Est-il possible de continuer à vivre avec un conjoint qui ne partage plus les mêmes valeurs et qui se comporte le plus souvent en adversaire ?
A vouloir modeler l’autre sur l’image qu’on se fait de lui, on finit par se heurter à un mur et l’on est toujours trompé, non par l’autre, mais par ses propres exigences[1].
En laissant la question du discernement pour la section suivante, écoutons tout d’abord les conseils d’Adam Kahane[2], qui conseilla Nelson Mandela en Afrique du Sud, Juan Manuel Santos en Colombie, et de nombreux acteurs politiques qui ont réussi à s’entendre suffisamment avec leurs adversaires, évitant ainsi des bains de sang.
Pour lui, il y a quatre manières de faire lorsqu’on doit côtoyer un adversaire :
- si l’on ne peut pas espérer changer la situation, on a tout de même le choix entre s’adapter ou fuir ;
- si l’on peut espérer changer la situation, on a le choix entre imposer son point de vue ou chercher à coopérer.
Comme de nombreux couples en ont fait l’expérience, coopérer avec un conjoint devenu adversaire nécessite un type de « collaboration agile », différent de la coopération conventionnelle que l’on a menée jusqu’alors, et qui a abouti à une situation bloquée.
Coopération conventionnelle | Coopération agile | |
Relations | Harmonie | Conflit |
Mode de travail | Accord préalable | Expérimentations |
Implication | Convaincre l’autre | Changer soi-même |
En effet, il n’est plus possible de s’appuyer sur l’harmonie et la bonne entente du couple car elles ont été brisées. Toutefois, il est encore possible de travailler ensemble à partir des conflits qui représentent encore une opportunité de dialogue et de changement.
La plus grande partie des problèmes sont résolus dès lors qu’on les évoque[3]
Il n’est plus possible de s’appuyer sur une vision commune de ce qu’il convient de faire, puisque cette vision a été brisée. Toutefois, il est encore possible de faire des petits pas, dans un sens puis dans un autre, pour ne pas se satisfaire de la position bloquée, mais pour tâcher d’évoluer.
Il n’est plus possible de convaincre l’autre, puisque l’on a essuyé un refus catégorique, mais il reste la possibilité de changer soi-même pour que la relation évolue en conséquence.
Parmi toutes les expériences qu’Adam Kahane expose, nous retiendrons une réflexion qui peut choquer au premier abord, mais qui est essentielle. Il convient d’user alternativement de la douceur et de la force. En effet, l’homme a besoin d’inspirer et d’expirer alternativement pour vivre. De même, il doit alterner des moments d’affirmation de son point de vue et des moments d’écoute empathique de l’autre pour coopérer de façon constructive avec son adversaire,
Il ne s’agit pas en effet de donner toute la place à l’autre, en vertu d’une prétendue charité, mais aussi de s’écouter et de se respecter soi-même, comme nous l’avons écrit dans les conseils aux amoureux. Il ne s’agit pas non plus de rester enfermé dans ses propres certitudes, considérant que toute la faute vient de l’autre, mais de découvrir, seul ou avec de l’aide, quelle est sa part de responsabilité.
Il s’agit donc d’alterner affirmation de soi et empathie, comme l’explique Adam Kahane dans son livre « power and love[4] » :
Les deux manières principales par lesquelles les gens tentent de résoudre les problèmes les plus difficiles de leur groupe, leur communauté ou de la société sont fondamentalement viciées. Soit ils imposent à tout prix ce qu’ils veulent – dans sa forme la plus extrême, cela signifie la guerre – soit ils essaient d’éviter complètement les conflits, en balayant de gros problèmes au nom d’une « paix » superficielle. « Mais il existe un meilleur moyen: combiner ces deux approches apparemment contradictoires.
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[1] Etty Hillesum, Une vie bouleversée.
[2] Adam Kahane, Collaborating with the Enemy. How to work with people you don’t agree with or like or trust?
[3] Etty Hillesum, Une vie bouleversée.
[4] The two main ways that people try to solve their toughest group, community and societal problems are fundamentally flawed. They either push for what they want at all costs—in it’s most extreme form this means war—or try to completely avoid conflict, sweeping problems under the rug in the name of a superficial ”peace.” But there is a better way: combining these two seemingly contradictory approaches.