Coram VERGINELLI
Exclusion du bien du sacrement
Exclusion du bien des enfants
Tribunal régional de Campanie – 23 mai 2008
P.N. 19.426
Constat de nullité
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PLAN DE L’IN JURE
- La corruption du consentement par des anomalies psychiques
- L’exclusion d’une propriété essentielle du mariage
- L’acte positif de volonté actuel et virtuel
- Les preuves de l’exclusion
- Le cas de l’exclusion de la procréation
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EXPOSÉ DES FAITS (résumé)
Umberto V. et Silvana B. font connaissance en 1998 et très rapidement ont des relations intimes. La jeune fille tombe enceinte et les parents des deux côtés s’efforcent de trouver une solution à ce problème. Il semble bien que le mariage célébré le 18 décembre 1999 ait eu lieu pour sauver la réputation des familles et des jeunes gens, qui venaient pour leur part de passer un doctorat.
Après la naissance de jumeaux, Umberto poursuit ses études de psychiatrie et Silvana, éprouvée par la charge de ses enfants et les absences fréquentes de son mari, soupçonnant de plus des infidélités de la part de celui-ci, finit par demander la séparation légale. D’innombrables litiges sont soulevés au pénal et au civil, par l’épouse, tant et si bien que le mari s’adresse au Tribunal ecclésiastique pour demander la déclaration de nullité de son mariage.
Il est inutile de s’attarder sur les multiples débats et querelles du procès de 1° instance. Au doute ainsi formulé le 11 février 2002 : « La preuve est-elle rapportée que le mariage en cause est nul pour défaut de consentement par exclusion du bien des enfants de la part de chacune des parties, et par exclusion de l’indissolubilité du lien de la part du demandeur, ainsi que pour incapacité psychique de l’épouse partie appelée », la sentence répond affirmativement, mais uniquement pour l’exclusion de l’indissolubilité et du bien des enfants de la part du mari.
En appel à la Rote, le Tour Rotal, le 27 octobre 2005, admet la cause à l’examen ordinaire du second degré et reprend le doute tel qu’il avait été formulé en 1° instance.
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EN DROIT
- Le lien nuptial naît ou est constitué à partir du consentement mutuel entre personnes juridiquement capables, de sexe différent, et qui, en raison de leur baptême, devient un sacrement.
- La corruption du consentement par des anomalies psychiques
De là la communauté indissoluble peut être viciée par un consentement nul de diverses façons. Toutefois le consentement est généralement considéré comme corrompu lorsque les facultés supérieures se révèlent incapables d’assumer et de remplir les obligations essentielles du mariage, selon le c. 1095 CIC, parce qu’elles souffrent d’une anomalie ou d’un désordre psychique.
Quand donc une anomalie engendre une incapacité, ou impossibilité d’assumer les obligations essentielles du mariage pour une cause de nature psychique, il apparaît tout à fait qu’au moins une faculté supérieure est atteinte et qu’en conséquent celui qui se marie ne peut pas assumer les obligations en question, sans lesquelles il ne peut pas mettre en œuvre une communion correcte entre les époux.
C’est pourquoi, à l’exclusion des défectuosités de peu d’importance, il est requis, pour atteindre en sa racine le lien conjugal, un désordre ou une anomalie psychique qui doit « entamer de manière substantielle les capacités de comprendre et/ou de vouloir de celui qui contracte »[1]. Il ne suffit donc pas, pour irriter le mariage, d’une simple difficulté, selon les paroles du Souverain Pontife : « Seule l’incapacité, et non pas la difficulté à donner le consentement […] rend nul le mariage »[2]. Ce commentaire du Législateur Suprême qui a promulgué le Code en 1983 écarte toute difficulté dans l’appréciation des mots du c. 1095 cité.
Dans cette matière difficile et complexe – selon la règle de la loi canonique – le juge recourt à l’aide d’un expert, bien qu’il ne soit pas tenu de suivre l’opinion de ce dernier.
- L’exclusion d’une propriété essentielle du mariage
- La loi canonique ne manque pas de souligner de façon tout à fait expresse que le consentement matrimonial est légitimement exprimé par les époux contractants en vue de constituer une communauté permanente ordonnée à la procréation. Ce consentement interne de l’esprit est présupposé conforme aux paroles et aux signes utilisés dans la célébration du mariage (c. 1096 et 1101 CIC).
Quand donc ces règles canoniques sont violées, le lien indissoluble et perpétuel est écarté, surtout « si l’une ou l’autre partie, ou les deux, par un acte positif de la volonté, excluent le mariage lui-même, ou un de ses éléments essentiels ou une de ses propriétés essentielles, elles contractent invalidement » (c. 1101, § 2).
De façon claire et distincte le mot « exclusion » signifie – du fait que « les noms sont la conséquence des choses »[3] – écarter la naissance d’un lien perpétuel, et pour cette raison le contractant, par un acte positif de volonté, éloigne sa volonté de la constitution du lien.
Il est certain que de tels contrats – une fois valides – tendent nécessairement à la dignité de sacrement, à moins que le pacte entre les conjoints ne soit corrompu par un acte positif de volonté excluant la perpétuité, ou indissolubilité, du lien.
Il est bien connu également que, selon la doctrine jurisprudentielle, l’intention volontaire interprétative ne suffit pas à irriter le mariage, étant donné qu’est requis un acte positif de volonté excluant l’indissolubilité, c’est-à-dire un « velle non », « vouloir que ne soit pas », pour que l’opération de la volonté entraîne la nullité du lien.
- L’acte positif de volonté actuel et virtuel
Pour la validité du lien, c’est-à-dire pour la création d’un lien sacré par l’action de l’opération de la volonté par rapport au lien valide, il suffit – indépendamment de l’intention actuelle – d’une intention virtuelle, par laquelle le propos naturellement déterminé persévère habituellement.
Ceci se conçoit aussi pour l’exclusion, c’est-à-dire qu’une fois conçue, la volonté d’exclure la perpétuité du lien persévère telle quelle jusqu’à l’acte volontaire contraire à l’acceptation de la perpétuité du lien, en connaissance et avec l’évaluation des raisons qui s’y rapportent : par exemple, si à l’époque des fiançailles une partie se trouve dans une exaltation amoureuse démesurée pour toute femme ou pour tout homme, il peut y avoir déjà l’exclusion de la perpétuité ou de l’exclusivité du lien en raison du désir de cette partie de vivre à l’avenir tranquillement et en paix.
- Les preuves de l’exclusion
Les preuves toutefois ne peuvent pas consister dans de simples déclarations des parties et des témoins du fait que sont à examiner attentivement les déclarations extrajudiciaires et judiciaires, qui sont étudiées à la lumière de la foi à accorder aux parties et aux témoins, c’est-à-dire qu’il s’agit de témoignages de crédibilité concernant surtout les éléments déclarés mais aussi les causes prochaines et lointaines de l’exclusion, différentes de la cause qui a poussé au mariage, et tout cela ne peut pas être disjoint des circonstances antécédentes, concomitantes et subséquentes du mariage, et doit être considéré non pas de manière hypothétique mais de manière adaptée à chaque cas isolé ou à chaque cas particulier.
- Le cas de l’exclusion de la procréation
- Lorsque le lien nuptial est accusé de nullité, non seulement pour exclusion de l’indissolubilité mais aussi pour exclusion de la procréation, il faut examiner la situation où la nullité du lien entraîne la liberté vis-à-vis des enfants, au moins de ceux qui viendront dans la suite du mariage, pour que les choses ne se compliquent pas davantage et que le recours à l’avortement ne soit pas souhaité.
Il est vrai que la doctrine de l’Eglise, également exposée par le Concile Vatican II[4], est claire en ce qui concerne la procréation et l’éducation des enfants, et celui qui veut un mariage nul par exclusion de l’indissolubilité exclut souvent par le fait même la procréation pour que ses obligations n’aient pas d’influence majeure sur ses relations avec son conjoint.
Dans l’exclusion de la procréation celui qui se marie emploie les mêmes principes d’exclusion que dans l’exclusion de la perpétuité.
Dans le cas d’une grossesse prénuptiale, la grossesse non seulement entraîne éventuellement l’exclusion de la perpétuité, mais la plupart du temps entraîne l’exclusion d’une procréation future en raison de l’enfant conçu, et si la naissance est celle de jumeaux – comme il arrive communément à notre époque – le nombre certain d’enfants déjà envisagés, et cela surtout, est pris en compte tant par rapport à la situation sociale et économique que par rapport à un concept prudentiel relatif à la santé et à la charge des parents qui ne veulent pas, ou qui ne peuvent pas, consacrer beaucoup de temps à leurs enfants, compte tenu enfin du travail quotidien qu’ils ont à accomplir.
- Ce que la loi de l’Eglise regarde comme principal, à savoir le bien des enfants avec ses conséquences, devient pour les parents quelque chose d’ajouté qui fait que leurs enfants sont confiés à une œuvre pour enfants et par la suite à une école ou un collège, ou que ceux qui dépassent un certain nombre sont supprimés par un avortement selon une loi spécifique inique qui, « chose digne de peine », crie vers Dieu dans l’appauvrissement maximal de la dignité des hommes et des nations.
Ainsi l’intention corrompue de celui qui se marie entraîne la disparition des enfants, du mariage et encore plus du bien des conjoints, du fait surtout que sont pratiqués des actes sexuels sans fruits à partir des mêmes méthodes diffusées grandement par les Etats sous diverses formes persuasives qui se répandent même chez des catholiques consciencieux.
EN FAIT
- On remarque tout de suite un état de conflit entre les époux et en même temps une tendance très forte aux relations sexuelles, surtout du côté de l’épouse, jalouse au point de frapper son mari parce qu’il avait fait la rencontre d’une jeune fille dans un congrès. D’ailleurs cette jalousie avait existé dès le début de leurs fréquentations.
C’est l’épouse cependant qui a demandé la première la séparation, mais c’est le mari qui a saisi le tribunal ecclésiastique pour une déclaration de nullité de mariage.
Tout au long du procès se sont manifestés une haine et des reproches extrêmement vifs, et les témoins ont fait preuve de partialité, ceux du mari défendant celui-ci et ceux de l’épouse accusant le mari.
- La sentence de 1° instance n’a pas retenu l’exclusion du bien des enfants de la part de l’épouse, ni l’incapacité de celle-ci d’assumer les obligations essentielles du mariage, d’une part en s’appuyant sur la jurisprudence de la Rote espagnole et non sur celle de la Rote Romaine, qui seule est la jurisprudence reconnue, et d’autre part en privilégiant les déclarations de l’épouse et de ses témoins.
- Les Juges du Tour Rotal constatent que le mari a reçu une éducation chrétienne, mais sa conduite d’avant le mariage, qui a entraîné la grossesse de l’épouse, montre qu’il n’a pas été fidèle à cette éducation. Par ailleurs, alors qu’il n’a pas grandi dans une culture favorable au divorce, il accuse son mariage de nullité pour exclusion de sa part de l’indissolubilité.
Toutefois il vaut mieux s’attacher aux faits qu’aux déclarations des parties.
- Le caractère de l’épouse partie appelée, où tous notent une jalousie continuelle, laisse entrevoir un désordre psychique. Cependant la sentence de 1° instance a rejeté ce chef parce que le dossier de la cause ne contenait pas l’examen direct de la femme par l’expert désigné d’office. En admettant la cause à l’examen ordinaire du second degré, le Tour Rotal a estimé que le demandeur, médecin, aurait dû se rendre compte de l’état psychique de sa fiancée. Or, même devant la Rote, l’avocat du demandeur n’a pas requis une nouvelle expertise.
- En ce qui concerne le bonum prolis, l’épouse déclare qu’il n’y a eu aucune exclusion de sa part et de la part de son mari, contrairement à ce que disent la mère du demandeur et le demandeur lui-même.
- Les déclarations des uns et des autres sont tellement contradictoires et confuses qu’il est vain d’essayer d’y voir clair. On s’en tiendra donc seulement à la conclusion des Juges : le mariage est nul pour exclusion du bien du sacrement de la part de l’époux demandeur et pour exclusion du bien des enfants de la part des deux époux. La preuve de l’incapacité de l’épouse d’assumer les obligations essentielles du mariage n’est pas rapportée.
Giovanni VERGINELLI, ponent
Egidio TURNATURI
Maurice MONIER
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[1] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 5 février 1987, AAS 79, 1987, p. 1457, n. 7
[2] Même endroit
[3] Just. Inst. II, 7, 3
[4] Const. GAUDIUM et SPES, n. 48 et 50 ; cf. aussi c. 1055 § 1
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