La vie d’une personne comme la vie d’un couple nécessite de trouver des réponses quotidiennes à de nombreuses questions, en évitant tout excès qui pourrait la déstabiliser.
Sans épuiser le sujet, voici des domaines sensibles où les époux doivent apprendre à trouver leur propre équilibre.
1. Les parents et la Belle-famille
Après le mariage, chaque couple est amené à trouver une juste distance avec les parents et les beaux-parents. Ni trop lointaine, car les parents sont importants pour chacun ; ni trop proche, car le couple serait trahi si l’un des conjoints retournait dans sa maison parentale, au sens propre (séparation), ou au sens figuré (par le cœur).
Il importe aussi que les conjoints soient solidaires entre eux face à la belle-famille, ce qui oblige chacun à confirmer son choix en faveur de son conjoint et de son couple plutôt qu’en faveur de sa mère ou de son père lorsqu’un conflit se présente ou lorsque la relation avec la famille gêne la vie du couple.
Voici un extrait du code civil français :
L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. Art. 371-4 du code civil
Tandis que la Bible rappelle :
Tu honoreras ton père et ta mère
L’homme quittera son père et sa mère.
2. La famille élargie et les nécessiteux
La famille européenne, dite nucléaire, diffère profondément de la famille africaine, souvent élargie aux oncles, tantes, neveux et nièces, ainsi qu’à diverses personnes recueillies.
Dans certains pays, spécialement en différentes parties de l’Afrique, la sécularisation n’a pas réussi à affaiblir certaines valeurs traditionnelles, et dans chaque mariage, se réalise une forte union entre deux familles élargies, où l’on garde encore un système bien défini de gestion des conflits et des difficultés[1].
Le pape François consacre plusieurs pages à la famille élargie en valorisant ses bienfaits.
Le petit noyau familial ne devrait pas s’isoler de la famille élargie, incluant les parents, les oncles, les cousins, ainsi que les voisins. Dans cette grande famille, il peut y avoir des personnes qui ont besoin d’aide, ou au moins de compagnie et de gestes d’affection ; ou bien il peut y avoir de grandes souffrances qui appellent une consolation. [A.L. 208]
Là encore, il convient de garder une juste distance avec la famille élargie pour concilier le bénéfice de son expérience et de ses conseils, tout en se préservant du risque d’atteinte à l’intimité et la vie du couple, qui peut être mise à mal par une trop grande promiscuité.
Dans le cadre de l’association « Chemin de partage[2] », un couple accueille chaque mois des personnes atteintes d’un handicap. Les relations sont chaleureuses si bien que beaucoup demandent plus mais le rythme mensuel permet au couple accueillant de concilier vie familiale et vie sociale.
Les couples doivent aussi se protéger des vampires et autres prédateurs qui, sous prétexte de solidarité familiale ou sociale, s’incrustent dans un couple ou une famille, au risque de la faire exploser.
Dans un autre ordre d’idées, les époux doivent prendre leurs précautions juridiques pour éviter qu’en cas de séparation ou de décès, les biens reviennent au conjoint plutôt qu’à la famille élargie, comme c’est le cas selon certaines traditions africaines, en l’absence de contrat spécifique.
3. Vie professionnelle et vie familiale[3]
La vie professionnelle joue un rôle positif important dans la vie du couple et de la famille, car elle conditionne ses ressources financières, elle entraîne des contraintes importantes en termes d’emploi du temps et elle contribue à la réalisation des aspirations en termes de fécondité sociale. A l’inverse, elle peut s’avérer nocive si elle prend une place trop importante, par exemple en séparant physiquement les époux par des mutations, ou en mobilisant une énergie qui dépasse largement ce qu’il est possible de faire pendant le temps de travail.
La recherche d’un juste équilibre aux différents stades de la vie mérite d’être débattue en famille, pour que chacun des conjoints puisse parvenir à un maximum de cohérence[4] entre :
- ce qu’il aime faire ;
- ce qu’il sait faire ;
- ce qu’il est payé pour faire ;
- ce dont les autres ont besoin, et en particulier son conjoint et sa famille.
La Bible donne aussi des points de repère :
Tu travailleras à la sueur de ton front […], Marthe, Marthe, tu t’agites et tu t’inquiètes pour bien des choses[5].
4. Le budget familial
Il importe que les époux s’accordent sur leur budget familial, à partir de leurs valeurs et de leur situation matérielle, en s’entendant sur la répartition des sommes gagnées entre la part des dons, de l’épargne et des dépenses.
Dans la société civile, de nombreux organismes proposent des accompagnements aux couples pour mieux gérer leur budget en bénéficiant des aides sociales. A titre d’exemple, l’UDAF 91 propose des points-conseils budget[6], pour aider les familles dans ce domaine, avec l’appui de professionnels.
Dans une moindre mesure, l’Eglise prodigue aussi des conseils, notamment au cours de la préparation au mariage. Voici quelques propos de l’école du mariage d’Abidjan :
- Rares sont ceux qui ont regretté d’avoir donné, et la pratique de l’aumône est source de joie, comme le recommandent les religions, la Bible, le Coran ou l’Evangile :
Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir (Actes 20, 35)
Faites-vous des amis avec le malhonnête argent (Luc, 16)
- Dans la mesure du possible, il est important d’épargner une part du revenu (ex. 10 %) pour disposer d’un fonds de roulement permettant de dépasser des moments difficiles de maladie ou de chômage et/ou pour investir dans des achats durables ;
- 80 % des dépenses courantes est un maximum à essayer de ne pas dépasser[7], pour couvrir le loyer, les remboursements d’emprunts, les factures courantes, et le reste à vivre. Il n’est pas déshonorant de demander conseil dans ce domaine où le contexte culturel et le manque d’expérience peuvent entraîner des choix maladroits sources de nombreuses tensions.
Ceux qui souhaitent approfondir la question du budget familial pourront s’inspirer des conseils prodigués en ligne par des sites comme Famille économe[8] ; Vivre avec un petit budget[9] ; gérer sa famille[10], bien gérer son budget[11].
Etant moi-même souvent préoccupé par l’argent, voici trois points de repères qui me parlent :
- Plaie d’argent n’est pas mortelle (proverbe français du XVIIème siècle)
- Il avait beaucoup d’argent car il n’avait pas d’amis avec qui partager (Proverbe africain)
- Regardez les lys des champs, ils ne filent ni ne tissent, mais jamais Salomon dans toute sa gloire ne fut vêtu comme l’un d’eux. (Matthieu 6, 25-34)
5. Face au numérique
Le numérique occupe une place croissante dans la vie quotidienne et comme l’argent, il est un bon serviteur mais un mauvais maître. Il peut être source de tensions et de crise dans un couple et avec les enfants.
Ainsi en France en 2014, 71 % des Français étaient préoccupés par la place prise par les écrans dans leur vie ; 59 % s’en sentaient dépendants ; 46 % des personnes équipées d’un ordinateur portable l’emportaient en vacances.
Le numérique peut aider à la relation, par exemple avec un petit mot, un appel téléphonique ou une vidéoconférence quand on est éloigné, en simplifiant les tâches quotidiennes, mais il peut être vécu très différemment par les deux conjoints. Ils pourront utilement en parler après avoir effectué le test suivant :
Activités effectuées avec le numérique | Temps consacré | Plaisir ressenti | ||
De + (peu) à +++ (beaucoup) | Elle | Lui | Elle | Lui |
Messagerie | ||||
Journal et informations | ||||
Jeux | ||||
Achats, Courses | ||||
Administratif | ||||
Films / vidéos | ||||
Parler avec les enfants | ||||
…/… |
Le numérique peut aussi être source d’addiction, comme il est possible de le mesurer par de tests en ligne[12], avec les questions suivantes :
Elle | Lui | |||
Est-ce que … | Oui | Non | Oui | Non |
J’allume mon ordi dès le matin ? | ||||
Je consulte mes courriels plusieurs fois par jour ? | ||||
Je ne vois pas le temps passé quand je suis en ligne ? | ||||
Mes proches se plaignent du temps que je passe sur le net ? | ||||
Je supporte difficilement d’être dérangé quand je suis sur le net ? | ||||
Je dois toujours être joignable ? | ||||
…/… |
Voici des exemples de dialogues entre époux, à ce propos[13] , où l’on peut observer le principe des QSMS structuré autour d’un courrier de chacun à chacun comportant en général : 1) une parole bienveillante au début, 2) l’exposé des faits, 3) l’expression des sentiments, 4) les besoins et les frustrations sous-jacents, 5) une excuse, là où on a pu blesser, 6) une demande, 7) un engagement pour l’avenir[14], 8) une marque d’amour finale.
- Lettre de Jean-Baptiste à Claire : Ma chérie, […] Ce soir, nous devions faire un travail ensemble, mais tu as préféré finir une présentation sur ordinateur pour ton travail. Je me suis senti contrarié […] et je me suis dit « Zut, on n’est jamais disponibles tous les deux en même temps », tout en reconnaissant toutefois « Il faut bien qu’elle avance car elle a un délai pour rendre son travail. » […] Ce qui est touché chez moi, c’est ma peur de ne pas compter à tes yeux, je suis jaloux face à cet ordinateur qui t’accapare. ». Pour t’aimer d’un amour plus responsable, j’aurais pu te préparer une tisane pour être en lien avec toi. […] Je t’aime et je t’embrasse.
- Lettre de Geneviève à Alain : Mon amour, […] En rentrant à la maison, je me suis mise à la cuisine et tu as filé à l’ordi sans rien dire. […] Je me suis dit « mais où est-il ? … Il n’a pas faim ? … ou il trouve normal et évident que je prépare le repas ? Je me suis sentie envahie par un sentiment de colère : j’en étais réduite au rôle secondaire de préparation des repas alors que tu étais sur internet. J’avais besoin de complicité avec toi dans ce temps de préparation. […] Ce qui a été touché en moi, c’était ma peur de ne pas être importante pour toi. […] Une autre fois], je t’exprimerai plus clairement mon besoin d’une attention plus proche, par un geste, un petit mot d’encouragement… Je t’aime, ta petite femme, Geneviève.
- Lettre d’Alain à Geneviève : Mon petit chou, […] En rentrant de Nîmes, je me suis précipité à l’ordi en te laissant seule à la cuisine. Je me sentais soucieux et anxieux de répondre rapidement [à un groupe] mais contrarié de te laisser toute seule à préparer le repas. L’urgence du moment, c’était les autres avant toi [car…] j’avais promis d’envoyer ma réponse avant ce soir, et j’ai voulu satisfaire mes besoins d’appartenance et de reconnaissance. […] j’aurais dû t’expliquer mon souci avant de filer sur l’ordinateur […] La prochaine fois, je te proposerai de décider ensemble des tâches à faire avant de partir chacun de son côté. Je t’aime, Ton amoureux, Alain
Figure 9 : extrait de Vivre et aimer, n°68
6. Le retour à la maison et le départ des enfants
Ces différents équilibres méritent d’être sérieusement repensés dans les moments où la vie change et par exemple, lorsqu’un des conjoints tombe malade ou termine sa vie professionnelle et revient habiter la maison. Les habitudes prises séparément par l’un et l’autre n’ont plus alors de raison de convenir au nouveau contexte, où chacun aura ses propres besoins et frustrations.
Un dialogue important est alors nécessaire pour rebâtir un nouveau mode de conjugalité, faute de quoi il est possible que le époux se divisent et adoptent un mode de cohabitation plus ou moins pacifique plutôt qu’une vie conjugale.
Cette démarche est aussi très importante pour les enfants, car le couple des parents leur sert de modèle au moment où ils vont poser les choix de leur vie adulte, et ils pourront être amenés à renoncer au mariage s’ils voient leurs parents malheureux.
Armelle Nollet[15] évoque aussi la crise des femmes de 40 à 50 ans qui découvrent à ce moment-là qu’elles se sont sacrifiées à leur mari et à leurs enfants et qu’elles arrivent à une nouvelle étape de leur vie en n’ayant aucune carte en main pour l’affronter. Elles envoient des messages plus ou moins clairs à leurs maris, qui ne les comprennent pas toujours, et alors elles sont tentées de les mettre devant le fait accompli en les quittant.
Chacun traverse des moments de transition, dans lesquels il remet en cause ses raisons de vivre pour les ajuster à sa situation présente. Le conjoint et/ou les amis sont alors un précieux secours.
Article suivant : Face à la routine Table des matières /// Ecrire à l’auteur |
[1] Amoris Laetitia, n° 38.
[2] https://www.och.fr/un-reseau-dinitiatives/chemin-de-partage
[3] http://www.viesavie.com/question/comment-gerer-mon-travail-et-ma-vie-de-couple/
[4] Des sociétés comme www.cap-coherence.com propose un accompagnement en mode coaching dans cette perspective.
[5] Livre de la Genèse et Evangile selon St jean.
[6] www.udaf91.fr/services/services-aux-familles/point-conseil-budget.html
[7] Cf. école du mariage à Abidjan
[9] https://fr.wikihow.com/vivre-avec-un-petit-budget
[10] https://www.gerer-sa-famille.com/comment-calculer-le-budget-familial/
[11] www.caf.fr/allocataires/caf-d-ille-et-vilaine/offre-de-service/logement-et-cadre-de-vie/bien-gerer-son-budget
[12] Par exemple https://www.be.com/perso/tests/1556718-addict-reseaux-sociaux
[13] Vivre et Amimer, n° 68 de septembre 2014 : les NTIC, écrans pour notre relation. www.vivre-et-aimer.org
[14] Cf Vivre et aimer, au § 4.4.5.4
[15] Conseillère conjugale, Secrétaire générale du CLER Amour et Famille, lors d’un entretien du 18 avril 2019.
À propos de l’auteur