Pour la société civile, le divorce est admis et ne pose apparemment pas de problème. Pourtant, ses conséquences sociales sont bien étudiées et connues :
- souffrance des enfants engendrant souvent des difficultés psychologiques, scolaires et sociales[1] ;
- conséquences financières ;
- la pérennité des entreprises familiales est souvent mise en cause lorsque les dirigeants divorcent.
Nous nous étendrons plus loin sur la position de l’Eglise, où la doctrine sur l’indissolubilité du mariage n’a pas changé avec le synode des évêques sur la famille, par contre le contexte de la société a changé, et le regard de l’Eglise, tout comme son langage, ont profondément évolué, notamment à l’égard des divorcés engagés dans une nouvelle union.
- en 1917 le canon 2356, abrogé en 1983, indiquait : Les bigames, c’est-à-dire ceux qui, malgré le lien conjugal, font la tentative d’un autre mariage, du moins civil, comme on dit, sont infâmes par le fait même ; de plus, si, méprisant la monition de l’Ordinaire, ils persistent dans leur concubinage adultérin, que suivant la gravité de leur faute, on les excommunie ou qu’on les frappe d’un interdit personnel.
- en 1981, le pape Jean-Paul II précise : Le respect dû au Sacrement de mariage, aux conjoints eux-mêmes et à leurs proches et aussi à la communauté de fidèles interdit à tous les pasteurs, […] de célébrer en faveur des divorcés remariés des cérémonies d’aucune sorte[2]
- en 1992, le catéchisme de l’Eglise catholique indique au n° 1650 : Si les divorcés sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu. Dès lors, ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation. Pour la même raison, ils ne peuvent pas accéder à certaines responsabilités ecclésiales
- en 2016, le pape François écrit dans Amoris Laetitia aux n° 242 et 243 : Le regard du Christ, dont la lumière éclaire tout homme, inspire la pastorale de l’Église à l’égard des fidèles qui vivent en concubinage, ou qui ont simplement contracté un mariage civil ou encore qui sont des divorcés remariés. […] Il est important de faire en sorte que les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union sentent qu’elles font partie de l’Église, qu’elles ‘‘ne sont pas excommuniées’’ et qu’elles ne sont pas traitées comme telles, car elles sont inclues dans la communion ecclésiale. Ces situations « exigent aussi [que ces divorcés bénéficient d’un] discernement attentif et [qu’ils soient] accompagnés avec beaucoup de respect, en évitant tout langage et toute attitude qui fassent peser sur eux un sentiment de discrimination ; il faut encourager leur participation à la vie de la communauté. Prendre soin d’eux ne signifie pas pour la communauté chrétienne un affaiblissement de sa foi et de son témoignage sur l’indissolubilité du mariage, c’est plutôt précisément en cela que s’exprime sa charité.
On observera le terme « divorcé engagé dans une nouvelle union » et non pas le terme populaire de divorcé-remarié, résultant du fait que l’Eglise ne reconnaît pas une nouvelle union comme un mariage, sauf à ce que la première union ait été reconnue comme sacramentellement invalide. Reste à savoir quelle attitude pastorale adopter en faveur de ces fidèles catholiques. Amoris Laetitia donne des pistes qui méritent d’être approfondies avec l’éclairage du texte entier et non seulement des extraits ci-dessous :
Les Pères synodaux ont affirmé que le discernement des Pasteurs doit toujours se faire en distinguant attentivement les situations, […] il convient donc de discerner quelles sont, parmi les diverses formes d’exclusion actuellement pratiquées dans les domaines liturgique, pastoral, éducatif et institutionnel, celles qui peuvent être dépassées. […] Cette intégration est nécessaire également pour le soin et l’éducation chrétienne de leurs enfants, qui doivent être considérés comme les plus importants ; [A.L. 299]
Pour ce faire, l’Eglise a mis en place de nombreux services pastoraux dans les différents diocèses, mais surtout avec des associations comme Chrétiens Divorcés[3], Miséricorde et vérité[4] ou les équipes Reliance[5] présentées au chapitre 3.
Le travail est particulièrement délicat, comme le rappelait le pape François
Face aux situations difficiles et aux familles blessées,
il faut toujours rappeler un principe général :
‘‘Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité,
ils ont l’obligation de bien discerner les diverses situations’’
Le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas
et il peut exister des facteurs qui limitent la capacité de décision. [A.L. 79]
Il serait intéressant d’effectuer une enquête sur la manière dont le discernement proposé a été mis en œuvre dans les trois années qui ont suivi Amoris Laetitia. Dans l’attente de travaux sur le sujet, voici trois exemples tirés du livre de Guy de Lachaux : Union après un divorce.
La lettre de Mgr. Lebrun adressée aux personnes séparées, divorcées, divorcées remariées, membres de l’Église catholique le 8 septembre 2016[6], comporte une série de quatre demandes de pardon, suivis de considérations marquant sa sollicitude de pasteur :
- pardon pour l’échec de votre mariage devenu l’échec d’une vie, peut-être à cause de regards portés sur vous ou d’attitudes envers vous. […] .
- pardon pour l’indissolubilité de votre mariage devenue un fardeau que vous portez comme une condamnation. C’était pour vous un chemin de liberté, d’amour, de miséricorde, et cela doit le demeurer pour tous.
- pardon pour le rappel de la loi qui vous atteint comme des pierres que Jésus a refusé de jeter sur la femme adultère. La loi est pourtant un chemin pour le bonheur.
- pardon pour l’impossibilité de recevoir les sacrements pour les personnes divorcées engagées dans une nouvelle union. Cela doit être un appel à vous accueillir avec plus de charité.
L’expérience des groupes de parole montre à quelle point l’attente de ces personnes est grande de ne plus être isolées de la communion ecclésiale.
La cérémonie de retour à l’Eucharistie d’un couple remarié, relaté sur le blog d’un prêtre de la Mission de France[7] montre comment et dans quelles conditions, il est possible d’accompagner des divorcés dans une nouvelle union, après le temps de discernement demandé par l’Eglise.
Article suivant : Retrouvailles et réconciliation Table des matières /// Écrire l’auteur |
[1] http://www.enfant-encyclopedie.com/divorce-et-separation/
[2] Familiaris Consortio
[3] http://www.chretiensdivorces.org/
[4] http://www.misericorde-et-verite.fr
[5] http://www.equipes-reliance.fr/
[6] https://www.la-croix.com/Religion/France/Lettre-invitation-Mgr-Dominique-Lebrun-personnes-separees-divorcees-divorcees-remariees-membres-lEglise-catholique-2016-11-02-1200800269
[7] http://www.chautard.info/2017/08/samedi-19-aout-2017-fete-du-retour-a-l-eucharistie-de-philippe-et-annie.html
À propos de l’auteur