Coram DEFILIPPI
Exclusion du bien du sacrement
Exclusion du bien des enfants
Tribunal régional du Latium (Italie)
6 mai 2010
P.N. 20.441
Constat pour les deux chefs
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PLAN DE L’IN JURE
- LE CONSENTEMENT DANS LE MARIAGE
- Nature et effets du consentement
- Le consentement des époux et sa conformité avec la loi divine
- La manifestation extérieure du consentement et la présomption du droit
- La déficience du consentement et la simulation
- Le principe
- Simulation totale et simulation partielle
- Le nécessaire acte positif de volonté
- L’EXCLUSION DU BIEN DU SACREMENT
- La pensée de l’Eglise sur l’indissolubilité
- L’exclusion de l’indissolubilité
III. L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS
- L’ordonnancement du mariage à la procréation
- Il n’y a pas de droit à l’enfant
- Le droit-devoir à la génération et à l’éducation des enfants
- La distinction entre le droit-devoir et l’exercice-accomplissement
- La jurisprudence sur l’exclusion du droit-devoir
- LA PREUVE DE LA SIMULATION
- La preuve de toute simulation
- Le rôle du juge
- Règles spéciales pour les causes matrimoniales
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EXPOSÉ DES FAITS (résumé)
Tiziana N., née le 10 janvier 1976, fait en 1992 la connaissance de Ludovico C., né le 5 février 1972. Assez rapidement ils se fiancent et d’un commun accord décident de se marier. Toutefois quelque temps avant le mariage, Ludovico prend un peu de distance vis-à-vis de Tiziana, qu’il trouve trop soumise à ses parents, dont il redoute en plus les interventions dans sa vie conjugale. Malgré tout, le mariage est célébré le 22 juin 1997.
Leur union est un échec et les époux se séparent en avril 2001 et en 2006 le Tribunal civil décrète la cessation des effets civils du mariage.
Entretemps, le 24 février 2004, Tiziana s’était adressée au Tribunal ecclésiastique régional du Latium, accusant son mariage de nullité pour exclusion, de la part de son mari, du bien du sacrement et du bien des enfants. La sentence du 7 mars 2006 est négative sur les deux chefs. Tiziana fait appel au Tribunal de seconde instance du Vicariat de Rome. Un complément d’enquête est effectué par une nouvelle audition judiciaire des époux et de quelques témoins. La sentence du 13 mars 2008 infirme celle de 1° instance et déclare le mariage nul pour exclusion du bien du sacrement et du bien des enfants de la part du mari.
Il Nous revient aujourd’hui de définir la cause au troisième degré de jugement et de répondre au doute portant sur les deux chefs invoqués.
EN DROIT
- LE CONSENTEMENT DANS LE MARIAGE
- Nature et effets du consentement
« C’est tout à fait à bon droit qu’il est dit que ‘tout le système matrimonial canonique a pour centre le consentement entre ceux qui se marient’[1] ».[2]
En effet le principe : « C’est le consentement qui fait le mariage », énoncé par les Romains[3], reçu dans toute la doctrine canonique et théologique et proposé par le Magistère de l’Eglise, est repris au c. 1057 § 1 du Code en vigueur : « C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine ». C’est-à-dire : le consentement personnel des personnes qui se marient est la cause unique, adéquate, absolument nécessaire et sans dérogation possible, qui fait le mariage.
En conséquence, dans les causes de nullité de mariage, étant supposée une adéquate capacité de consentir, requise tant par le droit naturel que par le droit positif, nous devons ordinairement regarder attentivement les défauts et les vices du consentement qui peuvent engendrer cette nullité.
Comme l’enseigne clairement une sentence c. Pompedda du 1° février 1995, il faut cependant distinguer « deux moments ou deux aspects dans le mariage : le premier, qui est le pacte d’alliance, c’est-à-dire l’accord de deux consentements ou, en d’autres termes, de deux volontés pour un seul objet, et c’est le mariage in fieri, le mariage-alliance ; le second, qui est le lien qui naît de cet accord, c’est-à-dire la communauté conjugale ou, en d’autres termes, l’état matrimonial, et c’est le mariage in facto esse, le mariage-état de vie »[4]. Ou encore on dira : le consentement des parties est « le mariage in fieri » d’où naît « le mariage in facto esse ».
Le consentement matrimonial, lui, est défini comme « l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage » (c. 1057 § 2). En conséquence, dans le « mariage in fieri » les contractants sont « l’objet matériel » de la mutuelle donation-acceptation, tandis que « l’objet formel » est le « mariage in facto esse ».
- Le consentement des époux et sa conformité avec la loi divine
- Le consentement personnel de ceux qui se marient, toutefois, en tant qu’il est leur mutuelle donation-acceptation proprement faite « pour constituer le mariage », ne peut pas s’écarter de la structure objective du mariage, qui le spécifie par rapport à toute autre institution, comme il ne peut pas non plus s’éloigner des propriétés et éléments objectifs essentiels du mariage, dont Dieu l’a orné et que le Magistère de l’Eglise interprète et déclare fidèlement. Le mariage en effet, en ce qui regarde sa constitution objective, « échappe à la fantaisie de l’homme », parce que « Dieu lui-même est l’auteur du mariage, qui possède en propre des valeurs et des fins diverses »[5] ce qu’avait d’ailleurs déjà déclaré l’encyclique Casti Connubii : « Tout d’abord il faut que reste inébranlable et inviolable ce fondement : le mariage n’a pas été et ne sera pas instauré de façon humaine, mais divine, non par des hommes, mais par l’auteur même de la nature, Dieu, et il a été fortifié, confirmé et élevé par le Christ Seigneur, le Restaurateur de cette nature, au moyen de lois qui, en conséquence, ne peuvent être soumises à aucune volonté humaine, ni à aucun accord contraire des époux eux-mêmes »[6].
Il s’ensuit que « d’une part la volonté du Créateur a circonscrit dès le début l’institution du mariage, a défini cette relation spécifique entre l’homme et la femme et l’a distinguée de toute autre relation. D’autre part […] la volonté du contractant doit se porter sur le seul et même mariage constitué par le Créateur, sinon la volonté se tourne vers quelque chose d’autre que le mariage[7] ».[8]
C’est pourquoi, bien que dépendent uniquement de la libre décision des époux la décision délibérée de l’état de vie conjugale, le choix du partenaire avec qui on entend mettre en acte l’état conjugal, et la manifestation du consentement par lequel est constitué le mariage, cependant, « la nature du mariage est entièrement soustraite à la liberté de l’homme de telle sorte que, si quelqu’un se marie, il est soumis aux lois divines du mariage et aux propriétés essentielles de celui-ci »[9].
En conséquence, comme nous l’a bien rappelé le Pape Paul VI dans son Discours à la Rote du 9 février 1976, « lorsque les époux échangent leurs libres consentements, ils ne font rien d’autre que d’entrer et de s’insérer dans un ordre objectif, dans une ‘institution’ qui les dépasse et qui ne dépend pas d’eux, ni dans son être, ni dans ses lois propres »[10]. En outre, « une fois créé son effet juridique qui est le lien matrimonial, ce consentement devient irrévocable et ne peut plus détruire la réalité qu’il a produite »[11].
Cependant il n’est pas requis pour constituer le mariage que celui qui se marie considère un à un, directement et explicitement, toutes ses propriétés et tous ses éléments objectifs essentiels, mais il suffit qu’il les rassemble tous, au moins implicitement, dans une volonté de contracter le mariage avec une intention droite, sans exclure aucun élément constitutif essentiel du mariage ni aucune de ses propriétés essentielles.
- La manifestation extérieure du consentement et la présomption du droit
- Puisque pour contracter mariage l’auto-donation des époux est mutuelle, c’est-à-dire entre tel homme et telle femme, il est nécessaire que leur volonté se manifeste selon une forme légitime par des paroles ou des signes extérieurs.
En outre, puisque ordinairement dans les relations humaines la parole donnée doit être déclarée par les mots ou par les signes dont se sert un homme pour manifester ce qu’il a dans l’esprit, surtout lorsqu’il s’agit de choses d’une très grande importance comme le mariage, qui engendre de graves effets qui durent toute la vie, le Législateur Suprême de l’Eglise, outre les principes généraux sur la présomption de validité de tout acte juridique correctement accompli (c. 124 § 2) et sur la « faveur du droit » dont jouit le mariage (c. 1060), a fort opportunément, s’agissant plus précisément de notre affaire, déclaré cette présomption du droit : « Le consentement intérieur est présumé conforme aux paroles et aux signes employés dans la célébration du mariage »[12].
- La déficience du consentement et la simulation
- Le principe
Cependant, si dans un cas le consentement nuptial, qui en tant qu’unique et absolument nécessaire « cause efficiente » du mariage « ne peut être suppléé par aucune puissance humaine », est réellement déficient, le même Législateur Suprême Canonique, comme l’accord entre la condition juridique et la vérité objective sur l’état des personnes contribue grandement au salut des âmes, « qui doit toujours être dans l’Eglise la loi suprême » (c. 1752), a en conséquence établi également : « Cependant, si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles contractent invalidement » (c. 1101 § 2). Dans ce cas il y a une simulation du consentement, parce qu’il y a une dissension entre la volonté interne et sa manifestation extérieure. En d’autres termes, « une chose est d’agir, une autre chose est de simuler qu’on agit »[13].
- Simulation totale et simulation partielle
Cette simulation, comme on le déduit du c. 1101 § 2, peut être, ou bien totale (si est exclu positivement le mariage lui-même), ou partielle (si est exclu un élément essentiel du mariage ou l’une de ses propriétés essentielles, de telle sorte que celui qui se marie, bien qu’il veuille une certaine forme de mariage, entend celui-ci selon ses propres idées, qui objectivement s’écartent de l’institution divine du mariage).
- Le nécessaire acte positif de volonté
- Selon le c. 1101 § 2 CIC, la simulation partielle du consentement a lieu quand l’exclusion d’un élément essentiel ou d’une propriété essentielle pénètre, en le restreignant, dans l’objet même du consentement conjugal, de telle sorte que ce consentement se porte sur un objet substantiellement faussé. Comme nous l’a rappelé Jean-Paul II dans son Discours à la Rote du 21 janvier 2000, « la tradition canonique et la jurisprudence rotale, pour affirmer l’exclusion d’une propriété essentielle ou la négation d’une finalité essentielle du mariage, ont toujours requis que celles-ci arrivent avec un acte positif de volonté »[14].
Et donc cette « exclusion », pour comporter une force irritante, doit être réalisée par un acte de volonté, c’est-à-dire par un acte : a. « humain » (procédant délibérément de l’intelligence et de la volonté ; b. « positif » (réellement posé de façon actuelle ou au moins virtuelle au moment de la célébration du mariage, et donc efficacement connexe avec le consentement matrimonial, dont il détermine substantiellement l’objet) ; c. « ferme » (de telle sorte que le mariage soit de fait contracté selon cette détermination de celui qui se marie, et non autrement).
Bref, « dans l’esprit de celui qu se marie, pour qu’il y ait la simulation […], il faut qu’il y ait non pas une absence de la volonté matrimoniale, mais la présence d’une volonté positive d’exclure »[15].
En d’autres termes, pour parler plus clairement, n’accomplit pas un acte positif de volonté celui qui, inconsciemment, n’assume pas un élément essentiel du mariage, ou n’y pense même pas ; au contraire il est requis qu’il rejette réellement hors de l’objet du consentement cette propriété ou cet élément essentiel, « de telle sorte qu’il a visé un mariage uniquement comme cela et pas autrement »[16].
En conséquence il n’y a pas lieu à simulation dans les formes psychologiques qui en réalité ne réalisent pas cet acte positif de volonté, comme par exemple les simples idées erronées sur le mariage, une intention seulement habituelle, une volonté purement interprétative, une certaine velléité générique, une inclination contraire etc.
Comme dans la cause présente il est question de la nullité du mariage pour une double simulation partielle alléguée du consentement, c’est-à-dire : a. pour exclusion du bien du sacrement de la part du mari partie appelée ; b. pour exclusion du bien des enfants de la part du même mari, il faut rappeler au moins les principaux principes qui se rapportent spécifiquement à l’une et l’autre des formes de simulation du consentement.
- L’EXCLUSION DU BIEN DU SACREMENT
- La pensée de l’Eglise sur l’indissolubilité
- En ce qui concerne proprement l’exclusion du bien du sacrement, c’est-à-dire l’indissolubilité, il faut remarquer que, dans ce cas, il s’agit d’une simulation « partielle » du consentement en raison de l’exclusion de l’une des propriétés essentielles du mariage.
En effet le Concile Vatican II, reprenant la doctrine immuable de l’Eglise, a déclaré dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes : « Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité » (n. 48). De même le véritable amour conjugal, « ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout consacré par le sacrement du Christ […] demeure indissolublement fidèle […] et il exclut donc tout adultère et tout divorce » (n. 49).
Ceci a été confirmé récemment par le Catéchisme de l’Eglise catholique : « L’amour des époux exige, par sa nature même, l’unité et l’indissolubilité de leur communauté de personnes qui englobe toute leur vie : ‘Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair’ (Mt 19, 6) » (n. 1644).
Pour recourir également à l’autorité de Saint Thomas d’Aquin, « l’indissolubilité, à laquelle se rapporte le sacrement, convient au mariage selon lui-même, parce que du fait que par l’alliance conjugale les époux se donnent mutuellement pouvoir perpétuel sur eux-mêmes, il s’ensuit qu’ils ne peuvent pas se séparer ; dès lors il n’y a jamais de mariage sans l’insépa-rabilité ; mais on le trouve sans la foi conjugale et sans l’enfant parce qu’une chose ne dépend pas de son usage »[17].
Et donc le Code en vigueur, fondé « sur l’hérédité juridique et législative de la Révélation et de la Tradition »[18], édicte : « Les propriétés essentielles du mariage sont l’unité et l’indissolubilité qui, dans le mariage chrétien, en raison du sacrement, acquièrent une solidité particulière » (c. 1056).
L’indissolubilité, en tant que propriété essentielle, « regarde et atteint tous les mariages, le mariage naturel n’y faisant pas exception »[19], bien que pour les chrétiens l’indissolubilité obtienne une fermeté en raison du sacrement, comme nous l’a rappelé Jean-Paul II dans son Discours à la Rote du 26 janvier 2002 : « Le renforcement ultérieur (des propriétés essentielles) dans le mariage chrétien à travers le sacrement repose sur un fondement de droit naturel, dont la suppression rendrait incompréhensibles l’œuvre salvifique même et l’élévation que le Christ a opérées une fois pour toutes dans les divers aspects de la réalité conjugale »[20].
- L’exclusion de l’indissolubilité
La simulation du consentement pour exclusion de l’indissolubilité a lieu quand quelqu’un, en contractant un mariage, le veut en réalité dissoluble, c’est-à-dire « en se réservant la faculté de retrouver une pleine liberté »[21]. Cela peut arriver non seulement si l’intention de rompre le lien est absolue, mais encore (comme il arrive habituellement) si l’intention de rompre le lien est « conditionnelle » ou « hypothétique », ou, en d’autres termes, « si le cas se présente », c’est-à-dire « si l’on prévoit que la vie commune avec le partenaire sera malheureuse ».
Dans ce cas-là, comme on le lit par exemple dans une sentence c. Palestro, du 24 mars 1993, « étant donné des raisons particulières, au moins subjectivement graves, naît la crainte que la communauté conjugale ne devienne malheureuse ou enfin impossible et donc s’installe un doute sur la future communauté de vie avec l’autre partie et de là, pour retrouver sa propre liberté, dans le cas d’un événement possible dans l’avenir et redouté, on se prémunit par une exclusion hypothétique de l’indissolubilité. En conséquence le consen-tement ainsi donné, c’est-à-dire révocable […] n’est pas valide pour constituer le mariage, c’est-à-dire que la volonté hypothétique ou conditionnelle de rompre le lien si certains événements se produisent, détruit radicalement le consentement donné, sans qu’on attende la vérification de l’événement prévu »[22].
De plus, dans ce cas en effet, l’acte de volonté qui vicie le consentement est absolu parce que c’est le mariage en tant que dissoluble de toute façon qui est visé, tandis qu’est seulement « conditionnelle » ou « hypothétique » la rupture de la vie conjugale qui dépend d’un événement qui, s’il se vérifie, amènera de fait celui qui se marie à rompre le lien. Bien plus, il faut à ce sujet faire plusieurs remarques :
- « Si le cas se présente » ne signifie pas « le désir qu’arrive le cas », mais « la caution prise si ce cas se présente » : celui qui se marie veut seulement se garantir face à un échec futur, mais il ne désire pas cet échec futur ;
- Le contractant peut également désirer et vouloir qu’une pacifique et heureuse vie commune dure jusqu’à la mort, et il peut également s’engager à la rendre heureuse, mais tout cela n’enlève rien et n’ajoute rien à la réserve qui a pour objet l’exclusion de l’indissolu-bilité du lien, puisque ce qui compte, précisément, c’est seulement l’acte positif de volonté qui a exclu de l’objet du consentement le bien essentiel de l’indissolubilité ;
- L’objet de l’acte positif de volonté n’est pas le divorce à faire – et même celui qui se marie peut également souhaiter ne jamais avoir à le faire – mais bien la réserve du droit de le faire »[23].
III. L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS
- L’ordonnancement du mariage à la procréation
- En ce qui concerne l’exclusion du bien des enfants, il faut remarquer que dans ce cas il y a simulation du consentement en raison de l’exclusion d’un des éléments essentiels du mariage, puisqu’est exclue une de ses fins essentielles. Dans le Code en effet, le mariage est défini comme « l’alliance matrimoniale, par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et l’éducation des enfants […] » (c. 1055 § 1, cf. aussi c. 1061 § 1, c. 1096 § 1).
Cependant l’ordonnancement du mariage au « bien des enfants », en tant que finalité « institutionnelle » du mariage, et donc en tant qu’un de ses éléments essentiels, dont l’exclusion par un acte positif de volonté détermine la nullité du mariage, doit être exposé, au moins brièvement.
- Il n’y a pas de droit à l’enfant
Il faut d’abord déclarer que personne ne peut se conférer un droit à avoir des enfants. Car « l’enfant n’est pas un dû mais un don. ‘Le don le plus excellent du mariage’ est une personne humaine. L’enfant ne peut être considéré comme un objet de propriété, ce à quoi conduirait la reconnaissance d’un prétendu ‘droit à l’enfant’. En ce domaine, seul l’enfant possède de véritables droits : celui ‘d’être le fruit de l’acte spécifique de l’amour conjugal de ses parents, et aussi le droit d’être respecté comme personne dès le moment de sa conception’ »[24].
Au contraire, « le mariage ‘donne seulement aux conjoints […] le droit à accomplir les actes conjugaux qui, par eux-mêmes, sont ordonnés à la procréation’[25]. […] Le principe cité plus haut nous fait connaître au plus haut point la position doctrinale exacte, selon laquelle la question du bien des enfants doit toujours être qualifiée et mesurée avec les actes aptes par eux-mêmes à la procréation d’enfants, c’est-à-dire avec l’acte conjugal »[26].
En d’autres termes, « il faut dire qu’il n’est pas nécessaire à l’essence du mariage que naissent des enfants, mais seulement que les actes conjugaux soient ordonnés à la génération d’enfants »[27].
- Le droit-devoir à la génération et à l’éducation des enfants
Toutefois, si l’on examine proprement, soit ce qui est édicté au c. 1061 § 1, selon lequel le mariage « est ordonné par sa nature » « à l’acte conjugal apte de soi à la génération », soit ce que dit le c. 1055 § 1 déjà cité selon lequel « l’alliance matrimoniale (est ordonnée) par son caractère naturel […] à la génération et à l’éducation des enfants », il faut affirmer aussi que « le bien des enfants contient aussi les effets qui découlent naturellement du droit aux actes conjugaux, c’est-à-dire le droit-devoir à la mise au monde et à la conservation dans la vie des enfants éventuellement engendrés »[28].
- La distinction entre le droit-devoir et l’exercice-accomplissement
En outre il faut très attentivement faire une distinction entre l’exclusion du « droit-devoir » aux actes conjugaux à accomplir « de façon humaine », qui par eux-mêmes sont ordonnés à la procréation, et le refus de « l’exercice-accomplissement » de ce droit-devoir. Quand le mariage est célébré en effet, il est question de droits-devoirs à donner et à accepter mutuellement, mais non de leur exercice-accomplissement. C’est pourquoi a une force irritante l’acte positif de volonté qui atteint le droit-devoir lui-même, mais non l’acte de volonté qui regarde seulement l’exercice-accomplissement du droit concédé ou du devoir reçu. En effet, « comme l’essence d’une chose ne dépend pas de son usage, le droit et le devoir aux actes conjugaux peuvent exister bien que manquent, dans le cas concret, l’usage du droit et l’accomplissement du devoir […]. Une chose en effet est de ne pas donner le droit au bien des enfants dans ses principes, et une autre chose est de donner ce droit à son partenaire avec l’intention de violer ou de ne pas exécuter l’obligation reçue soit pour une période déterminée soit pour une période indéterminée »[29]. En d’autres termes, « ce qui rend nul le mariage, ce n’est pas le simple manque de procréation mais l’exclusion de la procréation ‘dans ses principes’[30], étant donné que ‘ne répugne pas à la substance du mariage le non-usage de celui-ci, mais le fait de ne pas pouvoir en user’[31] ».[32]
- La jurisprudence sur l’exclusion du droit-devoir
Bien que les principes juridiques soient clairs, il n’est pas facile de voir dans chaque cas s’il s’agit de l’exclusion du droit-devoir lui-même, ou seulement de l’exclusion du simple exercice-accomplissement. Toutefois la Jurisprudence de Notre Tribunal Apostolique a élaboré certains critères.
Tout d’abord, « l’exclusion absolue des enfants fait conjecturer l’exclusion du droit aux actes conjugaux et donc la nullité du consentement […]. Comme il est bien connu, le contractant qui ne veut pas le mariage sauf s’il y a exclusion des enfants, ne peut pas en même temps vouloir assumer les obligations essentielles du bien des enfants »[33]
Quand il s’agit toutefois de l’exclusion hypothétique ou temporaire des enfants, il faut apporter les distinctions adéquates, parce que ce genre d’exclusion peut irriter le mariage s’il atteint le droit lui-même, qui « doit être donné et reçu non seulement mutuellement, mais pour toujours »[34]. En effet, « le droit, une fois donné dans le consentement, ne peut admettre aucune limitation de la part du contractant, même temporaire. C’est là où ressort clairement le sens de la distinction entre le droit non donné et l’abus du droit donné »[35].
Assurément on voit que rejette le droit lui-même celui qui exclut la procréation pour un temps absolument indéterminé, en la liant à la survenance d’un événement futur et totalement incertain, et en se réservant le droit de déterminer quand il faudra accomplir les actes aptes par eux-mêmes à la génération. « Dans cette hypothèse, écrit Mgr de Lanversin dans une sentence du 5 avril 1995, la validité du mariage est détruite, comme le tient la Jurisprudence de Notre For, à savoir que ‘celui qui se réserve, en contractant, la donation du droit si et pour autant qu’arrivent des événements certains dans l’avenir, ne donne pas le droit dans l’acte de la célébration, ceci sans le moindre doute, et par conséquent il restreint l’objet du consentement’[36] ».[37] Dans ce genre de cas en effet, de fait « le contractant n’accepte pas l’inclination naturelle des actes vers la procréation et, dans cette matière, il prétend se conduire comme l’unique source du droit »[38].
Cela peut arriver lorsque celui qui se marie, en raison de graves perplexités sur le sort de la future vie conjugale, exclut le lien de l’indissolubilité. Dans ces cas en effet, il est poussé à exclure absolument toute procréation, au moins pour un temps indéterminé, soit parce que des enfants peuvent être un obstacle pour retrouver sa liberté si les choses tournent mal, soit pour éviter que ces enfants ne subissent des dommages par la rupture éventuelle de la communauté de vie des conjoints.
Au contraire l’exclusion temporaire de la procréation, ordinairement, si elle signifie un simple report à plus tard, à une période peut-être plus propice, à une situation économique plus adéquate, tant pour le travail que pour l’habitation, peut s’accorder avec une donation-acceptation correcte du droit conjugal. En effet, « l’exclusion temporaire, selon la jurispru-dence constante de Notre Tribunal Apostolique, fait présumer que les conjoints, par le report à plus tard de la procréation, entendent seulement repousser l’exercice du droit concédé, ce qui, par lui-même, comme il apparaît également de la doctrine de la responsabilité parentale, ne peut pas vicier le consentement matrimonial »[39].
- LA PREUVE DE LA SIMULATION
- La preuve de toute simulation
- La preuve de toute simulation du consentement (et donc également de l’exclusion du bien du sacrement et de celle du bien des enfants) est, par nature même, difficile. Car il s’agit d’un acte interne connu de Dieu seul et contraire à l’acte manifesté extérieurement quand le mariage a été célébré, alors que dans le Code il est plus d’une fois déclaré qu’il y a une présomption pour la validité du mariage (cf. c. 124 § 2 ; c. 1060 et 1101 § 1). Cette preuve cependant, selon les critères reçus de la Jurisprudence traditionnelle, est possible, si toutefois trois éléments se retrouvent ensemble : « la confession du simulant, judiciaire et surtout extrajudiciaire, apportée par des témoins dignes de foi ; une cause grave et proportionnée de simulation, qui, bien distincte de la cause qui a poussé au mariage, prévale de fait sur elle ; des circonstances antécédentes, concomitantes et subséquentes, qui rendent la simulation réalisée non seulement possible, mais probable et très crédible »[40].
Ce « schéma » toutefois doit être adapté au cas sur lequel doit porter le jugement, car il s’agit principalement d’une question « de fait », et chaque « fait » a sa propre histoire, sa propre dialectique, ses propres personnes et ses propres circonstances particulières. Cela veut dire que le cas est à examiner selon les conditions concrètes et existentielles dans lesquelles se trouvait au moment du mariage celui à qui est imputée en justice la simulation du consentement.
En outre, dans ce genre de causes, qui « généralement reposent sur des indices »,[41] il faut bien remarquer que la vérité n’est pas à découvrir à partir de tel ou tel élément pris isolément, mais à partir de tous les moyens de preuve réunis, considérés dans leur ensemble, qui ne peuvent s’expliquer logiquement que si l’on reconnaît la simulation alléguée du consen-tement.
- Le rôle du juge
Les moyens de preuve doivent conduire à ce que « à partir des actes et des preuves » naisse « chez le juge la certitude morale au sujet de l’affaire à trancher par la sentence » (c. 1608 § 1 et 2).
Il appartient au juge, après avoir examiné soigneusement « selon sa conscience » (c. 1608 § 3) tous les moyens de preuve, de conclure si, dans le cas, la nullité du mariage est, « avec une certitude morale », prouvée pour les chefs allégués.
Cette évaluation doit être réalisée avec diligence et sans a priori, également pour respecter l’esprit du Code en vigueur qui « peut être considéré comme plus humain, c’est-à-dire qu’il s’étend à un plus grand respect pour l’homme et sa dignité ». Car « les normes codifiées dans le Code de 1983 reflètent une tendance vers un plus grand respect pour la personne dans son ensemble, un plus grand respect de l’humanité profonde de la personne. Le développement représente un respect fondé sur l’authentique ‘charité’ »[42]. En conséquence, « nous sommes certainement bien loin de la règle de l’article 117 de l’Instruction Provida Mater : ‘La déposition judiciaire des époux n’est pas apte à constituer une preuve contre la validité du mariage’ »[43].
D’ailleurs ceux qui s’adressent à un Tribunal ecclésiastique, « mûs par des raisons exclusives de conscience, savent bien que ne leur servirait à rien un prononcé judiciaire d’un tribunal de l’Eglise basé ou fondé sur des assertions qui ne correspondent pas à la vérité »[44].
- Règles spéciales pour les causes matrimoniales
C’est pourquoi justement « pour que soit exclue toute différence – autant que faire se peut – entre la vérité accessible dans le procès et la vérité objective, connue par la conscience droite »[45], s’il est statué dans le Code de Droit Canonique, de façon générale pour les jugements contentieux ordinaires : « Dans les causes […] qui concernent le bien public, l’aveu judiciaire et les déclarations des parties qui ne sont pas des aveux peuvent avoir valeur de preuve ; le juge devra les apprécier en relation avec les autres éléments de la cause », mais « une valeur probante plénière ne peut leur être reconnue à moins qu’il n’y ait d’autres éléments qui les corroborent pleinement » (c. 1536 § 1), une règle suivante, en ce qui concerne en propre les causes de nullité de mariage, prescrit : « A moins que les preuves n’aient par ailleurs pleine valeur probante, le juge, pour apprécier les dépositions des parties selon le c. 1536, fera appel, si c’est possible, en plus des autres indices et éléments, à des témoins sur la crédibilité des parties elles-mêmes. » (c. 1679)
En conséquence les déclarations judiciaires du simulant allégué doivent être évaluées à la lumière de sa propre crédibilité. Pour examiner celle-ci on ne méprisera pas les critères « extrinsèques » de crédibilité, c’est-à-dire ceux qui sont pris des témoignages, surtout ceux de prêtres ou de témoins qui sont vraiment dignes de foi. En outre, sont d’une très grande importance les critères « intrinsèques » de crédibilité, soit en tant que ces déclarations judiciaires, regardées en elles-mêmes, apparaissent comme constantes ou inconstantes, cohérentes ou non (cf. c. 1572, n. 3), soit en tant que ce qui est affirmé s’accorde ou non avec les faits concrets ou les circonstances. Car les faits peuvent être plus éloquents que les paroles. En conséquence il faut évaluer « les circonstances précédentes, concomitantes ou subséquentes de la célébration du mariage, qui rendent la simulation alléguée possible et crédible »[46]. C’est pourquoi on doit examiner tous les indices concrets, surtout en ce qui concerne la façon d’agir du simulant prétendu.
Sans aucun doute sont à étudier avec soin, et la « cause de la simulation » (« lointaine » ou « prochaine »), et la « cause qui a poussé au mariage ». Car il faut savoir avec certitude si le contractant a envisagé cette « cause de la simulation » comme grave, et bien plus si pour lui elle prévalait sur la « cause qui a poussé au mariage ». Si en effet la « cause de la simulation » n’est pas prouvée, la simulation, qui en est l’effet, ne peut même pas se concevoir.
« Le salut des âmes, dont parle le c. 1752 CIC, demande à coup sûr ou, plus exactement, impose » la diligence du juge, dont nous avons parlé, et son équité. « Le principe suprême de Notre For, en effet postule que ‘le rôle du juge dans ce genre de causes est sans aucun doute très difficile. Mais il serait extrêmement grave que le juge, dont la science, la prudence et l’équité sont invoquées dans l’administration de la justice, fuie ses responsabilités de juge et, par peur de se tromper, se tourne facilement vers le c. 1060 CIC. D’ailleurs, pour prononcer une sentence, il n’est pas requis une certitude absolue ou mathématique, mais il suffit d’une certitude morale, qui, si d’une part elle se distingue de la simple probabilité, parce qu’elle n’admet pas un doute positif et prudent, d’un autre côté n’exclut pas toute crainte prudente de se tromper’[47] ».[48]
EN FAIT (résumé)
Les Juges de 1° instance n’ont pas eu à leur disposition tous les renseignements qu’une nouvelle instruction a fournis à ceux de 2° instance.
- LA CRÉDIBILITÉ DE CHAQUE PARTIE
Les témoins de la demanderesse et ceux du mari disent le plus grand bien de la crédibilité de chaque partie.
On remarque que tant l’épouse demanderesse que le mari partie appelée ont toujours été constants et cohérents dans leurs descriptions de leurs relations prématrimoniales et matrimoniales.
De plus, l’épouse s’est adressée au tribunal ecclésiastique pour se mettre en paix avec sa conscience et par conséquent elle savait que si elle mentait dans ses déclarations, elle manquerait son but.
La crédibilité de la demanderesse et des témoins est d’autant plus grande qu’ils reconnaissent qu’ils ignoraient l’état d’esprit dans lequel Ludovico s’est marié et que, de ce fait, leurs déclarations ne favorisent pas la thèse de la simulation du consentement de la part du mari.
D’ailleurs le peu d’informations de l’épouse et des témoins sur l’intention matrimoniale de Ludovico correspond tout à fait au caractère fermé de celui-ci. A l’envie Tiziana et les témoins parlent de la timidité du mari, de son manque de sociabilité, et tous disent que Ludovico était « chiuso », « fermé », ce qu’il reconnaît lui-même.
En conclusion de ces remarques, nous pouvons accepter en toute confiance les éléments qui ressortent des dépositions des parties et des témoins, pour évaluer l’intention que Ludovico avait en se mariant.
- LA CAUSE LOINTAINE DE LA DOUBLE SIMULATION DU MARI
- Le mari déclare lui-même qu’il ne se sentait pas lié par la doctrine et la morale de l’Eglise. Selon lui, ses parents sont croyants, mais pas pratiquants et par conséquent il n’en a pas reçu une formation religieuse profonde. Il a été baptisé, il a été confirmé et a abandonné ensuite toute pratique. Ceci est confirmé par la demanderesse et les témoins.
- En ce qui concerne sa connaissance du mariage, Ludovico considérait le divorce comme un remède naturel en cas d’échec d’un mariage. Il a fait part de cette conviction en 1° et en 2° instance.
La demanderesse et les témoins confirment l’état d’esprit de Ludovico sur le divorce : « Il disait qu’il valait mieux se séparer si le couple était en difficulté, que les hommes avaient inventé le divorce et qu’il lui était favorable ».
III. LA CAUSE PROCHAINE DE LA DOUBLE SIMULATION DU MARI
- Ludovico, alors que la date du mariage se rapprochait, constatait que Tiziana était beaucoup trop dominée par ses parents et cela l’inquiétait pour son futur mariage. De plus, lors de sa seconde déposition, il a raconté qu’il avait commencé à travailler à la campagne avec le père de Tiziana, que celui-ci aurait voulu qu’il continue ce travail après son mariage et que Tiziana approuvait son père à ce sujet. Cet attachement de la jeune fille à sa famille pesait de plus en plus à Ludovico.
Un fait a augmenté considérablement les inquiétudes du jeune homme. La sœur de Tiziana ayant été victime d’un accident d’auto, son père aurait voulu que Ludovico témoigne dans le procès civil qui a suivi, mais celui-ci a refusé parce qu’il aurait dû témoigner de quelque chose dont il n’avait pas été témoin. Tiziana a pris parti pour son père, ce qui a causé des problèmes entre les jeunes gens, au point qu’ils ont cessé d’avoir des relations intimes comme auparavant.
Tiziana, dans ses deux dépositions, confirme l’accident, la demande de son père auprès de Ludovico afin qu’il témoigne au procès civil, le refus de celui-ci et la fin de leurs relations intimes.
Les témoins, eux, ont constaté un net refroidissement entre les fiancés à l’approche du mariage.
- LA « CAUSA CONTRAHENDI », LA CAUSE QUI A POUSSÉ AU MARIAGE
Il faut distinguer deux périodes : le moment où Ludovico a décidé d’épouser Tiziana et le moment où, malgré ses doutes sur l’issue de sa future vie conjugale, il a persévéré dans sa décision de mariage.
Dans la première période les jeunes gens s’aimaient et tout semblait conduire à leur mariage.
Plus tard Ludovico a eu des doutes sur son avenir avec Tiziana, mais déclare-t-il : « Je n’ai pas renoncé à épouser Tiziana parce que j’avais déjà donné ma parole et mon caractère faible ne m’a pas permis d’affronter la réalité […]. Je me suis laissé traîner au mariage ».
Cette « causa contrahendi » est confirmée par l’épouse, qui avait été informée par Ludovico, avant le mariage, de ses doutes et de sa résignation à se marier. Cette « causa contrahendi » est confirmée par de nombreux témoins qui en ont eu connaissance après le mariage.
Bref, la preuve est acquise que la « causa contrahendi », la cause qui a poussé Ludovico au mariage, a été beaucoup moins forte que l’importante cause prochaine de sa simulation.
- L’EXCLUSION DU BIEN DU SACREMENT
- Les preuves directes
1) Dans sa première déposition judiciaire, Ludovico a déclaré : « Je suis allé au mariage avec l’espoir qu’il pourrait réussir, même si j’avais des doutes et des préoccupations. Je me suis représenté l’éventualité d’un échec du mariage et, dans ce cas, j’aurais fait ce qui se fait habituellement : la séparation et le divorce ». En seconde instance, Ludovico a redit la même chose.
2) En ce qui concerne une confession extrajudiciaire de Ludovico, seuls l’épouse et peu de témoins, compte tenu du caractère du mari, peuvent en parler.
Tiziana n’a été au courant, par son mari, de l’intention de celui-ci de divorcer si les choses allaient mal, qu’après le mariage. Elle l’a dit dans ses deux dépositions.
Toutefois il faut remarquer que si l’épouse a connu l’intention de son mari après le mariage, elle l’a connue à une époque non suspecte puisqu’à ce moment-là elle ne pensait absolument pas à une cause de nullité de mariage. De plus ce qu’elle déclare s’accorde tout à fait avec ce qu’elle avait connu des circonstances et de l’état d’esprit de Ludovico avant le mariage et d’où pouvait germer la simulation de son consentement.
Quant aux témoins, la plupart d’entre eux affirment qu’ils ignoraient l’intention du mari contre l’indissolubilité de son mariage, ce qui est un indice de leur crédibilité. Seule la sœur de Tiziana rapporte que Ludovico lui avait dit, avant le mariage, que si cela n’allait pas il divorcerait pour retrouver sa liberté. Une amie de Ludovico fait le même témoignage.
Toutefois, si la « preuve directe » de l’exclusion de l’indissolubilité par le mari, est mince, elle est corroborée de façon positive par des preuves indirectes.
- Preuves indirectes
1) La gravité de la cause éloignée et de la cause prochaine de la simulation est très grande.
2) La cause qui a poussé Ludovico au mariage est beaucoup plus faible que la cause de la simulation. Il n’a pas dit non au mariage parce qu’avec son tempérament faible il n’a pas pu se détacher de l’intention d’épouser Tiziana qu’il avait eue auparavant.
En conséquence nous avons ici un ensemble d’éléments de preuve et d’indices qui nous donnent la conviction que réellement le mari partie appelée a simulé son consentement par exclusion du bien du sacrement.
- L’EXCLUSION DU BIEN DES ENFANTS
- Ce chef de nullité est tout à fait connexe à celui d’exclusion du bien du sacrement, en ce que c’est la même cause pour laquelle l’époux a exclu l’indissolubilité qui l’a poussé à exclure les enfants.
- Il ressort des Actes de la cause que Ludovico n’était pas psychologiquement hostile à l’idée d’avoir des enfants, mais précisément, parce que peu de temps avant le mariage il a eu des doutes sur le succès de sa future vie conjugale, il a exclu absolument la procréation, au moins pour un temps indéterminé, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit sûr de la réussite de son mariage.
- Dans ses deux dépositions judiciaires Ludovico a exposé « l’évolution » de ses intentions en ce qui concerne la procréation : au début, oui aux enfants ; ensuite, on verra, on verra si tout va bien entre Tiziana et lui, entre Tiziana et ses parents, entre ses parents et lui.
Certes Ludovico, en raison de son caractère, n’a pas parlé à Tiziana ou à d’autres de ses intentions et de la cause de ses intentions, sans doute pour éviter toute discussion.
- De son côté Tiziana, dans sa première déposition, affirme que Ludovico, avant le mariage, ne lui a rien dit de ses intentions relatives aux enfants. Simplement, « il m’a dit que, pour les enfants, on déciderait après le mariage, quand il aurait un travail sûr et que notre mariage serait une réussite ». Après le mariage toutefois, comme Ludovico avait un travail stable et que Tiziana lui parlait d’avoir des enfants, « il m’a dit qu’il n’était pas dans ses intentions d’avoir des enfants, et devant ma réaction et les problèmes que nous avions ensemble, il a fini par me dire la vérité ».
- Les témoins de Ludovico, dans leurs dépositions, ont confirmé les déclarations judiciaires de celui-ci, tandis que ceux de Tiziana n’ont connu, par Ludovico lui-même, que son intention de reporter à plus tard la procréation d’un enfant.
- Les circonstances, enfin, sont en faveur de l’exclusion des enfants par le mari : les parents de Tiziana se mêlaient trop de la vie du couple ; le mari a toujours pris des précautions pour éviter une grossesse de sa femme, alors que celle-ci lui demandait de lui donner un enfant ; c’est à cause de ce refus des enfants qu’a pris fin la vie intime des époux.
En conclusion, tout bien pesé, la simulation du consentement du mari, par exclusion du bien des enfants, est moralement certaine.
Constat de nullité
Giovanni Baptista DEFILIPPI, ponent pour exclusion du bien du sacrement
Robert M. SABLE et pour exclusion du bien des enfants par le mari
Maurice MONIER
Vetitum pour le mari
[1] O. GIACCHI, Il consenso nel matrimonio canonico, Milan 1950, p. 21
[2] C. TURNATURI, 16 juin 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 362, n. 8
[3] D. 35, 1, 15 ; D. 50, 17, 30
[4] C. POMPEDDA, 1° février 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 97, n. 2
[5] Constitution Past. GAUDIUM et SPES, n. 48 § 1
[6] Encyclique CASTI CONNUBII, 1930, AAS 22, p. 541
[7] Cf. de LUGO, De justitia et jure, disput. XXII, p. 361
[8] C. SABLE, 24 février 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 166, n. 2
[9] Encyclique CASTI CONNUBII, 1930, AAS 22, p. 541
[10] PAUL VI, Discours à la Rote, 9 février 1976, AAS, 68, 1976, p. 207
[11] Même endroit, p. 206
[12] C. 1101 § 1
[13] ULPIEN, D. 14, 9
[14] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote du 21 janvier 2000, AAS 92, 2000, p. 352, n. 4
[15] O. GIACCHI, Il consenso nel matrimonio canonico, Milan 1968, p. 92
[16] C. POMPEDDA, 22 octobre 1969, SRRDec, vol. LXI, p. 948, n. 2
[17] Comment. in Lib. IV Sententiarum, dist. XXXI, q. 1, art. 3, in c.
[18] Const. Apost. Sacrae disciplinae leges, par laquelle, le 25 janvier 1983, a été promulgué le nouveau Code
[19] C. FUNGHINI, 5 juin 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 436, n. 2
[20] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 26 janvier 2002, AAS 94, 2002, p. 342, n. 3
[21] C. MONIER, 27 avril 2001, SRRDec, vol. XCIII, p. 295, n. 4
[22] C. PALESTRO, 24 mars 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 215, n. 4
[23] S. VILLEGIANTE, L’esclusione del « bonum sacramenti », dans l’ouvrage collectif La simulazione del consenso matrimoniale canonico, Cité du Vatican 1990, p. 213 sq.
[24] Instr. Donum vitae, 2, 8, AAS 80, 1988, p. 97 ; Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2378
[25] Instr. Donum vitae, n. 1
[26] C. POMPEDDA, 3 juillet 1990, SRRDec, vol. LXXXII, p. 583, n. 3
[27] C. SABLE, 29 mars 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 443, n. 7
[28] C. HUBER, 1° juillet 1998, sent. 71/98, n. 5
[29] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 300, n. 19
[30] S. THOMAS, Supplément, q. 49, art. 3
[31] BENOÎT XIV, De Synodo diocesana, XIII, 22, 11
[32] C. FUNGHINI, 22 février 1989, SRRDec, vol. LXXXI, p. 132, n. 4
[33] C. POMPEDDA, 19 octobre 1992, SRRDec, vol. LXXXIV, p. 495, n. 5-7
[34] C. FUNGHINI, 15 avril 1997, SRRDec, vol. LXXXIX, p. 282, n. 4
[35] C. SABLE, 14 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 595, n. 8
[36] C. BRENNAN, 14 octobre 1966, SRRDec, vol. LVIII, p. 724, n. 3
[37] C. de LANVERSIN, 5 avril 1995, SRRDec, vol. LXXXVII, p. 255, n. 8
[38] C. MONIER, 18 février 2000, SRRDec, vol. XCII, p. 187, n. 4
[39] C. BRUNO, 1° février 1991, SRRDec., vol. LXXXIII, p. 68, n. 5
[40] C. TURNATURI, 20 octobre 2005, sent. 104/05, n. 16
[41] C. PALESTRO, 18 mai 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 299, n. 7
[42] M.F. POMPEDDA, Decizione-sentenza nei processi matrimonali, dans Studi di diritto processuale canonico, Giuffré Editeur, Milan 1995, p. 184
[43] M.F. POMPEDDA, Verità e giustizia nella doppia sentenza conforme, dans l’ouvrage collectif La doppia conforme nel processo matrimoniale, Cité du Vatican 2003, p. 15
[44] Même ouvrage, même endroit
[45] Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, du 14 septembre 1994 sur la communion pour les divorcés remariés, AAS 86, 1994, p. 492, n. 9
[46] C. STANKIEWICZ, 26 février 1999, SRRDec, vol. XCI, p. 111, n. 23
[47] C. BRUNO, 30 mai 1986, SRRDec, vol. LXXVIII, p. 356 sq., n. 9
[48] C. SABLE, 2 avril 1998, SRRDec, vol. XC, p. 315, n. 7
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