Coram ALWAN
Exclusion de l’indissolubilité
Tribunal régional des Pouilles (Italie) – 8 juin 2010
P.N. 19.383
Constat de nullité
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PLAN DE L’IN JURE
- LE MARIAGE, ALLIANCE D’AMOUR CONJUGAL
- Une alliance sainte
- L’amour conjugal et l’engagement pour toute la vie
- Le manque d’amour et l’exclusion de l’indissolubilité
- L’EXCLUSION DE L’INDISSOLUBILITÉ
- L’acte positif de volonté pour l’exclusion
- La manifestation et la preuve de l’exclusion
III. LE CAS PARTICULIER D’UNE GROSSESSE CAUSE DU MARIAGE
- EN CAS DE VERSIONS DIFFÉRENTES DES FAITS SELON LES PARTIES
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EXPOSÉ DES FAITS (résumé)
En raison d’une grossesse inopinée, Elvira F., née le 3 juin 1978, épouse le 2 février 1998, après trois ans de fréquentations, Michele M., né le 27 octobre 1974.
Leur fille naît le 25 août 1998. La vie conjugale est malheureuse, en raison de l’infidélité du mari et de sa conduite irresponsable, dangereuse et imprudente. Le 25 juillet 2001, l’épouse quitte le domicile conjugal et la séparation est homologuée 2 jours après.
Ne voulant pas reprendre la vie commune et désireuse de retrouver un état normal devant l’Eglise, l’épouse s’adresse au Tribunal régional des Pouilles, le 15 juillet 2002, lui demandant la déclaration de nullité de son mariage pour exclusion de l’indissolubilité de sa part. La sentence du 12 octobre 2004 est négative.
L’épouse fait appel directement à la Rote. Le 7 mars 2006, le Ponent du Tour concorde le doute sous la formule habituelle : « La preuve est-elle rapportée que le mariage en cause est nul pour exclusion de l’indissolubilité de la part de l’épouse demanderesse ? ».
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EN DROIT
- LE MARIAGE, ALLIANCE D’AMOUR CONJUGAL
Deux propriétés essentielles, l’unité et l’indissolubilité, distinguent, en raison de son institution divine, le mariage chrétien des autres figures de mariage (c. 1056), puisque celui-ci est la donation totale de soi-même, exclusive, perpétuelle et mutuelle, manifestée par un pacte irrévocable entre l’homme et la femme, et instituée par un consentement personnel, qui ne peut être suppléé par aucune puissance humaine.
- Une alliance sainte
Ce pacte est une alliance qui est inspirée par la Sainte Ecriture, comme l’enseigne le Pape Jean-Paul II dans l’Angelus du 3 juillet 1994 : « Comme une image efficace, l’Ecriture Sainte enseigne que les époux sont appelés à être « une seule chair » (Gen. 2, 24). Il s’agit, en fait, d’une alliance d’amour, qui investit la totalité, corporelle et spirituelle, des conjoints. Au moyen de l’union de leurs corps, ils expriment la profondeur et le caractère définitif de leur don réciproque ». Cette « alliance d’amour » reprend ses propriétés essentielles de sa similitude avec l’alliance d’amour entre Dieu créateur et l’homme, sa créature, amenée à la perfection dans l’union indivisible entre Jésus-Christ et l’Eglise son épouse, comme l’enseigne Jean-Paul II dans son Exhortation Apostolique Familiaris Consortio (n. 20) : « Enracinée dans le don plénier et personnel des époux et requise pour le bien des enfants, l’indissolubilité du mariage trouve sa vérité définitive dans le dessein que Dieu a manifesté dans sa Révélation : c’est Lui qui veut et qui donne l’indissolubilité du mariage comme fruit, signe et exigence de l’amour absolument fidèle que Dieu a pour l’homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l’égard de son Eglise ».
- L’amour conjugal et l’engagement pour toute la vie
L’amour entre les époux demeure l’élément primaire qui les pousse ordinairement à constituer une union pour toute la vie et qui constitue la cause pour laquelle ils se marient, mais ce n’est pas pour cela qu’il est un élément absolument nécessaire, parce qu’il peut y avoir plusieurs autres motifs de la célébration du mariage, même en l’absence d’un véritable amour. Le Pape Jean-Paul II, dans son Discours à la Rote du 21 janvier 1999, fait une distinction entre l’amour en tant que « vague sentiment ou également forte attirance psychophysique » et « l’amour effectif de l’autre, substantiellement constitué du désir sincère de son bien, et qui se traduit par un engagement concret pour le réaliser »[1].
Selon le Pasteur de toute l’Eglise sur la terre, l’amour vraiment conjugal existe lorsqu’il se traduit en engagement pour toute la vie, à l’instar de celui du Christ : « L’amour conjugal, donc, n’est pas seulement ni surtout un sentiment. Au contraire il est essentiellement un engagement envers l’autre personne, engagement qui s’assume par un acte précis de volonté. C’est proprement cela qui qualifie un tel amour en le rendant conjugal. Une fois donné et reçu l’engagement par le moyen du consentement, l’amour devient conjugal, et il ne perd jamais ce caractère »[2].
- Le manque d’amour et l’exclusion de l’indissolubilité
Lorsqu’un véritable amour constitue la cause qui pousse au mariage, il est difficile de croire que les époux ont déjà auparavant exclu l’unité et l’indissolubilité du mariage, parce que l’intention d’une donation mutuelle et perpétuelle est contenue dans leur véritable amour. Toutefois cette règle générale souffre des exceptions. De même, lorsque viennent à manquer le véritable amour et l’intention de s’unir pour toute la vie, l’intention d’exclure la perpétuité est souvent présumée présente dans l’esprit des contractants, comme l’est aussi l’intention d’exclure la fidélité mutuelle. Par lui-même le véritable amour, pour qu’il soit la cause du mariage, prévaut sur toute intention de simulation et toute intention d’exclusion. Il faut cependant que cet amour déclaré par les parties soit reconnu et qualifié.
- L’EXCLUSION DE L’INDISSOLUBILITÉ
- L’acte positif de volonté pour l’exclusion
- La simple volonté contraire à l’indissolubilité ou à l’unité du mariage n’irrite pas le consentement matrimonial, qui jouit de la faveur du droit et qui est protégé par une présomption d’absence de toute simulation, tant qu’il n’est pas prouvé qu’il y a eu une véritable intention d’exclusion par un acte positif de volonté (cf. c. 1101), conçue par l’un des contractants ou les deux.
C’est pourquoi la jurisprudence fait une distinction entre, d’une part, la simple intention contraire à l’indissolubilité dans l’esprit de celui qui se marie, et, d’autre part, l’exclusion par un acte positif de volonté : « Certes celui qui, par disposition d’esprit, est opposé à l’indissolubilité, est davantage enclin à émettre un acte positif de volonté par lequel il l’exclut. La plupart du temps cependant il s’abstient de l’émettre, parce qu’il est retenu de le faire par la religion, ou parce qu’il pressent qu’il ne pourra pas réaliser la dissolution du lien qu’il va contracter. Alors, ou bien il accepte l’indissolubilité, même si elle lui est désagréable au plus haut point, pour ne pas s’opposer à la volonté de Dieu qui la prescrit, ou bien il se conduit passivement, ou encore il décide positivement de rompre le lien de façon absolue ou de façon hypothétique, c’est-à-dire si certains événements se produisent. Dans le premier cas, il émet un acte positif de volonté par lequel il accepte l’indissolubilité ; dans le deuxième cas il reste dans une disposition d’esprit opposée à l’indissolubilité ; dans le troisième cas il exclut l’indissolubilité par un acte positif de volonté. C’est pourquoi celui qui accède au mariage avec seulement une disposition d’esprit contraire à l’indissolubilité contracte validement, parce qu’il n’exclut pas le bien du sacrement par un acte positif de volonté, bien qu’il ne l’accepte pas non plus par un acte positif de volonté »[3].
Ne sont pas du tout identiques l’acte positif de volonté par lequel une personne décide de se marier et l’acte positif de volonté par lequel est exclu le mariage lui-même ou l’une de ses propriétés. Dans le premier cas toutes les capacités critiques sont requises, ainsi que l’opération correcte des facultés de l’intelligence et de la volonté. Dans le second cas, on ne regarde que la faculté de la volonté, c’est-à-dire la récusation positive d’une propriété essentielle dans son propre mariage, même si la personne n’a pas pleinement compris ou évalué cette propriété. La volonté décisoire se trouve dans l’exclusion, mais pas l’intelligence ; il suffit en effet de se rappeler l’erreur sur l’unité ou l’indissolubilité, qui n’irrite pas le consentement pourvu qu’elle ne détermine pas la volonté (c. 1099). « Et qu’on n’objecte pas que la volonté suit nécessairement l’intelligence, parce que la jurisprudence rotale, se souvenant peut-être de la phrase d’Ovide, ‘Je vois le mieux et je l’approuve. Je suis le pire’[4], enseigne que ‘cela ne répugne pas à la psychologie humaine : chaque fois en effet qu’en agissant nous mettons derrière nous nos convictions intimes pour en suivre d’autres qui sont plus appropriées à la réalité !’[5] »[6]. C’est pourquoi, même si la partie est perplexe ou hésitante au moment où elle émet son consentement, cela n’empêche pas qu’elle puisse, par un acte positif de volonté, exclure une propriété essentielle du mariage.
- La manifestation et la preuve de l’exclusion
- Généralement l’acte positif de volonté ne s’exprime pas ou ne se déclare pas en public dans les termes où il se conçoit intérieurement, mais il se prouve surtout par des déclarations faites à une époque non suspecte, par des attitudes avant et après le mariage, par des circonstances et des réactions de la partie simulante face à certains événements. L’acte positif de volonté d’exclusion se manifeste par un signe externe ou il se manifeste implicitement par une apparence extérieure déterminante de la volonté.[7]
Outre la confession, judiciaire et extrajudiciaire, du simulant, sont considérés comme des preuves en certains cas les documents rédigés à une période non suspecte, comme des lettres, des journaux intimes, ou d’autres documents où se montre la volonté d’exclusion, prévalente sur la cause qui a poussé au mariage. De tels documents peuvent avoir la force de preuve plénière, surtout parce qu’ils ont été composés à une époque non suspecte et qu’ils montrent la véritable volonté de leur auteur.
- Pour prouver l’exclusion, outre la preuve de l’acte positif de volonté, on a recours à l’évaluation de la cause prochaine de la simulation, parce qu’il est difficile de prouver la simulation par la seule cause lointaine : « Puisque l’importance de la cause de l’exclusion est évidente, il faut dire qu’il ne suffit pas qu’il existe une cause lointaine pour détecter la simulation ; il faut toujours, en outre, faire plutôt attention à la cause prochaine, c’est-à-dire à la cause concrète, de l’exclusion alléguée »[8]. La cause lointaine et la cause prochaine de la simulation, pour dirimer le consentement, doivent prévaloir sur la cause du mariage et ne pas coïncider avec elle : « Pour prouver l’acte positif de volonté, […] on ne considère pas seulement les paroles par lesquelles le simulant ou les témoins font état judiciairement de cet acte de volonté, mais il faut de plus considérer les causes de la simulation (lointaine et prochaine), qui se distinguent nettement de la cause de la célébration du mariage, ainsi que le complexe des circonstances (parmi lesquelles se signale la façon de se conduire du simulant allégué), qui, sans ambiguïté, conduit au consentement simulé ou est en pleine contradiction avec lui »[9].
III. LE CAS PARTICULIER D’UNE GROSSESSE CAUSE DU MARIAGE
Dans certains cas la grossesse d’une femme constitue souvent la cause du mariage, ce qui d’ailleurs ne signifie pas ipso facto que dans ces cas le consentement est nul pour exclusion du mariage lui-même ou pour exclusion de l’indissolubilité, sauf s’il y a une cause grave et prévalente de simulation. Souvent, lorsque des jeunes gens s’aiment et qu’ils forment le projet de se marier, la grossesse ne fait rien d’autre que de hâter la décision du mariage. Au contraire, si l’amour est absent et que les jeunes gens, pour d’autres raisons graves, excluent toute possibilité d’instituer une communauté conjugale de toute la vie, la grossesse, dans ce cas, en tant que cause du mariage « de réparation », peut devenir la preuve d’une exclusion totale ou partielle, chaque fois que sont prouvées la gravité et la prévalence de la cause de la simulation. Et cela est d’autant plus persuasif lorsqu’il est prouvé que la grossesse est entachée de dol ou de machination, pour extorquer le consentement matrimonial de l’autre partie. Dans ce cas il est assez facile de prouver l’exclusion, non seulement de l’indissolubilité, mais du mariage lui-même.
- EN CAS DE VERSIONS DIFFÉRENTES DES FAITS SELON LES PARTIES
- Il est nécessaire, en cas de divergence de la version des faits entre les parties, de démontrer leur crédibilité et celle des témoins. La jurisprudence admet souvent la rétractation de la déposition d’une partie, lorsqu’il existe une raison valide et juste qui la justifie.[10] Une nouvelle version des faits présentée par la même partie peut d’autant plus être acceptée qu’existent des raisons qui la justifient : « En outre il faut bien distinguer la rétractation, par laquelle on affirme fausse la première déposition ou une déposition postérieure, de la simple correction, qui tend plutôt à corriger ce qui n’a pas été correctement dit ou mal transcrit dans les actes, et encore un ajout complémentaire, par lequel les déclarations déjà faites sont complétées et précisées, de telle sorte que la vérité intégrale brille dans son universalité et sa plénitude. Lorsqu’il n’y a qu’un complément, celui-ci, naturellement, est admis plus facilement que la rétractation, même si est intervenue l’omission par mauvaise foi de quelque circonstance ou s’il s’est produit un savant emploi de termes ambigus et vagues. Sans oublier que la réticence d’une vérité peut provenir parfois de questions imprécises posées par le juge instructeur à une partie ou à un témoin »[11].
De même il faut admettre les nouvelles versions des faits lorsque la partie prouve auparavant qu’en raison de menaces qu’elle a subies ou pour éviter de sérieux dommages ou de fortes querelles ou enfin en vue d’un avantage économique ou d’une autre cause, elle n’a pas dit toute la vérité ou elle a dissimulé volontairement des informations utiles à la découverte de la vérité ; et ceci surtout lorsque la vérité occultée tournait en faveur de celui qui l’a dissimulée. « Une grave difficulté naît de la rétractation d’une des parties ou d’un témoin. Cependant les justifications doivent être attentivement examinées par le juge. En effet quelqu’un a pu dire des choses fausses dans une première déposition à cause de sa haine ou pour obtenir ou garder un avantage économique. Si par la suite il se persuade de la nécessité de dire la vérité, on peut lui accorder de la crédibilité, pourvu que la rétractation soit cohérente avec tous les autres faits reçus et certainement prouvés »[12].
EN FAIT (résumé)
Entre l’instruction de la présente cause au premier degré et la déposition de l’épouse demanderesse à la Rote, en seconde instance, il y a tant de différences qu’on pourrait croire avoir affaire à deux causes sans rapport entre elles.
En effet, en première instance, l’épouse et ses témoins ont évité de parler du caractère du mari, partie appelée, de sa conduite violente et contraire à la loi, par peur de ce mari et, également, sur le conseil de l’avocat d’office de l’épouse. Comme le dit celle-ci en seconde instance, « je n’ai pas parlé […] de son usage de la drogue, de ses activités illégales et de son comportement violent envers moi et envers ma famille […] parce que Michele nous avait menacés ». Les Juges de première instance avaient bien remarqué que la demanderesse et ses témoins unanimes ne parlaient pas clairement, « avec une certaine peur ».
Après sa déposition à la Rote, la demanderesse a remis au Tribunal un exemplaire du journal de sa région qui faisait état de trafic de drogue et d’armes, de la part du mari, et de sa condamnation à 7 ans de prison. C’est après l’arrestation et l’incarcération de Michele qu’Elvira a osé dire la vérité. On comprend la perplexité des juges de première instance, qui ne pouvaient pas déceler un acte positif de volonté d’exclusion de l’indissolubilité chez l’épouse, ni découvrir la cause de la simulation, et qui ont dû prononcer une sentence négative.
La nouvelle déposition de la demanderesse et la condamnation du mari ont modifié la position juridique des parties et donné une plus grande crédibilité à la version des faits de l’épouse.
De plus, Elvira a remis au Tour Rotal son journal intime, qui a été écrit à une époque non suspecte et qui montre la domination psychologique que Michele lui faisait subir, et le fait qu’étant donné sa grossesse, elle avait dû choisir entre le moindre mal, c’est-à-dire le mariage, et un mal plus important, c’est-à-dire l’avortement, en excluant l’indissolubilité de son mariage.
En ce qui concerne la cause de la simulation précisément, la demanderesse, à la Rote, a expliqué qu’au début de ses fréquentations avec Michele, elle avait remarqué son immaturité, ses relations avec des drogués et des jeunes gens sans travail mais avec des problèmes avec la Justice. Elle avait donc décidé de rompre, mais Michele « avait une grande puissance psychologique sur (elle) en raison de sa personnalité forte et changeante ».
En première instance Michele a présenté des documents pour prouver l’amour qu’Elvira avait pour lui, et sa volonté de l’épouser. Parmi ces documents se trouvaient des passages du journal intime d’Elvira et quelques lettres qu’elle lui avait envoyées. Mais ces écrits se rapportent au début de leurs fréquentations, à un moment où Elvira, comme elle le reconnaît, était amoureuse de Michele. La demanderesse remarque que ce dernier n’a pas présenté au Tribunal des lettres ultérieures où elle exprimait son désir de le quitter et « la souffrance qu’elle éprouvait à être avec lui ».
Elvira a même essayé de le fuir, en quittant Bari pour Rome, mais Michele a fini par découvrir son adresse et il l’a rejointe. Elle écrit dans son journal, le 29 octobre 1977 : « Miki est passé à l’attaque […]. C’est un fou […]. Il s’obstine à me chercher […] et je ne me sens pas en sécurité avec lui. Je ne veux plus le voir, mais il a un pouvoir sur moi ».
On peut voir par ces écrits la véritable cause prochaine de la simulation.
Et la grossesse est survenue : « il m’a cherchée et nous nous sommes rencontrés. Nous avons eu un rapport intime et il m’a dit qu’il m’aurait à lui pour toujours. Il n’a rien fait pour protéger notre rapport intime […]. Je suis retournée chez moi désespérée en espérant qu’il n’arriverait rien. J’ai décidé à cette occasion de rompre pour toujours avec lui. Mais quelques jours après j’ai découvert que j’étais enceinte ». Elle écrit dans son journal, le 7 décembre 1977 : « J’ai peur de demain. Hier soir je l’ai revu, une nuit de cauchemar […]. Il a violenté mon âme, il a bafoué ma dignité ».
Ces lignes écrites quelques mois avant le mariage, à une époque non suspecte, confirment la crédibilité de la demanderesse et confirment également que la cause du mariage a été seulement la grossesse inattendue, provoquée par dol pour obtenir le consentement matrimonial.
Elvira a remis encore au Tour Rotal un mémoire qu’elle avait présenté au Tribunal correctionnel de Bari, le 1° juin 2001, un an avant qu’elle ne s’adresse au Tribunal ecclésiastique, le mémoire étant donc rédigé à une époque non suspecte. Elle écrit l’histoire de ses rencontres, de ses fréquentations avec Michele, son désir de rompre, le dol perpétré par le jeune homme pour la forcer à l’épouser.
Tout ceci démontre une cause valide de simulation, prévalant sur le mariage inévitable et sur la cause du mariage. Elvira, selon ce qui ressort des documents cités, semble avoir été terrifiée à la seule pensée de rester avec Michele. Il aurait donc été absurde pour elle de prendre la décision d’un mariage stable et pour toute la vie avec lui, s’il n’y avait pas eu sa grossesse, et à partir de là le mariage de réparation.
Les témoins confirment la thèse de la demanderesse : il est inutile ici de reprendre leurs dépositions.
En conclusion les Pères Auditeurs du Tour soussignés sont persuadés que dès avant le mariage Elvira a tenté de rompre ses fréquentations avec Michele et n’a plus voulu l’épouser, et que c’est seulement sa grossesse, résultant d’un dol, qui l’a contrainte à épouser Michele, pour le bien de l’enfant qu’elle attendait, en excluant par conséquent, par un acte positif de volonté, l’indissolubilité de ce mariage.
Constat de nullité
pour exclusion de l’indissolubilité
de la part de l’épouse demanderesse
Vetitum pour l’épouse
John G. ALWAN, Ponent
Giordano CABERLETTI
Angelo Bruno BOTTONE
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[1] AAS 91, 1999, p. 623-624
[2] Même endroit
[3] C. DE JORIO, 13 juillet 1966, SRRDec, vol. LVIII, p. 577, n. 6
[4] OVIDE, Métamorphoses, VII, 20-21 ; cf. Rom. 7, 15
[5] C. FELICI, 12 mai 1959, SRRDec, vol. LI, p. 257, n. 2
[6] C. GIANNECHINI, 23 janvier 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 43, n. 2
[7] Cf. D. STAFFA, De conditione contra matrimonii substantiam, II, Rome 1955, p. 17, not. 24 et 27
[8] C. POMPEDDA, 17 mai 1996, SRRDec, vol. LXXXVIII, p. 401, n. 11
[9] C. DEFILIPPI, 11 juin 1996, n. 3
[10] Cf. c. FUNGHINI, 18 décembre 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 848, n. 5 ; c. de LANVERSIN, 10 novembre 1992, SRRDec, vol. LXXXIV, p. 538-539, n. 10-11 ; c. SABLE, 24 février 1998, SRRDec, vol. XC, p. 104, n. 10 ; c. ALWAN, 13 janvier 2006, n° 11
[11] C. FUNGHINI, 18 décembre 1991, SRRDec, vol. LXXXIII, p. 848-849, n. 5
[12] C. CABERLETTI, 23 juillet 1999, SRRDec, vol. XCI, p. 587, n. 7