Le monde musulman, né en Arabie en 610 est aujourd’hui très répandu, au point que le pays qui compte le plus de musulmans est l’Indonésie. L’Islam a toujours accordé une grande importance à la famille, même si les coutumes matrimoniales présentent des différences selon les lieux et le temps, en s’efforçant de rester fidèle au Coran et à la tradition.
Comme les autres, la civilisation arabo-musulmane a subi de profonds changements anthropologiques. Elle comporte fondamentalement des valeurs et des pratiques contribuant à la solidité du mariage, avec une double spécificité de prééminence du groupe sur l’individu, et de valorisation du désir sexuel, en tant que force positive de vie.
8.2.1. Le mariage dans le Coran
Le mariage est considéré comme sacré en Islam. C’est une loi générale et continuelle qu’Allah a établie dans la création et la formation des mondes vivants:
Et de chaque chose nous avons créé un couple, peut-être vous rappelleriez-vous[1].
Pour ce qui concerne les humains, le Coran précise :
Et parmi Ses signes, il a créé de vous, pour vous des épouses pour que vous viviez dans la tranquillité avec elles, et il a mis entre vous de l’affection et de la bonté. Il y a en cela des preuves pour les gens qui réfléchissent[2].
Il est donc inconcevable qu’un homme reste célibataire, au point que le mariage constitue une des conditions pour être imam.
De plus[3],
Allah n’a pas voulu que l’homme soit comme les autres créatures, c’est-à-dire laisser ses instincts agir inconsciemment et laisser la relation entre mâle et femelle dans un désordre et sans norme. II a posé le régime convenable qui garantit la souveraineté de l’homme, protège son honneur et préserve sa dignité en faisant du rapport entre l’homme et la femme un rapport précieux basé sur le consentement de cette dernière, sur l’offre et l’acceptation comme deux aspects de ce consentement et sur un témoignage qui annonce que chacun des deux est devenu pour l’autre. Ainsi Allah a placé l’instinct sur son chemin sauf, protégé la progéniture de la perte et préservé la femme de devenir un champ commun à n’importe qui. II a précisé également le noyau de la famille que l’instinct de la maternité et l’affection de la paternité entourent de prévenances. Les fruits de cette famille viennent alors bons et respectueux. C’est le régime qu’Allah a choisi et que l’Islam a réservé en annulant tout autre régime.
8.2.2. Le mariage en droit islamique
Plus que dans les autres religions, le désir sexuel est considéré comme une valeur de la société, ce qui pose problème lorsque, dans une ville ou une communauté, il y existe des femmes potentiellement disponibles. C’est pourquoi les sociétés musulmanes[4] marient généralement les femmes assez tôt, et remarient rapidement les veuves et les divorcées, y compris comme deuxième épouse, pour qu’elles ne constituent pas une forte incitation pour les hommes de la place.
Par ailleurs, le groupe prime généralement sur l’individu si bien que les mariages doivent contribuer à préserver la cohésion du lignage et des biens de la famille. Ainsi, il n’est pas rare qu’un homme riche et en vue épouse une femme, apparemment insignifiante, mais de la bonne lignée. Aujourd’hui, cette culture tend à s’estomper au profit de la culture occidentale où le mariage « bourgeois, nucléaire » devient un des modèles dominants.
Le mariage est, en droit musulman, l’union d’un homme et d’une femme en vue de procréer. Dans sa présentation des bons usages en matière de mariage[5], le théologien musulman Al-Ghazâlî énumère des règles relatives à la bonne entente conjugale, à l’attitude du mari envers son épouse, à la vie intime des époux. Il explique notamment pourquoi l’homme doit choisir pour femme une vierge, sans souci de réciprocité, alors que le Coran recommande que les deux époux soient vierges.
L’homme a six obligations principales envers son épouse7 :
- le devoir de cohabitation ;
- le devoir conjugal ;
- le partage des nuits (en cas de polygamie, le maximum étant de quatre femmes) ;
- le devoir d’entretien (nafaka) ;
- l’abstention de tous sévices ;
- le maintien des relations de l’épouse avec sa famille.
La femme a cinq obligations :
- l’obéissance envers son mari ;
- l’habitation au domicile conjugal ;
- la fidélité[6] ;
- les soins du ménage[7] ;
- l’autorisation maritale pour disposer par contrat[8].
Certes, il existe, comme partout, des tensions et des disputes au sein du couple, si bien que le droit prévoit un contrat de mariage officialisé devant des témoins, où chacun des époux précise ses attentes et prétentions, dans la limite de ce qui est licite[1]. Même si le droit matrimonial comporte des variations selon les lois civiles des pays, il prévoit en général un contrat de mariage comportant des clauses de tout type, du moment qu’elles sont licites. S’il est bien fait, ce contrat est alors une source de cohésion des époux, au point que des auteurs comme Noura Benyahya[2] estiment que des divorces pourraient être évités si les futurs époux prenaient le temps d’informer très précisément leurs prétendants de leurs ambitions, leurs projets, plus généralement de leur vision de la vie.
J’ai rencontré récemment une femme qui prétendait être mariée sans qu’elle ait donné explicitement son consentement. Elle avait en effet gardé le silence devant son père, qui l’avait invitée à venir voir sa mère prétendument malade et qui, à cette occasion, avait arrangé son mariage avec un musulman déjà marié à une première femme qui ne lui avait pas donné d’enfant. D’après Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî[9], il est illégal de marier une femme contre son gré, en la contraignant ou sans son consentement, compte tenu De trois hadiths prophétiques :
- La femme ayant déjà été mariée a plus de droit sur elle-même que son représentant légal (walî). Et la femme vierge doit donner son accord pour son mariage, accord qu’elle peut exprimer par son silence.
- La femme vierge ne peut être mariée avant qu’elle n’ait donné son accord. » On demanda : « Ô Messager de Dieu, comment saura-t-on qu’elle est d’accord ? » Il répondit : « Lorsqu’elle restera silencieuse. »
- Si elle reste silencieuse, c’est qu’elle donne son accord. Et si elle refuse, elle ne doit pas être contrainte.
8.2.3. La cérémonie du mariage
Dr Abdoul Karîm Zaydân[10] aborde de façon très détaillée le déroulement du mariage musulman, ainsi que certains aspects en rapport direct avec cette célébration. Voici quelques extraits de l’article qui expose ces principes.
Dans la pratique, voici comment se déroule la plupart du temps l’accord du mariage : L’Imâm[11] demande, en présence de deux témoins minimum, au responsable de la future mariée s’il donne celle-ci en mariage au jeune homme présent. Après son approbation, il demande au jeune homme s’il accepte de prendre la fille désignée comme épouse, en rappelant à chaque fois ce qui a été fixé pour le « Mahr » (dot). Dès que l’accord est exprimé de part et d’autre, le mariage est conclu.
Après la cérémonie et la consommation du mariage, il est recommandé de préparer un repas appelé « Walimah », et d’y convier les membres de la famille et les personnes démunies.
8.2.4. Le divorce en droit islamique
En droit, une femme mariée appartient à son mari, au point que l’adultère est considéré à la fois comme un vol et comme une atteinte à la société, donc passible de sanctions civiles et pénales. La difficulté est que la Sharia impose d’apporter la preuve de cet adultère, avec un témoin qui a pris les amants en flagrant délit, ce qui est finalement très rare. A défaut de preuves, des accommodements sont parfois possibles avec des indices plus ou moins solides « je les ai vus se tenir la main et entrer ensemble … »
L’Islam considère le mariage comme un contrat de droit privé régi par des dispositions d’ordre public et susceptible de dissolution. Ces dispositions sont codifiées dans les pays de droit musulman avec un droit spécifique, qui diverge cependant selon les régions en fonction des coutumes locales et de la jurisprudence spécifique développée au cours du temps, et qui diffère en particulier selon les écoles juridiques (madhhab). Sous réserve des lois nationales, le mariage musulman peut être déclaré nul :
- en cas d’empêchement non-respecté (parenté par le sang ou par le lait, alliance en ligne directe, relations sexuelles illicites, etc.) ;
- en absence de consentement ;
- si la dot n’a pas été accordée, ou de façon non-intégrale ;
- en cas de non-respect des formalités.
On distingue le mariage nul (nikâh bâtil) du mariage irrégulier (nikâh fâsid) 13. Les mariages entachés de vices du consentement entrent dans cette dernière catégorie 13. L’erreur sur la personne physique n’est prise en compte que s’il s’agit de défauts cités par la loi; l’erreur sur les qualités morales de la personne n’est prise en compte que lorsque celles-ci ont été citées dans le contrat de mariage 13.
Nous avons vu que les statistiques de divorce étaient très faibles dans les pays musulmans et nous avançons deux raisons à cela :
La première tient au fait que, dans l’islam, le divorce est permis mais fortement déconseillé.
« أَبْغَضُ الْحَلَالِ إِلَى اللَّهِ تَعَالَى الطَّلَاقُ »[12]
En outre, imam Abdallah recommande de ne pas prendre de décision à la légère :
L’islam demande aux époux de bien réfléchir avant de prendre la décision de divorcer[13].
Une seconde raison tient au fait que tous les mariages religieux ne sont pas enregistrés à l’état civil et, a fortiori, les divorces pour lesquels il suffit à l’homme de prononcer une formule du divorce devant deux témoins.
L’islam n’incite pas au divorce cependant il le permet quand la vie dans un couple devient impossible et quand la vie commune n’est qu’un conflit permanent. Il n’est pas concevable en islam de garder un lien de mariage en empêchant ainsi l’un des conjoints ou les deux de refaire sa vie et de tenter une nouvelle expérience avec un autre personne avec qui la vie peut fonctionner mieux. Le divorce est donc la dissolution du contrat du mariage, il est l’ultime solution que l’islam propose quand la vie commune devient impossible[14].
Le Coran comporte plusieurs sourates qui concernent directement notre sujet, et la tradition rapporte plusieurs Hadiths[15]. Ainsi la sourate 65 sur le Divorce[16] permet aux hommes de répudier leur femme en respectant un temps d’attente :
Quand vous répudiez les femmes, répudiez-les conformément à leur période d’attente prescrite ; et comptez la période ; et craignez Allah votre Seigneur. Ne les faites pas sortir de leurs maisons, et qu’elles n’en sortent pas, à moins qu’elles n’aient commis une turpitude prouvée. […] Puis quand elles atteignent le terme prescrit, retenez-les de façon convenable, ou séparez-vous d’elles de façon convenable ; et prenez deux hommes intègres parmi vous comme témoins.
Rappelons aussi le hadith rapporté par Abôu Dâwôud :
Le divorce est licite mais il est très déconseillé selon le jugement de Allâh.
Moyennant quoi, la procédure de divorce est très facile :
Il n’y a pas de différence pour le divorce qu’il ne soit pas conditionné ou qu’il soit conditionné par quelque chose. Ainsi, s’il dit à son épouse : « tu es divorcée si tu entres chez Untel » ou bien « si tu fais telle chose » et qu’elle entre ou bien qu’elle fait cette chose, le divorce a lieu.
D’après une fatwa de l’imam, il peut se faire par un simple texto (SMS) :
De même si l’homme écrit à la femme tu es divorcée ou je te divorce (sur une feuille ou par sms) cela compte divorce s’il a eu l’intention du divorce.
Il peut même se faire de façon implicite sous réserve qu’il y ait une réelle intention de divorcer :
[il y a divorce implicite] s’il dit à son épouse : « i`taddî » ou « sors » ou « pars en voyage » ou « couvre-toi » ou « je n’ai plus besoin de toi », […avec…] un terme qui n’est pas explicite, le divorce n’est effectif que s’il a eu l’intention de divorcer, l’intention ayant été simultanée avec le début de cette parole non explicite.
Même si c’est plus rare, le divorce ou la rupture de contrat peut être aussi à l’initiative des femmes avec la procédure dite de Khoul’ :
Le khoul` est une séparation en échange d’une contrepartie visée revenant à l’époux. Il est confirmé par l’Unanimité, par Sa parole ta`âlâ, ce qui signifie : « Si elles vous en donnent (c’est-à-dire de leur dot) quelque chose de bon gré » [sôurat An-Niçâ’ / 4], et par le Hadîth sûr. Il y a eu divergence sur le khoul`, quant à savoir s’il est un divorce ou une dissolution de contrat (faskh). Il est déconseillé sauf si l’on craint un conflit, ou si l’on craint que l’un des deux ne s’acquitte pas convenablement du droit que l’autre a sur lui, ou si la femme a de l’aversion envers son mari ou si c’est lui qui a de l’aversion envers elle parce qu’elle a commis l’adultère ou quelque chose de ce genre, par exemple si elle délaisse la prière, ou bien si c’est pour éviter qu’un divorce triple ou double ne soit effectif comme dans le cas où il aurait juré le divorce triple ou double en le conditionnant par un acte qui doit avoir nécessairement lieu.
Le divorce étant déconseillé, une partie des musulmans prennent une autre femme dans les pays où la loi civile le permet[17], quand l’harmonie diminue avec la première. En effet, la sourate 4 sur les femmes[18] autorise la polygamie, sous réserve d’être juste envers les épouses. Cette condition étant très difficile à vérifier, j’ai assisté plusieurs fois à des discussions animées entre des femmes musulmanes et des hommes polygames, reprochant à ces derniers de ne pas respecter le Coran, car il ne leur est pas possible de traiter plusieurs femmes avec justice :
Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre, parmi les femmes qui vous plaisent, mais, si vous craignez de n’être pas justes avec celles-ci, alors une seule, ou des esclaves(4) que vous possédez. Cela, afin de ne pas faire d’injustice.
Avant le divorce le fiqh recommande de bien réfléchir et il a mis en place des mécanismes permettant de ne pas décider d’un divorce sur un coup de tête. Ainsi, la sourate 4 sur les femmes évoque la nécessité de faire appel à deux arbitres des familles respectives, en cas de conflit :
Si vous craignez le désaccord entre les deux [époux], envoyez alors un arbitre de sa famille à lui, et un arbitre de sa famille à elle. Si les deux veulent la réconciliation, Allah rétablira l’entente entre eux.
Si la réconciliation n’intervient pas à ce stade, l’usage au Togo est que les conjoints rencontrent l’Imam de la communauté qui a le dernier mot. Celui-ci déplore cependant qu’avec la sécularisation, beaucoup de personnes et notamment les jeunes ne craignent plus autant Dieu et ils omettent souvent les étapes de réconciliation, en s’octroyant le dernier mot à eux-mêmes.
8.2.5. Le mariage dans l’au-delà
Pour conclure, évoquons le plaisir qui récompensera dans l’au-delà, les musulmans vertueux :
Au Paradis, le croyant aura une tente en forme d’une perle creuse dont la longueur sera de soixante miles, il aura des épouses qu’il fréquentera sans que l’une d’entre elles ne s’aperçoive de l’existence des autres » (Rapporté par Moslim et les ajouts mis entre parenthèses sont également cités par Moslim mais dans d’autres hadiths. Il est rapporté également par Al-Boukhari)[1].
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Source de l’image : http://islammedia.free.fr/Pages/paradis.html
[1] Sourate 51 – Qui éparpillent – Ad-Dariyat – Verset 49
[2] Coran, Sourate 30, v 21
[3] http://www.sajidine.com/fiq/mariage/mariage-islam/mariage.htm
[4] Cette partie est tirée d’une interview avec Hana Jaber, historienne et sociologue libanaise chiite https://www.linkedin.com/in/hana-jaber-1354b232/
[5] Tiré de Ihya’ `Ulum al-Din (Revivification des sciences de la foi)
[6] Ce principe n’a pas été codifié dans le droit positif contemporain des États musulmans, mis à part pour la Moudawana marocaine, qui faisait de la fidélité le premier des droits du mari. Toutefois, depuis la réforme du Code de la famille marocaine de 2004, celui-ci prescrit une « fidélité mutuelle »
[7] Ces tâches peuvent être également partagées avec l’homme, à l’instar du Prophète qui aidait pour les corvées incluant les tâches ménagères, la couture, etc.
[8] Cette obligation ne résulte que du droit malékite classique, lorsque la femme veut donner plus d’un tiers de ses biens à un autre; ces dispositions n’ont pas été reproduites dans le droit positif contemporain, et tous les codes d’Afrique du Nord posent a contrario le principe de pleine capacité de la femme mariée
[9] http://www.islamophile.org/spip/Le-mariage-force.html
[10] Dr Abdoul Karîm Zaydân, « Al Moufassal Fî Ahkâmil Mar’ah », https://musulmane.com/le-deroulement-du-mariage-musulman-nikah/
[11] C’est souvent lui qui célèbre le mariage… quoique cela ne soit nullement indispensable, celui-ci pouvant être accompli par n’importe quel autre musulman.
[12] Hadith rapporté par Abôu Dâwôud, www.islam.ms/divorce-en-islam/
[13] http://www.imamabdallah.com/article-comment-divorcer-correctement-en-islam-122162945.html
[14] http://www.imamabdallah.com/article-comment-divorcer-correctement-en-islam-122162945.html
[15] Après le Coran, la seconde source du Fiqh, le droit musulman, est constitué par les hadiths, qui sont des écrits relatant des passages de la vie du prophète.
[16] http://islam-fr.com/coran/francais/sourate-65-at-talaq-le-divorce.html
[17] La polygynie est encore autorisée ou tolérée en 2007, dans des pays représentant près du tiers de la population de la planète. Seulement 10 % des hommes y ont plusieurs femmes, essentiellement les plus riches.
[18] Imam Abdallah, http://islam-fr.com/coran/francais/sourate-4-an-nisa-les-femmes.html
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