamentalement le consentement et bouleverse la constitution même du mariage et surtout les obligations matrimoniales essentielles. Bien plus, de par le droit naturel lui-même et le droit positif, elle obtient ce résultat lorsqu’il est acquis que la personne qui, en raison d’une anomalie psychique innée, n’est pas maîtresse d’elle-même soit en ce qui concerne l’intelligence, soit en ce qui regarde la volonté, dans la prise en charge d’une obligation essentielle, ne peut pas contracter validement le mariage. L’anomalie psychique rend nul le mariage en attaquant gravement l’intelligence ou la volonté, ou ces deux facultés, et introduit chez l’époux des inhabilités à contracter le mariage.
Souvent ce sont les circonstances qui permettent de déceler les perturbations chez les personnes affectées d’une anomalie, surtout lorsque la personne désordonnée ne mène pas correctement sa vie morale et passe d’une expérience sexuelle à une autre.
Le cours de la vie cependant ne révèle pas que cette personne a été touchée par une désorganisation mentale, sauf si se produit éventuellement une circonstance vraiment impondérable mais qui lèse gravement, « comme une tachycardie de naissance », la santé psychique du mari dans le cas proposé dans cette cause.
Au cours donc de l’examen de la personne et des actes de la part des psychologues peuvent encore être mis à jour les états précédents du patient, bien que tous les experts médicaux ne soient pas d’accord sur la même perturbation psychique et sur sa gravité.
Les éléments, certes, n’apparaissent pas clairement au premier regard du médecin qui étudie le cas, mais il faut examiner profondément les symptômes qui en même temps n’admettent pas la possibilité de se tromper dans la construction du diagnostic.
Il ne suffit pas non plus simplement, dans une affaire aussi importante, de réflexions personnelles de l’expert, parce que, dans ce genre de cas, il est requis des preuves, non des indices, des présomptions ou des possibilités de l’existence d’un désordre.
Il ne suffit pas non plus de consulter les catalogues de maladies psychiques composés par certains auteurs, même très renommés : d’ailleurs de plus en plus sont décrits, de façon presque taxative, les éléments distinctifs de telle ou telle maladie, mais le catalogue n’est pas toujours utile pour chaque personne malade d’un désordre psychique.
- Erreurs à éviter
- On confond souvent chez celui qui se marie la capacité impuissante de discretio et d’estimation, ou de pondération, avec la mentalité impuissante d’accomplissement, mais l’accomplissement vient après la discretio et l’estimation dans la mesure où, au moment de la célébration nuptiale, on ne requiert pas la capacité future d’accomplissement, mais la capacité de discretio et de pondération dans l’acte lui-même pour qu’en résulte le lien matrimonial.
L’accomplissement, en effet, n’est pas compris, sauf logiquement mais non réellement, dans la capacité de discretio ou de pondération, et on ne peut pas admettre que dans toute intention matrimoniale soit contenu également en germe le non-accomplissement futur ; cela ne peut valoir que pour la capacité de discretio et celle de pondération, mais également quand il s’agit de l’exclusion d’éléments ou propriétés essentielles du mariage : cela est connu de tous ceux qui parcourent la jurisprudence rotale.
Enfin on ne voit pas toujours que quelqu’un est inapte à émettre un consentement en raison d’une anomalie psychique, du fait qu’à cause des soins qu’il reçoit pour surmonter son incapacité, tant sous l’aspect de la discretio que sous celui de la prise en charge et de l’estimation des obligations conjugales, les désordres ou les perturbations psychiques sont cachées chez la personne malade ou psychiquement incapable de comprendre sous l’aspect de la discretio les obligations essentielles du mariage, et en conséquence de les assumer.
EN FAIT (résumé)
Au cours des deux instances les époux ne se sont accordés sur pratiquement aucun élément, mais les actes permettent de faire apparaître certains points, dont le premier est que le mari demandeur s’est rapproché affectivement de l’épouse partie appelée à une époque où il était perturbé par la mort de ses parents.
Compte tenu de l’attitude du mari, on doit reconnaître que personne n’a observé à cette époque qu’il était incapable d’assumer les obligations essentielles du mariage. Bien plus, alors que Gianfranco avait des maîtresses pendant ses fiançailles – et qu’il a continué à en avoir après le mariage – personne n’a mis en cause sa capacité d’assumer les obligations essentielles du mariage, dont la fidélité.
En tout cas, avant le mariage, le mari s’est soumis à des soins d’ordre psychologique, comme il le reconnaît : « Après des mois de recherche sur les causes de mon trouble, j’ai accepté l’idée d’un trouble psychologique et je suis entré en thérapie ».
Tous les témoins déclarent n’avoir rien vu à cette époque et ils peuvent encore moins parler de la gravité de la maladie de Gianfranco, d’autant que le genre d’anomalie qu’avait celui-ci ne nécessite pas une hospitalisation.
Toutefois le recours continu à des psychologues montre que le mari était affecté d’une maladie psychique, que les experts appellent « destructuration définitive de la personnalité ». Remarquons que l’épouse, qui évidemment n’est pas une experte, ne voyait pas la gravité de la situation de Gianfranco.
Le docteur A., qui a soigné le mari avant et après son mariage, parle de « troubles d’anxiété avant le mariage », de « trouble névrotique ajouté à un trouble narcissique de personnalité », ce que confirme l’expert rotal, le docteur B., qui ajoute : « La situation clinique–personologique rencontrée chez le demandeur est partie intégrante de sa façon d’être habituelle […]. Sa personnalité narcissique n’est autre qu’un mode constant, égocentrique et dysfonctionnel d’être en rapport avec les autres, réduits à des objets et non à des sujets […]. A l’époque de la célébration du mariage le Trouble de Personnalité était très grave, avec une profonde altération des capacités d’empathie, de relation et de don ».
Constat de nullité
seulement pour incapacité du mari demandeur
d’assumer les obligations essentielles du mariage
Giovanni VERGINELLI, ponent
Agostino DE ANGELIS
Gerald Mc KAY
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[1] N.d.T. : texte latin corrompu
À propos de l’auteur