38_FerreiraPena_19juin2009

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Coram  FERREIRA  PENA

 Grave défaut de discretio judicii

Incapacité d’assumer

 Rio de Janeiro (Brésil) – 19 juin 2009

P.N. 17.613

Constat de nullité

pour incapacité d’assumer

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PLAN  DE  L’IN  JURE

  1. LA DISCRETIO JUDICII
  2. Le consentement matrimonial requiert une discretio judicii proportionnée
  3. Le défaut de discretio judicii et l’immaturité
  1. L’IMMATURITÉ PSYCHO-AFFECTIVE
  2. Nature de l’immaturité psycho-affective
  3. Quelques sources de l’immaturité psycho-affective
  4. Quelques manifestations de l’immaturité psycho-affective
  5. Conséquences de l’immaturité psycho-affective sur le mariage
  1. L’INCAPACITÉ D’ASSUMER
  2. « Acte humain » du contractant et « consentement matrimonial »
  3. Immaturité psycho-affective et incapacité d’assumer
  1. LA PREUVE DE L’INCAPACITÉ D’ASSUMER

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EXPOSÉ  DES  FAITS  (résumé)

 Le 2 juillet 1983, Vera D.P., née le 16 septembre 1958, architecte, catholique, épouse Samuel D.S., né le 1° février 1953, négociant, presbytérien. Les époux s’étaient connus en 1979 et s’étaient fiancés avec le consentement des deux familles.

 Dès le début de la vie commune, des difficultés apparaissent dans le foyer et elles s’aggravent de jour en jour, surtout après la naissance d’une fille, en juillet 1984, causées particulièrement par la négligence du mari dans son devoir de subvenir aux besoins de sa famille et dans son activité professionnelle. Samuel quitte sa femme et sa fille, divorce en 1991 et se remarie. La vie conjugale n’avait duré que quatre ans et demi.

 Persuadée de la nullité de son union, Vera, (qui, devant la lenteur du procès se remariera elle aussi), présente un libelle au Tribunal ecclésiastique de Rio de Janeiro, demandant la déclaration de nullité de son mariage pour défaut de discretio judicii et incapacité d’assumer les obligations conjugales essentielles, de la part du mari, ainsi que pour erreur déterminant la volonté, toujours de la part du mari, au sujet de l’unité, l’indissolubilité et la dignité sacramentelle du mariage. Au cours de l’instruction une expertise sur les actes est effectuée. Le 17 mai 1996, le Tribunal rend une sentence négative sur tous les chefs.

 

En appel au Tribunal de Sao Paulo, a lieu une nouvelle expertise, de nouveau sur les actes. Le 2 septembre 1997, les Juges reconnaissent la nullité du mariage pour défaut de discretio judicii du mari, ainsi que pour incapacité d’assumer les obligations conjugale de sa part, mais rejettent le chef d’exclusion du bien de la fidélité en ce qui le concerne.

 

En troisième instance à la Rote, le doute est concordé le 22 octobre 2004 sous la formule suivante : La preuve est-elle rapportée que le mariage en cause est nul pour grave défaut de discretio judicii concernant les charges essentielles du mariage de la part du mari partie appelée, selon le c. 1095, 2°, et/ou pour incapacité d’assumer les obligations conjugales pour des causes de nature psychique, de la part du mari partie appelée, selon le c. 1095, 3°.

 

Les Pères, le 21 avril 2006, ordonnent un complément d’instruction, qui se révèle difficile en raison de la mort de la mère adoptive du mari, dont la déposition était attendue, et en raison également du refus du mari de se soumettre à une expertise, qu’il estimait offensante, et de faire une nouvelle déposition, comme s’il était un « malade mental ». Une nouvelle expertise sur les actes est effectuée. Il Nous faut aujourd’hui répondre au doute concordé.

 

EN  DROIT

 

  1. LA DISCRETIO JUDICII

 

  1. Le c. 1057 statue :

« § 1. C’est le consentement des parties légitimement manifesté entre personnes juridiquement capables qui fait le mariage ; ce consentement ne peut être suppléé par aucune puissance humaine.

  • 2. Le consentement matrimonial est l’acte de la volonté par lequel un homme et une femme se donnent et se reçoivent mutuellement par une alliance irrévocable pour constituer le mariage. »

 

  1. Le consentement matrimonial requiert une discretio judicii proportionnée

 

De la lettre de la loi on peut déjà saisir l’importance existentielle de l’acte – qui consiste dans la mutuelle donation-acceptation des personnes – et, par relation, la maturité requise pour le poser. De là et à juste titre vient l’opinion ancienne selon laquelle pour contracter mariage il suffirait d’avoir la discretio judicii qui suffit pour pécher mortellement. Le Docteur Angélique, cependant, faisait remarquer que pour le consentement conjugal – par lequel, selon l’expression traditionnelle, est instituée une certaine servitude perpétuelle – est requise une discretio plus grande que pour un péché mortel, qui présuppose en vérité un simple consentement pour le présent.[1]

 

Ceci est d’autant plus vrai aujourd’hui où, sous la conduite du magistère du Concile Vatican II, on s’efforce de regarder le mariage dans la plénitude des significations, charges et biens dont il est doté de par l’ordonnancement du Créateur, et où l’on explore plus clairement les justes limites de la maturité nécessaire pour se marier validement.

 

Le texte de référence reste la nome du c. 1095, qui déclare en son 2° : « Sont incapables de contracter mariage les personnes […] qui souffrent d’un grave défaut de discretio judicii concernant les droits et les devoirs essentiels du mariage à donner et à recevoir mutuellement ».

 

  1. Le défaut de discretio judicii et l’immaturité

 

Parfois cette discretio judicii, proportionnée au mariage, que peut-être a acquise celui qui se marie, peut être déficiente en raison de la survenance de conditions psychiques maladives, qui vicient la coopération correcte des facultés supérieures de la personne, ou bien en raison d’états mentaux même transitoires, résultant par exemple d’un grave traumatisme ou de pressions externes violentes, qui restreignent tellement l’espace de la libre décision délibérée et convenable que le sujet ne peut plus être dit « auteur et acteur » de son consentement matrimonial.

 

Il arrive parfois – hélas assez souvent de nos jours – que celui qui se marie, bien qu’ayant atteint l’âge où la loi présume l’acquisition de la capacité physique et psychique (cf. c. 1083), ne soit pas encore doué de cette maturité humaine dont l’absence fait que la volonté nuptiale, quasiment dépourvue de fondement, ne peut pas produire un lien valide.

 

« On ne doit pas oublier enfin que l’équilibre de l’évolution humaine non seulement est compromis en raison d’un début inapproprié ou d’un arrêt mais qu’il peut s’inverser par une véritable régression à des stades précédents et donc encore moins adéquats »[2].

 

  1. L’IMMATURITÉ PSYCHO-AFFECTIVE

 

  1. Nature de l’immaturité psycho-affective

 

  1. Dans le domaine matrimonial canonique on parle habituellement de l’immaturité psycho-affective pour indiquer le défaut de l’évolution de la personnalité chez celui qui, sous l’aspect strictement intellectif-cognitif, se montre doué d’une vivacité intacte et peut-être subtile, mais qui manque de la capacité de dominer les pulsions des passions et des affects, et donc est empêché de réaliser une évaluation adéquate des motifs qui s’opposent entre eux, ou de prendre une décision délibérée libre d’impulsions internes. En un mot, il est empêché de consentir validement au mariage.

 

  1. Quelques sources de l’immaturité psycho-affective

 

Cette immaturité a plusieurs sources, de genres différents, comme l’enseigne la Jurispru-dence de Notre For, puisqu’elle peut provenir :

« a. de l’immaturité connexe à l’adolescence, qui se distingue cependant de l’immaturité inscrite dans la structure de la personnalité, parce qu’elle a un caractère transitoire et qu’elle est plutôt considérée comme une carence de l’expérience de la vie que comme un défaut radical de la personnalité ou du caractère ;

  1. de traits d’immaturité du caractère lui-même, qui persistent même à l’âge adulte bien que la personne ait atteint l’âge adulte chronologique, et qui marquent d’une certaine faiblesse la capacité de vouloir, d’instabilité et d’inconstance les opinions et certitudes personnelles, d’infantilisme la propre façon d’agir, d’insuffisance la modération des émotions, même s’il n’y a pas nécessairement des signes de désorganisation de la personnalité ;
  2. de la désorganisation de la personnalité dont le principal symptôme est précisément l’immaturité affective, qui se rencontre avant tout dans la personnalité hystérique, paranoïaque, inadaptée, instable dans ses émotions, irresponsable et superficielle sous l’aspect émotionnel ou sociopathique[3], ainsi que dépendante[4]. Elle se distingue des autres immaturités par les signes suivants : instabilité et superficialité de l’affectivité, sensibilité et hostilité exacerbées, carence du sens des responsabilités et de la réalité, et ainsi de suite ;
  3. du contexte d’un retard mental qui montre l’immaturité et qui est multiforme : fixation exagérée sur l’image des parents, besoin d’une très forte protection, grave manque d’autonomie, narcissisme et égoïsme, inaptitude à surmonter les conflits ainsi qu’à établir une profonde relation intersubjective[5]».[6]

 

  1. Quelques manifestations de l’immaturité psycho-affective

 

  1. Dans les écrits de l’éminent psychiatre De Caro on trouve une description claire de certaines manifestations où se reconnaît, surtout sous l’aspect affectif-émotif, l’immaturité de la personne :

– une incapacité d’avoir en son pouvoir les pulsions des affects et des passions, qui non seulement exercent une influence sur la manière d’agir de celui qui se marie, mais ont une incidence sur sa sphère noétique, en changeant en quelque sorte sa faculté critique et estimative ;

– une trop grande sujétion aux excitations hédonistes ou érotiques, qui agressent l’individu de façon imprévue et irrésistible, en se soustrayant à la domination de la volonté et de la raison ;

– un sentiment d’incertitude dans les choix, une tendance à rester dans les schémas affectifs propres à l’enfance, par exemple avec la nécessité prépondérante d’adhésion à l’un ou l’autre de ses parents, le plus communément à sa mère ;

– une difficulté à instaurer des relations interpersonnelles et sociales valides, même dans le domaine du travail, à laquelle le sujet préfère une vie inepte et dépourvue de sens, ou mêlée à de dangereuses expériences érotiques ;

– une incapacité à affronter de nouvelles circonstances qui comportent des efforts d’organisation, et à s’y adapter. Ces nouveautés engendrent anxiété et désordres émotifs ;

– une incapacité ou une non-disponibilité à assumer le mariage comme un lien stable et irrévocable, fondé sur une véritable communauté de vie et une pleine et mutuelle oblativité ;

– une difficulté à transférer ses propres forces émotives de la sphère privée-égoïste (et peut-être narcissique) à la sphère publique-sociale.[7]

 

  1. Les conséquences de l’immaturité psycho-affective sur le mariage

 

Cela dit, il n’y a pas de raison que nous nous attardions sur les attitudes de la personnalité immature dans la décision du mariage. En effet, « dans l’immaturité affective, où l’intelligence reste normale, ce qui est en cause, ce n’est pas le jugement théorique, mais le jugement pratico-pratique, et cela est dû à l’arrêt ou à la régression du développement de la personnalité, par rapport à l’affectivité […]. Le processus délibératif antérieur exige l’oblativité et la responsabilité de l’adulte […]. L’immature affectif, fixé ou retourné à un stade de développement inférieur, célébrera  le mariage avec la motivation d’un adolescent ou d’un enfant »[8].

 

Sans qu’on passe sous silence la coercition de la liberté intérieure qu’éprouve le sujet immature en raison du violent conflit de ses instincts et de ses affects, dont la maîtrise excède totalement ses forces.

  1. L’INCAPACITÉ D’ASSUMER

 

  1. Selon la norme du c. 1095, 3°, sont incapables de contracter mariage ceux qui sont atteints d’une incapacité d’assumer, pour des causes de nature psychique, les obligations essentielles du mariage.

 

  1. « Acte humain » du contractant et « consentement matrimonial»

 

Dans ce cas, celui qui se marie, qui jouit de l’usage de la raison et peut-être de discretio judicii, peut émettre un « acte humain », qui toutefois ne peut pas être reconnu comme un authentique « consentement matrimonial », puisqu’un consentement valide présuppose et requiert, de la part du sujet, la capacité de mettre à exécution ces obligations qu’il a assumées en exprimant sa volonté de se marier.

 

« A coup sûr, il n’est pas facile de déterminer a priori toutes et chacune de ces obligations. Cependant le critère semble plausible, selon lequel il faut faire appel aux fins du mariage (le bien des conjoints et le bien des enfants) et aux propriétés essentielles du mariage (le bien du sacrement et le bien de la fidélité), tous éléments qu’il est plus facile de déterminer en relation avec un cas concret »[9].

 

Doit donc être déclaré incapable de contracter validement un mariage celui qui, pour des causes psychiques, ne peut construire une relation duelle et paritaire ordonnée au progrès mutuel des époux, à obtenir dans une conjonction perpétuelle et fidèle, ainsi qu’à l’accueil et à l’éducation d’enfants.

 

  1. Immaturité psycho-affective et incapacité d’assumer

 

En raison de ce qui précède, il apparaît à chacun que l’immaturité psycho-affective, bien qu’elle n’atteigne pas une telle vigueur qu’elle enlève chez celui qui se marie la capacité de réaliser un acte humain, peut le rendre cependant incapable, lorsqu’elle est d’un niveau notable, d’assumer et de remplir les obligations essentielles du mariage.

 

En effet, puisque « l’affectivité est un des éléments essentiels de la personnalité humaine », les sujets qui souffrent d’une grave diminution de maturité psycho-affective sont radicalement incapables de porter les charges du mariage : « Il s’agit en effet d’individus qui ne peuvent dominer leurs passions et leurs impulsions, et qui sont incapables d’une véritable donation ; chez eux, l’évolution des instincts, des sentiments, des impulsions, n’atteint absolument pas la maturation. De ce fait, le consentement matrimonial qu’ils donnent est à considérer comme invalide, puisqu’ils sont incapables d’assumer et de remplir les devoirs essentiels du mariage »[10].

 

  1. « Une certaine exception dans la généralité législative de la rédaction du c. 1095 – fait remarquer justement la Jurisprudence de Notre For – se trouve dans la détermination de la cause d’incapacité d’assumer les obligations conjugales (« pour des causes de nature psychique », c. 1095, 3°). Cette indication cependant semble très utile dans l’application de cette norme, parce qu’elle exige du juge qu’il évalue le véritable lien de causalité pour lequel l’incapacité d’assumer est dite exister, de telle sorte que soit mis davantage en lumière s’il s’agit d’une véritable incapacité ou non. Il ne suffit pas en effet d’une simple constatation, même si elle est bien prouvée, du non-accomplissement des obligations conjugales. Cet état de choses peut en effet avoir parfois une tout autre raison, comme par exemple des défauts du caractère, ou, directement, la volonté du conjoint de ne pas remplir ces obligations (en tout ou en partie), en commençant surtout à partir d’une certaine période de la vie commune »[11].

 

L’enseignement du Pape Jean-Paul II ne doit jamais sortir de notre esprit : « Pour le canoniste, le principe doit rester clair que seule l’incapacité, et non pas la difficulté, à donner le consentement et à réaliser une vraie communauté de vie et d’amour, rend nul le mariage […]. On ne peut faire l’hypothèse d’une véritable incapacité qu’en présence d’une forme sérieuse d’anomalie qui, de quelque façon qu’on la définisse, doit entamer de manière substantielle les capacités de comprendre et/ou de vouloir de celui qui contracte »[12].

 

  1. LA PREUVE DE L’INCAPACITÉ D’ASSUMER

 

  1. Dans la preuve de l’incapacité on doit procéder, de manière habituelle, en commençant par les déclarations des parties et des témoins dignes de foi, qui peuvent décrire l’état mental de l’incapable présumé au moment du mariage, et rapporter de façon précise des signes peut-être évidents de l’évolution inachevée de sa personnalité.

 

« Pour que l’affaire soit davantage débrouillée, vraiment plus subtilement, pour reconnaître le sérieux d’un défaut de discernement ou les causes psychiques d’une incapacité, il faut utiliser les services d’un expert selon le critère du juge (c. 1574 et 1680).

 

Il revient à l’expert d’accomplir sa charge selon les principes d’une saine anthropologie chrétienne, absolument étrangère au matérialisme qui réduit à néant l’esprit de l’être humain, et au déterminisme qui exténue la liberté, des principes qui exigent que l’on accède au psychisme de l’être humain selon la vérité à la lumière de la science.

 

Ensuite, le diagnostic établi par l’expert ne doit pas être accepté immédiatement et sans critique par le juge canonique et encore moins appliqué immédiatement à la nullité du mariage »[13].

 

D’ailleurs il n’appartient pas à l’expert de porter un jugement sur la suffisance – ou l’insuffisance – de la discretio, ou sur l’existence – ou l’absence – de la capacité d’assumer les obligations du mariage : la réponse à ces questions est du domaine exclusif du juge, qui sera aidé par l’expertise dans l’évaluation de la condition psychique du contractant à l’époque où il a émis son consentement, ainsi que dans la mesure de la gravité, de l’origine et de l’influence de l’anomalie par laquelle le sujet est dit privé de la capacité de porter les obligations conjugales.

 

 

EN  FAIT  (résumé)

 

  1. Rappel de la biographie du mari partie appelée

 

La mère de Samuel est morte en le mettant au monde et son père l’a abandonné pour se remarier et se consacrer à sa nouvelle famille. L’enfant a été confié à sa tante maternelle qui, avec son mari, l’a élevé. Samuel a été choyé par eux, qui, par ailleurs n’avaient pas de problèmes d’argent. Cette vie facile n’a pas permis le développement de son sens des responsabilités : pour Samuel, tout lui était dû et il se mettait en colère s’il ne pouvait pas avoir ce qu’il souhaitait.

Il a eu plusieurs problèmes de santé. Adolescent il a été soigné pour une dysrythmie et il a pris du Gardénal, qu’on donne pour lutter contre l’épilepsie.

 

Même si avant le mariage il n’a montré aucun signe de maladie psychique, il s’est révélé, dès le début de sa vie conjugale, incapable de remplir les obligations matrimoniales essentielles, et il a fait preuve d’une grave immaturité dans sa conduite. Il a été incapable de subvenir aux besoins de son foyer, sans cesse commençant un travail et l’abandonnant très vite, et il a dû recourir à l’aide matérielle et financière de son beau-père.

 

  1. La personnalité du mari, selon les actes

 

La demanderesse met en lumière le caractère difficile et inconstant de son mari. Elle rapporte un certain nombre de faits relatifs à son enfance, recueillis auprès de la mère adoptive de Samuel, dont une menace de son patron de le licencier en raison de sa désobéissance, son impatience devant les difficultés, et elle n’oublie pas ses infidélités conjugales.

 

La mère de l’épouse parle de l’instabilité émotive de Samuel, de ses changements d’humeur, de sa négligence dans les charges du foyer. D’autres témoins, comme l’oncle de la demanderesse, qui est médecin, ou le frère de Vera, confirment l’instabilité de tempérament du mari, et certains mettent en cause à ce sujet le manque d’éducation dont il a souffert dans sa famille d’adoption.

 

Samuel rejette, pour sa part, toute infirmité psychique, mais il ne présente aucun témoin et sa mère adoptive est morte sans avoir pu être entendue par le tribunal. Toutefois les certificats de crédibilité de la demanderesse et des témoins permettent d’accorder foi à leurs dépositions.

 

  1. Les experts

 

L’expert du 1° degré, le docteur A., reconnaît chez Samuel un trouble de la personnalité avec prédominance de manifestations sociopathiques ou asociales, auquel s’ajoute une immaturité. L’expert semble insister plutôt sur les séquelles de cette immaturité sur la capacité de discernement et de décision délibérée du mari.

 

L’expert de 2° instance, le docteur C., confirme le diagnostic de son confrère, tant en ce qui concerne son désordre de personnalité que son immaturité, et il justifie son jugement en rappelant des événements caractéristiques de la vie de Samuel.

 

En troisième instance, le professeur P.C., effectuant son expertise sur les actes puisqu’il n’a pas pu rencontrer l’intéressé, estime qu’« on ne peut pas, avec une certitude scientifique, affirmer que le mari partie appelée avait un trouble de la personnalité. L’hypothèse alternative est qu’il était simplement oisif, qu’il avait d’autres valeurs que sa femme, qu’il affrontait la vie de façon suffisante : ce style de vie n’est pas nécessairement à associer à un trouble de personnalité antisociale ».

 

Toutefois, l’expert est formel : « il y avait chez lui, de façon sûre, une immaturité psycho-affective », et il confirme sur ce point les analyses des deux psychiatres précédents, après avoir examiné avec soin la biographie du mari.

 

  1. Conclusion

 

De ces trois expertises les Juges tirent la conclusion que l’immaturité du mari partie appelée n’était pas telle qu’elle lui aurait enlevé la possibilité de réaliser un acte proprement humain, c’est-à-dire qu’elle n’a pas causé chez lui un grave défaut de discretio judicii. Toutefois cette immaturité a été la cause de nature psychique en raison de laquelle le mari n’a pas pu mettre à exécution le bien des conjoints et celui des enfants, et respecter l’exclusivité et l’indissolubilité du mariage.

 

L’impossibilité d’évaluer l’état présent de la maturité du mari, en raison de sa contumace obstinée, amène à mettre un vetitum à un nouveau mariage de sa part.

 

 

Constat de nullité

seulement pour incapacité d’assumer

les obligations essentielles du mariage

pour des causes de nature psychique

 

 

Vetitum pour le mari

 

 

Jair FERREIRA PENA, ponent

Giovanni Baptista DEFILIPPI

Robert M. SABLE

 

__________

 

[1] SAINT THOMAS, In IV Sent., dist. XXVII, q. 2,

[2] C. SERRANO, 24 juin 1994, SRRDec, vol. LXXXVI, p. 360, n. 6

[3] Cf. J.M. AREAVEY, Emotional Immaturity, p. 93 et suiv.

[4] Cf. G.E. VAILLANT-J.ch. PERRY, Personnality Disorders, dans Comprehensive Textbook of Psychiatry, vol. I, Baltimor-Londres, 1985, p. 982 et suiv.

[5] Cf. H. EY-P. BERNARD-Ch. BRISSET, Manuel de Psychiatrie, trad. Ital., 1979, p. 670-671

[6] C. STANKIEWICZ, 11 juillet 1985, SRRDec, vol. LXXVII, p. 357, n° 6

[7] Cf. D. DE CARO, L’immaturità psico-affettiva nel matrimonio canonico, dans l’ouvrage collectif L’immaturità psico-affettiva nelle giurisprudenza della Rota Romana, Cité du Vatican, 1990, p. 6

[8] J.M. PINTO GOMEZ, L’immaturità affettiva nella giurisprudenza rotale, dans L’immaturità psico-affettiva nella giurisprudenza della Rota Romana, cité, p. 46-47

[9] C. ERLEBACH, 29 octobre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 680, n. 6

[10] C. BRUNO, 16 décembre 1988, SRRDec, vol. LXXX, p. 748, n. 6

[11] C. ERLEBACH, 1° avril 1998, SRRDec, vol. XC, p. 305, n. 9

[12] JEAN-PAUL II, Discours à la Rote, 5 février 1987, n. 7

[13] C. SERRANO, 9 novembre 1998, SRRDec, vol. XC, p. 724, n. 7

À propos de l’auteur

Yves Alain administrator

Je suis un homme ordinaire, évoluant d'une posture de sachant à celle de sage. La vie m'a donné de nombreux privilèges : français, catholique, marié, père de six enfants, grand-père, ingénieur polytechnicien, canoniste, médiateur, coach, écrivain et chef d'entreprise (https://energeTIC.fr) Il me faut les lâcher peu à peu pour trouver l'essentiel. Dans cette quête, j'ai besoin de Dieu, de la nature et peut-être de vous.