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Alwan 8/06/2010

Coram  ALWAN

 Exclusion de l’indissolubilité

 Tribunal régional des Pouilles (Italie) – 8 juin 2010

P.N. 19.383

Constat de nullité

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PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. LE MARIAGE,  ALLIANCE  D’AMOUR  CONJUGAL
  2. Une alliance sainte
  3. L’amour conjugal et l’engagement pour toute la vie
  4. Le manque d’amour et l’exclusion de l’indissolubilité
  1. L’EXCLUSION DE  L’INDISSOLUBILITÉ
  2. L’acte positif de volonté pour l’exclusion
  3. La manifestation et la preuve de l’exclusion

 

III.  LE  CAS  PARTICULIER  D’UNE  GROSSESSE  CAUSE  DU  MARIAGE

 

  1. EN CAS  DE  VERSIONS  DIFFÉRENTES  DES  FAITS  SELON  LES  PARTIES

 

 

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EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

En raison d’une grossesse inopinée, Elvira F., née le 3 juin 1978, épouse le 2 février 1998, après trois ans de fréquentations, Michele M., né le 27 octobre 1974.

 

Leur fille naît le 25 août 1998. La vie conjugale est malheureuse, en raison de l’infidélité du mari et de sa conduite irresponsable, dangereuse et imprudente. Le 25 juillet 2001, l’épouse quitte le domicile conjugal et la séparation est homologuée 2 jours après.

 

Ne voulant pas reprendre la vie commune et désireuse de retrouver un état normal devant l’Eglise, l’épouse s’adresse au Tribunal régional des Pouilles, le 15 juillet 2002, lui demandant la déclaration de nullité de son mariage pour exclusion de l’indissolubilité de sa part. La sentence du 12 octobre 2004 est négative.

 

L’épouse fait appel directement à la Rote. Le 7 mars 2006, le Ponent du Tour concorde le doute sous la formule habituelle : « La preuve est-elle rapportée que le mariage en cause est nul pour exclusion de l’indissolubilité de la part de l’épouse demanderesse ? ».

 

 

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EN  DROIT

 

  1. LE MARIAGE,  ALLIANCE  D’AMOUR  CONJUGAL

 

Deux propriétés essentielles, l’unité et l’indissolubilité, distinguent, en raison de son institution divine, le mariage chrétien des autres figures de mariage (c. 1056), puisque celui-ci est la donation totale de soi-même, exclusive, perpétuelle et mutuelle, manifestée par un pacte irrévocable entre l’homme et la femme, et instituée par un consentement personnel, qui ne peut être suppléé par aucune puissance humaine.

 

  1. Une alliance sainte

 

Ce pacte est une alliance qui est inspirée par la Sainte Ecriture, comme l’enseigne le Pape Jean-Paul II dans l’Angelus du 3 juillet 1994 : « Comme une image efficace, l’Ecriture Sainte enseigne que les époux sont appelés à être « une seule chair » (Gen. 2, 24). Il s’agit, en fait, d’une alliance d’amour, qui investit la totalité, corporelle et spirituelle, des conjoints. Au moyen de l’union de leurs corps, ils expriment la profondeur et le caractère définitif de leur don réciproque ». Cette « alliance d’amour » reprend ses propriétés essentielles de sa similitude avec l’alliance d’amour entre Dieu créateur et l’homme, sa créature, amenée à la perfection dans l’union indivisible entre Jésus-Christ et l’Eglise son épouse, comme l’enseigne Jean-Paul II dans son Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (n. 20) : « Enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l’indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation : c’est Lui qui veut et qui donne l’indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l’amour absolument fidèle que Dieu a pour l’homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l’égard de son Eglise ».

 

  1. L’amour conjugal et l’engagement pour toute la vie

 

L’amour entre les époux demeure l’élément primaire qui les pousse ordinairement à constituer une union pour toute la vie et qui constitue la cause pour laquelle ils se marient, mais ce n’est pas pour cela qu’il est un élément absolument nécessaire, parce qu’il peut y avoir plusieurs autres motifs de la célébration du mariage, même en l’absence d’un véritable amour. Le Pape Jean-Paul II, dans son Discours à la Rote du 21 janvier 1999, fait une distinction entre l’amour en tant que « vague sentiment ou également forte attirance psychophysique » et « l’amour effectif de l’autre, substantiellement constitué du désir sincère de son bien, et qui se traduit par un engagement concret pour le réaliser »[1].

 

Selon le Pasteur de toute l’Eglise sur la terre, l’amour vraiment conjugal existe lorsqu’il se traduit en engagement pour toute la vie, à l’instar de celui du Christ : « L’amour conjugal, donc, n’est pas seulement ni surtout un sentiment. Au contraire il est essentiellement un engagement envers l’autre personne, engagement qui s’assume par un acte précis de volonté. C’est proprement cela qui qualifie un tel amour en le rendant conjugal. Une fois donné et reçu l’engagement par le moyen du consentement, l’amour devient conjugal, et il ne perd jamais ce caractère »[2].

 

  1. Le manque d’amour et l’exclusion de l’indissolubilité

 

Lorsqu’un véritable amour constitue la cause qui pousse au mariage, il est difficile de croire que les époux ont déjà auparavant exclu l’unité et l’indissolubilité du mariage, parce que l’intention d’une donation mutuelle et perpétuelle est contenue dans leur véritable amour. Toutefois cette règle générale souffre des exceptions. De même, lorsque viennent à manquer le véritable amour et l’intention de s’unir pour toute la vie, l’intention d’exclure la perpétuité est souvent présumée présente dans l’esprit des contractants, comme l’est aussi l’intention d’exclure la fidélité mutuelle. Par lui-même le véritable amour, pour qu’il soit la cause du mariage, prévaut sur toute intention de simulation et toute intention d’exclusion. Il faut cependant que cet amour déclaré par les parties soit reconnu et qualifié.

 

  1. L’EXCLUSION DE  L’INDISSOLUBILITÉ

 

  1. L’acte positif de volonté pour l’exclusion

 

  1. La simple volonté contraire à l’indissolubilité ou à l’unité du mariage n’irrite pas le consentement matrimonial, qui jouit de la faveur du droit et qui est protégé par une présomption d’absence de toute simulation, tant qu’il n’est pas prouvé qu’il y a eu une véritable intention d’exclusion par un acte positif de volonté (cf. c. 1101), conçue par l’un des contractants ou les deux.

 

C’est pourquoi la jurisprudence fait une distinction entre, d’une part, la simple intention contraire à l’indissolubilité dans l’esprit de celui qui se marie, et, d’autre part, l’exclusion par un acte positif de volonté : « Certes celui qui, par disposition d’esprit, est opposé à l’indissolubilité, est davantage enclin à émettre un acte positif de volonté par lequel il l’exclut. La plupart du temps cependant il s’abstient de l’émettre, parce qu’il est retenu de le faire par la religion, ou parce qu’il pressent qu’il ne pourra pas réaliser la dissolution du lien qu’il va contracter. Alors, ou bien il accepte l’indissolubilité, même si elle lui est désagréable au plus haut point, pour ne pas s’opposer à la volonté de Dieu qui la prescrit, ou bien il se conduit passivement, ou encore il décide positivement de rompre le lien de façon absolue ou de façon hypothétique, c’est-à-dire si certains événements se produisent. Dans le premier cas, il émet un acte positif de volonté par lequel il accepte l’indissolubilité ; dans le deuxième cas il reste dans une disposition d’esprit opposée à l’indissolubilité ; dans le troisième cas il exclut l’indissolubilité par un acte positif de volonté. C’est pourquoi celui qui accède au mariage avec seulement une disposition d’esprit contraire à l’indissolubilité contracte validement, parce qu’il n’exclut pas le bien du sacrement par un acte positif de volonté, bien qu’il ne l’accepte pas non plus par un acte positif de volonté »[3].

 

Ne sont pas du tout identiques l’acte positif de volonté par lequel une personne décide de se marier et l’acte positif de volonté par lequel est exclu le mariage lui-même ou l’une de ses propriétés. Dans le premier cas toutes les capacités critiques sont requises, ainsi que l’opération correcte des facultés de l’intelligence et de la volonté. Dans le second cas, on ne regarde que la faculté de la volonté, c’est-à-dire la récusation positive d’une propriété essentielle dans son propre mariage, même si la personne n’a pas pleinement compris ou évalué cette propriété. La volonté décisoire se trouve dans l’exclusion, mais pas l’intelligence ; il suffit en effet de se rappeler l’erreur sur l’unité ou l’indissolubilité, qui n’irrite pas le consentement pourvu qu’elle ne détermine pas la volonté (c. 1099). « Et qu’on n’objecte pas que la volonté suit nécessairement l’intelligence, parce que la jurisprudence rotale, se souvenant peut-être de la phrase d’Ovide, ‘Je vois le mieux et je l’approuve. Je suis le pire’[4], enseigne que ‘cela ne répugne pas à la psychologie humaine : chaque fois en effet qu’en agissant nous mettons derrière nous nos convictions intimes pour en suivre d’autres qui sont plus appropriées à la réalité !’[5] »[6]. C’est pourquoi, même si la partie est perplexe ou hésitante au moment où elle émet son consentement, cela n’empêche pas qu’elle puisse, par un acte positif de volonté, exclure une propriété essentielle du mariage.

 

  1. La manifestation et la preuve de l’exclusion

 

  1. Généralement l’acte positif de volonté ne s’exprime pas ou ne se déclare pas en public dans les termes où il se conçoit intérieurement, mais il se prouve surtout par des déclarations faites à une époque non suspecte, par des attitudes avant et après le mariage, par des circonstances et des réactions de la partie simulante face à certains événements. L’acte positif de volonté d’exclusion se manifeste par un signe externe ou il se manifeste implicitement par une apparence extérieure déterminante de la volonté.[7]

 

Outre la confession, judiciaire et extrajudiciaire, du simulant, sont considérés comme des preuves en certains cas les documents rédigés à une période non suspecte, comme des lettres, des journaux intimes, ou d’autres documents où se montre la volonté d’exclusion, prévalente sur la cause qui a poussé au mariage. De tels documents peuvent avoir la force de preuve plénière, surtout parce qu’ils ont été composés à une époque non suspecte et qu’ils montrent la véritable volonté de leur auteur.

 

  1. Pour prouver l’exclusion, outre la preuve de l’acte positif de volonté, on a recours à l’évaluation de la cause prochaine de la simulation, parce qu’il est difficile de prouver la simulation par la seule cause lointaine : « Puisque l’importance de la cause de l’exclusion est évidente, il faut dire qu’il ne suffit pas qu’il existe une cause lointaine pour détecter la simulation ; il faut toujours, en outre, faire plutôt attention à la cause prochaine, c’est-à-dire à la cause concrète, de l’exclusion alléguée »[8]. La cause lointaine et la cause prochaine de la simulation, pour dirimer le consentement, doivent prévaloir sur la cause du mariage et ne pas coïncider avec elle : « Pour prouver l’acte positif de volonté, […] on ne considère pas seulement les paroles par lesquelles le simulant ou les témoins font état judiciairement de cet acte de volonté, mais il faut de plus considérer les causes de la simulation (lointaine et prochaine), qui se distinguent nettement de la cause de la célébration du mariage, ainsi que le complexe des circonstances (parmi lesquelles se signale la façon de se conduire du simulant allégué), qui, sans ambiguïté, conduit au consentement simulé ou est en pleine contradiction avec lui »[9].

 

III.  LE  CAS  PARTICULIER  D’UNE  GROSSESSE  CAUSE  DU  MARIAGE

 

Dans certains cas la grossesse d’une femme constitue souvent la cause du mariage, ce qui d’ailleurs ne signifie pas ipso facto que dans ces cas le consentement est nul pour exclusion du mariage lui-même ou pour exclusion de l’indissolubilité, sauf s’il y a une cause grave et prévalente de simulation. Souvent, lorsque des jeunes gens s’aiment et qu’ils forment le projet de se marier, la grossesse ne fait rien d’autre que de hâter la décision du mariage. Au contraire, si l’amour est absent et que les jeunes gens, pour d’autres raisons graves, excluent toute possibilité d’instituer une communauté conjugale de toute la vie, la grossesse, dans ce cas, en tant que cause du mariage « de réparation », peut devenir la preuve d’une exclusion totale ou partielle, chaque fois que sont prouvées la gravité et la prévalence de la cause de la simulation. Et cela est d’autant plus persuasif lorsqu’il est prouvé que la grossesse est entachée de dol ou de machination, pour extorquer le consentement matrimonial de l’autre partie. Dans ce cas il est assez facile de prouver l’exclusion, non seulement de l’indissolubilité, mais du mariage lui-même.

 

 

 

 

 

  1. EN CAS  DE  VERSIONS  DIFFÉRENTES  DES  FAITS  SELON  LES  PARTIES

 

  1. Il est nécessaire, en cas de divergence de la version des faits entre les parties, de démontrer leur crédibilité et celle des témoins. La jurisprudence admet souvent la rétractation de la déposition d’une partie, lorsqu’il existe une raison valide et juste qui la justifie.[10] Une nouvelle version des faits présentée par la même partie peut d’autant plus être acceptée qu’existent des raisons qui la justifient : « En outre il faut bien distinguer la rétractation, par laquelle on affirme fausse la première déposition ou une déposition postérieure, de la simple correction, qui tend plutôt à corriger ce qui n’a pas été correctement dit ou mal transcrit dans les actes, et encore un ajout complémentaire, par lequel les déclarations déjà faites sont complétées et précisées, de telle sorte que la vérité intégrale brille dans son universalité et sa plénitude. Lorsqu’il n’y a qu’un complément, celui-ci, naturellement, est admis plus facilement que la rétractation, même si est intervenue l’omission par mauvaise foi de quelque circonstance ou s’il s’est produit un savant emploi de termes ambigus et vagues. Sans oublier que la réticence d’une vérité peut provenir parfois de questions imprécises posées par le juge instructeur à une partie ou à un témoin »[11].

 

De même il faut admettre les nouvelles versions des faits lorsque la partie prouve auparavant qu’en raison de menaces qu’elle a subies ou pour éviter de sérieux dommages ou de fortes querelles ou enfin en vue d’un avantage économique ou d’une autre cause, elle n’a pas dit toute la vérité ou elle a dissimulé volontairement des informations utiles à la découverte de la vérité ; et ceci surtout lorsque la vérité occultée tournait en faveur de celui qui l’a dissimulée. « Une grave difficulté naît de la rétractation d’une des parties ou d’un témoin. Cependant les justifications doivent être attentivement examinées par le juge. En effet quelqu’un a pu dire des choses fausses dans une première déposition à cause de sa haine ou pour obtenir ou garder un avantage économique. Si par la suite il se persuade de la nécessité de dire la vérité, on peut lui accorder de la crédibilité, pourvu que la rétractation soit cohérente avec tous les autres faits reçus et certainement prouvés »[12].

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

Entre l’instruction de la présente cause au premier degré et la déposition de l’épouse demanderesse à la Rote, en seconde instance, il y a tant de différences qu’on pourrait croire avoir affaire à deux causes sans rapport entre elles.

 

En effet, en première instance, l’épouse et ses témoins ont évité de parler du caractère du mari, partie appelée, de sa conduite violente et contraire à la loi, par peur de ce mari et, également, sur le conseil de l’avocat d’office de l’épouse. Comme le dit celle-ci en seconde instance, « je n’ai pas parlé […] de son usage de la drogue, de ses activités illégales et de son comportement violent envers moi et envers ma famille […] parce que Michele nous avait menacés ». Les Juges de première instance avaient bien remarqué que la demanderesse et ses témoins unanimes ne parlaient pas clairement, « avec une certaine peur ».

 

Après sa déposition à la Rote, la demanderesse a remis au Tribunal un exemplaire du journal de sa région qui faisait état de trafic de drogue et d’armes, de la part du mari, et de sa condamnation à 7 ans de prison. C’est après l’arrestation et l’incarcération de Michele qu’Elvira a osé dire la vérité. On comprend la perplexité des juges de première instance, qui ne pouvaient pas déceler un acte positif de volonté d’exclusion de l’indissolubilité chez l’épouse, ni découvrir la cause de la simulation, et qui ont dû prononcer une sentence négative.

 

La nouvelle déposition de la demanderesse et la condamnation du mari ont modifié la position juridique des parties et donné une plus grande crédibilité à la version des faits de l’épouse.

 

De plus, Elvira a remis au Tour Rotal son journal intime, qui a été écrit à une époque non suspecte et qui montre la domination psychologique que Michele lui faisait subir, et le fait qu’étant donné sa grossesse, elle avait dû choisir entre le moindre mal, c’est-à-dire le mariage, et un mal plus important, c’est-à-dire l’avortement, en excluant l’indissolubilité de son mariage.

 

En ce qui concerne la cause de la simulation précisément, la demanderesse, à la Rote, a expliqué qu’au début de ses fréquentations avec Michele, elle avait remarqué son immaturité, ses relations avec des drogués et des jeunes gens sans travail mais avec des problèmes avec la Justice. Elle avait donc décidé de rompre, mais Michele « avait une grande puissance psychologique sur (elle) en raison de sa personnalité forte et changeante ».

 

En première instance Michele a présenté des documents pour prouver l’amour qu’Elvira avait pour lui, et sa volonté de l’épouser. Parmi ces documents se trouvaient des passages du journal intime d’Elvira et quelques lettres qu’elle lui avait envoyées. Mais ces écrits se rapportent au début de leurs fréquentations, à un moment où Elvira, comme elle le reconnaît, était amoureuse de Michele. La demanderesse remarque que ce dernier n’a pas présenté au Tribunal des lettres ultérieures où elle exprimait son désir de le quitter et « la souffrance qu’elle éprouvait à être avec lui ».

 

Elvira a même essayé de le fuir, en quittant Bari pour Rome, mais Michele a fini par découvrir son adresse et il l’a rejointe. Elle écrit dans son journal, le 29 octobre 1977 : « Miki est passé à l’attaque […]. C’est un fou […]. Il s’obstine à me chercher […] et je ne me sens pas en sécurité avec lui. Je ne veux plus le voir, mais il a un pouvoir sur moi ».

 

On peut voir par ces écrits la véritable cause prochaine de la simulation.

 

Et la grossesse est survenue : « il m’a cherchée et nous nous sommes rencontrés. Nous avons eu un rapport intime et il m’a dit qu’il m’aurait à lui pour toujours. Il n’a rien fait pour protéger notre rapport intime […]. Je suis retournée chez moi désespérée en espérant qu’il n’arriverait rien. J’ai décidé à cette occasion de rompre pour toujours avec lui. Mais quelques jours après j’ai découvert que j’étais enceinte ». Elle écrit dans son journal, le 7 décembre 1977 : « J’ai peur de demain. Hier soir je l’ai revu, une nuit de cauchemar […]. Il a violenté mon âme, il a bafoué ma dignité ».

 

Ces lignes écrites quelques mois avant le mariage, à une époque non suspecte, confirment la crédibilité de la demanderesse et confirment également que la cause du mariage a été seulement la grossesse inattendue, provoquée par dol pour obtenir le consentement matrimonial.

 

Elvira a remis encore au Tour Rotal un mémoire qu’elle avait présenté au Tribunal correctionnel de Bari, le 1° juin 2001, un an avant qu’elle ne s’adresse au Tribunal ecclésiastique, le mémoire étant donc rédigé à une époque non suspecte. Elle écrit l’histoire de ses rencontres, de ses fréquentations avec Michele, son désir de rompre, le dol perpétré par le jeune homme pour la forcer à l’épouser.

 

Tout ceci démontre une cause valide de simulation, prévalant sur le mariage inévitable et sur la cause du mariage. Elvira, selon ce qui ressort des documents cités, semble avoir été terrifiée à la seule pensée de rester avec Michele. Il aurait donc été absurde pour elle de prendre la décision d’un mariage stable et pour toute la vie avec lui, s’il n’y avait pas eu sa grossesse, et à partir de là le mariage de réparation.

 

Les témoins confirment la thèse de la demanderesse : il est inutile ici de reprendre leurs dépositions.

 

En conclusion les Pères Auditeurs du Tour soussignés sont persuadés que dès avant le mariage Elvira a tenté de rompre ses fréquentations avec Michele et n’a plus voulu l’épouser, et que c’est seulement sa grossesse, résultant d’un dol, qui l’a contrainte à épouser Michele, pour le bien de l’enfant qu’elle attendait, en excluant par conséquent, par un acte positif de volonté, l’indissolubilité de ce mariage.

 

 

Constat de nullité

pour exclusion de l’indissolubilité

de la part de l’épouse demanderesse

 

Vetitum pour l’épouse

 

John G. ALWAN, Ponent

Giordano CABERLETTI

Angelo Bruno BOTTONE

 

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[1] AAS 91, 1999, p. 623-624

[2] Même endroit

[3] C. DE JORIO, 13 juillet 1966, SRRDec, vol. LVIII, p. 577, n. 6

[4] OVIDE, Métamorphoses, VII, 20-21 ; cf. Rom. 7, 15

[5] C. FELICI, 12 mai 1959, SRRDec, vol. LI, p. 257, n. 2

[6] C. GIANNECHINI, 23 janvier 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 43, n. 2

[7] Cf. D. STAFFA, De conditione contra matrimonii substantiam, II, Rome 1955, p. 17, not. 24 et 27

[8] C. POMPEDDA, 17 mai 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 401, n. 11

[9] C. DEFILIPPI, 11 juin 1996, n. 3

[10] Cf. c. FUNGHINI, 18 décembre 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 848, n. 5 ; c. de LANVERSIN, 10 novembre 1992, SRRDec, vol. LXXXIV, p. 538-539, n. 10-11 ; c. SABLE, 24 février 1998, SRRDec, vol. XC, p. 104, n. 10 ; c. ALWAN, 13 janvier 2006, n° 11

[11] C. FUNGHINI, 18 décembre 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 848-849, n. 5

[12] C. CABERLETTI, 23 juillet 1999, SRRDec, vol. XCI, p. 587, n. 7

Verginelli 28/05/2010

Coram  VERGINELLI

 

Défaut de discretio judicii

Incapacité d’assumer

 

Tribunal régional du Latium (Italie) – 28 mai 2010

 

P.N. 19.788

Constat de nullité pour

l’incapacité d’assumer

 

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PLAN  DE  L’IN  JURE

 

 

  1. Conditions d’un consentement valide

 

  1. Le rôle du juge et la certitude morale

 

  1. Moyens pour la certitude morale
  2. Les indices
  3. Le rôle des experts
  4. Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique
  5. Erreurs à éviter

 

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EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

Gianfranco et Concetta se rencontrent en 1981. A cette époque le jeune homme est très éprouvé, surtout par la mort de ses parents, et c’est pourquoi il s’attache beaucoup à Concetta. En 1982-1983 il est atteint d’une maladie psychique pour laquelle il est soigné. En même temps, bien qu’éprouvant des sentiments pour une autre personne, il épouse Concetta, le 2 août 1986. Sa précédente relation amoureuse dure jusqu’en 1987, où il a une liaison avec une autre personne. Son union maritale avec Concetta prend fin en 2000, après 14 ans de vie commune, lorsque l’épouse découvre l’adultère de son mari. Aucun enfant n’est né de ce mariage.

 

Le 12 mars 2003, Gianfranco accuse de nullité son mariage, devant le Tribunal régional du Latium, pour grave défaut de discretio judicii de sa part ainsi que pour incapacité, toujours de sa part, d’assumer les obligations conjugales essentielles pour des causes de nature psychique. Pendant l’instruction de la cause une expertise psychiatrique est effectuée sur le mari demandeur. La sentence du 18 janvier 2006 est affirmative.

 

Le défenseur du lien et l’épouse partie appelée se tournent vers la Rote, où la cause, le 10 novembre 2006, est admise à l’examen ordinaire du second degré. Une nouvelle expertise est effectuée. Il Nous revient aujourd’hui de répondre au doute concordé sur les deux chefs présentés en première instance.

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EN  DROIT

 

  1. Conditions d’un consentement valide

 

  1. Dès l’origine un consentement défectueux entraîne la nullité du lien nuptial.

 

Et donc un consentement marqué par une insuffisance ne peut être émis validement au risque de nullité.

 

C’est pourquoi, pour que naisse un mariage entre deux personnes de sexe différent, juridiquement capables, le consentement chez chacune des parties contractantes doit être strictement valide, c’est-à-dire intact de toute anomalie au sens psychique, parfois de manière grave.

 

Le mariage en effet, en tant qu’« affaire », présuppose légitimement dans l’acte de sa constitution que les époux soient capables d’émettre psychiquement un consentement dans lequel soit présente une discretio judicii qui permette de comprendre les obligations essentielles de l’union conjugale avec ses conséquences en ce qui concerne les devoirs essentiels des contractants-époux, et qui permette d’assumer ces mêmes obligations.

 

Au cas, donc, où un époux ne peut pas comprendre les charges essentielles du mariage en raison d’un désordre psychique et ne peut pas assumer les obligations essentielles du mariage, c’est-à-dire au cas où l’époux manque de capacité d’estimation et d’évaluation, il célèbre un mariage invalide (c. 1095, 2° et 3° CIC).

 

  1. Le rôle du juge et la certitude morale

 

  1. Le juge ne peut pas seulement connaître et évaluer le libelle accusatoire ainsi que la loi en même temps que la jurisprudence rotale, mais il doit examiner les arguments ou au moins les indices vraisemblables déposés dans les actes par les interrogatoires des témoins et par la remise de documents au point d’en venir à l’audition d’un expert comme l’impose le c. 1680 CIC.

 

Bien que le juge, en effet, ne soit pas tenu de suivre l’opinion de l’expert, ce dernier doit découvrir l’anomalie ou le désordre psychique éventuellement présent chez celui qui se marie et qui est peut-être inhabile à émettre un consentement sincère et valide : le juge qui reste incertain ne peut pas procéder, mais il doit acquérir une vraie certitude morale pour rendre sa sentence, sinon il court à sa perte, selon le c. 1060 CIC.

 

La certitude morale en effet doit être tirée par le juge non pas d’une lecture superficielle des actes – même si cela, hélas, se remarque parfois dans les tables des causes des tribunaux inférieurs – mais d’une investigation sérieuse et approfondie dans la limite des actes eux-mêmes.

 

  1. Moyens pour la certitude morale

 

  1. Les indices

 

  1. Les dépositions indiciaires ne suffisent pas, à proprement parler, à moins qu’il ne s’agisse d’une maladie connue de tous chez la personne. Les dépositions en effet sont proprement des indices sur lesquels travaille l’expert, selon sa science et sa conscience, également par l’inspection qui lui est confiée de la personne affectée d’une anomalie. Il ne suffit pas en effet d’avoir des indices indiqués par autrui et accommodés par l’expert à la personne.

 

  1. Le rôle des experts

 

On remarque souvent que de nombreux experts conviennent d’une difficulté sur la même chose mais qu’ils ont des opinions différentes les uns des autres. On souhaiterait, au contraire, des certificats cliniques continus sur la maladie traitée, où sont notés les soins administrés depuis l’adolescence jusqu’à la vie actuelle menée par le patient lié dans une vie commune conjugale, mais cela arrive rarement, et c’est pourquoi c’est l’expert lui-même qui, examinant l’homme ou la femme, ou les deux, affecté d’une anomalie psychique, découvre, par une connaissance directe venant de la psychologie ou de la psychiatrie, ou par une connaissance indirecte venant de tests relevant uniquement des systèmes généralement admis, une anomalie psychique certaine chez le patient : sinon son travail est vain. Il faut remarquer que les systèmes jadis en vogue ne sont pas tous univoques et aptes à découvrir les perturbations qui sont le fruit d’une anomalie psychique.[1]

 

L’expert doit à coup sûr découvrir les difficultés mentales subies par la partie dès l’âge juvénile et qui ont progressé jusqu’à l’émission du consentement matrimonial.

 

La personne, d’ailleurs, en ce qui concerne l’intelligence et la volonté, s’exprime et exprime son consentement nuptial par ces deux facultés, qui peuvent se distinguer mais, au contraire, ne peuvent jamais se séparer, et par conséquent ces facultés doivent être considérées par l’expert non pas en relation à leur pure fonction intellective et volitive, mais en relation à leur intelligence et leur pondération des obligations essentielles du mariage, du fait que l’« affaire » matrimoniale n’est pas une « affaire » purement et simplement mais une « affaire » particulière pour toute la vie des contractants et qui est ordonnée à une fin singulière, comme la décrit le c. 1055 CIC.

 

  1. Les circonstances, pour la découverte de l’anomalie psychique

 

  1. L’anomalie psychique, donc, comme il est requis par l’article 209 de l’Instruction Dignitas Connubii, touche fondamentalement le consentement et bouleverse la constitution même du mariage et surtout les obligations matrimoniales essentielles. Bien plus, de par le droit naturel lui-même et le droit positif, elle obtient ce résultat lorsqu’il est acquis que la personne qui, en raison d’une anomalie psychique innée, n’est pas maîtresse d’elle-même soit en ce qui concerne l’intelligence, soit en ce qui regarde la volonté, dans la prise en charge d’une obligation essentielle, ne peut pas contracter validement le mariage. L’anomalie psychique rend nul le mariage en attaquant gravement l’intelligence ou la volonté, ou ces deux facultés, et introduit chez l’époux des inhabilités à contracter le mariage.

 

Souvent ce sont les circonstances qui permettent de déceler les perturbations chez les personnes affectées d’une anomalie, surtout lorsque la personne désordonnée ne mène pas correctement sa vie morale et passe d’une expérience sexuelle à une autre.

 

Le cours de la vie cependant ne révèle pas que cette personne a été touchée par une désorganisation mentale, sauf si se produit éventuellement une circonstance vraiment impondérable mais qui lèse gravement, « comme une tachycardie de naissance », la santé psychique du mari dans le cas proposé dans cette cause.

 

Au cours donc de l’examen de la personne et des actes de la part des psychologues peuvent encore être mis à jour les états précédents du patient, bien que tous les experts médicaux ne soient pas d’accord sur la même perturbation psychique et sur sa gravité.

 

Les éléments, certes, n’apparaissent pas clairement au premier regard du médecin qui étudie le cas, mais il faut examiner profondément les symptômes qui en même temps n’admettent pas la possibilité de se tromper dans la construction du diagnostic.

 

Il ne suffit pas non plus simplement, dans une affaire aussi importante, de réflexions personnelles de l’expert, parce que, dans ce genre de cas, il est requis des preuves, non des indices, des présomptions ou des possibilités de l’existence d’un désordre.

 

Il ne suffit pas non plus de consulter les catalogues de maladies psychiques composés par certains auteurs, même très renommés : d’ailleurs de plus en plus sont décrits, de façon presque taxative, les éléments distinctifs de telle ou telle maladie, mais le catalogue n’est pas toujours utile pour chaque personne malade d’un désordre psychique.

 

  1. Erreurs à éviter

 

  1. On confond souvent chez celui qui se marie la capacité impuissante de discretio et d’estimation, ou de pondération, avec la mentalité impuissante d’accomplissement, mais l’accomplissement vient après la discretio et l’estimation dans la mesure où, au moment de la célébration nuptiale, on ne requiert pas la capacité future d’accomplissement, mais la capacité de discretio et de pondération dans l’acte lui-même pour qu’en résulte le lien matrimonial.

 

L’accomplissement, en effet, n’est pas compris, sauf logiquement mais non réellement, dans la capacité de discretio ou de pondération, et on ne peut pas admettre que dans toute intention matrimoniale soit contenu également en germe le non-accomplissement futur ; cela ne peut valoir que pour la capacité de discretio et celle de pondération, mais également quand il s’agit de l’exclusion d’éléments ou propriétés essentielles du mariage : cela est connu de tous ceux qui parcourent la jurisprudence rotale.

 

Enfin on ne voit pas toujours que quelqu’un est inapte à émettre un consentement en raison d’une anomalie psychique, du fait qu’à cause des soins qu’il reçoit pour surmonter son incapacité, tant sous l’aspect de la discretio que sous celui de la prise en charge et de l’estimation des obligations conjugales, les désordres ou les perturbations psychiques sont cachées chez la personne malade ou psychiquement incapable de comprendre sous l’aspect de la discretio les obligations essentielles du mariage, et en conséquence de les assumer.

 

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

Au cours des deux instances les époux ne se sont accordés sur pratiquement aucun élément, mais les actes permettent de faire apparaître certains points, dont le premier est que le mari demandeur s’est rapproché affectivement de l’épouse partie appelée à une époque où il était perturbé par la mort de ses parents.

 

Compte tenu de l’attitude du mari, on doit reconnaître que personne n’a observé à cette époque qu’il était incapable d’assumer les obligations essentielles du mariage. Bien plus, alors que Gianfranco avait des maîtresses pendant ses fiançailles – et qu’il a continué à en avoir après le mariage – personne n’a mis en cause sa capacité d’assumer les obligations essentielles du mariage, dont la fidélité.

 

En tout cas, avant le mariage, le mari s’est soumis à des soins d’ordre psychologique, comme il le reconnaît : « Après des mois de recherche sur les causes de mon trouble, j’ai accepté l’idée d’un trouble psychologique et je suis entré en thérapie ».

 

Tous les témoins déclarent n’avoir rien vu à cette époque et ils peuvent encore moins parler de la gravité de la maladie de Gianfranco, d’autant que le genre d’anomalie qu’avait celui-ci ne nécessite pas une hospitalisation.

 

Toutefois le recours continu à des psychologues montre que le mari était affecté d’une maladie psychique, que les experts appellent « destructuration définitive de la personnalité ». Remarquons que l’épouse, qui évidemment n’est pas une experte, ne voyait pas la gravité de la situation de Gianfranco.

 

Le docteur A., qui a soigné le mari avant et après son mariage, parle de « troubles d’anxiété avant le mariage », de « trouble névrotique ajouté à un trouble narcissique de personnalité », ce que confirme l’expert rotal, le docteur B., qui ajoute : « La situation clinique–personologique rencontrée chez le demandeur est partie intégrante de sa façon d’être habituelle […]. Sa personnalité narcissique n’est autre qu’un mode constant, égocentrique et dysfonctionnel d’être en rapport avec les autres, réduits à des objets et non à des sujets […]. A l’époque de la célébration du mariage le Trouble de Personnalité était très grave, avec une profonde altération des capacités d’empathie, de relation et de don ».

 

 

Constat de nullité

seulement pour incapacité du mari demandeur

d’assumer les obligations essentielles du mariage

 

 

Giovanni VERGINELLI, ponent

Agostino DE ANGELIS

Gerald Mc KAY

 

__________

 

[1] N.d.T. : texte latin corrompu

Yaacoub 10/02/2010

Coram  YAACOUB

 Incapacité  d’assumer

 Tribunal  Régional  du  Triveneto  (Italie) – 10 février 2010

P.N. 20.354

Constat de nullité

 __________

PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. CAPACITÉ ET  INCAPACITÉ  D’ASSUMER  LES  OBLIGATIONS  ESSENTIELLES DU

MARIAGE

  1. La capacité psychique naturelle requise pour le mariage
  2. Les obligations essentielles et les trois biens du mariage

 

  1. L’OBLIGATION DU  BIEN  DES  ENFANTS  ET  L’OBLIGATION  DU  BIEN  DES

CONJOINTS

  1. La coopération sexuelle indispensable
  2. L’impossibilité morale de la coopération sexuelle

 

III.  LES DÉFAUTS  DE  LA  SEXUALITÉ

  1. L’anorgasmie
  2. La dyspareunie
  3. Le DSM IV-TR

 

  1. L’INFLUENCE DE  LA  SEXUALITÉ  DANS  LE  CONSENTEMENT  MATRIMONIAL
  2. Les enseignements de la doctrine
  3. Le droit au corps, ou devoir conjugal

 

  1. NOTE SUR  L’ÉGOCENTRISME

 

  1. LA PREUVE  DE  L’INCAPACITÉ  D’ASSUMER

 

__________

 

EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 

Roberto M. et Katia F., nés respectivement le 29 mai 1971 et le 8 août 1973, se rencontrent en 1986. Dix ans plus tard Katia demande à Roberto de l’épouser. Le mariage a lieu le 23 mai 1998. Le voyage de noces se déroule au Brésil.

 

La vie conjugale ne dure pas longtemps, l’épouse supportant mal les intimités avec son mari, qui se révèle intempérant et parfois violent. Aucun enfant ne naît au foyer. Les époux se séparent de fait en 2000 et en droit le 2 mars 2001.

 

Le 3 novembre 2001, le mari s’adresse au Tribunal régional du Triveneto, accusant son mariage de nullité pour manque de discretio judicii et/ou incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage de la part des deux époux. Une expertise est réalisée. La sentence du 29 décembre 2003 est négative sur les deux chefs.

Le mari fait appel à la Rote le 25 mai 2004, et il demande que soit ajouté un nouveau chef, à juger comme en première instance, à savoir l’exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse partie appelée, ce qui est accepté par le Tour Rotal, le 17 novembre 2006.

 

Une expertise est réalisée le 22 juin 2007. Le 1° février 2008 le Tour, coram Sciacca, rend une sentence affirmative, mais seulement pour incapacité de l’épouse partie appelée d’assumer les obligations essentielles du mariage.

 

La cause est transmise au Tour supérieur qui concorde le doute sur l’incapacité de l’épouse d’assumer les obligations essentielles du mariage pour des causes de nature psychique.

 

 

EN  DROIT

 

  1. CAPACITÉ ET  INCAPACITÉ  D’ASSUMER  LES  OBLIGATIONS  ESSENTIELLES  DU

MARIAGE

 

  1. L’incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage est le défaut de l’objet du consentement parce que l’objet du consentement est le don et l’acceptation du droit du mariage. Le c. 1095, 3° statue : « Sont incapables de contracter mariage les personnes […] qui pour des causes de nature psychique ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage ». De droit naturel et par disposition du canon cité, sont incapables de contracter mariage les personnes qui, pour des causes de nature psychique, ne peuvent assumer les obligations essentielles du mariage.

 

  1. La capacité psychique naturelle requise pour le mariage

 

La capacité psychique naturelle, pour réaliser l’alliance de l’amour conjugal par une décision délibérée consciente et libre, requiert de chacun des contractants :

  1. l’usage suffisant de la raison pour émettre un consentement personnel conscient et libre ;
  2. une nécessaire discretio judicii concernant les droits et les devoirs essentiels du mariage, afin que le consentement devienne conforme à son objet formel essentiel sous l’aspect des droits et des obligations ;
  3. la possibilité psychique d’assumer les obligations essentielles du mariage, c’est-à-dire la possibilité pour ceux qui se marient de disposer, par leur consentement libre, de l’exécution de ces obligations.[1]

 

  1. Les obligations essentielles et les trois biens du mariage

 

  1. A ce sujet, Mgr Pompedda fait les remarques suivantes : « Les obligations essentielles sont surtout contenues dans les trois biens du mariage, et parmi elles on peut énumérer :
  2. l’obligation d’accepter tant la conception d’un enfant de la part de l’autre conjoint par un acte conjugal apte à la génération, que la naissance et l’éducation de cet enfant (bien des enfants) ;
  3. l’obligation de garder la fidélité conjugale, c’est-à-dire l’exclusivité de la communauté conjugale, fondée sur un lien unique et exclusif, ainsi que la modalité humaine des actes de l’amour conjugal (bien de la fidélité) ;
  4. l’obligation de sauvegarder l’indissolubilité, c’est-à-dire la perpétuité de la communauté conjugale (bien du sacrement).

 

A cela s’ajoute :

  1. l’obligation inscrite dans le bien des conjoints (c. 1055 § 1), à savoir d’instaurer et de soutenir la communauté de vie et d’amour conjugal par une mutuelle intégration psychosexuelle et interpersonnelle des époux »[2].

 

En ce qui concerne les obligations essentielles du mariage, la sentence en appel précise : « En un mot, elles sont celles qui se trouvent dans les biens dits ‘augustiniens’, c’est-à-dire les biens de la fidélité, du sacrement et des enfants, en tant qu’obligations qui touchent à l’essence du mariage, mais elles ne se trouvent pas dans tout ce qui se rapporte à l’espèce parfaite du mariage ou à sa pleine et harmonieuse figure ».

 

  1. L’OBLIGATION DU  BIEN  DES  ENFANTS  ET  L’OBLIGATION  DU  BIEN  DES

CONJOINTS

 

  1. La coopération sexuelle indispensable

 

Aux termes du c. 1061 § 1, le mariage est ordonné par sa nature au bien des enfants, c’est-à-dire à la génération d’enfants, ceci par « quelque coopération sexuelle » (c. 1096 § 1), qui réalise la communauté de toute la vie entre les conjoints et qui doit être accomplie de manière humaine (c. 1061 § 1). Il en résulte que si un époux ne peut faire « de manière humaine » le don total de lui-même, corps et âme, pour des causes de nature psychique qui rejaillissent également en effets sexuels, ou plus justement en défauts sexuels, il contracte invalidement.[3]

 

  1. Cette anomalie psychique n’est pas par elle-même la cause de la nullité du mariage ; par contre elle est l’origine de l’incapacité d’assumer, c’est-à-dire de l’incapacité consensuelle. C’est pourquoi, pour vérifier, dans un cas concret, la capacité du contractant, il faut porter son attention sur la gravité de l’anomalie psychique – qui serait une notion médicale dans le c. 1095, 3° autrement que dans le c. 1095, 2° où elle n’est pas prescrite – autant que sur l’impossibilité réelle de la part du contractant, en raison de cette anomalie, d’assumer les obligations essentielles du mariage, impossibilité qui, au contraire, est une notion juridique, sous le pouvoir non des experts, mais du Juge.

 

  1. L’impossibilité morale de la coopération sexuelle

 

  1. Il ne s’agit pas d’une simple difficulté, mais d’une véritable impossibilité morale. Une fois prouvée cependant l’incapacité réelle d’assumer et de remplir les obligations essentielles du mariage, et cela au moment où ce mariage est célébré, il faut prouver que l’incapacité tire son origine d’une cause de nature psychique. Les causes de cette incapacité peuvent en effet être seulement de nature psychique et sous la forme d’une véritable anomalie : « On ne peut faire l’hypothèse d’une véritable incapacité qu’en présence d’une forme sérieuse d’anomalie qui, de quelque façon qu’on la définisse, doit entamer de manière substantielle les capacités de comprendre et/ou de vouloir de celui qui contracte »[4]. En effet, la simple difficulté dans la constitution de la communauté de vie n’implique pas la nullité du mariage, c’est-à-dire ne démontre pas l’incapacité du contractant à émettre un consentement valide en raison du chef de nullité visé par le c. 1095, 3°.

 

  1. La Jurisprudence Rotale affirme qu’existe l’incapacité du c. 1095, 3° :

« a. S’il y a, non pas une simple difficulté, même grave, mais une impossibilité en raison d’une anomalie psychique, qui atteint la structure psychique du contractant ;

  1. Si cette anomalie pathologique est d’une telle importance que le contractant, bien qu’il conserve intacte sa faculté de discernement, est privé, totalement ou partiellement, de la faculté de disposer de l’objet du consentement matrimonial ;
  2. Si l’anomalie ou la perturbation de la personnalité est antérieure au mariage et présente dans sa forme grave au moment de l’émission du consentement ;
  3. Si la pathologie est si grave qu’elle rende intolérable la communauté conjugale et si elle ne peut pas s’améliorer »[5].

 

Enfin l’incapacité du c. 1095, 3° « ne regarde pas la faculté intellective ou critique du contractant mais elle concerne sa capacité pratique à mener à son effet l’objet du consentement, qui pourrait manquer en raison d’une grave anomalie psychique ou d’une immaturité psycho-affective existant, bien que de façon latente, au moment où le mariage a été contracté, au point que ceux qui se marient ne peuvent pas s’obliger en ce qui concerne les obligations essentielles du mariage, ou tenir leurs promesses »[6]. Comme on l’a dit plus haut, la capacité d’assumer le devoir de communion de la vie conjugale, considérée en elle-même, se réfère à de nombreux éléments essentiels de cette communion, soit en ce qui concerne la relation sexuelle, soit en ce qui se rapporte à la relation interpersonnelle. Toute l’investigation doit se tourner vers le sujet, qui est dit incapable, c’est-à-dire vers la cause psychique.

 

  1. L’habilité à la relation interpersonnelle

 

Dans une sentence c. Stankiewicz, du 24 octobre 1985, il est affirmé : « Dans les causes d’incapacité, il faut procéder au maximum à une recherche ‘sur l’habilité à la relation interpersonnelle’ ; il faut surtout considérer très attentivement le domaine de la vie psychique où s’instaure la relation interpersonnelle et où elle se développe […] parce que si cette habilité vient à manquer, il sera inutile de discuter des droits et des devoirs conjugaux, de même qu’on insistera en vain sur la faculté ou le devoir, qui, en raison de l’impossibilité, sont privés de leur substance »[7].

 

III.  LES  DÉFAUTS  DE  LA  SEXUALITÉ

 

  1. A propos du défaut de la sexualité, en cette cause, la sentence en appel remarque justement : « En ce qui concerne les défauts de la sexualité, d’où ne découle pas nécessairement l’impuissance, il faut parmi eux placer tous ceux qui empêchent l’exercice correct, à réaliser de manière humaine, des actes aptes par eux-mêmes à la génération d’enfants.

 

Parmi les maladies qui peuvent empêcher l’exercice normal de la sexualité, ordonné à l’obtention du bien des conjoints, c’est-à-dire à la formation de la communauté conjugale qui comprend le bien des enfants, l’aide mutuelle et la donation sexuelle (‘le remède à la concupiscence’), on trouve l’Anorgasmie et la Dyspareunie.

 

  1. L’anorgasmie

 

« L’anorgasmie – lit-on dans le ‘Dizionario medico’ – est l’incapacité de la femme à atteindre l’orgasme après une phase d’excitation normale. Elle peut être primaire (la femme n’a jamais eu d’orgasme) ou secondaire (perte de la capacité d’avoir un orgasme) […]. Dans la majeure partie des cas, l’anorgasmie est due à des problèmes de caractère psychologique, moins souvent à des causes organiques.[8]

  1. La dyspareunie

 

Par dyspareunie, on entend un rapport sexuel douloureux et difficile pour la femme. Si cet état se manifeste durant les premiers rapports sexuels, il est souvent dû au vaginisme, causé par la contraction de la musculature périnéale et par un spasme de la partie plus extérieure du canal vaginal en absence de sécrétion. Le responsable de cette situation peut être un hymen particulièrement rigide. Parfois elle se manifeste par une peur anticipatoire ou une répulsion pour la pénétration du pénis. Ce trouble peut être associé à une personnalité anxieuse, immature, ou être le symptôme d’un trouble psychologique[9] ».[10]

 

  1. Le DSM IV-TR

 

  1. Le Manuel DSM IV-TR propose « un diagnostic différentiel avec la ‘Dysfonction sexuelle due à un état médical général’ (dyspareunie due à des effets physiologiques tels que : insuffisante lubrification vaginale, pathologie pelvienne due à des infections vaginales ou urinaires, endométriosie, adhérence ou tissu cicatriciel vaginal, atrophie vaginale post-ménopausale, chute des oestrogènes durant l’alimentation, irritations ou infections des voies urinaires, troubles gastro-intestinaux) et la ‘Dysfonction sexuelle induite par des substances’ (dyspareunie causée par exemple par l’usage de flufénazine, tioridazine ou amoxapine). Si la dyspareunie est concomitante avec l’une des dysfonctions décrites et s’il arrive que concourent encore des facteurs intrapsychiques ou interpersonnels, on proposera le diagnostic de ‘dyspareunie due à des facteurs combinés’; s’il n’y a pas la présence de dysfonctions de l’état médical général ou d’inductions de substances, on regardera une espèce de ‘Dyspareunie due à des facteurs psychologiques’ ».

 

Donc, la dyspareunie est caractérisée par « des douleurs provoquées chez la femme par des rapports sexuels. Si la dyspareunie peut être liée à des facteurs anatomiques ou infectieux, elle est le plus souvent d’origine psycho-affective. L’abord psychothérapique est alors indispensable »[11].

 

  1. L’INFLUENCE DE  LA  SEXUALITÉ  DANS  LE  CONSENTEMENT  MATRIMONIAL

 

  1. Les enseignements de la doctrine

 

  1. Sur l’influence de la sexualité en ce qui concerne le consentement matrimonial, la sentence en appel note que le Magistère, sur lequel s’appuient à juste titre – comme fondement nécessaire et inébranlable – la doctrine canonique ci-dessus rappelée et la jurisprudence, enseigne très clairement :

 

« La sexualité est ordonnée à l’amour conjugal de l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité corporelle des époux devient un signe et un gage de communion spirituelle. Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés par le sacrement »[12].

 

« La sexualité, par laquelle l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre par les actes propres et exclusifs des époux, n’est pas quelque chose de purement biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime. Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement l’un vis-à-vis de l’autre jusqu’à la mort »[13].

 

« Les actes […] qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance »[14].

 

« La sexualité est source de joie et de plaisir »[15].

 

  1. Le droit au corps, ou devoir conjugal

 

  1. Personne en effet ne met en doute que parmi les obligations essentielles, c’est-à-dire les droits et devoirs du mariage, dont parle le c. 1095, 3°, en tant que facultés légitimes d’agir et d’exiger, il y a en vérité ce que le langage classique appelle le « droit au corps », en d’autres termes le « devoir conjugal », c’est-à-dire l’exercice de la sexualité entre conjoints, qui doit s’effectuer de manière humaine et qui est ordonné à la génération d’enfants (c. 1055).

 

Le contractant qui, en raison de graves difficultés d’ordre sexuel, provenant de causes de nature psychique, ne peut effectuer l’exercice correct (« humano modo ») de la sexualité, compte tenu de la relation très étroite entre la sphère psychique et la sphère génitale, contracte invalidement en vertu du c. 1095, 3°[16].

 

  1. La question se pose – lit-on dans la première sentence – du commerce sexuel entre époux, dont parle ouvertement le Concile Vatican II : « Cette affection a sa manière particulière de s’exprimer et de s’accomplir par l’œuvre propre du mariage. En conséquence les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécus d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance »[17].

 

Sous cet aspect, « cette affection appartient à l’essence même de l’alliance conjugale et elle a, comme par elle-même, une consistance et une subsistance par rapport au bien des conjoints […] même abstraction faite de ces actes aptes à la génération d’enfants […] avec lesquels cependant elle ne fait qu’un et n’est conçue que comme une unité »[18].

 

  1. NOTE SUR  L’ÉGOCENTRISME

 

  1. En ce qui concerne la définition de l’égocentrisme, on peut dire ceci : « Façon de tout ramener à soi. Se référer essentiellement à soi-même, considérer ses comportements, ses jugements, ses opinions comme seules références et critères valables, substituer sa propre subjectivité à l’objectivité résument l’égocentrisme. Relativement fréquente, elle est cependant irritante pour autrui mais ne devient trouble psychique que lorsqu’elle prend des proportions anormales car exagérées et systématiques », ou encore : « Intérêt que le moi porte à lui-même. La personne n’envisage les choses que par rapport à elle-même et ne connaît que son point de vue personnel. Tendance à se considérer comme le centre de l’univers. L’égocentrisme est majeur dans les paranoïas mais se rencontre également dans d’autres troubles mentaux comme l’hypochondrie, la mythomanie, la mégalomanie »[19].

 

 

 

 

  1. LA PREUVE  DE  L’INCAPACITÉ  D’ASSUMER

 

  1. Dans la cause présente, la preuve de l’incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage pour des causes de nature psychique, de la part de la femme, est à chercher surtout dans la déclaration du demandeur et dans celle de l’épouse partie appelée, ensuite dans les dépositions des témoins dignes de foi, les unes et les autres confirmées en jugement. Par ailleurs il ne faut pas oublier des indices, des éléments et des circonstances d’avant et d’après le mariage.

 

Enfin le juge devra examiner le rapport de l’expert.

 

Il faut surtout évaluer la crédibilité des personnes qui font des déclarations et leur cohérence intrinsèque et extrinsèque. Il faut donc bien distinguer « l’objet des preuves » et les « moyens de preuve ». L’objet de la preuve, en effet, sont les faits affirmés par le demandeur pour fonder sa demande, c’est-à-dire la demande de sa cause. Les moyens de preuve sont les instruments par lesquels la vérité des faits peut être découverte par le Juge. Ces instruments, on l’a dit, sont les déclarations des parties, des documents, les dépositions des témoins, des présomptions et des expertises. Selon le précepte du c. 1680, dans les causes de défaut du consentement, « le juge utilisera les services d’un ou plusieurs experts, à moins qu’en raison des circonstances cela ne s’avère manifestement inutile ». Il revient au Juge de nommer les experts, « ou bien, le cas échéant, de prendre en compte les rapports déjà établis par d’autres experts » (c. 1575).

 

Le juge cependant doit apprécier attentivement « non seulement les conclusions, même concordantes, des experts, mais également les autres données de la cause » (c. 1579 § 1). Toutefois le juge n’est pas tenu de suivre, contre son propre sentiment, les conclusions des experts, même concordantes. Son rôle est d’examiner de façon critique, selon le droit, les rapports d’expertise, en tenant compte des autres données de la cause. « Les experts doivent indiquer clairement […] par quelle voie et selon quelle méthode ils ont procédé dans l’exécution de la mission qui leur a été confiée, et principalement sur quels arguments ils appuient leurs conclusions » (c. 1578 § 2). Il doit examiner les présupposés anthropo-logiques selon lesquels l’expertise a été réalisée. Dans son Discours à la Rote du 5 février 1987, Jean-Paul II affirmait que le dialogue et la communication efficace entre le juge et le psychiatre ou le psychologue sont plus faciles si le point de départ de l’un et l’autre se situe dans les limites de l’anthropologie commune de telle sorte que même si la méthode, les questions et les finalités sont différentes, cependant la vision de l’un reste ouverte à l’autre.[20]

 

Il faut donc avoir présent à l’esprit le principe souligné par l’art. 209 § 2, 3° de l’Instruction Dignitas Connubii, selon lequel, dans les causes pour incapacité d’assumer les obligations essentielles du mariage il faut rechercher la gravité de la cause psychique « à cause de laquelle la partie n’est pas seulement affectée d’une grave difficulté, mais également d’une impossibilité d’accomplir les actions inhérentes aux obligations du mariage ».

 

  1. A propos des preuves, la sentence en appel fait justement remarquer : « Comme nous l’avons dit plus haut, dans ces causes, il faut absolument que les experts apportent leur concours au juge (c. 1680, 1574), soit en ce qui concerne l’aspect spécifiquement physique, soit en ce qui concerne les causes de nature psychique d’où provient la difficulté sexuelle : c’est au juge uniquement qu’il revient d’évaluer et de critiquer ces rapports d’expertise, surtout avec l’ensemble du complexe de la cause, en même temps qu’avec une appréciation attentive des événements qui ont eu lieu avant et après le mariage »[21].

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

Les défauts de l’épouse dans le domaine de la sexualité ont eu une incidence sur sa capacité d’assumer les obligations essentielles du mariage, sous un triple aspect :

– a. Incapacité du don de la sexualité.

Le demandeur et l’épouse reconnaissent avoir eu de très rares relations sexuelles, et le docteur V., à propos de cette anorgasmie, évoque l’hypothèse d’une structure névrotique, comme aussi l’expert, docteur Z.

– b. Incapacité d’assumer des relations stables.

Le premier expert affirme que l’épouse souffre d’une pathologie qui empêche le contact profond et durable avec l’autre, ce que souligne la 1° sentence rotale.

– c. Incapacité de procurer une communauté de vie tolérable, comme le reconnaît l’épouse.

 

L’incapacité de l’épouse est antérieure au mariage (expert, docteur Z.), et elle est grave (expert, docteur Z.).

 

Les témoins affirment que l’incapacité de l’épouse à remplir les obligations essentielles du mariage provient de la sexualité : ainsi la mère et le père de Katia, l’oncle de l’épouse, missionnaire au Brésil, qui a reçu des confidences de celle-ci, ainsi également plusieurs prêtres qui, eux, ont été informés par le mari demandeur.

 

Le premier expert, le docteur V., a dû faire une expertise sur dossier, l’épouse ayant refusé de le rencontrer. Il parle à son sujet de Trouble histrionique de la Personnalité, cause des difficultés sexuelles de la femme. L’expert rotal, le docteur Z., a lui aussi essuyé un refus de la part de l’épouse pour une expertise psychiatrique, et, après étude des actes, il conclut comme son confrère de 1° instance à un Trouble histrionique de la Personnalité, qui a pu comporter une répulsion des relations sexuelles, et il évoque aussi une aversion sexuelle ou encore une frigidité maladive. (Il est inutile de reproduire ici les longues remarques de l’expert reprises par la 2° sentence rotale.)

 

En conclusion, les Auditeurs soussignés estiment que l’épouse souffrait de difficultés dans les relations sexuelles. L’origine de ces difficultés est incertaine : hystérie, frigidité, mais il est sûr que l’épouse était incapable de remplir « humano modo » le devoir conjugal par une vie sexuelle correcte.

 

Il ne s’agit donc pas de simples difficultés mais d’une véritable répugnance de l’épouse pour les relations sexuelles et donc d’une incapacité d’accomplir et d’assumer les obligations essentielles du mariage.

 

 

– Constat de nullité pour incapacité d’assumer                           Abdou YAACOUB, ponent

de la part de l’épouse                                                                       Javier AROKIARAJ

– Vetitum pour l’épouse                                                                     Alessandro CEDILLO

__________

[1] Cf. c. STANKIEWICZ, 28 mai 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 344, n. 3

[2] C. POMPEDDA, 10 décembre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 835, n. 13

[3] Cf. sentence en appel, n. 13

[4] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 5 février 1987, AAS 79, 1987, p. 1457, n. 7

[5] C. FALTIN, 7 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 587, n. 6

[6] Cf. SABLE, 15 décembre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 857, n. 8

[7] C. STANKIEWICZ, 24 octobre 1985, SRRDec, vol. LXXVII, p. 447, n. 5

[8] UTET, Turin 2004, vol. I, p. 110

[9] Ouvrage cité, p. 478-479

[10] Sentence en appel, n. 14

[11] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, Dion, 2005, p. 119

[12] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2360

[13] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2361 ; JEAN-PAUL II, Familiaris Consortio

[14] GAUDIUM et SPES, n. 49

[15] Catéchisme de l’Eglise catholique, n. 2362

[16] Cf. sentence en appel, n. 17-20

[17] GAUDIUM et SPES, n. 49

[18] C. de LANVERSIN, 24 mars 1993, SRRDec, vol. LXXXV, p. 230, n. 8

[19] Dictionnaire critique des termes de psychiatrie et de santé mentale, Dion, 2005, p. 124

[20] Cf. JEAN-PAUL II, Discours à la Rote du 5 février 1987, AAS 1987, p. 1455, n. 3

[21] Sentence en appel, n. 21

Procédures de recours administratif

Procédures de recours :

Le système de la justice ecclésiastique figure parmi les institutions les plus dynamiques rapidement introduites dans le droit ecclésiastique après le second Concile œcuménique du Vatican, c’est-à-dire la revendication des droits subjectifs qui seraient déclarés blessés par un acte de l’autorité administrative prétendument illégitime[1].

Actuellement, le canon 1400 §2, situé en introduction du livre VII sur les procès, distingue les trois voies de recours que sont la voie judiciaire classique, non applicable aux actes administratifs, et les deux voies administrative et judiciaire qui constituent le mode de justice administrative. La procédure à suivre dans ces recours fait l’objet des canons 1732 et suivants.

En pratique, en cas de contestations par rapport à un acte administratif de l’autorité, voici, très schématiquement les démarches à accomplir en respectant scrupuleusement les délais :

  1. d’examiner dans la prière si l’acte administratif ne traduit pas l’expression de la volonté de Dieu pour nous ;
  2. dans le cas contraire, de dialoguer pour éviter le conflit ;
  3. en cas d’échec de demander formellement à l’auteur de l’acte de le modifier ou de le retirer et ce, dans les dix jours suivant la notification de l’acte ;
  4. en cas d’échec , de déposer un recours gracieux auprès du supérieur hiérarchique, dans les 15 jours qui suivent la notification de l’acte ou un silence persistant pendant 30 jours ;
  5. en cas d’échec,  de déposer un recours gracieux auprès du dicastère compétent de la Curie romaine, dans les 15 jours qui suivent la notification de l’acte ou un silence persistant pendant 30 jours ;
  6. en cas d’échec, de déposer un recours contentieux-administratif auprès du Tribunal suprême de la Signature apostolique dans les 60 jours après la réponse du Dicastère ou son silence persistant pendant 30 jours.

Image_procedures_recours

 

[1] Ce canon ouvre la section 1 du livre V sur les procès, consacrée aux recours contre les décrets administratifs.

[1] Daniel (William L.), “The doctrinal contribution of Zenon Grocholewski to the canonical notion of administrative justice”, Studia canonica, 46 (2012), p. 183. Traduction de l’anglais par l’auteur.

Jubilé de la justice administrative de l’Eglise catholique

Le 15 août 1967, après que le Concile a indiqué les droits et obligations des fidèles catholiques, le pape Paul VI crée la seconde section du Tribunal suprême de la Signature apostolique en vue de « trancher les contestations nées de l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique ».

L’année 2017 marque donc le jubilé de la justice administrative de  l’Église catholique, mais qui la connaît ?

Pour répondre à cette question, L’Harmattan vient de publier  le livre d’Yves-Alain Ducass : La justice administrative de l’Église catholique. 50 années au service du bien commun de l’Église et de la protection des droits des fidèles vues par un fidèle catholique.

Par ce livre, l’auteur vise cinq objectifs suivants

  1. Évoquer, de son point de vue, les progrès accomplis par l’Église catholique en cinquante années d’exercice de la justice administrative ;
  2. illustrer sa mise en œuvre pratique par une centaine d’exemples de conflits et de jurisprudence ;
  3. faire connaître aux différentes catégories de fidèles leurs droits et obligations vis-à-vis de la hiérarchie de l’Église catholique, ainsi que les moyens de les défendre ;
  4. apporter une contribution scientifique au monde des canonistes, à partir d’une base de données inédite sur la jurisprudence administrative ; (Cf partie professionnelle du site)
  5. contribuer à la communion ecclésiale en célébrant dans la joie le jubilé de la justice administrative de l’Église et en proposant des pistes d’améliorations.

Voici les premiers retours de ce livre :

  • Michel Dubost, évêque d’Evry Corbeil-Essonnes : Cher monsieur, merci beaucoup. Ce genre de livre est très précieux. Que Dieu vous garde !
  • + Hervé Giraud Archevêque de Sens-Auxerre, Prélat de la Mission de France : Merci pour votre message.  J’espère que tout ce grand et beau travail servira à la justice de l’Église. En vous souhaitant une bonne année. Fraternellement,
  • Carine Dequenne, Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique : Cher Yves Alain, félicitations pour la rédaction et la publication cet ouvrage ! Je serais évidemment très heureuse de pouvoir y jeter un oeil …
  • Wiktor Zamojski, Directeur de cabinet de Mgr Jean-Michel di Falco Léandri  : Monsieur, Je vous remercie pour votre courriel que j’ai porté à la connaissance de Monseigneur. Monseigneur m’a chargé de transmettre votre courriel aux personnes idoines.
  • Joël Mercier, Archevêque secrétaire de la Congrégation pour le Clergé : j’en prendrai connaissance [du livre] avec grand intérêt.

BoiteAoutils

Les grandes sociétés de canonistes : associations, universités, éditeurs, etc; mettent à la disposition de leurs membres ou du grand public, des outils de travail précieux pour les canonistes.
Rares sont cependant ceux qui référencent les outils des autres, aussi nous nous proposons de mettre à la disposition des canonistes inscrits, une « boite à outils » des principaux outils disponibles en ligne.

Ressources gratuites :

Ressources payantes :

 

Discernement sur le mariage chrétien

Le discernement par rapport au mariage chrétien fait l’objet du chapitre 8 de l’exhortation apostolique Amoris laetitia

Pour en savoir plus :

 

AccueilCanonistesPro

Bienvenue sur canonistesPro, l’espace professionnel du site  canonistes sans frontières !

Nous mettons à votre disposition la boite à outils du canoniste  et travaillons actuellement à mettre en ligne les bases de données de la jurisprudence matrimoniale et contentieuse-administrative.

Pour être informé des nouveautés, vous pouvez:

Toute aide sera bienvenue

Welcome, Benvenuto, Akwaba !

 

Liens

Autrefois, le droit canonique était réservé aux prêtres formés en droit canonique mais les choses commencent à changer et l’on voit fleurir des sites de vulgarisation du droit canonique, tandis qu’un nombre croissant de laïcs cherchent à se former dans cette matière.

  • Trois raisons parmi d’autres peuvent êtres avancées :
    • le Concile (Lumen Gentium 32) a exprimé l’égale dignité des  fidèles et le code de 1983 a précisé les droits et des obligations de chacun ;
    • la société séculière se juridise, parfois d’ailleurs à l’excès, et les fidèles cherchent à connaître leurs droits ;
    • Internet est un puissant vecteur de partage d’informations, et c’est parfois le seul dans des zones éloignées des bibliothèques canoniques.

Dans ce contexte, nous avons souhaité différencier deux types de contenus et donc de liens :

  • des liens sur des sites de vulgarisation, dont certains sont évoqués su cette page :
  • des liens pour les canonistes, pour accéder à des informations de  nature technique dont l’usage nécessite un minimum de formation.  Ils sont accessibles depuis la partie professionnelle du site « Canonistes Pro »

Voici quelques liens sur des sites de vulgarisation :

Trouver un tribunal ecclésiastique

Les diocèses sont en général en relation avec un tribunal ecclésiastique appelé officialité. En voici la liste par diocèse, avec un lien sur leur site internet :

Officialité d’ANGERS 36, rue Barra 49045 ANGERS CEDEX 01 Tél. 02 41 22 48 57 Pour : 44 – 49 – 53 – 72 – 85
Officialité de BASSE-TERRE BP 369 97101 BASSE-TERRE CEDEX Tél: 05 90 81 38 30
Officialité de BAYEUX BP 62250 14406 BAYEUX CEDEX Tél. 02 31 51 28 73 pour 14 – 50 – 60
Officialité de BESANÇON 3, rue de la Convention 25041 BESANÇON CEDEX Tél. 03 81 82 60 20 pour 25 – 39 – 70 – 90
Officialité de BORDEAUX 183, cours de la Somme CS 21 386 33077 BORDEAUX CEDEX Tél. 05 56 91 81 82 officialite@catholique-bordeaux.cef.fr pour : 16 – 17 – 19 – 23 – 24 – 33 – 40 – 47 – 64 – 79 – 86 – 87
Officialité de CAMBRAI-ARRAS 103, rue d’Amiens, BP 1016 62008 ARRAS CEDEX Tél. 03 21 21 40 84 officialite@arras.catholique.fr pour 59 (partie sud) – 62
Officialité de DIJON Maison diocésaine, 9 boulevard Voltaire 21000 DIJON Tél : 03 80 58 20 96 officialite.dijon@wanadoo.fr pour 21 – 58 – 71 – 89
Officialité de FORT DE FRANCE (voir Paris) Archevêché, BP 586 97207 FORT DE FRANCE CEDEX (Martinique) Tél. 05 96 73 70 70 Pour 972
Officialité de LILLE 68, rue Royale 59042 LILLE CEDEX Tél. 03 20 74 28 91 pour 02 – 08 – 10 – 51 – 52 – 59 (partie nord) – 60 – 80
Officialité de LYON 7, place Saint-Irénée 69005 LYON Tél. 04 72 29 39 66 pour : 01 – 03 – 07 – 15 – 26 – 38 – 42 – 43 – 63 – 69 – 73 – 74
Officialité de MARSEILLE 14, pl. Colonel Edon, 13284 MARSEILLE CEDEX 07 Tél ; 04 91 52 95 04 pour : 04 – 05 – 06 – 13 – 2A – 2B – 83 – 84 et Monaco
Officialité de METZ 15, place Sainte-Glossinde BP 10690 57019 METZ CEDEX 01 Pour : 57
Officialité de MONTPELLIER Villa Maguelone, 31 ter av. Saint-Lazare CS 82137 34060 MONTPELLIER CEDEX 2 Tél. 04 67 55 06 14 Pour : 11 – 30 – 34 – 48 – 66
Officalité de NOUMÉA BP 140 98845 Nouméa Nouvelle Calédonie pour: 988
Officialité de PAPEETE BP 94 98713 Papeete Polynésie Française T. + 689 50 23 51 catholic@mail.pf pour 987
Officialité de PARIS 70, rue Falguière 75015 PARIS Tél. 01 43 22 87 87 Pour 75 – 77 – 78 – 91 – 92 – 93 – 94 – 95 – 973
Officialité de RENNES 24, rue Keravel 29200 BREST Tél. 02 98 80 58 91 Pour : 22 – 29 – 35 – 56
Officialité de ROUEN 2, rue des Bonnetiers BP 886 76001 ROUEN CEDEX Tél. 02 35 71 20 52 officialite-metropolitaine-rouen@orange.fr pour 27 – 76
Officialité de SAINT-DIÉ 7, rue de la Préfecture 88025 ÉPINAL CEDEX Tél. 03 29 82 83 45 pour : 54 – 55 – 88
Officialité de STRASBOURG 16, rue Brûlée 67081 STRASBOURG CEDEX Tél ; 03 88 21 24 57 pour : 67 – 68
Officialité de TOULOUSE 15, rue Calvet 31500 TOULOUSE Tél. et Fax 05 61 48 39 35 Pour 09 – 12 – 31 – 32 – 46 – 65 – 81 – 82
Officialité Interdiocésaine de TOURS 27, rue Jules Simon BP 41117 37011 TOURS CEDEX 01 Tél. 02 47 70 41 23 officialite@catholique-tours.cef.fr pour : 18 – 28 – 36 – 37 – 41 – 45
Officalité de WALLIS ET FUTUNA Évêché de LANO, BP 248 98600 Mata’Utu Wallis et Futuna Tél. 00 681 72 29 32 eveche.wallis@mail.wf Pour 986
Officialité de PORT LOUIS Pour l’île de la RÉUNION
Officialité des COMORES Pour MAYOTTE
et pour la GUYANE, l’officialité est celle de PARIS, mais on peut s’adresser sur place au diocèse.
Pour SAINT PIERRE ET MIQUELON, s’adresser au Vicariat sur place..
Pour les Orientaux et les Militaires, s’adresser à l’officialité de Paris.

Officialité de
VERSAILLES
16, rue Mgr Gibier 78000 Versailles Tél. 01 330 97 67 71

officialite@catholique78.fr

2ème instance pour la province ecclésiastique de Paris, Cayenne et pour les orientaux