Si le temps de la séparation provisoire ne permet pas de rétablir une relation conjugale saine, et, par exemple s’il y a des raisons de penser que le mariage était invalide, il faut alors se résoudre au divorce civil, suivi éventuellement d’un procès en reconnaissance d’invalidité de mariage.
Le temps préalable au divorce civil est un temps sensible, qui peut être vécu de manière responsable, pour permettre à chacun de panser ses blessures et de reconstruire sa vie. Il peut être mis à profit pour permettre aux enfants de ne pas trop faire les frais de la séparation de leurs parents, en n’ayant pas le sentiment qu’ils ont perdu leur identité ou qu’ils sont responsables des disputes de leur parents. Il peut au contraire, être vécu de manière conflictuelle, avec des années de conflit et de violence, et le paiement de sommes très importantes[1].
Les conditions du divorce civil dépendent de la législation en vigueur dans le pays où a été célébré le mariage civil. En France, le droit prévoit une procédure de séparation de corps, trois types de divorces contentieux (divorce pour faute, pour altération définitive du lien conjugal) et un type de divorce par consentement mutuel, où les époux n’ont pas besoin de passer devant le Juge des Affaires Familiales sauf si un enfant des époux demande à être auditionné. Une convention est alors établie entre les époux avec l’aide éventuelle de leurs avocats respectifs et cette convention doit être déposée chez un notaire. Même en choisissant la voie du divorce par consentement mutuel, il existe plusieurs attitudes possibles :
s’efforcer de coopérer pour trouver un accord, avec l’aide éventuelle d’avocats médiateurs comme Anne Liénart, dont le slogan est « Se séparer sans conflit »
s’efforcer de régler rapidement la question, indépendamment de la relation qui sera probablement détériorée, avec un gagnant et un perdant ;
utiliser les ressources de la procédure pour se venger du conjoint, en la faisant traîner au maximum.
Actuellement, la France expérimente la mise en place systématique de « tentative de médiation familiale préalable obligatoire » (TMFPO) pour favoriser des solutions pacifiques.
S’ils sont mariés à l’Eglise, l’un des époux, ou les deux, pourront entamer une procédure en invalidité du sacrement de mariage, s’ils sont mariés à l’Eglise, spécialement s’il existe un doute sur la validité à partir des critères évoqués dans la section précédente[2]. Ils devront alors s’adresser au curé de leur paroisse, et, selon les pays et les diocèses, à la cellule diocésaine d’information, de conseil et de médiation pour l’enquête préliminaire et ensuite au tribunal diocésain ou interdiocésain appelé Officialité. Si l’Officialité estime qu’il y a des éléments qui permettent d’envisager une nullité, le demandeur sera invité à écrire un document appelé libelle, accompagné d’un mémoire relatant la vie du couple avant, pendant et après le mariage. Le procès canonique qui en résultera ne visera pas à savoir qui a raison ou tort, ni à évaluer ce qui s’est passé dans le couple depuis le mariage, mais il s’efforcera de réunir des éléments d’information et de preuve sur la nature du lien conjugal au moment du mariage. Il prononcera alors une décision sur la validité ou non du lien sacramentel, selon une procédure normale ou brève, telle qu’indiquée sur les sites internet de plusieurs diocèses, dont ceux de l’Officialité de Dijon[3] ou de Toulouse[4] ou par vidéo[5].
A la différence de la société civile qui reconnaît le divorce, l’Eglise catholique le refuse sachant qu’elle propose, non pas de faire annuler son mariage, mais d’en faire reconnaître l’invalidité dans des conditions bien précises.
Ainsi, le Code de droit canonique de 1983[1] traduit juridiquement la doctrine du mariage catholique, avec les canons 1055 à 1165 qui évoquent les propriétés essentielles du mariage chrétien ainsi que les conditions de validité du sacrement de mariage. Ce code et la jurisprudence qui a suivi exposent alors diverses causes susceptibles d’entraîner l’invalidité du sacrement de mariage au moment où il a été contracté :
Exclusion formelle de l’un des éléments essentiels du mariage (bien des époux, fidélité, indissolubilité, accueil des enfants) ;
Simulation du mariage, lorsqu’un des partenaires n’a pas l’intention de réaliser l’engagement qu’il représente ;
Absence de liberté provoquée par des pressions graves (physiques ou morales) ;
Tromperie concernant des questions importantes afin d’extorquer le consentement du futur conjoint (par exemple, on a caché un élément important de sa personnalité) ;
Incapacité de donner un consentement reposant sur un choix lucide et libre (par exemple, une grave immaturité) ;
Pathologie affectant le psychisme, qui empêche de mettre en place ou d’assumer une vie conjugale (par exemple, un complexe d’œdipe prégnant ou maladie psychique invalidante) ;
Incapacité foncière d’assumer les obligations essentielles du mariage (par exemple, un problème d’identité sexuelle) ;
Existence d’empêchements tels que l’impuissance, l’existence d’un lien antérieur, le mariage avec un non baptisé sans avoir obtenu la dispense préalable nécessaire, parenté légale ou par alliance, l’âge légal non respecté, etc.
Défaut de forme canonique de la cérémonie de mariage.
Le code fournit également des indications sur la séparation des époux, les mariages mixtes et par disparité de culte, ainsi que les modalités de préparation au mariage, mais il ne dit rien sur l’accompagnement par l’Eglise des personnes en difficulté dans leur couple à un moment donné de leur histoire.
Il précise également les règles de procédure, auxquelles l’Eglise est tenue pour discerner de la validité d’un mariage. En 2015, ces règles sont profondément modifiées avec la lettre apostolique Mitis Iudex Dominus Iesus qui vise raccourcir et à simplifier la procédure. Sans nous étendre sur ce sujet, voici un article du code de droit canonique écrit dans le but de distinguer les cas d’invalidité les plus évidents des autres cas nécessitant un approfondissement.
Art. 14 § 1. Parmi les circonstances de faits et de personnes qui permettent le traitement des causes de nullité du mariage par le procès plus bref selon les canons 1683-1687, sont comprises par exemple : le manque de foi qui peut générer la simulation du consentement ou l’erreur qui détermine la volonté, la brièveté de la vie commune conjugale, l’avortement provoqué pour empêcher la procréation, la persistance obstinée dans une liaison extraconjugale au moment du mariage ou immédiatement après, la dissimulation dolosive de la stérilité ou d’une grave maladie contagieuse ou des enfants nés d’une relation précédente ou bien d’une incarcération, la cause du mariage tout à fait étrangère à la vie conjugale ou consistant dans la grossesse imprévue de la femme, la violence physique infligée pour extorquer le consentement, l’absence d’usage de la raison prouvé par des documents médicaux, etc.[2]
Depuis des siècles, la question se pose de savoir que faire en cas d’infidélité d’un conjoint. Beaucoup pensent que l’infidélité est la cause du divorce, pourtant, la plupart des thérapeutes conjugaux estiment que c’est l’inverse, à savoir que les liaisons clandestines reflètent en général une recherche d’amitié, de soutien, de compréhension, de respect, d’affection que le mariage a cessé de donner, tandis que 25 % seulement des couples estiment que l’infidélité est antécédente à la perte de complicité des conjoints[1].
L’infidélité commence quand on cesse de croire qu’on peut être heureux ensemble[2].
Ainsi, de nombreux acteurs pensent que l’infidélité n’est pas nécessairement une cause de rupture, et qu’il est possible de reconstruire son couple malgré une infidélité[3].
Le droit prévoit naturellement le cas de l’infidélité d’un conjoint.
En droit français, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours et assistance mais il peut arriver qu’un des époux ne respecte pas ses obligations matrimoniales. Ainsi, en cas d’infidélité d’un époux, l’adultère peut constituer une faute invoquée dans une procédure de divorce[4]
lorsque des faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage, que ces faits sont imputables au conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune[5].
Par contre le divorce pour faute ne peut plus être demandé si les époux se sont réconciliés, c’est-à-dire s’il y a eu :
maintien de la vie commune et volonté de pardonner les griefs que l’époux avait contre son conjoint ayant eu une relation d’adultère.
Le droit canonique de l’Eglise est un peu différent :
Can. 1152 — § 1. Bien qu’il soit fortement recommandé que le conjoint, mû par la charité chrétienne et soucieux du bien de la famille, ne refuse pas son pardon à la partie adultère et ne rompe pas la vie conjugale, si cependant il n’a pas pardonné la faute de manière expresse ou tacite, il a le droit de rompre la vie commune conjugale, à moins qu’il n’ait consenti à l’adultère, n’en soit la cause ou n’ait commis lui aussi l’adultère.
En cas d’infidélité, le pardon n’est pas facile. Il est tout-à fait normal que le conjoint trompé conçoive de la colère et de l’indignation face à la trahison des promesses du mariage. Il doit accueillir paisiblement ces sentiments et les affronter avec courage, en ayant si nécessaire recours à des médiateurs conjugaux ou à des sages. Il pourra alors découvrir ses propres faiblesses et sa propre responsabilité dans l’acte de son conjoint, et il aura d’autant plus de chances de sauver son couple qu’il fera lui-même une démarche pour changer et retrouver une paix intérieure qui le fera à nouveau préférer par son conjoint.
Par ailleurs, la famille et la communauté sociale peuvent jouer un rôle important pour la prévention des divorces et la réconciliation des époux. Voici un exemple de médiation traditionnelle dans le village de Duquesne-Crémone, près d’Adzopé, en Côte d’Ivoire :
Si un homme est convaincu d’adultère, lui-même et sa maitresse sont convoqués par le chef du quartier ou le chef du village et les anciens. Une fois la médiation conclue, l’amant doit payer une amende de 50 000 FCFA (soit 75 €) au mari trompé et offrir un mouton qui sera dégusté par les villageois lors d’une cérémonie de réconciliation, avec la présence obligatoire de la femme adultère, du mari trompé et de l’amant repentant.
[4] Avec le manquement à la vie commune, les violences conjugales, verbales ou physiques, le manquement à la contribution aux charges de la vie commune, le manquement au devoir d’assistance, notamment en cas de maladie ou de difficulté professionnelle, un comportement irresponsable voire dangereux envers les enfants, la jalousie et la possessivité, les conduites addictives.
Même si un couple est en grande difficulté relationnelle, rien n’est perdu jusqu’à ce que ce soit vraiment la fin. Aux USA, John M. Gottman a identifié divers moyens pour réparer les blessures d’un couple et apaiser la relation entre les conjoints.
Démarrer les conversations en douceur : commencer par reconnaître une qualité de l’autre et exprimer une demande pour satisfaire un de nos besoins plutôt que de blâmer l’autre, en s’inspirant des règles de la communication non-violente.
Inventer des outils de rapprochement permettant de faire baisser la tension lorsque naît une dispute, et ne pas hésiter à en chercher de nouveaux pour parvenir à s’apaiser l’un l’autre.
Enrichir la connaissance mutuelle : si l’on ne démarre pas dans la vie à deux avec une connaissance approfondie de son partenaire, il importe d’apprendre à mieux connaître l’autre, ce qu’il vit, ce qu’il ressent, ses centres d’intérêt, etc. de façon à ne pas se heurter de front quand les difficultés arrivent. Mais il n’est jamais trop tard pour commencer.
Cultiver la tendresse et l’estime réciproques : la tendresse et l’estime sont les deux éléments les plus déterminants de l’amour au long cours. Il importe de les cultiver dans les moments heureux car ils sont l’antidote au mépris, et, au cas où l’on n’y arrive pas, il importe de se faire aider avant qu’il ne soit trop tard.
Se tourner l‘un vers l’autre et non se détourner l’un de l’autre : lorsque des couples ont l’habitude d’échanger des propos anodins, il y a de fortes chances qu’ils resteront heureusement mariés. Au cours de la vie à deux, chacun fait régulièrement des « offres » pour attirer l’attention, l’affection, l’humour ou le soutien du partenaire. Le partenaire a alors le choix de se tourner vers l’autre ou de se détourner de lui. Cette attitude ne sera pas indifférente dans le « compte d’épargne affectif » du couple.
Se laisser influencer par son partenaire : les unions les plus heureuses, les plus stables et les plus durables sont en général celles où les conjoints se traitent avec respect et n’hésitent pas à partager le processus de décision concernant le couple et la famille. Dans ces domaines, la culture joue un rôle important, et le point de vue des hommes diffère sensiblement de celui des femmes. Chacun doit apprendre à faire des compromis.
Résoudre les problèmes solubles et accepter les antagonismes fondamentaux : dans la vie conjugale, certains points de désaccords sont solubles par le dialogue car ils portent sur des objets, et d’autres ne le sont pas facilement, car ils résultent d’antagonismes fondamentaux provenant de la personnalité, de l’histoire ou de la culture des deux époux. Il importe d’apprendre à les distinguer pour résoudre les premiers et s’accommoder des seconds en acceptant que l’autre ait des besoins profonds différents des nôtres, sachant qu’il n’est pas nécessaire de résoudre tous les conflits conjugaux pour être heureux, mais qu’il est indispensable d’être tolérants pour le rester.
Voici un outil de rapprochement décrit par Jordan B. Peterson :
En près de 30 ans de vie commune, à de nombreuses occasions, ma femme et moi avons eu des désaccords, parfois profonds. […] Nous nous étions mis d’accord qu’en pareille circonstance, nous prendrions temporairement nos distances, elle dans une chambre et moi dans une autre. Cela fut souvent difficile […] mais préférable aux conséquences d’une dispute qui menaçait de dégénérer. Seuls, tentant de retrouver notre calme, nous nous posions tous deux la même question : qu’avons-nous fait pour [en arriver là] ? Ensuite nous nous retrouvions et faisions part à l’autre du produit de notre réflexion : « Voici en quoi j’avais tort [1]».
Pour ma part, j’ai expérimenté qu’il est préférable d’arrêter d’argumenter et même de réfléchir, en cas de tension, pour sortir de l’enfermement des pensées vengeresses, et revenir aux sensations du corps, à l’accueil des émotions, à l’écoute de la vie et de l‘âme. J’applique volontiers aux fâcheries conjugales, cette citation bien connue de Rabelais dans son Pantagruel
Science sans conscience n’est que ruine de l’âme
En effet, on peut comparer à une science le fait d’aligner tous les reproches que l’on peut faire à son conjoint dans sa tête. Le lâcher-prise et le retour à l’âme, voire l’appel à un tiers s’imposent alors pour rechercher une solution gagnant-gagnant.
Lorsqu’une difficulté se présente, la pire solution est la politique de l’autruche, ou celle de l’évitement, qui consiste à nier le problème, en « glissant la poussière sous le tapis »
Comme l’explique aux enfants le conte de Jack Kent, « les dragons, ça n’existe pas », les problèmes de la vie, symbolisés ici par le dragon, grandissent inexorablement jusqu’à envahir tout l’espace tant que leur existence n’est pas reconnue. Lorsqu’on les reconnaît et qu’on accepte de les affronter, le dragon qui les symbolise reprend alors la taille d’un chat, et il devient gérable.
Dans un couple, rien n’est assez insignifiant pour ne pas valoir la peine de se battre[1].
En effet, tous les problèmes non résolus laissent de l’amertume entre les époux, de manière inexprimée mais bien réelle. Faute de les évoquer sérieusement, avec confiance et précision, ils vont peu à peu saper les fondations invisibles, la connivence et la confiance qui soutiennent le mariage.
A l’inverse, un peu d’attention, de courage et d’honnêteté dans le couple peuvent éviter que les problèmes s’accumulent et s’aggravent, au point de créer des difficultés relationnelles insurmontables.
Mettez-vous en colère, mais ne vous fâchez pas.
Que le soleil ne se couche pas sur votre colère[2].
Finalement, il vaut mieux prendre le risque de provoquer un conflit pour faire ressurgir la vérité et la paix sur le long terme plutôt que de fermer les yeux sur les micro-crises du couple, en les supportant à contrecœur, au risque de nourrir une rancune.
Certains conflits reviennent régulièrement car ils résultent d’un antagonisme fondamental, entre les époux qui ont deux façons positives opposées de concevoir la vie. Gert Hofstede, Jacques Demorgon, et plus récemment l’ATCC signalent par exemple les antagonismes entre
tradition (règles) / modernité (liberté)
priorité à l’individu / priorité au groupe
besoin de prévoyance / besoin d’improvisation
priorité à l’efficacité / priorité à la relation
priorité à la transcendance / priorité à l’immanence
Dans ces cas-là, il ne sert à rien de plaider pour une vision du monde plutôt qu’une autre, mais plutôt de rechercher un motus vivendi, où les deux conjoints ayant une vision du monde opposée pourront trouver un compromis acceptable par les deux.
Une parole douce apaise la fureur, une parole blessante fait monter la colère (Proverbes 15 v1)
Un psychologue américain, John M. Gottman, a beaucoup travaillé sur les signes prémonitoires de difficultés, au point qu’il prétend être capable de prédire un divorce en observant pendant cinq minutes la façon dont les conjoints se disputent. Sans le suivre dans ses prétentions qui ne prennent pas en compte l’évolution des personnes, nous retiendrons sa distinction entre les couples « émotionnellement intelligents » promis à un mariage durable, et les autres qui doivent travailler à le devenir :
Plus un enfant est conscient de ses propres émotions, mieux il est capable d’entendre les autres et de s’entendre avec eux, et plus l’avenir lui sourit, quel que soit son quotient intellectuel. […] Les partenaires amoureux peuvent eux-aussi acquérir les bases de ce savoir-faire[1].
D’après lui, les mariages heureux se ressemblent sur trois principaux points :
une profonde amitié : l’amitié, qui attise les flammes de l’amour, se traduit notamment par un véritable respect mutuel, et le plaisir d’être en compagnie de l’autre ;
le succès des tentatives de rapprochement : tout le monde fait des erreurs et blesse son conjoint. Ce qui importe, c’est le succès des tentatives de rapprochements, et comme les conflits évoluent, il importe d’inventer sans cesse de nouvelles ;
le partage de valeurs communes : lorsqu’un conflit éclate, et que le dialogue ne permet pas de le résoudre, il ne sert à rien d’ajouter des arguments, car l’émotion prend alors le pas sur la raison. Il peut être possible de se référer aux valeurs communes, qui constituent un point de référence dans le couple et permettent parfois de faire baisser la tension et de se réconcilier malgré l’inconciliable.
A l’inverse, John M. Gottman évoque une série de sept indices laissant présager une séparation des époux : [Jean Gottman, op. cit. p 46 et sq.]
Un démarrage brutal des conversations : un indice évident de la qualité d’une relation est la façon dont les discussions démarrent. Lorsqu’elles démarrent brutalement sur une critique, il y a de fortes chances que l‘autre répondra de la même manière, par mimétisme.
La critique : il y a une différence fondamentale entre un grief à propos d’un événement ou d’un objet, et une critique portant sur la personne. Le passage des conflits d’objets aux conflits d’identité est l’un des signes précurseurs de graves difficultés pour un couple.
Le mépris : lorsque les conflits d’identité perdurent et s’entretiennent, une surenchère consiste à chercher à rabaisser l’autre par le mépris.
L’attitude défensive : face à la violence et au mépris de l’autre, un des conjoints peut se mettre en situation de victime impuissante, ne disant rien mais laissant apparaître sa tristesse, sa colère et son refus de communication qui renvoient ainsi un reproche implicite au conjoint[2].
La dérobade : avec le temps, les conjoints cherchent à éviter les situations de tension décrites précédemment, et il est fréquent que l’un d’entre eux, plus généralement le mari[3], se dérobe à la discussion lorsqu’il pressent une escalade de violence.
L’échec des tentatives de rapprochement : certains couples ont une gamme très large « d’outils de rapprochement » pour diminuer la tension affective lorsque survient un désaccord, tandis que d’autres s’enlisent dans les conflits, dès qu’ils sont en situation émotive forte.
La réinterprétation du passé : lorsque la négativité submerge une relation, ce n’est pas seulement son présent et son avenir qui sont compromis, son passé est également en péril. En effet, une personne ne peut pas mépriser son conjoint sans essayer également d’oublier les bons moments passés, ne serait-ce que par souci de cohérence. S’il en arrive là, le couple est en grand danger.
[2] Les trois attitudes ci-dessus peuvent se succéder ou coexister comme indiqué dans la section 2.5.1. sur le triangle dramatique.
[3] John M. Gottman explique que les conflits conjugaux sont physiquement plus difficiles à supporter pour les hommes, car, d’après les travaux de Dolf Zilmann à l’université d’Alabama, les hommes mettraient statistiquement plus de temps à récupérer d’un stress que les femmes.
Tu as besoin d’amour ? Tu ne le trouveras pas dans la débauche, en utilisant les autres, en possédant les autres ou en les dominant. Tu le trouveras d’une manière qui te rendra véritablement heureux. […] Tu cherches la passion ? Comme le dit ce beau poème, tombe amoureux ! […] C’est cela qui te décidera à sortir du lit le matin, qui décidera de ce que tu fais de tes soirées, de ce à quoi tu emploies tes weekends, de ce que tu lis, de ce que tu sais, de ce qui brise ton cœur et de ce qui te submerge de joie et de gratitude. Tombe amoureux ! Demeure dans l’amour ! Tout sera différent[1]
Pour ceux qui ne sont pas encore amoureux, cet extrait d’une lettre du pape François aux jeunes, évoquait l’amour de Dieu, mais on peut aussi entendre à propos de l’amour humain.
Pour ceux qui sont amoureux et qui envisagent de vivre en couple, il importe de distinguer deux temps distincts :
le temps de discernement, pendant ce temps que l’on appelle parfois accordailles, allant du début de la relation amoureuse jusqu’à la décision de partager sa vie ou à celle d’interrompre la relation ;
le temps de la préparation à la vie commune, que nous appellerons aussi temps de fiançailles que nous développerons plus loin.
En visitant Paris, une chinoise s’est arrêtée devant une procession de mariage sortant d’une église. Après quelques explications avec leurs hôtes français, elle s’est écriée : « Moi, je voudrais me marier à l’Eglise catholique, parce que le mariage est indissoluble. »
Actuellement, le taux de divorce rapportés au nombre de mariages augmente partout dans le monde[1] :
Ainsi le taux de divorce dans les pays musulmans est plus faible et de même chez les catholiques où, si l’on en croit le Georgetown’s Center for Applied Research, le taux de divorce serait deux fois moindre que celui des autres couples aux USA[3]. Les croyances et les pratiques religieuses y contribuent certainement, mais il y a aussi quelques secrets d’amour, que les sociétés religieuses ont découverts au fil des siècles et que l’Eglise catholique a mis en lumière lors du synode sur la famille et de l’exhortation « Amoris Laetitia » ou « la joie de l’amour ».
Les sociétés religieuses n’ont pas le monopole de l’amour, et la société civile fourmille aussi d’idées, de travaux et de bonnes pratiques ainsi que de secrets d’amour souvent méconnus, que nous nous proposons de mettre également en lumière.
Pour savoir d’où je parle, permettez-moi de me présenter :
J’ai 65 ans et je suis marié depuis 36 ans. Nous avons six enfants et deux petits-enfants. Fils d’hôteliers savoyards, j’ai alterné ma scolarité entre l’enseignement catholique et les écoles publiques, y compris l’Ecole Polytechnique, et j’ai aimé ces deux mondes, au point que je me sens à la fois enfant de l’Eglise et enfant de la société. Comme un enfant de deux mères, je vis mal la tension entre l’Eglise et l’Etat, au point que je me sens mieux en Afrique qu’en France, où il m’est plus facile de concilier ma foi et mon travail professionnel. Après 40 ans dans l’administration française à Bercy, Matignon (Datar), dans des collectivités territoriales et dans des agences (ANVAR, Ademe), et ailleurs, j’ai créé mon entreprise energeTIC[4] pour faire ce que j’aime, en aidant les gouvernements africains pour la transformation énergétique, numérique et sociale de leur pays. Je vois trois raisons à l’écriture de ce livre :
La raison extérieure, cause accidentelle comme dirait Aristote, fut la constatation que les évêques chargés de créer des services d’information, de conseil et de médiation pour les couples en difficulté, n’avaient pas les outils pour le faire. Sur la demande de l’un d’entre eux, j’ai décidé apporter ma contribution puisque, personnellement, je dispose de quelques compétences en tant qu’homme marié, en tant que canoniste[5], et en tant que médiateur formé à la psychologie et à la transformation constructive des conflits.
La seconde raison, plus profonde, mais longtemps inavouée, est que mon couple et certains de nos enfants traversent actuellement des difficultés, et que je sentais confusément la nécessité de faire quelque-chose pour eux et pour moi.
La troisième est un espoir que ce livre, serve pour d’autres que moi, et, pourquoi pas pour vous ?
Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à entretenir notre voiture, à promener notre chien, à regarder la télévision, à étudier des tas de choses, à développer notre carrière professionnelle. Quel temps consacrons-nous à notre conjoint, à notre relation de couple, à notre famille ?
De même, un nombre croissant de personnes consacre du temps et de l’énergie à leur développement personnel, pour se connecter à leur moi profond, que l’on peut appeler âme. Mais quels couples s’occupent de leur « développement conjugal » pour devenir une seule chair et une seule âme alors que certains s’interrogent : est-il bon, possible et souhaitable de vivre avec le même conjoint toute sa vie ?
Ces quelques pages se proposent de les y aider, puisque j’ai découvert de précieux secrets d’amour, en fouillant d’une part dans mon expérience, et d’autre part dans les écrits des sages, les travaux des professionnels et les enseignements de la société et de l’Eglise.
Les professionnels de l’accompagnement des couples y trouveront sans doute la vision naïve d’un non-professionnel, mais ce faisant, ils pourront sortir des sentiers battus de ce qu’on leur enseigne, pour découvrir quelques perles inconnues, ne serait-ce que parce que la société civile et les sociétés religieuses ont à beaucoup apprendre l’une de l’autre.
L’ouvrage est structuré en deux parties complémentaires :
les secrets d’amour des couples, consistant en une série d’expériences, de découvertes et de conseils proposés par des psychologues, des conseillers conjugaux et des médiateurs familiaux de par le monde, filtrés et illustrés avec mon expérience d’homme ordinaire, marié depuis 36 ans ;
les secrets d’amour de la société pour l’accompagnement des couples et des familles, spécialement en France, en distinguant la société civile et les sociétés religieuses.
L’ouvrage s’adresse à cinq catégories de personnes :
les hommes et femmes qui accordent de l’importance à la vie en couple et à la vie en famille ;
les accompagnateurs des couples et des familles ; professionnels ou non, chrétiens ou non, qui souhaitent découvrir des travaux récents en matière de psychologie, sociologie, conduite du changement ;
les décideurs et autres « policy makers » qui souhaitent ouvrir une fenêtre sur ce que font leurs voisins : d’une part les acteurs de la société civile intéressés par une politique familiale visant à la stabilité des familles, et d’autre part les évêques diocésains chargés de créer des « services d’information, de conseil et de médiation » pour les couples en préparation, en marche et/ou difficulté ;
les « journalistes » et les chercheurs, intéressés par une étude comparée des bonnes pratiques ;
mon épouse, nos six enfants et leurs proches, ainsi que nos amis, sans oublier moi-même.
Chaque section est accompagnée de nombreuses citations, illustrations et références tirées principalement :
de grands témoins de la société comme Etty Hillesum, Adam Kahane, Gary Chapman, John M. Gottman, Jordan B. Pederson et d’autres professionnels de la relation conjugale ;
de la Bible, du Coran et des exhortations des papes Jean-Paul II et François ainsi que des associations agissant en faveur des couples ;
des poésies de mon épouse Sylvie, et de ma propre histoire ;
du web et de mes formations de facilitateur, médiateur et formateur.
Nous nous sommes efforcés de conserver un équilibre entre les deux types de sources profanes et sacrées, que nous estimons complémentaires, même si elles sont parfois contradictoires sur certains points. Le choix de nos quelques 500 citations et références privilégie en outre :
les sources accessibles gratuitement sur le web, par rapport à celles qui sont enfermées dans des bibliothèques ou disponibles moyennant l’achat d’un livre ;
celles qui sont pratiquement utilisables, par rapport à celles qui sont plus théoriques.
Pour affronter une crise, il faut être présent. C’est difficile, car parfois les personnes s’isolent pour ne pas exposer ce qu’elles sentent, elles s’enferment dans un silence mesquin et trompeur. En ces moments, il est nécessaire de créer des espaces pour communiquer cœur à cœur. Le problème est qu’il devient plus difficile de communiquer de cette façon durant une crise, si on n’a jamais appris à le faire. C’est tout un art qu’on apprend dans des moments de calme, pour le mettre en pratique dans les temps durs[7].
Après avoir relu les pages de cet ouvrage et les avoir adaptées à leur vision et à leur contexte, les acteurs des politiques familiales et les personnes intéressées pourront s’en servir à volonté et recopier sur leur site internet ou sur d’autres supports celles qui leur semblent utiles.
C’est la raison pour laquelle les présentes informations sont en accès libre sur le web[8], diffusées sous licence « creative common » avec les options suivantes :
Paternité : mettre un lien sur www.canonistes.org/couples/ et citer obligatoirement le nom des auteurs antécédents ;
Utilisation commerciale : non autorisée, sans autorisation de l’Harmattan ;
Modifications : autorisées avec obligation de partage dans les mêmes conditions
La pré-édition du 11 octobre 2019 intègre des corrections nécessaires par rapport à celle du 8 septembre et commence à prendre en compte l’expérience des musulmans chez qui le taux de divorce apparaît très faible dans les statistiques nationales.
Comme il l’a fait pour ses précédents ouvrages, l’auteur est friand de tous les conseils et critiques qui lui seront prodigués pour compléter et/ou améliorer cet ouvrage au service des couples, des familles, de l’Eglise et de la société.