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Adresse finale

Chapitre 12 : Adresse finale

  1. Conclusion

Un jour sur la place saint Pierre une dame arrête le Cardinal Bertone et lui dit :

 J’ai appris que vous allez à Cagliari pour tenir une conférence sur la justice dans l’Eglise. Eh bien je vous dis, moi, qu’il n’y a pas de justice dans l’Eglise[1].

Les développements de cet ouvrage nous offrent une vision plus positive que celle-ci, même s’il importe d’écouter des affirmations comme celle de cette dame :

L’Eglise doit écouter, s’élever, se pencher sur les douleurs et les espérances des personnes selon la miséricorde et elle doit le faire sans avoir peur de se purifier elle-même, en recherchant assidûment la voie pour s’améliorer[2].

La justice administrative de l’Eglise est à l’œuvre, nous l’avons vu et nous pouvons nous en réjouir.

Elle a sans doute encore à progresser, sur les aspects de procédure évoqués au chapitre précédent mais aussi sur les principaux thèmes suivants :

  • face aux fautes les plus graves, où la nécessaire protection des victimes pourrait faire parfois oublier le droit de la défense ;
  • face aux révélations privées et aux nouveaux mouvements religieux, où la passion qu’engendrent les charismes entraine parfois des jugements pour ou contre avant même qu’une enquête sérieuse ne soit menée ;
  • dans les conflits internes aux Eglises particulières et aux Congrégations religieuses, où les procédures de dialogue et de médiations sont parfois inopérantes, si bien que la justice n’est sollicitée qu’au moment de l’exclaustration, de la mutation ou de la révocation ;
  • dans la reconnaissance des associations de fidèles où les critères d’ecclésialité sont appliqués de façon peu transparente ;
  • dans l’information des fidèles catholiques sur l’existence et le fonctionnement de la justice administrative, largement méconnue.

Il y va de la crédibilité de l’Eglise, comme le rappelle le pape Benoît XVI :

Le Peuple de Dieu en pèlerinage sur terre ne pourra pas remplir son identité de communauté d’amour s’il ne respecte pas les exigences de la justice[3].

Espérons que l’année du cinquantenaire de la deuxième section permettra de faire un pas prudent et mesuré vers une justice plus adaptée aux fidèles de notre époque. Il y va de la « diaconie de la justice » que le Saint-Père et le Conseil des Cardinaux ont examiné cette année au cours de leur XVIIIème réunion[4].

J’adresse toute ma gratitude aux personnes qui m’ont appris la droiture par leur témoignage de vie, ceux qui m’ont enseigné le droit canonique, accueilli dans le monde des canonistes et aidé dans la réalisation ou la diffusion[5] du présent ouvrage. Outre mon épouse Sylvie, la plupart d’entre elles sont cités dans le texte tandis que d’autres ont souhaité rester anonymes. Que Dieu les bénisse.

J’adresse aussi mes excuses pour les lacunes, imperfections et peut-être les erreurs du présent ouvrage, et je demande à ceux qui les constateront de bien vouloir me les signaler[6] pour que je puisse en tenir compte dans les prochaines éditions.

Malgré ses imprefections, j’espère que cet ouvrage sera un instrument utile pour la protection des droits des fidèles et le bien commun de l’Eglise, comme le souhaite le cardinal Pasinya :

C’est donc une mission évangélisatrice que de mettre à disposition des Eglises particulières des instruments nécessaires pour la protection des droits des fidèles[7].

A cet effet, je dédie ce livre à « Canonistes sans frontières » qu’il convient maintenant de présenter :

 

  1. Canonistes sans frontières

Avant le Concile, l’encyclique fidei donum[8] sur le renouveau de la mission fut très importante pour le développement de l’évangélisation en Afrique et dans les pays en développement, où l’Église est actuellement florissante. Elle encourage les prêtres européens à aller servir pour un temps dans un diocèse de mission. Aujourd’hui cette encyclique reste d’actualité pour les prêtres, mais aussi pour les laïcs qui s’engagent pour un temps comme volontaires dans des associations catholiques missionnaires comme les Missions étrangères de Paris. Dès lors, pourquoi ne pas l’appliquer aussi aux canonistes des pays développés, qui comportent d’ailleurs une part croissante de laïcs ?

« Canonistes sans frontières » est un réseau international de canonistes, sans mandat particulier de la hiérarchie de l’Église, mais avec le désir de promouvoir le droit canonique et la justice ecclésiastique principalement dans les pays en développement, et pour les fidèles catholiques.

En 2016, « Canonistes sans frontières » a initié trois types de services :

  1. des conseils canoniques aux fidèles catholiques ;
  2. des services aux officialités ;
  3. le partage d’informations pour les canonistes.

En 2017, « Canonistes sans frontières » prévoit deux nouveaux services :

  1. mener des « opérations coup de main » pour le démarrage de nouvelles officialités
  2. structuration juridique du réseau « Canonistes sans frontières»

 

2.1. Orienter les fidèles catholiques

De nombreux diocèses apportent une information précise sur les droits et obligations des fidèles au sein de l’Église, et sur les moyens de les faire respecter en faisant recours aux structures ecclésiales prévues à cet effet. D’autres diocèses taisent jusqu’à l’adresse de l’officialité en charge des procès matrimoniaux, si bien que des fidèles ne savent pas toujours à qui s’adresser lorsqu’ils rencontrent des difficultés juridiques dans leur vie de chrétiens. Sans se substituer aucunement aux instances compétentes de l’Église, Canonistes sans frontières apporte une information canonique de base sur son site www.canonistes.org et répond aux questions individuelles des fidèles catholiques, en vue de les orienter vers les bonnes structures de l’Église.

 Discerner la validité d’un mariage

De plus en plus fréquemment, des couples en difficulté cherchent à discerner la validité de leur mariage avant de prendre la décision éventuelle de se séparer. Canonistes sans frontières les invite à identifier et rencontrer dans leur diocèse « la structure d’information, de conseil et de médiation » prévue par le Subsidium pour l’application du motu proprio Mitis Iudex, « pour l’enquête préliminaire aux procès matrimoniaux ».

Engager un procès en nullité de mariage.

Une fois leur divorce civil prononcé, des laïcs cherchent renseignements pour engager un procès canonique de reconnaissance de nullité de mariage. Canonistes sans frontières les informe sur les procédures en vigueur et sur les officialités compétentes en fonction de leur situation.

Dépasser les conséquences d’une situation calomnieuse

A plusieurs reprises des prêtres ont subi ce qu’ils qualifient de calomnies, et il en est résulté des sanctions et des décisions administratives dommageables qui les ont parfois fait quitter leur diocèse en se retrouvant parfois sans incardination effective c’est-à-dire vagus ou acéphale. Canonistes sans frontières les renseigne sur leurs droits et obligations et, lorsque la situation le justifie, les aide à mener les procédures de recours gracieux, hiérarchique ou contentieux-administratifs leur permettant d’obtenir une excardination et/ou une incardination conforme à leurs compétences et aux besoins de l’Église.

Voici quelques exemples de témoignages reçus :

  • au Sénégal, un évêque mute un curé hors de son diocèse à partir de témoignages des paroissiens. Trente ans plus tard, d’autres paroissiens réunissent des preuves et interviennent auprès de l’évêque qui a fait partir le curé, et celui-ci reconnaît que les accusations reçues n’étaient que des calomnies ;
  • Père F : bravo pour votre travail ! Figurez-vous que je suis depuis des mois sous le coup d’une dénonciation calomnieuse qui ne serait rien si elle n’avait été relayée par [une université catholique] Connaissez-vous un canoniste (prêtre de préférence pour avoir plus de poids) qui pourrait m’aider à « remettre les pendules à l’heure » ? […] Enfin je prends tout cela et d’autres épreuves comme une croix salutaire […] fraternellement, Abbé M. (17 janvier 2017)
  • Père E : Que le Seigneur continue de bénir votre travail pour le bien de l’Église. Toutes nos félicitations pour votre ouvrage et l’extension de votre site ! Vous faîtes du bien à notre Église. Continuez cette année et les suivantes. Nous nous souvenons avec gratitude de votre écoute et de vos réponses concernant notre situation plutôt particulière. Depuis notre rencontre, j’ai envoyé mon recours à Rome concernant ma sortie de la vie religieuse. J’ai été débouté. (3 février 2017)

 

Rétablir le dialogue au sein d’un institut religieux

Un nombre croissant de religieux demande de l’aide pour rétablir un dialogue constructif avec leur supérieur. Canonistes sans frontières leur apporte un soutien moral, leur précise leurs droits et obligations, les oriente vers les instances appropriées comme le service accueil et médiation français (SAM) ou le Conseil International des Canonistes[9]. En cas d’échec, il les aide à engager les procédures de recours gracieux, hiérarchique ou contentieux-administratifs permettant de rétablir la justice.

Voici deux exemples de témoignages reçus :

  • sœur JM, religieuse africaine : Merci beaucoup tonton Yves, Dieu vous bénisse […] Tu es vraiment un ange et je te remercie de tout cœur (31 janvier 2017)
  • frère JM, religieux trappiste : Merci infiniment pour la proximité et l’intérêt que vous me témoignez. Cela m’est bien un réconfort. Encore une fois merci pour l’accueil et  l’écoute bienveillante. En union de prières (7 février 2017)
  • frère M.J. J’ai « butiné » votre ouvrage qui m’a aidé dans ma situation difficile. Je l’ai d’ailleurs conseillé à d’autres et certains ont pu déjà l’acquérir.

 

Aider les personnes écartées par la hiérarchie à repartir dans la vie

A plusieurs reprises des prêtres, des religieux et des laïcs se sont retrouvés en difficulté après avoir été, injustement ou non, écartés d’un office dans l’Eglise, d’un diocèse, d’une école ou d’une congrégation religieuse. A plusieurs reprises, des membres de Canonistes sans frontières les ont aidés  à repartir dans la vie comme ils sont tenus de le faire par le canon :

  • 2. Ils [les fidèles] sont aussi tenus par l’obligation de promouvoir la justice sociale et encore, se souvenant du commandement du Seigneur, de secourir les pauvres sur leurs revenus personnels.

2.2. Apporter une aide aux Officialités

Actuellement de nombreuses officialités voient le jour dans les pays en développement et leur travail s’accroît.

La conférence épiscopale Burkina-Niger a choisi pastoralement d’inciter les fidèles à régulariser leur situation matrimoniale, notamment pour permettre à leurs enfants de recevoir le baptême. Il en résulte un accroissement sans précédent du nombre de demandes de reconnaissance de nullité de mariage, qui passe de 10 par an en moyenne de 2010 à 2015, à 200 demandes pour la seule année 2016 au tribunal interdiocésain d’Ouagadougou. A la suite de Mitis Iudex, chaque diocèse a été invité à constituer un tribunal diocésain ou à choisir un tribunal voisin.

Bien souvent, ces tribunaux rencontrent des difficultés à leur démarrage, tandis que d’autres ont du mal à utiliser les technologies de l’information. A la mesure de ses moyens, Canonistes sans frontières s’efforce de leur apporter les aides évoquées ci-après.

Soutien informatique et numérique

Des Officialités comme celle de Paris publient des annonces dans les revues catholiques pour rechercher les coordonnées des parties ou des témoins appelés dans des procès matrimoniaux. Après avoir fait une recherche sur Facebook, Linkedin et les réseaux sociaux, Canonistes sans frontières a retrouvé trace de plusieurs personnes recherchées et en a informé les Officialités concernées. Sur la demande de l’Official de Conakry, Canonistes sans frontières a mis en ligne le site internet de l’Archevêché, permettant ainsi à l’Officialité de tenir informés les fidèles du diocèse. Dans l’avenir, Canonistes sans frontières incitera ses membres à faire des apports financiers ou en nature (ex : ordinateurs) pour aider les Officialités à s’équiper en informatique.

Voici un exemple de témoignage reçu :

  • Père F, chancelier et official africain : Je suis heureux d’apprendre que tu viens de publier un livre sur le droit administratif. J’espère que tu me feras parvenir une copie de ce précieux travail. Si tu ne le fais pas, je n’aurai aucune chance de le lire. Je suis surtout intéressé par ce livre parce que depuis octobre 2016, j’enseigne le droit administratif canonique au Grand séminaire. Et quand ton prochain voyage […] Merci pour ton effort pour la visibilité des activités des canonistes. (5 janvier 2017)

 

Traitement des causes en retard.

En vue de la mise en œuvre du Motu Proprio Mitis Iudex, des officialités s’ouvrent dans divers diocèses d’Afrique et du monde. Or le démarrage ou le redémarrage d’une Officialité nécessite un important travail que les canonistes ont parfois du mal à satisfaire. A titre d’exemple un Vicaire judiciaire nouvellement nommé a trouvé dans les archives du tribunal une centaine de causes en instance, avec des procédures incomplètes à reprendre. D’ores et déjà, un début d’aide a été apporté, avec la rédaction d’une note juridique préparant les mémoires d’avocat et de défenseur du lien dans une cause locale. Dans l’officialité de Thiès (Sénégal) des causes restaient en instance car les témoins avaient déménagé dans un autre pays. Canonistes sans frontières a trouvé les coordonnées des officialités des pays concernés et en a informé l’officialité en vue de commissions rogatoires.

Cette activité d’appui aux officialités ne demande qu’à se développer. Dès que Canonistes sans frontières aura suffisamment de membres, elle pourra en outre mener des « opérations coup de main » consistant à amener pendant quelque temps sur place un groupe de canonistes européens, pour aider au démarrage de nouvelles officialités.

Voici deux témoignages :

  • Père F., official africain : Les membres de l’Officialité me chargent de vous dire MERCI et demeurent dans l’attente d’une autre visite quand l’opportunité se présentera de nouveau à vous. Nous continuerons à maintenir le lien à travers les dossiers de mariage que vous éplucherez avec nous dans votre rôle d’Avocat. (18 novembre 2016) Merci encore pour l’appel à d’autres afin d’intervenir d’une manière ou d’une autre pour nous faire avancer plus au large. Excellente journée à vous et que Dieu vous bénisse. (30 novembre 2016)
  • Sœur M., juge dans une officialité africaine : depuis que j’ai été élue supérieure générale, j’ai moins de temps pour m’occuper des causes et j’ai par exemple arrêté de m’occuper d’une d’entre elle, rendue complexe par le fait que deux des témoins avaient quitté le pays. En février 2017, Canonistes sans frontières l’a mise en relation avec les officialités des pays où avaient émigré les témoins, de manière à ce que leur audition puisse se faire grâce à une commission rogatoire.

 

Au Burkina Faso, Mgr. Laurent Dabiré, évêque de Dori et modérateur des tribunaux ecclésiastiques, voit d’un bon œil l’initiative de « Canonistes sans frontières ». Lors d’une rencontre de juillet 2017, décision a été prise d’effectuer des essais de défenseur du lien ou d’avocat à distance. S’ils s’avèrent concluants, une demande officielle sera sans doute adressée aux facultés de droit canonique francophones pour que les étudiants canonistes puissent travailler avec « Canonistes sans frontières » sur des cas réels _ dont les noms seront masqués pour éviter d’éventuelles indiscrétions_ et non seulement sur des cas théoriques de nullité de mariage.

Appui à la formation des personnels

« Canonistes sans frontières » a partagé son expérience sur la formation des avocats canonistes lors d’une conférence-débat tenue dans une officialité africaine. Les supports de présentation sont diffusés sur la partie professionnelle du site « http://www.canonistes.org » avec des liens vers les formations en lignes gratuites ou payantes des facultés de droit canonique.

2.3. Partager des bonnes pratiques

La société devient plus complexe et les canonistes comme les autres professions, ont un besoin croissant de travail collaboratif. L’université pontificale grégorienne a fait un travail remarquable pour mettre à la disposition du public les principales ressources canoniques existant dans le monde[10]. Plus modestement, voici quelques débuts de réalisations menées par Canonistes sans frontières qui ne demandent qu’à s’amplifier.

Recueil de jurisprudence matrimoniale

Partout dans le monde, les avocats canonistes cherchent des jurisprudences rotales leur permettant d’écrire l’in jure de leurs plaidoiries. A Versailles, les canonistes utilisent le recueil de jurisprudence de Mgr. Boyer destiné à cet effet. Interrogé sur la formation des avocats français, Canonistes sans frontières a commencé à diffuser ce recueil en Afrique. Il n’existe pas à notre connaissance, de recueil équivalent à celui de Mgr. Boyer pour les défenseurs du lien en langue française. Canonistes sans frontières a commencé à en élaborer un à partir des rapports d’activité de la Rote romaine publiés en italien dans la revue annuelle « Attività della Santa Sede »

Recueil de jurisprudence administrative

De nombreux canonistes déplorent le fait que la jurisprudence contentieuse-administrative du Tribunal suprême soit moins accessible que la jurisprudence matrimoniale de la Rote Romaine. Pour contribuer à remédier à cette carence, Canonistes sans frontières a mis en ligne une base de données de la jurisprudence contentieuse-administrative portant sur un millier de causes.

Bonnes pratiques numériques

Les conférences épiscopales comme celle de Taiwan sollicitent le Conseil pontifical pour les textes législatif afin de savoir dans quelle mesure il leur est canoniquement permis d’utiliser les technologies numériques, par exemple pour publier les registres de baptêmes en version numérique sur « le cloud ». Outre l’expertise apportée dans ce domaine à divers Dicastères de la Curie Romaine, Canonistes sans frontières a expérimenté des technologies comme Skype, Viber ou WhatSapp pour assister les requérants éloignés ou comme la signature électronique pour échanger des documents sécurisés. En complément des expérimentations, Canonistes sans frontières a commencé à établir et partager une bibliographie des expériences d’utilisation du numérique pour le droit canonique[11].

  • Aider les autres communautés chrétiennes

Dans sa déclaration sur la liberté religieuse, le Concile du Vatican II précise :

La personne humaine a le droit à la liberté religieuse. […] la vérité doit être recherchée par le […] dialogue grâce auquel les hommes exposent les uns aux autres la vérité qu’ils ont trouvée ou pensent avoir trouvée, afin de s’aider mutuellement dans la quête de la vérité[12].

Pour que des relations pacifiques et la concorde s’instaurent et s’affermissent dans l’humanité, il est donc nécessaire qu’en tous lieux, la liberté religieuse soit sanctionnée par une garantie juridique efficace et que soient respectés les devoirs et les droits suprêmes qu’ont les hommes de mener librement leur vie religieuse dans la société[13].

Il est donc normal qu’un dialogue s’instaure entre les juristes des différentes confessions chrétiennes pour qu’ils s’entraident, dans le respect mutuel, à une meilleure efficacité de leur justice respective.

Cette coopération est d’autant plus importante pour les jeunes Église chrétiennes dont les traditions sont récentes et qui désirent s’insprier de l’expérience millénaire de l’Eglise catholique.

C’est ainsi que « Canonistes sans frontières » ne limite pas son action à la seule Église catholique mais, lorsqu’une demande se fait jour dans une autre confession religieuse, et qu’il existe des compétences appropriées au sein de Canonistes sans frontières, des échanges d’information puissent avoir lieu entre canonistes.

En août 2017, un évêque africain d’une Église chrétienne non-catholique fait part de ses difficultés avec certains prêtres de son diocèse parce que ceux-ci s’affranchissent des consignes épiscopales, ou parce qu’ils imposent des contributions financières injustifiées à leurs paroissiens. Il demande à recevoir en tant que de besoin l’éclairage du droit canonoique catholique pour mieux gérer ses relations avec son clergé.

A l’inverse, nous avons vu que les pratiques de la médiation en vigueur dans certaines églis Églises réformées, pouvaient constituer une expérience enrichissante pour des évêques catholiques confrontés à des controverses entre diffférents acteurs de leur diocése.

  • Se structurer juridiquement

En 2017, Canonistes sans frontières est une association privée de fidèles, sans reconnaissance ni mandat particulier de l’Église.

Elle est parfois perçue comme un danger par la hiérarchie de l’Eglise, qui peut craindre de « Canonistes sans frontières » et de ses membres des prises de positions ou des actions susceptibles de la gêner. Il ne faut pas s’en étonner car il est tout-à fait normal qu’une institution quelle qu’elle soit (séculière ou religieuse, publique ou privée…) cherche à se protégrer contre des acteurs qui évoluent à ses côtés, et qu’elle ne contrôle pas totalement.

En la laissant subsister, l’Eglise prend le même risque que son maître, Dieu le Père, qui a créé l’homme libre d’aimer, Dieu le Fils qui l’a racheté après son péché, et Dieu le Saint-Esprit qui l’inspire de choisir l’amour et non le péché.

Dans cet esprit d’amour de l’Eglise, « Canonistes sans frontières » se soumet à la hiérarchie ecclésiastique en envoyant régulièrement ses rapports d’activité, et en tenant compte des remarques reçues. Pour l’avenir, Canonistes sans frontières souhaite développer son activité, avec l’aide de canonistes bénévoles, et se doter d’une structure juridique pérenne[14], sous l’œil vigilant du Tribunal suprême. Tant que cette condition n’est pas réunie, Canonistes sans frontières et son équipe n’acceptent aucun don, ni aucun paiement mais poursuivent leur travail de vulgarisation du droit et de la justice canoniques, en communion aussi étroite que possible avec l’Église.

Des encouragements invitent à persévérer, de la part des petits qui remercient de l’aide reçue, d’un évêque catholique africain, Président de la commission justice de sa conférence épiscopale, qui se déclare ami de « Canonistes sans frontières », ou d’un Cardinal, préfet de Congrégation, qui écrit :

j’ai bien reçu votre livre très intéressant : « La justice administrative de l’Eglise catholique », que vous avez eu la bonté de m’adresser, et je vous en remercie. Je profite de cette opportunité pour vous remercier de votre initiative concernant les « canonistes sans frontières », qui ont vu le jour à Conakry, en 2016.

[1] Bertone (Card Tarcisio), « La Chiesa e l’impegno per la gustizia » in Studii giuridici, XLV, libreria editrice Vaticana, Città des Vatcano, 1997, p. 8.

[2] Turkson (Cardinal Peter Kodwo Appiah), Corrosione, Combattere la corruzione nella chiesa e nella societa, preface par le pape François, Rome 2017, Rizzoli

[3] Benoit XVI (Pape), Discours aux participants de l’Assemblée plénière du Tribunal surpême de la Signature Apostolique, Vatican, 4 février 2011.

[4] Ovejero (Paloma García), vice-directrice du Bureau de presse du Saint-Siège, et Anne Kurian, Zenit, 15 février 2017.

[5] Merci en particulier à Radio espérance et radio RCM de Dakar, à Radio Maria de Lomé (Togo) et à Radio Immaculée conception (Alalda Bénin), qui furent les quatre premières radios catholiques à relayer l’information de ce livre sur les droits et obligation des fidèles et les moyens de les défendre devant le for ecclésiastique.

[6] Ecrire à yves.alain@canonistes.org

[7] Pasinya (Card. Monsengwo), archevêque de Kinshasa, dans la préface de Kitambala, (Hilaire Iwaka), L’office de chancelier dans le Code de droit canonique de 1983, l’Harmattan, Paris 2017, p. 10 / 245.

[8] Pie XII, fidei donum, Rome, 21 avril 1957

[9] Fondé, le 9 mai 2016 par l’Union internationale des supérieures générales (UISG) le Conseil International des Canonistes vise principalement à aider les supérieures générales en matière canonique.www.crc-canada.org/fr/conseil-international-canonistes-IUSG

[10] https://www.iuscangreg.it/?lang=it

[11] La loi des hommes et la loi de Dieu : cours de droit canonique en ligne gratuit (MOOC) proposé par l’Institut catholique de Paris à partir de janvier 2017

https://www.fun-mooc.fr/courses/ICP/84002/session01/about

[12] Paul VI, Dignatis Humanae, 7 décembre 1965, n° 3.

[13] Paul VI, Dignatis Humanae, 7 décembre 1965, n° 15.

[14] L’idée actuelle consiste à créer une structure bicépahe avec un Directoire composé de canonistes agissant bénévolement dans le cadre de Canonistes sans frontières et un Conseil de Surveillance composé de responsables de l’Eglise ayant droit de regard sur l’activité du Directoire, mais sans responsabilité opérationnelle.

Ch 10 : Conciliation et médiation

Les responsables de l’Église ayant à cœur de maintenir la communion ecclésiale, s’assurent normalement de l’accord des parties avant d’adopter des actes de gouvernement. Ainsi, dans certains cas, la concertation préalable est même une des conditions de la validité de l’acte[1]. Dans la pratique, les responsables ne prennent pas toujours le temps suffisant de la concertation en amont, d’autant plus qu’il n’est pas toujours facile de concilier tous les points de vue, notamment lorsqu’une décision implique plusieurs acteurs[2].

C’est la raison pour laquelle il est inévitable que des tensions se produisent à l’occasion de la promulgation de certains actes administratifs. La voie normale pour la résolution de ces tensions est à nouveau celle du dialogue, lorsque l’acte est promulgué et qu’une des parties concernées fait état de difficultés pour son application, qu’elle le fasse d’une manière informelle, ou en application du canon 1734, lors du recours gracieux visant précisément aboutir à une conciliation directe entre les deux parties concernées.

Des auteurs comme Jean Schlick plaident en faveur d’une plus grande implication de l’Église lors des recours gracieux relatifs aux actes administratifs :

Peut-on imaginer dans l’Église une interprétation de la confirmation d’un acte administratif qui n’intègre pas tous les efforts de conciliation d’où qu’ils viennent et quelle que soit leur instante répétition, surtout lorsqu’ils revêtent la forme traditionnelle d’un recours gracieux ? [3]

Pourtant, lorsque pour une raison ou pour une autre[4], les deux parties ne parviennent pas à concilier leurs points de vue, le canon 1733[5] invite alors les parties à utiliser « la médiation et les efforts de sages » pour trouver une solution équitable.

Ayant rappelé l’importance de la concertation préalable et de la conciliation directe a posteriori, nous nous attacherons, dans ce chapitre, aux pratiques de la médiation pour régler des tensions résultant d’actes administratifs, et éviter des litiges ou, tout du moins permettre aux parties de se réconcilier avant la sentence du Tribunal suprême.

Observons tout d’abord que la doctrine selon laquelle les chrétiens ont le devoir d’éviter des litiges n’est pas nouvelle (cf. Mt18, 15-16) et qu’elle n’est pas limitée aux procès contentieux-administratifs puisqu’elle est évoquée dans les procès en général par les canons 1446 et 1713 à 1715 :

  • le canon 1446[6] évoque la nécessité d’éviter les litiges et prévoit le recours à la médiation[7] pour aboutir à une conciliation entre les parties[8]
  • dans le cas où le procès concerne le bien privé des parties, le canon 1713[9] n’évoque pas la médiation mais une transaction, une réconciliation[10] ou un arbitrage[11] pour parvenir à une conciliation[12], sachant que le canon 1714[13] explicite partiellement les termes employés[14].
  1. La médiation ecclésiastique

Aucun canon ne traite de médiation dans la partie IV sur les procès pénaux, car le canon 1715 exclut la médiation lorsque le bien public est en cause. On retrouve par contre un canon sur la médiation dans la partie V du Code, consacrée à la « procédure des recours administratifs et de révocation ou de transfert des curés ». Il s’agit du canon 1733[15], qui invite les fidèles à rechercher une solution équitable « en utilisant au besoin la médiation et les efforts de sages »

On pourrait penser que le Tribunal suprême ait reçu une mission pour favoriser la solution des conflits par le biais de la médiation, mais il n’en est rien. Les articles 121 à 125 de la Constitution apostolique Pastor bonus confient au Tribunal suprême de la Signature apostolique le soin de veiller à la bonne application de toutes les procédures qui contribuent à l’administration correcte de la justice dans l’Église, mais ils n’évoquent pas la médiation :

Ce dicastère exerce la fonction de tribunal suprême et veille en outre à l’administration correcte de la justice dans l’Église[16].

Au même Tribunal, il revient également : 1° d’exercer sa vigilance sur la correcte administration de la justice…/…[17].

Pour effectuer sa mission, le Tribunal effectue chaque année une enquête auprès des tribunaux de l’Eglise[18], mais cette enquête ne porte nullement sur la justice administrative dont les recours hiérarchiques sont instruits par les l’évêques et non par les tribunaux diocésains ou interdiocésains.

L’article 78 de la Loi propre du Tribunal suprême prévoit tout de même la fin possible du litige en cours de procès par « un arrangement pacifique entre les parties », et celui-ci nécessite l’approbation du Congrès.

Il ne précise pas le rôle du Tribunal comme médiateur pour faciliter la recherche de solutions.

Malgré cela, le rapport d’activité du Saint-Siège pour l’année 1986 fait état de la médiation comme l’une des trois activités importantes de la deuxième section du Tribunal suprême de la Signature apostolique :

En matière de contentieux-administratif, la Signature apostolique s’est tournée, depuis le début, vers une intense activité de composition pacifique entre les parties de manière à éviter les litiges. Le canon 1446 § 1 du CIC prévoit que « Tous les fidèles, et en premier les Évêques, s’efforceront de leur mieux, dans le respect de la justice, d’éviter autant que possible les litiges au sein du peuple de Dieu, et de les régler au plus tôt de manière pacifique. »  L’intervention de la Signature dans ce domaine a permis de régler pacifiquement des querelles anciennes ; et plus particulièrement des controverses complexes survenues pendant l’année sainte, dans l’esprit de réconciliation désiré par le Saint-Père, et comme le désire le code de droit canonique au canon 1733, §1. »[19]

Il est étonnant de constater qu’il est peu fait mention d’une quelconque activité de médiation dans les rapports d’activités des années suivantes. Signalons toutefois quelques cas :

  • le rapport de 1976 indique : « Diverses causes ont été résolues par l’initiative du Tribunal suprême qui a trouvé une voie d’entende entre les parties.[20]»
  • le rapport de 1978[21] qui explique que peu de recours suivent le parcours complet jusqu’à la sentence des cardinaux réunis en plénière, notamment « parce qu’ils ont trouvé une solution pacifique proposée par la Signature et acceptée par les deux parties».

Voici un exemple cette activité de médiation :

L’archiviste du diocèse de Naiera, en Espagne, dépose un recours concernant la propriété de biens mobiliers ecclésiastiques revendiqués par le diocèse et par une congrégation religieuse. Il est débouté de son recours mais l’Ordinaire du diocèse intervient et demande une sentence définitive au Tribunal suprême. Celui-ci invite les parties à rechercher un accord au niveau local. Découvrant que cette tentative n’a pas aboutie, il décide d’admettre à la discussion le recours déposé par l’Ordinaire[22].

En l’absence de règles fixées par la loi propre, on peut cependant regretter que, parfois, le Tribunal n’entende pas les appels à la médiation qui lui sont adressées.

La supérieure d’un Carmel téléphone à une maison voisine, en demandant à la maîtresse de maison de prévenir son époux qu’elle lui interdisait désormais de se rendre à la messe quotidienne au Carmel ainsi que sa famille et ses amis. Celui-ci dépose un recours gracieux, en demandant les motifs de son exclusion, mais ni la supérieure du Carmel ni l’évêque dont elle dépend ne répondent. Il dépose alors un recours hiérarchique puis contentieux-administratif contre l’acte administratif non écrit de la supérieure, et, au cours de la procédure de recours contentieux-administratif, il demande au Tribunal suprême d’intervenir directement ou indirectement (par un Carme volontaire) pour rétablir le dialogue rompu par la volonté de la hiérarchie, mais le Tribunal ne tient pas compte de cette demande, et il prend une décision de non-admission du recours à la discussion, par manque évident de fondement[23].

On peut en partie expliquer le refus du Tribunal suprême de s’impliquer dans des procédures de médiation car celles-ci devraient normalement se situer au niveau diocésain ou national, pour tenir compte de la culture locale et du droit particulier.

Si l’on prend l’exemple du Sénégal, où les procédures du droit administratif de l’Eglise sont quasiment ignorées des fidèles, on constate que le recours à la médiation, qui fait partie de la culture africaine, est souvent employé spontanément pour résoudre des controverses résultant de l’exercice du pouvoir exécutif de l’Eglise :

  • Un prêtre engrosse une fille. Les parents se plaignent au chef de village. Celui-ci intervient auprès de l’évêque et le prêtre est muté tandis que la famille de la fille est dédommagée ;
  • un curé est son vicaire se fâchent au point de ne plus se parler. Quand l’affaire devient insoluble, les fidèles font appel à un autre prêtre issu de la paroisse pour tenter de les réconcilier. Il y parvient partiellement et fait son rapport à l’évêque qui déplace le vicaire ;
  • un litige intervient entre un diocèse et une congrégation à propos d’une école catholique. Le problème se résout avec l’intervention du directeur diocésain de l’enseignement catholique, qui prend le temps d’analyser la question en détail, à la lumière du droit en vigueur.

En droit canonique, le canon 1733 §2 prévoit la création de structures de médiation au niveau local :

Can. 1733 § 2. La conférence des Évêques peut décider que soit constitué de manière stable dans chaque diocèse un organisme ou un conseil dont la charge sera de rechercher et de suggérer des solutions équitables selon les normes établies par la conférence ; mais si la conférence ne l’a pas ordonné, l’Évêque peut constituer un conseil ou un organisme de ce genre.

Suivant les diocèses, on rencontre trois grands types de situations, selon que la conférence des évêques :

  • ordonne la création de conseils de conciliation ou de médiation et en établit les règles ;
  • en recommande la création en promulguant éventuellement des modèles ;
  • laisse les diocèses prendre les initiatives qu’ils estiment opportunes, sans donner de consignes a priori.

Voyons comment la situation se traduit dans les faits.

  • La médiation ecclésiastique en France

Un ouvrage entier serait nécessaire pour évoquer tous les aspects de la médiation ecclésiastique en France. Nous en donnerons un aperçu dans les diocèses et dans l’enseignement catholique

1.1.1. Les Conseils diocésains de médiation

Parmi d’autres, Jean Donguy s’est penché sur l’application en France des canons 1733 et 1734 relatifs aux Conseils de médiation[24]. Voici un extrait de sa recherche :

Rien n’a été mis en place [en France] avant les années 1991-1992. C’est en effet seulement à cette époque que l’importance du nombre de laïcs au service de l’Église a entraîné une réflexion de fond qui a conduit à l’élaboration d’un statut abordant les problèmes des droits et des devoirs du personnel, avec les procédures de recours pour protéger ces droits. Des diocèses ont d’abord constitué leur conseil de médiation en s’appuyant sur […] le canon 1713, […] Le Comité canonique de la Conférence des Évêques a eu à faire des mises au point. La Conférence des Évêques s’est alors prononcée pour l’établissement dans chaque diocèse de conseils de médiation et a établi à cette fin des normes.[25]

Pour expliquer l’origine des conseils de médiation en France, Jean Donguy la relie aux contrats de travail entre les associations diocésaines de France et les laïcs, qu’ils emploient en nombre croissant, notamment pour pallier la carence de prêtre.

Dans les premières années de 1990, beaucoup de gestionnaires des diocèses essayaient de bâtir un statut ecclésial pour les animateurs pastoraux qu’ils mettaient en place. Au chapitre du retrait de la lettre de mission, venait alors l’épineuse question d’éviter les conflits tout en les réglant de façon équitable par un moyen adéquat. Certains avaient mis en place un groupe de réflexion au service des animateurs pastoraux et prévoyaient que des médiateurs puissent être choisis parmi les membres de ce groupe. Voulant éviter que les décisions de la loi civile (Prud’hommes) leur soient imposées, ils ont recherché des solutions en Église.[26]

En 1993, le Secrétariat Général de l’Épiscopat publie sur ce thème un livret intitulé « Laïcs chargés d’une mission dans l’Église »[27]. Le document propose aux diocèses volontaires de mettre en place un Conseil de médiation et, de ce fait, vingt-sept diocèses pilotes[28] les expérimentent en 1994 et 1995 et ils mettent en évidence deux questions pratiques non tranchées par la Conférence épiscopale, à savoir :

  • le caractère obligatoire ou non d’une décision d’arbitrage vis-à-vis de l’évêque,
  • les fondements juridiques de certains Conseils de médiation interdiocésains.

Sur la base de ces expériences, la Conférence des évêques de France décide, par vote de l’Assemblée plénière du 6 novembre 1996, que soit constitué dans chaque diocèse un Conseil dont la charge consiste à rechercher des solutions équitables, selon les normes établies par la Conférence. Il s’agit des « Conseils diocésains de médiation » ou, comme on les a parfois appelés à ce moment-là, des « Groupes de médiation ».

Plusieurs diocèses mettent effectivement en place de tels Conseils ou Groupes de médiation, en intégrant ou non les remarques préliminaires qui accompagnent le décret du comité canonique de la Conférence des Évêques. Deux premières vagues de quinze diocèses mettent en place un tel Conseil très rapidement[29], ou peu après[30]. D’autres vagues suivent avant et après le 24 août 1998, date de la promulgation du décret de la Conférence des Évêques qui reçoit l’approbation de la Curie romaine[31].

En août 2000, Jean Donguy précise qu’il reste encore trois diocèses dont les Conseils de médiation sont à l’étude[32], tandis que 21 diocèses n’ont pas prévu d’en créer[33] et que 40 décrets de création des conseils « ad experimentum » viennent à expiration dans les six mois. Le corps des médiateurs désignés est alors constitué de 170 personnes, dont 35 % de prêtres, 3 % de diacres, 5 % de religieuses, 36 % d’hommes laïques et 21 % de femmes laïques.

En général, les médiateurs travaillent bénévolement, tandis que leurs frais de déplacement et/ou de formation sont supportés par le diocèse.

En dressant le bilan des résultats[34], Jean Donguy constate :

le recours à la médiation semble avoir été […] peu utilisé » notamment car « on a cantonné la médiation aux conflits du travail. » en laissant de côté les autres secteurs où la médiation pourrait être sollicitée, comme par exemple les associations loi 1901 style aumônerie ou association paroissiale, les responsables pouvant estimer leur association lésée par une décision (écrite) émanant du diocèse ou du curé[35].

Parmi les points positifs, en faveur de la médiation, signalons la connaissance intime des problèmes de terrain qui peut permettre un retour d’expérience utile pour éviter que des situations conflictuelles ne se reproduisent pour des causes imputables à la hiérarchie ecclésiastique.

Le 3 novembre 1998, Olivier Delgrange, secrétaire du groupe de médiation des diocèses d’Evry, Nanterre, Pontoise et Versailles, écrit à ses quatre évêques de tutelle pour attirer leur attention sur les modalités de délivrance des lettres de mission qui, « au vu des conflits qui en résultent, manquent de la rigueur nécessaire. »[36]

Pour savoir ce qu’il est advenu de ces conseils de médiation diocésains, nous avons effectué une recherche rapide, en consultant la littérature et les sites internet des diocèses.

En 2015 certains diocèses comme celui de Nancy et de Toul[37] évoquent, sur leur site, un Conseil de médiation interdiocésain et donnent un moyen de le contacter. D’autres, comme le diocèse de Saint-Denis, annoncent l’existence d’un tel Conseil, en évoquant son objet mais sans préciser à qui s’adresser  

L’Église doit donner, dans les relations entre ses membres et dans les décisions de ses responsables, le témoignage de la justice, de l’équité et des droits de chacun. Elle a donc prévu que lorsqu’une personne s’estime lésée par une décision de l’autorité, cette personne – physique ou juridique – puisse engager un recours devant l’instance compétente. Le Conseil de médiation peut être une première étape dans la recherche d’une solution équitable[38].

Le diocèse de Chartes limite la médiation aux « laïcs en mission » en écrivant que faire en cas de conflit, mais en restant au niveau théorique.

Si un laïc en mission ecclésiale s’estime lésé – contestant par exemple les raisons invoquées pour le retrait de sa lettre de mission – on fera tout d’abord appel aux responsables les plus proches (responsable pastoral, vicaire général, etc.) pour parvenir, si possible, à une conciliation. En cas d’échec de la conciliation, l’une ou l’autre des parties concernées ou même l’autorité diocésaine pourra recourir au Conseil Diocésain de Médiation (Ordonnance du 14 mai 1999). Le rôle de ce Conseil est d’éviter les litiges ou de les régler en recherchant « d’un commun accord une solution équitable » selon les dispositions de l’article 1733 du Code de Droit Canonique[39].

Quant aux autres diocèses, ils publient des références plus ou moins précises sur les Conseils de médiation[40], ou n’en publient pas. Cette indication ou son absence ne veut d’ailleurs pas dire que le Conseil n’existe pas ou n’est pas actif. Ainsi, le diocèse de Poitiers annonce l’existence un Conseil provincial de médiation[41] tandis que le diocèse de Lyon ne référence pas le conseil de médiation comme un des conseils de l’évêque[42] pourtant des témoins comme Anne-Bénédicte Hoffner estiment que la situation réelle est toute autre :

Dans les diocèses qui en disposent, un recours auprès du conseil de médiation diocésain est possible pour le salarié. Deux personnes l’ont saisi à Lyon depuis sa création en 1994. Quant à celui de la province ecclésiastique de Poitiers, créé la même année, il n’a « jamais été mobilisé ». Quoi qu’il en soit, le risque qu’un contentieux soit porté un jour devant un conseil des prud’hommes, voire devant le juge pénal (pour discrimination, par exemple) est réel.[43]

Pour en savoir plus, il importe de se rapporter aux travaux de l’Institut universitaire de Formation à la Médiation et à la Négociation (Ifomene) à Paris, et notamment ceux de :

  • Jean Claude Lavigne[44] sur les pratiques des conseils de médiation dans les diocèses de Paris, Poitiers, Versailles et Metz ;
  • Christelle Javary en 2008 sur l’exemple du Service Accueil-Médiation (SAM)[45],
  • Etienne Rozé en 2015 sur la médiation dans les diocèses catholiques de Nancy et Toul[46].

Outre la typologie des types de conflits qu’il a illustrés par de nombreux exemples, Etienne Rozé rappelle que l’organisation d’une médiation structurée est en cours au sein de l’Église comme au sein de la société en général. Il estime qu’un des apports principaux du médiateur est sa conviction qu’une solution est possible et que la médiation au sein de l’Église s’apparente au type courant de la médiation intra-entreprise, dans laquelle il convient d’intégrer la déontologie et les règles applicables, en l’occurrence la théologie et le droit canonique. Il suggère d’explorer aux niveaux diocésain, interdiocésain et national, l’expérience de la médiation mise en place pour les religieux (type SAM). La presse en présente un exemple sans en donner les résultats :

Dans le diocèse du Puy en Velay, la revue « Riposte catholique » écrit que de nombreux prêtres et communautés religieuses quittent le diocèse et que, jusque dans l’entourage très proche de l’évêque, la souffrance est réelle et la colère contenue… mais difficilement. Des fidèles du diocèse écrivent à l’auteur : « Je ne sais que penser de cet article, cela ressemble à une guerre entre anciens et modernes… c’est triste » Pour rétablir le dialogue entre l’évêque et son clergé, l’ancien Recteur de la cathédrale du Puy, ordonné évêque auxiliaire de Lyon, aurait été appelé à la rescousse pour servir de médiateur[47].

1.1.2. La médiation dans l’enseignement catholique

S’agissant de l’enseignement catholique, ses statuts de 2013 comportent un article 83 consacré à la médiation pour la résolution des problèmes, alors qu’il n’y en avait pas dans les statuts de 1992 modifiés[48].

En cas de désaccord, voire de crise, les personnes peuvent être accompagnées sous la forme d’une médiation. Il s’agit d’un processus volontaire et confidentiel guidé par un tiers indépendant et impartial ; les décisions et accords qui interviennent sont le seul fait des personnes concernées par la médiation.

Il faut dire que, dans l’intervalle, de nombreux conflits ont vu le jour, obligeant la Conférence des Evêques de France à intervenir le 30 septembre 1999 en ces termes :

En juin 1998, à la demande du Conseil Permanent, le Secrétaire Général de l’Enseignement Catholique a adressé aux Évêques une fiche sur le retrait d’une lettre de mission d’un chef d’établissement. De nouvelles réflexions, poursuivies au cours de cette année, y compris avec les instances romaines, permettent de vous adresser aujourd’hui une note… définitive autant ce cela se peut. Elle indique avec une grande précision la procédure à respecter. Je me permets d’insister : il s’agit là d’une démarche de droit ecclésial, non de droit civil. Il y a des différends entre autorités diocésaines de l’Enseignement Catholique et les chefs d’établissements qui relèvent de la législation civile que nous, Évêques, devons-nous nous garder d’arbitrer en recourant indûment à une procédure canonique. Nous devons y veiller quand nos collaborateurs seraient tentés de jouer du for ecclésial comme d’une « arme absolue » pour faire prévaloir leur jugement. C’est une affaire de justice et aussi de bon sens. Avec mon fraternel respect[49].

La note jointe du Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique comportait un paragraphe sur la médiation, écrit en ces termes :

Hors procédure canonique, les conseils diocésains de médiation : certains diocèses ont mis en œuvre un conseil diocésain de médiation dont il y a lieu de souligner qu’il n’est pas une institution juridictionnelle mais qu’il a seulement pour mission de rechercher en dehors de toute procédure contentieuse, un consensus susceptible de dirimer le conflit. La saisine d’un conseil de médiation n’empêche pas les délais de recours de courir, et donc de pouvoir être épuisés[50].

Quant à la médiation relative aux Consacrés, nous avons évoqué au chapitre 5, le « Service Accueil-Médiation pour la Vie religieuse et Communautaire » (SAM) créé en 2001 par la Conférence des Évêques de France.

1.2. La médiation ecclésiastique dans le monde

En dehors de France, Kurt Martens[51] a effectué à la fin des années 1990, une étude très documentée sur la protection juridique dans l’Église, avec de nombreux développements sur les pratiques de médiation. Il distingue quatre situations :

  • parfois, les Conférences épiscopales ordonnent la création de Conseils de conciliation dans les diocèses et elles en précisent les normes[52];
  • parfois, l’obligation est réduite à une recommandation[53];
  • parfois, les Conférences épiscopales précisent qu’elles laissent la création de tels Conseils à la discrétion des évêques[54];
  • il existe enfin, un peu partout dans le monde des diocèses qui ont mis en place des conseils de médiation, en l’absence de normes explicites de leur conférence épiscopale[55].

Il apporte en outre des détails concrets sur la situation de quelques pays pour lesquels nous synthétiserons ses propos.

En 1989, la Conférence épiscopale des Pays-Bas a adopté un décret concernant la création d’un conseil diocésain pour les conflits qui résultent de décisions administratives. […] En décembre 1989, peu après la promulgation de ce décret, la conférence a décidé de le révoquer apparemment à cause de deux facteurs : d’abord, on croyait que des solutions « ad hoc » étaient satisfaisantes pour quelques cas, et ensuite on était d’avis qu’aucune Conférence n’avait instauré un tel conseil.[56]

Malgré ce changement, Kurt Martens rapporte que seulement quatre des sept diocèses des Pays-Bas mettent en place un tel conseil, apparemment avec succès puisque, pour la période 1999-2000, la moitié environ des trente cas étudiés aboutit à un résultat positif.[57]

Le 19 novembre 1975 en Allemagne, le synode des diocèses approuve un décret portant sur la médiation, l’arbitrage et la solution des conflits administratifs[58].

En 1994, en Belgique, le Conseil pastoral interdiocésain IPB[59] demande la création de Conseils de médiation. Bien que les évêques soient partagés sur leur utilité, des normes sont publiées et leur création est annoncée en 1996 pour les diocèses flamands et pour l’archidiocèse de Malines-Bruxelles. En pratique, seuls le diocèse de Bruges et l’archidiocèse de Malines-Bruxelles ont mis en place ces Conseils en 1997.

En 1969, aux États Unis[60], l’histoire débute par une double volonté d’accroître la crédibilité de l’Église en matière de droit et de « mieux protéger les fidèles contre les autorités ecclésiastiques »[61]. De ce fait, le congrès annuel de la Canon Law Society of America (CSLA), adopte en octobre 1969 un rapport sur les procédures équitables (due process) basées sur les canons 1925[62] et 1929[63] du code de 1917. Il la présente ensuite à la Conférence épiscopale qui la soumet au Saint-Siège. Finalement, le bienheureux pape Paul VI l’approuve après quelques modifications, si bien que le rapport est publié en 1971[64].

Après la promulgation du code de 1983, la CSLA réexamine les procédures de « due process », lors de son congrès annuel, à partir de l’expérience acquise au cours des douze années de pratique. Il en ressort que le « due process » s’est introduit graduellement dans la moitié des diocèses et quelques instituts religieux, avec une majorité de cas résolus sur un millier de cas traités. En 1991, le rapport de 1968 est alors révisé, pour décrire trois procédures de résolution des conflits : la conciliation, l’arbitrage et le tribunal administratif. Une expérimentation est effectuée entre 1993 et 1995 dans les diocèses de Dallas et Portland pour la conciliation et l’arbitrage. Sur la base d’une dizaine de cas traités, l’évaluation met en évidence une triple nécessité :

  • une bonne publicité pour faire connaître l’initiative et gagner la confiance de la communauté ;
  • des guichets paroissiaux vers lesquels les fidèles peuvent se tourner pour être orientés ;
  • des personnels compétents pour résoudre les cas au niveau diocésain.

Une autre expérimentation est conduite sur la même période pour l’exercice d’un tribunal administratif. Le diocèse de Milwaukee examine en effet quatre cas, et il en résout deux. Le diocèse de Saint-Paul-Minneapolis ne juge entièrement qu’un seul cas, et l’archevêque casse la décision. Informé de ces résultats, le Tribunal suprême de la Signature apostolique se montre favorable à l’initiative américaine mais elle rappelle la nécessité d’une approbation du Siège apostolique pour créer un tribunal administratif de première instance dans un pays ou un diocèse. Il en résulte que la procédure des tribunaux administratifs américains se transforme en « Courts of Equity » en se limitant à une forme élaborée de recours hiérarchiques.

En Grande Bretagne et au pays de Galles, l’Assemblée des évêques approuve en 1973 un rapport de 1971 de la Canon Law Society of Great Britain and Ireland[65]. Ce rapport, inspiré de celui des États-Unis, prévoit une procédure de médiation, afin de régler les conflits éventuels entre les membres de l’Église, en indiquant dans le préambule que « ces conflits se situent surtout entre fidèles, plutôt qu’entre ceux-ci et les autorités. » La procédure qui se veut amiable et informelle, consiste à nommer dans chaque diocèse, au moins deux conciliateurs, en fait des médiateurs, qui ont la tâche de réconcilier les parties en cause.

Au Canada, les évêques cherchent à modifier l’habitude prise par les fidèles de recourir aux tribunaux civils, faute d’obtenir justice au sein de l’Église. Voici ce qu’écrit la Société de droit canonique du Canada[66] :

À travers les années, la question de la protection des droits des fidèles se retrouva à l’avant-scène de la pensée canonique [canadienne]. La possibilité de s’attaquer à ce problème, soit par l’établissement d’un tribunal administratif, soit par d’autres moyens, fut étudiée à plusieurs reprises. […] La Société a accepté de ne pas exiger l’établissement d’un tribunal administratif, mais plutôt de mettre en place un bureau de procédures de médiation, de conciliation et d’arbitrage. Si le projet est approuvé, il faudra encore beaucoup de travail pour établir des protocoles de travail, pour recruter du personnel et pourvoir au bon fonctionnement de ce bureau.

A titre d’exemple, le diocèse de Montréal a créé un tribunal diocésain ad experimentum, mais il y a finalement renoncé pour les raisons suivantes[67] :

  • les prêtres se connaissent tous, et les membres du tribunal n’ont pas la distance voulue pour appliquer la loi envers leurs collègues,
  • il n’y a pas assez de personnes formées et disposant de l’esprit et de l’indépendance nécessaire, du fait des liens d’affectivité,
  • les personnes qui se voient déboutées par le tribunal ad experimentum remontent presque systématiquement à l’évêque en appel[68],
  • un recours crée une tension dans la Curie diocésaine,
  • celui qui afflige ne peut pas être celui qui console.

En remplacement, le diocèse a mis en place une structure d’ombudsman avec une procédure pour traiter des cas, de manière à désencombrer la Curie et l’Evêque.

Ne disposant pas d’une étude in extenso, nous nous garderons bien d’apporter d’autres conclusions que la constatation que la procédure de médiation fonctionne en général là où elle est mise en place correctement mais qu’il s’agit d’une procédure complexe qui n’est pas prioritaire.

  1. La médiation dans la société civile

Puisque la médiation ecclésiastique n’est pas opérationnelle dans de nombreux diocèses, et que, néanmoins, elle est utile pour prévenir les conflits, examinons s’il n’est pas possible de tirer des enseignements utiles à partir d’autres expériences.

  • Les méthodes de la médiation

D’après des professionnels de la médiation[69], celle-ci se développe car

La plupart des systèmes de résolution des conflits sont basés sur l’autorité […] mais l’autorité connaît des limites dans la société contemporaine. Le  médiateur n’est donc pas une autorité : il ne tranche rien, n’impose pas, interdit peu, et toujours pour garantir la liberté des parties.

Concrètement, la médiation peut revêtir des formes très variées permettant aux parties en conflit, à dépasser le passé en le qualifiant avec des mots partagés et à reconstruire l’avenir en trouvant une solution acceptable ou du moins, en rétablissant des relations qui permettront d’avancer de façon constructive.

Cependant, on ne s’improvise pas médiateur, il convient d’en apprendre les avantages et les limites ainsi que les principes éprouvés, les étapes nécessaires, les techniques concrètes, les pratiques nuancées et les pièges.

Les méthodes de médiation sont variées mais elles nécessitent une volonté commune des parties pour rechercher une solution avec l’aide d’un médiateur. Elles répondent en outre à quelques principes de base que les parties en présence doivent avoir acceptés :

  • en amont, les deux parties doivent être d’accord sur le choix d’un médiateur en qui elles ont confiance et sur la méthode de médiation ;
  • pendant la médiation, le médiateur peut adopter une attitude de neutralité en s’attachant essentiellement à faire respecter le processus de médiation ou bien s’impliquer sur le fond en rappelant le droit et en contribuant activement à la recherche de solutions. Il doit cependant veiller constamment  à ce que les deux parties acceptent le processus de médiation ;
  • au terme de la médiation, lorsque des solutions ont été reconnues acceptables par les deux parties, il importe de sceller les points d’accord par écrit et dans le cas contraire, de circonscrire le désaccord dans des termes acceptables par les deux parties.

Une médiation réussie  nécessite de ne pas brûler les étapes, s’assurant pas à pas que :

  1. les parties s’accordent sur le principe de la médiation et ses modalités ;
  2. les parties s’accordent sur la description des faits, à partir de visions initiales souvent différentes ;
  3. le médiateur comprend les motivations des deux parties, leurs besoins, ses intérêts et ses contraintes ;
  4. toutes les solutions envisageables sont inventoriées ;
  5. un minimum de confiance est rétabli entre les parties pour qu’un vrai dialogue s’instaure ;
  6. les solutions sont analysées en fonction de toutes les parties prenantes et du contexte ;
  7. la ou les solutions les plus équilibrée sont élaborées et l’une d’entre elle est retenue et formalisée.
  • Tour d’horizon de la médiation

De nombreux pays et organisations recommandent la médiation comme un des moyens pour la résolution des conflits.

S’agissant de l’Europe, une directive du 21 mai 2008[70] porte « sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale », tandis qu’un code de bonne conduite du médiateur[71] est publié le 4 juillet 2014 par la Commission européenne. Voici quelques extraits des considérants de la directive :

En mai 2000, le Conseil a adopté des conclusions sur les modes alternatifs de règlement des conflits relevant du droit civil et du droit commercial et a déclaré que l’établissement de principes fondamentaux dans ce domaine constituait un pas essentiel […] La médiation peut apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges […] Un États membre ne devrait pouvoir refuser de rendre un accord exécutoire que si le contenu de l’accord est contraire à son droit […]

En 2009, le Groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME) a organisé les premières Assises internationales de la médiation judiciaire, où il est apparu

qu’au même moment de l’histoire de l’humanité, la plupart des pays du monde inséraient la médiation dans leur système judiciaire. […] A l’issue de cette manifestation historique, les participants ont souhaité se retrouver et ont créé la Conférence internationale de la médiation pour la justice[72][73].

En France, la médiation est une pratique utilisée dans l’éducation, le commerce, les administrations, les banques, les assurances, les corps sociaux, etc. Elle est prévue dans le système judiciaire en matière civile, pénale, administrative, et envisagée pour les affaires criminelles. Dans l’objectif de faciliter une relation, de transmettre une information, d’apaiser une souffrance, de mettre un terme à un différend, la médiation est devenue, à la fin du XX° siècle, une référence.

A titre d’exemple, le code de procédures civiles comporte un titre entier consacré à la médiation[74]. En droit administratif, le Conseil d’Etat a organisé, le 17 juin 2015, un colloque que « La médiation et la conciliation devant la juridiction administrative » en partenariat avec l’Ordre des avocats de Paris et le Groupement européen des magistrats pour la médiation (GEMME – France), dont le compte-rendu débute par cette phrase :

Alors qu’elles répondent à des besoins accrus et inédits, les procédures amiables ont été insuffisamment développées en matière administrative. [75].

S’agissant de la mise en œuvre pratique, la direction de l’information légale et administrative (DILA) publie une série de fiches d’information sur les méthodes alternatives de règlement des conflits (MARC) en précisant qu’elles « visent à répondre à ces dysfonctionnements de la justice »

Encombrement, lenteur, coût, complexité, distance sont autant de critiques formulées très régulièrement par les justiciables à l’encontre d’un ordre judiciaire qui ne dispose plus des moyens matériels nécessaires pour faire face à l’augmentation du contentieux. […] A l’opposé du procès, les « MARC » permettent une maîtrise du traitement du conflit et expriment la volonté d’aboutir à une solution amiable du différend[76].

Une étude menée en 2003[77] nous apprend qu’à cette époque, les neuf-dixièmes des saisines des médiateurs viennent directement des parties et que 58 % des affaires confiées aux conciliateurs de justice en 2003 aboutissent à une conciliation. Les saisines en vue de conciliation ont progressé de 8 % par an en moyenne depuis 1993, et en 2003 elles ont représenté 118 700 affaires. Comparée au nombre d’affaires traitées par les tribunaux d’instance (489 000 affaires terminées en 2003), l’activité des conciliateurs de justice est loin d’être négligeable, même si on peut penser que toutes les affaires dont ils sont saisis directement n’auraient vraisemblablement pas été présentées devant les tribunaux d’instance ou les juges de proximité. L’étude nous apprend également que :

Les conciliateurs de justice sont le plus souvent des hommes
(86 % des conciliateurs) et ils sont relativement âgés, puisque 80 % d’entre eux ont plus de 60 ans et 35 % plus de 70 ans. […] 86 % des conciliateurs sont actuellement à la retraite […] Un peu plus de la moitié des conciliateurs en exercice en 2003 occupent ces fonctions depuis moins de cinq ans, 30 % depuis cinq à dix ans et près de 20 % depuis dix ans et plus.

Alors que la médiation conventionnelle présente des résultats encourageants, il n’en va pas de même pour la médiation pénale. En effet,

La direction des Affaires criminelles et des Grâces constate que « la médiation pénale reste stable (34 865 en 2004 contre
34 077 en 2003). Souvent utilisée dans les contentieux liés à des « conflits personnalisés », la médiation pénale, face à la diversité croissante des mesures dites de troisième voie, est jugée plus onéreuse, voire moins performante dans sa réalisation, et marquée par un taux d’échecs non négligeable et des délais d’exécution plus conséquents. […] De fait, la circulaire du 16 mars 2004 réserve son utilisation à des infractions commises à l’occasion d’une relation de proximité.

S’agissant enfin de la médiation familiale, elle fait l’objet de dispositions spécifiques dans le code civil (exercice de l’autorité parentale, divorce), mais elle reste peu utilisée. En effet, une étude du ministère de la Justice[78] montre que les juges aux affaires familiales n’ont eu recours, en 2003, aux mesures de médiation familiale que dans 0,7 % des affaires familiales avec enfants mineurs qu’ils ont eu à traiter.

Compte tenu de ces éléments, les professionnels français réunis dans la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation[79], ont publié un manifeste pour le droit à la médiation professionnelle[80], dont voici un extrait :

L’objet de ce manifeste est de faire adopter la Médiation Professionnelle comme préalable à l’action judiciaire en matière civile, prud’homale et commerciale, comme un droit fondamental. Ce nouveau droit, issu de l’évolution du développement personnel, permet l’exercice renforcé de la libre décision. Il est associé à un devoir de répondre favorablement à une demande de médiation avant toute procédure judiciaire. Cette détermination est issue de l’observation qu’à la « gestion des conflits » qui entretient l’adversité, il existe une alternative. Cette alternative est la voie résolutoire au moyen de la promotion de l’altérité.

Ils considèrent par ailleurs que les conditions nécessaires à la mise en place du droit à la médiation sont : un professionnalisme basé sur une formation appropriée, un code de déontologie[81], et des médiateurs indépendants des systèmes d’autorités impliqués.

Le 11 septembre 2014, la garde des Sceaux a présenté les grandes lignes de la réforme judiciaire  »J21 – La justice du 21ème siècle » aux chefs de cour réunis à la Cour d’appel de Paris, puis aux organisations syndicales accueillies à la Chancellerie. Ce projet s’articule autour de trois axes visant à construire une justice plus proche, plus efficace et plus protectrice des citoyens. La médiation est classée dans la seconde rubrique visant à favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges, comme l’indique la garde des Sceaux[82] :

La justice a pour mission première d’apaiser les relations sociales. La conciliation et la médiation sont de nature à y contribuer mais les structures qui les proposent sont disparates et peu coordonnées. Afin de recenser puis de simplifier l’existant, de définir le statut et la place des médiateurs et des conciliateurs et de déterminer le financement des modes de règlement des conflits, une mission interministérielle d’évaluation de l’offre de médiation et de conciliation sera prochainement mise en place. […] Cette évaluation permettra d’initier une politique publique nationale actuellement inexistante qui pourra être animée par un Conseil national de la conciliation et de la médiation. Il convient de mieux intégrer les conciliateurs de justice aux juridictions.

Quant à savoir si la médiation est applicable au droit administratif, le bâtonnier de Paris, Mme Christiane Féral-Schuhl, répond positivement dans son bilan de l’année 2013 :

Là encore, la médiation a sa place devant la juridiction administrative, dans ce rapport de force constant entre l’administré et l’administration[83].

En conclusion, nous retiendrons que la pratique de la médiation est utile à la résolution des conflits dans la société civile, et qu’elle permet de désengorger les tribunaux autres que pénaux.

  • La médiation dans les confessions chrétiennes

Jean-Luc Leibe[84] membre du Service prévention et gestion de conflits de la Fédération Baptiste, témoigne :

La médiation a toujours existé de tout temps et dans tous les milieux et sociétés. Les sociétés traditionnelles ont gardé en elles une tradition séculaire de la médiation. L’Église trouve des traces de sa pratique depuis ses origines. […] Depuis toujours, les évêques confiaient traditionnellement aux prêtres une mission de médiation entre leurs paroissiens. […] C’est aux USA et au Canada que la médiation va s’imposer dans les années 1970, premièrement dans le secteur de la consommation, puis de la justice et des différends familiaux… Citons, l’exemple du programme de médiation en Ontario (Canada), réalisé par les Églises Mennonites intitulé Victim Offender Program en matière de justice pénale. Grâce à lui, victimes et agresseurs tentent de se parler. Mais c’est aux USA, (Atlanta), que l’on trouve les premières pratiques de médiation (1974) dans le cadre formel de médiation-conciliation judiciaire. La médiation prend racine en Europe dans les années 1980. Tous les milieux, y compris religieux, connaissent l’expansion de ce phénomène. Ainsi, le code de droit canon, promulgué par le pape Jean-Paul II en 1983, suggère que chaque diocèse, mette en place une institution de résolution des conflits (Canon 1733). Cette réalisation, reflétant la théologie des conflits de l’Église d’après Vatican II, va trouver son application dans le Décret du 24 août 1998 de la Conférence des Evêques de France, définissant les
« Conseils diocésains de médiation ». C’est dans cette période que l’actualité mettra en lumière certains médiateurs. Citons l’exemple du pasteur Jacques Steward, Président de la FPF, en 1988. Il sera un des médiateurs dans le conflit de la Nouvelle Calédonie. Sur l’Île d’Ouvéa, il se verra confier par Michel Rocard, Premier Ministre à l’époque, la mission de rétablir la confiance entre les belligérants[85].

Ce témoignage ouvre un autre aspect de la médiation tel que figurant dans la doctrine sociale de l’Église. Celle-ci invite la société civile à prévenir et résoudre les conflits. L’Église catholique n’est pas en reste dans ce domaine, ne serait-ce qu’avec la médiation du pape Léon XIII entre les Arméniens et l’Empire ottoman[86] ou, plus récemment, du pape François entre Israéliens et Palestiniens[87]. Outre le Saint-Siège, Joseph Ndi-Okalla[88] évoque le rôle de la communauté San Egidio en matière de médiation. Elle a largement contribué à la résolution du conflit interne au Mozambique en favorisant la signature d’un accord de paix entre les belligérants, le 14 octobre 1992 dans les locaux de la communauté, après 10 ans de guerre civile. En Algérie, la communauté a créé une plate-forme politique algérienne en 1994, en réunissant les dirigeants politiques qui ne se parlaient plus de longue date.

Par ailleurs, la médiation est familière aux Églises issues de la réforme, comme on peut le constater sur de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) :

Active depuis 2010 au sein de notre Église, la commission de médiation est constituée de trois membres formés en médiation, qui sont nommés pour cinq ans. La commission est à disposition des membres laïcs et des ministres de l’Église en cas de conflits, tensions, soucis de communication au sein d’une paroisse, d’un conseil de paroisse, d’un conseil régional, ou d’un autre organe en lien avec l’EERV. La médiation est un procédé volontaire par lequel des médiateurs-trices accompagnent les personnes vers une solution élaborée par les parties en présence. Ce service de l’Église est gratuit et nous nous déplaçons dans vos villages, dans vos paroisses. Pour un premier contact, vous pouvez nous joindre par téléphone ou par courriel pour être simplement écouté ou pour demander une séance individuelle ou collective. Après vous avoir entendu, la commission prendra contact, dans un deuxième temps, avec la ou les parties en conflit[89].

Revenons cependant au cœur de notre sujet, qui porte sur la prévention et la résolution des conflits internes à l’Église catholique.

Dans son article sur la protection juridique dans l’Église[90], publié en 2002, Kurt Martens concluait ainsi :

Dans certains pays, on a compris que l’absence de tribunaux administratifs dans l’Église doit être compensée. Voilà pourquoi on peut voir que partout, des projets sont mis en œuvre. Mais comme il faut obtenir la permission du Saint-Siège, et plus particulièrement de la Signature apostolique, pour installer un nouveau système de tribunaux, on cherche des alternatives. En pratique, cela signifie qu’on se limite aux projets stimulant la conciliation ou la médiation, basés sur la libre volonté des parties concernées. On court non seulement le risque de s’enliser dans des procédures interminables, mais aussi celui de passer à côté d’un tribunal ayant la compétence d’imposer à l’autorité religieuse de respect[er] la loi. Et ne faut-il pas après tout appliquer le principe « patere legem quam ipse fecisti » [91] ?

Après avoir écarté la pratique de l’arbitrage d’un tiers qui ne peut pas s’imposer aux évêques, nous avons constaté que la médiation était une voie permettant effectivement « d’éviter autant que possible les litiges au sein du peuple de Dieu, et de les régler au plus tôt de manière pacifique » comme le recommande le canon 1446. Pour qu’elle se développe harmonieusement dans l’Église, Etienne Rozé recommande :

  • la culture d’un esprit de la confrontation bienveillante. En effet, un fonctionnement très (trop) « familial » de la part des autorités peut provoquer des phénomènes de non-droit[92];
  • la clarification des fonctions et de leur interdépendance par des lettres de mission claires ;
  • la responsabilisation des acteurs ;
  • l’anticipation des situations conflictuelles par la vulgarisation du droit canon et de la justice administrative de l’Église ;
  • la structuration de la médiation dans les milieux ecclésiastiques, tant au plan canonique qu’au plan spirituel.

 

[1] Le Droit canon fourmille de procédures nécessitant une consultation préalable du Conseil presbytéral, du Conseil pour les affaires économiques, du Conseil pastoral, etc.

[2] C’est le cas, par exemple, lors de la répartition annuelle des paroisses d’un diocèse, alors que le nombre total de prêtres diminue globalement.

[3] Schlick (Jean), « Des limites de la justice administrative dans l’Église catholique » Praxis juridique et religion, 3, 1986, p. 127-135.

[4] On peut penser au manque de temps du responsable, au manque de considération ou de confiance réciproque, à l’existence d’intérêts supérieurs qui imposent un secret préjudiciable à la bonne entente, à la méconnaissance du droit, à l’intransigeance d’une des parties etc.

[5] Can. 1733 — § 1. Il est hautement souhaitable que chaque fois qu’une personne s’estime lésée par un décret, le conflit entre elle et l’auteur du décret soit évité et que soit recherchée entre eux d’un commun accord une solution équitable, en utilisant au besoin la médiation et les efforts de sages, pour éviter le litige ou le régler par un moyen adéquat.

  • 2. La conférence des Évêques peut décider que soit constitué de manière stable dans chaque diocèse un organisme ou un conseil dont la charge sera de rechercher et de suggérer des solutions équitables selon les normes établies par la conférence ; mais si la conférence ne l’a pas ordonné, l’Évêque peut constituer un conseil ou un organisme de ce genre.
  • 3. L’organisme ou le conseil dont il s’agit au § 2 agira surtout lorsque la révocation d’un décret a été demandée selon le c. 1734 et que les délais de recours ne sont pas écoulés ; mais si le recours contre le décret lui est soumis, le Supérieur qui doit examiner le recours encouragera la personne qui fait recours et l’auteur du décret, chaque fois qu’il a l’espoir d’une solution favorable, à rechercher des solutions de ce genre.

[6] Can. 1446 — §1. Tous les fidèles, et en premier les Évêques, s’efforceront de leur mieux, dans le respect de la justice, d’éviter autant que possible les litiges au sein du peuple de Dieu, et de les régler au plus tôt de manière pacifique.

  • 2. Au début du procès et même à tout moment, chaque fois qu’il entrevoit quelque espoir d’une solution favorable, le juge ne doit pas omettre d’exhorter et d’aider les parties à chercher d’un commun accord une solution équitable à leur différend, et il leur indiquera les moyens convenables à cette fin, en ayant notamment recours à la médiation de sages.
  • 3. Si le procès concerne le bien privé des parties, le juge examinera si le différend peut être utilement réglé par une transaction ou un arbitrage selon les c. 1713-1716. C. 1446 §2.

[7] En droit séculier, Charles Jarosson la définit comme : « une variété de conciliation, qui consiste également en un processus de résolution des litiges fondé sur la recherche d’un accord entre les parties, mais qui nécessite la participation d’un tiers, le médiateur. »

[8] Cf. Can. 1659 — §1. En cas d’échec de la tentative de conciliation selon le c. 1446, §2,

[9] Can. 1713 — Pour éviter les procès, il est souhaitable de recourir à une transaction ou à une réconciliation, ou bien de soumettre le litige au jugement d’un ou plusieurs arbitres. 1713

[10] Une plus grande cohérence serait bienvenue entre les termes employés aux canons 1446 et 1713, sachant qu’à mon avis, la réconciliation ou la conciliation sont l’objectif à atteindre, tandis que la médiation ou l’arbitrage sont le moyen d’y parvenir.

[11] Dans l’arbitrage, les parties sont liées par la décision de l’arbitre, contrairement à la médiation.

[12] En droit séculier, Charles Jarosson la définit comme : « un processus de résolution des litiges fondé sur la recherche d’un accord entre les parties… » in glossaire de l’IFOMENE, 25 mars 2008. D’après le nouveau code de procédure civile, art 127 : « les parties peuvent se concilier elles-mêmes ou à l’initiative d’un juge, tout au long de l’instance ». Nous renoncerons au terme de conciliateur, cité par Jarosson pour éviter la confusion avec celui de médiateur. Jean-Pierre Bonafé-Schmitt in « la médiation, une autre justice, ed. Syros-Alternatives, Coll Alternatives sociales, 1992, la définit comme un « processus le plus souvent formel par lequel un tiers neutre tente, à travers l’organisation d’échanges entre les parties, de permettre à celles-ci de confronter leurs points de vue et de rechercher, avec son aide, une solution au conflit qui les oppose. »

[13] Can. 1714 — Pour la transaction, le compromis et l’arbitrage, les règles choisies par les parties seront observées ou, si les parties n’en ont pas choisi, la loi, s’il y en a une, portée par la conférence des Évêques, ou bien la loi civile en vigueur dans le lieu où la convention est conclue.

[14] En droit séculier, l’arbitrage est un accord entre les parties sur le choix d’un ou plusieurs arbitres qui, après les avoir entendus, décidera d’une solution que les parties choisissent à l’avance de ne pas remettre en cause. Il se distingue de la médiation dans la mesure où la position des arbitres lie les parties alors que celle des médiateurs ne les lie pas. S’agissant de la conciliation, Charles Jarosson la définit comme : « un processus de résolution des litiges fondé sur la recherche d’un accord entre les parties… » in glossaire de l’IFOMENE, 25 mars 2008. D’après le nouveau code de procédure civile, art 127 : « les parties peuvent se concilier elles-mêmes ou à l’initiative d’un juge, tout au long de l’instance ». Nous renoncerons au terme de conciliateur cité par Jarosson pour éviter la confusion avec celui de médiateur. Jean-Pierre Bonafé-Schmitt in La médiation, une autre justice, ed. Syros-Alternatives, Coll Alternatives sociales, 1992, la définit comme un « processus le plus souvent formel par lequel un tiers neutre tente, à travers l’organisation d’échanges entre les parties de permettre à celles-ci de confronter leurs points de vue et de rechercher, avec son aide, une solution au conflit qui les oppose. »

[15] Cf. supra.

[16] Pastor bonus, n° 121.

[17] Pastor bonus, n° 124, 1°.

[18] Mamberti (Cardinal Dominique), Lettre circulaire sur la situation et l’activité des tribunaux, Rome, 30 juillet 2016. NB : le questionnaire initial de 1971 (AAS 63 [1971] 480-486) a été révisé en 2016.

[19] ASS (1985), p. 1272, traduit de l’italien par l’auteur.

[20] ASS (1976), p. 543, traduit de l’italien par l’auteur.

[21] ASS (1978) p. 625.

[22] Cf. Prot 12230/80 CA, Ministerium Justitiae, op. cit. p. 197.

[23] Prot. 49737/14 CA, cas signalé à l’auteur via www.canonistes.org

[24] Donguy (Jean), Application en France des canons 1733 et 1734 relatifs aux Conseils de médiation, mémoire de licence de droit canonique soutenu le 2 juin 2000 à la faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris, 150 p.

[25] Donguy (Jean), op. cit.  p. 8.

[26] Donguy (Jean), op. cit. p. 27.

[27] Plaquette éditée par le secrétariat de la Conférence nationale des Évêques de France, édition 1993, p. 15 à 17.

[28] Cinq diocèses des régions administratives Poitou-Charentes-Limousin ; ainsi que les 22 diocèses des régions apostoliques Centre-Est et Midi.

[29] Chalons en Champagne, Langres, Reims et Troyes pour la région apostolique Nord ; Carcassonne, Albi, Auch, Cahors, Montauban, Pamiers, Perpignan, Rodez, Saint-Flour, Tarbes et Toulouse pour la région apostolique du Midi ; Poitiers, Angoulême, La Rochelle, Limoges et Tulle pour la région apostolique du Sud-Ouest.

[30] Amiens, Arras, Beauvais, Cambrai, Evreux, Le Havre, Lille, Rouen et Soisson pour la région apostolique du Nord ; Agen, Aire et Dax, Bayonne-Lescar et Oléron, Bordeaux, Périgueux pour la région apostolique du Sud-Ouest, Coutances-Avranches la région apostolique de l’Ouest.

[31] Cf. Pastor Bonus, art 82 : La Congrégation [pour les évêques] […] reçoit les actes et décrets de ces assemblées [les conférences épiscopales] et, après consultation des dicastères concernés, les reconnaît.

[32] Angers, Luçon, Nantes

[33] Ajaccio, Aix, Bayeux, Créteil, Digne, Fréjus-Toulon, Gap, Marseille, Meaux, Nice, Saint-Denis, Strasbourg, Vannes, ainsi que tous les diocèses de la région apostolique du Centre, à savoir Blois, Bourges, Chartres, Moulins, Nevers, Orléans, Sens et Tours.

[34] Donguy (Jean), op. cit. p. 114.

[35] Donguy (Jean), op. cit, p. 115.

[36] Donguy (Jean), op. cit. Annexe II.

[37]www.catholique-nancy.fr/a-votre-service/les-services-de-leveque/les-commissions/conseil-de-mediation

[38]http://saint-denis.catholique.fr/monseigneur-pascal-delannoy/nominations/le-conseil-de-mediation consulté le 11 février 2015.

[39] Pansard (Michel), Les laïcs en mission ecclésiale dans le diocèse de Chartes, www.diocese-chartres.com/fichiers/officiel/STATUTS-LME_01-2011.pdf consulté le 8 octobre 2010,

[40] Lors d’une recherche effectuée en 2015, il est apparu que certains sites, diocésains comme celui de Digne, publient le décret de création du Conseil de médiation, sans commentaires. D’autres indiquent à qui s’adresser, comme celui de Pamiers, Couserans et Mirepoix, ou celui d’Angers qui cite six curés médiateurs. D’autres, comme ceux de la Rochelle et Saintes, Coutances et Avranches se bornent à citer l’existence d’un tel conseil auprès de l’évêque, sans donner ni renseignements ni contacts précis. D’autres, comme celui de Poitiers, évoquent ce conseil provincial dans l’annuaire du diocèse, mais pas sur son site.

[41]www.poitiers-catholique.fr/images/stories/actualite/annuaire/Pages%20de
%20Annuaire%20du%20diocese%20de%20Poiters%202015%20-%20sommaire.pdf

[42] Le site du diocèse de Lyon référence par contre le Conseil des laïcs en mission, dont les fonctions ne citent pas la médiation, en publiant le décret de Philippe Barbarin, du 1er mars 2007, ad experimentum.  http://lyon.catholique.fr/?Le-Conseil-des-laics-en-mission

[43] Hoffner (Anne-Bénédicte), L’Église et le gouvernement cherchent un statut pour les laïcs, La Croix, 28 mai 2008 et www.la-croix.com/Religion/Actualite/L-Église-et-le-gouvernement-cherchent-un-statut-pour-les-laics-_NG_-2008-05-28-671745

[44] Lavigne (Jean-Claude), Médiation et gestion des conflits dans l’Église catholique : les conseils diocésains de médiation. Archives, ordres des frères prêcheurs.

[45] Son travail est abordé au chapitre 5 relatif à la justice pour les consacrés.

[46] Rozé (Etienne) Structures diocésaines, paroisses et médiations – réflexions à partir de la situation du diocèse catholique de Nancy et Toul, mémoire de diplôme universitaire de médiateur, Institut Catholique de Paris, IFOMENE, promotion 2014-2015.

[47] Salon Beige 9 juillet 2017 ; Riposte catholique, 10 juillet 2017.

[48] Statuts de l’enseignement catholique en France, promulgués par la Conférence des Évêques de France, le 14 mai 1992, complété, amendé, et promulgué par le Conseil Permanent de la Conférence épiscopale le 11 Mars 1996 modifié par le CNEC le 23 octobre 1999, et approuvé par les Évêques de France, puis Statuts de l’enseignement catholique en France du 1er juin 1993.

[49] Coloni (Michel), Evêque de Dijon, Président de la Commission Episcopale Education, Vie et Foi des Jeunes, Président du Comité Episcopal du Monde Scolaire et Universitaire [sic], Lettre aux évêques de France, Dijon, 10 juin 1999.

[50] Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique, Le retrait de la mission d’un chef d’établissement, note SG/99.1223, paris, août 1999.

[51] Martens (Kurt), la protection juridique dans l’Église : les tribunaux administratifs, la conciliation et du due Process, in Studia canonica, 36 (2002), p. 225-252.

[52] Martens (Kurt) cite les trois pays du Salvador, des Philippines et du Paraguay.

[53] Martens (Kurt) cite l’Argentine, le Nigéria, le Panama et les Pays-Bas

[54] C’est le cas en Bolivie, en Équateur, en Gambie, au Liberia, en Sierra Leone, au Guatemala en Inde, en Italie, à Malte, au Mexique, au Pérou, au Sri Lanka et au Venezuela,

[55] C’est le cas notamment de Melbourne en Australie, Kildare and Leighlin, Ferns et Clogher en Irlande, Aachen, Erfurt, Passau et Würzburg en Allemagne.

[56] Martens (Kurt), op. cit. p. 241.

[57] Martens (Kurt), Administrative Procedures in the Roman Catholic Church, Difficulties and Challenges in Ephemerides Theologicae Lovanesienes, 76 (2000), p. 354-380.

[58] Cf. Matthews (Kevin), « The Development and Future of the Administrative Tribunal », Studia Canonica, XVIII, (1984), p. 86. Voir notamment le Fora abitrii Conciliationis

[59] Interdiocesaan Pastoraal Beraad

[60] Martens (Kurt), op. cit. p. 243-249.

[61] Martens (Kurt), La protection juridique dans l’Église : les tribunaux administratifs, la conciliation et le due process, in Studia canonica, 36/1 2002, p. 243.

[62] Can. 1925 § 1 Comme il est très désirable que les fidèles évitent entre eux les conflits, le juge doit les exhorter, lorsqu’une discussion contentieuse regardant l’intérêt privé lui est soumise pour être tranchée par voie de jugement, à terminer le conflit par une transaction, si quelque espoir d’accord subsiste.

  • 2 Le juge pourra satisfaire à ce devoir soit avant que les parties soient appelées en justice, soit dès qu’elles auront comparu, soit à tout autre moment qui lui semblera plus opportun pour faire plus efficacement une tentative de transaction.
  • 3 Il convient cependant à la dignité du juge, d’ordinaire au moins, de ne pas entreprendre personnellement cette opération, mais d’en commettre la charge à quelque prêtre, surtout à ceux qui sont juges synodaux.

[63] Can. 1929 : Pour éviter les discussions judiciaires, les parties peuvent aussi conclure une convention, par laquelle le conflit est remis au jugement d’une ou de plusieurs personnes, soit qu’elles tranchent la question selon les règles du droit, soit qu’elles la traitent selon l’équité et transigent ; les premiers sont appelés ‘arbitres’, les seconds ‘arbitrateurs’.

[64] Nihil obstat for the due process, in The Jurist, 32, (1972), p. 291-292.

[65] Episcopal Conference of England and Wales, Conciliation procedure, April 1975, Canon Law Digest, 8, 1020-1030.

[66] Société de droit canonique du Canada : histoire. www.ccls-scdc.ca/Hist_Fr001.html

[67] Entretien réalisé le 16 janvier 2015, lors de la journée d’étude de l’Institut de droit canonique de Strasbourg sur la vie associative dans l’Église http://www.droitcanon.com/Colloque_Associations_%20janvier%202015.pdf

[68] On ne manquera pas de remarquer l’analogie avec les nombreux recours contre les décisions de non-admission à la discussion prises par le Secrétaire ou le Congrès du Tribunal suprême.

[69] Pekar Lempereur (Alain), Saler (Jacques), Colson (Aurélien), Les méthodes de la médiation, Paris, Dunod 2008, 272 p..

[70] Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, Journal Officiel de l’Union européenne du 24 mai 2008, p. 136/3 à 136/8.

[71] http://www.ombudsman.europa.eu/fr/resources/code.faces#/page/1

[72] Blonhorn-Brenneur (Béatrice), médiatrice auprès du Conseil de l’Europe, la médiation pour tous, Médias et médiations, Montigny-le-Bretonneux, 2013, p. 103.

[73] www.cimj.com

[74] Titre VI : La conciliation et la médiation, art. 127 à 131-15.

[75] Consulté le 21 décembre 2016 sur le site du Conseil d’Etat. www.conseil-etat.fr

[76] www.vie-publique.fr/politiques-publiques/juge-justice-proximite/reglement-conflits

[77] Poutet (Christiane), « L’activité des conciliateurs de justice en 2003 », Infostat Justice n°78, Paris novembre 2004.

[78] Infostat Justice, n°84, août 2005

[79] http://cpmn.info/wp/ consulté le 16 février 2015.

[80]  www.mediateurs.pro/ consulté le 16 février 2015.

[81] Code d’éthique et de déontologie des médiateurs : consulté le 16 février 2015 sur http://fr.wikimediation.org/

[82] Taubira (Christiane), 15 actions pour la justice au quotidien. Communiqué du ministère de la Justice, 11 septembre 2014.   http://www.justice.gouv.fr/publication/j21-15actions.pdf

[83] Viart (Jean-Paul), Médiation et Justice : bilan d’une année prolifique  http://www.affiches-parisiennes.com/mediation-et-justice-bilan-d-une-annee-prolifique-3627.html#ixzz3T24tWDJ9

[84] Leibe (Jean-Luc), pasteur de l’Église Évangélique Baptiste (FEEBF) à Grenoble, et titulaire d’un DESS en Médiation (Paris I, Panthéon-Sorbonne).

[85] Leibe (Jean-Luc), « Le temps de la médiation, un espoir de réparation ? » Les cahiers de l’école pastorale, n° 79 – 1e trimestre 2011.

[86] Ruyssen (Georges-Henri), La Santa Sede e i massacri degli Armeni 1894-1896, Edizione Orientalia Cristiana, Pontificio Istituto Orientale, Roma 2012, 274 p.

[87] Suite à l’échec de la médiation du Secrétaire d’Etat américain John Kerry qui n’a pas ménagé ses efforts durant 9 mois (août 2013-avril 2014) pour obtenir un accord paix entre les deux parties, le pape François a invité Shimon Peres et Mahmoud Abbas à venir prier avec lui au Vatican, le 8 juin 2014.

[88] Ndi-Okalla (Joseph), Le deuxième synode africain face aux défis socio-économiques et éthiques du continent, Karthala Editions, 2009, p. 189.

[89] http://eerv.ch/qui-sommes-nous/synode/la-commission-de-mediation/

[90] Cf Martens (Kurt), « Protection of Rights: Experiences with hierarchical recourse and possibilities for the Future », The Jurist, 69 (2009) p. 646-702.

[91]Expression tirée du droit romain qui peut se traduire par : « Subis les conséquences de ta propre loi »

[92] Toxé (Philippe), « Quel principe de légalité en droit canonique », L’année canonique LVI, 2014-2015, p.234.

11. Perspectives d’évolution

Comment un fidèle catholique peut-il réagir lorsque, à tort ou à raison, il se sent victime d’un acte administratif émanant de la hiérarchie ecclésiastique et qu’il a l’impression de se heurter au mur de son quintuple pouvoir d’enseignement, de sanctification, de législation, de gouvernement et de justice ?

  • S’amender? Certainement, s’il sait en quoi il doit le faire.
  • Demander et « Faire connaître aux Pasteurs de l’Église leurs besoins surtout spirituels, ainsi que leurs souhaits. »? (c. 212 §2). Tel est l’objet du recours gracieux.
  • Chercher à comprendre en faisant si nécessaire appel au recours des sages ? Encore faut-il que les instances de médiation soient opérationnelles.
  • Renoncer ? Sans doute pour ce qui concerne sa volonté propre, mais il ne s’agit pas de renoncer au bien commun de l’Église ou de la société, ni de devenir amer.
  • Se révoltercontre l’injustice ? Peut-être, mais dans un premier temps et dans les limites de l’obéissance chrétienne.
  • Se taire? Jésus l’a fait devant Hérode et partiellement devant Pilate mais pas devant les gens de bonne foi.
  • Distendre le lien avec l’Église par exemple en rejoignant une autre branche du Christianisme, voire une autre religion ? L’Écriture nous dit le contraire : « Que ma langue se colle à mon palais si je perds ton souvenir » (Ps 137, 6) et « Tu es Pierre et sur cette pierre, je fonderai mon Église ». (Mathieu 16,18) ;
  • Demander justice à l’Etat ? L’enseignement de Paul aux Corinthiens s’y oppose, (Cf. Cor 6, 5).
  • Faire entendre sa voix par les moyens de communication sociale ? Les fidèles ont en effet le droit et même parfois le devoir de le faire (c. 212 § 3), mais Jean-Claude Eslin interroge : « Parler fait-il du mal à l’Église ? » [1]
  • Demander justice à l’Église ? : C’est cette dernière voie que nous avons étudiée dans ces pages.
  • (partie non mise en ligne)

Pour pouvoir préciser dans quelles conditions il est opportun de promouvoir la justice administrative ecclésiastique, il convient de répondre à cinq questions préalables :

  1. est-il légitime pour la hiérarchie d’infliger des sanctions ?
  2. est-il licite de recourir à la justice ecclésiastique ?
  3. est-il possible de recourir à la justice administrative ecclésiastique ?
  4. est-il souhaitable de recourir à la justice ecclésiastique ?
  5. est-il juste de recourir à la justice ecclésiastique ?

3.1. Est-il légitime d’infliger des sanctions ?

Tout entier consacré aux sanctions, le livre VI du Code de droit canonique débute par le canon 1311, qui répond en partie à notre question :

Can. 1311 — L’Église a le droit inné et propre de contraindre par des sanctions pénales les fidèles délinquants

Normalement, les sanctions sont appliquées par voie pénale, au terme d’un procès qui protège les droits de la défense. Nous avons vu cependant que le canon 1342 permettait à la hiérarchie ecclésiastique d’infliger des sanctions par décret extrajudiciaire. Ce procédé devient dangereux lorsqu’un certain anti juridisme ou une absence de culture canonique entraîne :

Une ignorance (involontaire ou volontaire, « crasse, supin ou affectée » selon la terminologie traditionnelle) à l’égard du droit, de telle sorte que les acteurs ecclésiaux méconnaissent le droit et n’ont pas le réflexe de se préoccuper de la règle de droit canonique, d’autant plus qu’ils savent que la méconnaissance de cette règle n’est pas sanctionnée par la nullité mais seulement par l’illicéité »[48]

Dans son analyse de ce canon, Mgr. Fred C. Easton[49] insiste sur le fait que la voie extrajudiciaire n’est pas mise sur le même plan que la voie judiciaire, et il souligne que le canon 1402 du Code des canons des Églises orientales  comporte des restrictions qui ne figurent pas dans le code de 1983[50].

En fait, six conditions doivent être respectées pour imposer des sanctions par voie administrative :

  1. il ne doit pas s’agir d’un délit dont la résolution est réservée au Saint-Siège ; (c. 1394-1395) ;
  2. un dialogue préalable doit avoir lieu en vue de rechercher des solutions, conformément au canon 1341[51];
  3. une raison objective doit empêcher la tenue d’un procès pénal, et par exemple l’impossibilité de constituer un tribunal pénal dans le diocèse[52];
  4. la preuve du délit doit avoir été apportée clairement lors de l’enquête préliminaire ;
  5. la peine infligée doit être modérée[53]
  6. la peine doit être proportionnée à la situation, conformément au canon 1317[54].

Moyennant ces conditions, retenons qu’il est légitime que la hiérarchie impose des sanctions pour protéger le bien commun de l’Église mais, avec miséricorde, comme le rappelle le pape François qui fustige une trop grande rigidité :

La Loi n’a pas été faite pour nous rendre esclaves, mais pour nous rendre libres, pour nous rendre enfants[55]

3.2. Est-il licite de recourir à la justice ?

En théorie, le droit de revendiquer légitimement leurs droits dont ils jouissent dans l’Église, et de les défendre devant le for ecclésiastique compétent selon le droit, constitue un droit fondamental des fidèles catholiques, comme en dispose le canon 221 §1 du code de droit canonique ou le canon 24 du code des canons des Églises orientales.

Pourtant, dans la pratique, Philippe Toxé estime que ce caractère licite n’est pas toujours perçu comme tel :

un sociologue du droit pourrait expliquer comment, dans une société ecclésiale marquée par un discours dépréciatif envers la règle juridique, au nom de la miséricorde et de l’équité, l’utilisation des voies juridiques de recours risque d’être perçue comme un juridisme non évangélique, un manque d’obéissance, une faute contre la communion ou une suspicion irrévérencieuse à l’égard des autorités et de leur bonne volonté pastorale[56].

Ernest Caparros constate la même difficulté mais conclut dans le sens de la licéité des recours :

Il y a des milieux ecclésiastiques qui n’ont pas l’habitude de garantir les droits ni d’assumer les risques de la liberté. Dans ces milieux, les réclamations concernant ces droits et libertés, basés sur la justice, peuvent être perçues comme des atteintes ou des contestations de la liberté. La réalité est bien différente : une relation de justice renforce toujours l’autorité et rend les gens plus responsables, alors que le geste arbitraire ou sans l’apparence de justice conduit à la perte d’autorité[57].

Pour maintenir vivante l’identité de la vie consacrée face aux actuelles mutations socioculturelles en Afrique, la sœur Scolastique préconise principalement de développer la formation des postulantes et des professes[58]. Nous ne pouvons qu’appuyer cette proposition, en l’étendant aux clercs et aux laïcs, pour leur enseigner d’une manière complète et honnête la manière de gérer les conflits internes, grâce au dialogue, à la médiation, sans omettre les possibilités de recours au sein de l’Eglise pour prévenir des situations telles que décrites par A Ntima Nkanza :

On assiste à une culture de la revendication, à la minesis, à la violence langagière qui entraîne méfiance animosité, ressentiment[59].

3.3. Est-il possible de recourir à la justice ?

Le père Lombardi a rappelé la récente évolution de l’Église en matière de justice :

Ces dernières années, s’est développé un système juridique et pénal du Vatican pour rendre celui-ci plus complet et le mettre à la hauteur des exigences d’aujourd’hui pour affronter l’illégalité dans différents domaines. On ne peut pas déclarer des intentions, et établir des normes, et ne pas être cohérent en le mettant en pratique, en poursuivant qui n’observe pas les lois[60].

Dans le domaine contentieux-administratif, le présent ouvrage a montré qu’il est effectivement possible de recourir à la justice administrative lorsqu’un droit est violé par un décret particulier, et que les voies de résolutions amiables sont inopérantes. Nous avons vu cependant qu’il existait une série d’exceptions qui empêchent parfois de recourir à la justice ecclésiastique :

  • pour les actes approuvés en forme spécifique par le Pontife romain ;
  • pour les décrets généraux ayant des implications sur les droits des fidèles ;
  • pour les actes administratifs non écrits ;
  • pour les actes administratifs légitimes mais injustes.

Nous avons vu également que divers facteurs pouvaient empêcher les fidèles de recourir à la justice administrative de l’Église, et notamment :

  • la méconnaissance de leurs droits et obligations ;
  • la difficulté de recueillir les preuves ;
  • le silence et le secret de la hiérarchie ;
  • la complexité des procédures de recours.

3.4. Est-il souhaitable de recourir à la justice ?

La réponse est clairement négative puisque le canon 1733 invite à rechercher d’un commun accord une solution équitable.

Pourtant, le législateur a reconnu que cette voie n’est pas toujours possible si bien qu’il a prévu la possibilité des recours hiérarchiques et des recours contentieux-administratifs. Ainsi, le Saint-Siège reconnaît l’utilité de certains procès :

Cette divulgation de documents confidentiels exigeait un rappel fort à la responsabilité dans le monde du Vatican, à la prise de conscience d’une loi, et à la volonté de l’appliquer. […] Oui, il fallait que le procès ait lieu, notamment pour faire réfléchir et pour prévenir le retour de telles affaires. […] La sentence allie « justice » et « clémence ». […] Le procès a été « un pas en avant […] vers la transparence, la vérité et la justice[61].

En procédant par analogie, on peut penser qu’il est souhaitable pour la communion ecclésiale que des fidèles initient des procès contentieux-administratifs, lorsque la recherche de solutions amiables a échoué, et qu’un souci de justice et de miséricorde guide les parties concernées.

Une médiation, un arbitrage ou un procès s’impose aussi pour faire jaillir la vérité lorsque deux fidèles catholiques n’arrivent pas à s’accorder sur ce qui est vrai et juste :

Une accusation peut-être vraie ou fausse. Autrement, il n’y aurait pas besoin de procès[62].

De plus, la jurisprudence entraînée par ces recours peut être utile à l’évolution du droit canonique.

Comme c’est le cas à la Rote dans le domaine du mariage, l’élaboration de la jurisprudence peut aussi contribuer de manière déterminante à l’évolution législative, en aidant le législateur à compléter le système de justice administrative[63].

3.5. Est-il juste de recourir à la justice ?

A cette question fondamentale, la réponse n’est pas aussi univoque que précédemment, car pour les chrétiens, la justice est d’abord un attribut de Dieu et ensuite une vertu que les hommes sont invités à rechercher au même titre que la sagesse : « Tu rechercheras la justice, rien que la justice[64] »

Dans la Bible, quelques personnes sont qualifiées de justes : Abraham[65] ; Zacharie et Elisabeth[66], parents de Jean-Baptiste ; saint Joseph, patron de l’Église universelle[67] ou le centurion Corneille[68], mais aucune d’entre elles n’a fait recours contre des décisions de leurs contemporains, alors qu’ils ont toujours recherché le bien commun et la communion.

En fait, l’Evangile n’incite pas les chrétiens à recourir aux procès, mais au contraire, il proclame bienheureux ceux qui sont accusés à cause de leur foi :

Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïront, quand ils vous frapperont d’exclusion, et qu’ils insulteront et proscriront votre nom comme infâme, à cause du fils de l’Homme.[69]

Faut-il en conclure que les fidèles catholiques doivent préférer la résignation et le silence aux recours administratifs lorsqu’ils sont confrontés à une injustice de la part de l’autorité ecclésiastique, de façon à préserver la communion ?

Saint Jean-Paul II semble aller dans ce sens à propos des conflits surgissant dans la vie de couple :

Quand on a été offensé ou déçu, le pardon est possible et souhaitable, mais personne ne dit qu’il est facile. La vérité est que « seul un grand esprit de sacrifice permet de sauvegarder et de perfectionner la communion familiale. Elle exige en effet une ouverture généreuse et prompte de tous et de chacun à la compréhension, à la tolérance, au pardon, à la réconciliation. Aucune famille n’ignore combien l’égoïsme, les dissensions, les tensions, les conflits font violence à la communion familiale et peuvent même parfois l’anéantir : c’est là que trouvent leur origine les multiples et diverses formes de division dans la vie familiale »[70].

De même, le pape François évoque des cas où la revendication des droits est profondément injuste :

Si nous permettons aux mauvais sentiments de pénétrer nos entrailles, nous donnons lieu à cette rancœur qui vieillit dans le cœur. […] Le contraire, c’est le pardon, un pardon qui se fonde sur une attitude positive, qui essaye de comprendre la faiblesse d’autrui et cherche à trouver des excuses à l’autre personne, comme Jésus qui a dit : « Père, pardonne-leur : ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23, 34). Mais généralement la tendance, c’est de chercher toujours plus de fautes, d’imaginer toujours plus de méchanceté, de supposer toutes sortes de mauvaises intentions, de sorte que la rancœur s’accroît progressivement et s’enracine. […] La juste revendication de ses propres droits devient une soif de vengeance persistante et constante plus qu’une saine défense de la dignité personnelle[71].

D’une manière générale, le Saint-Père invite les chrétiens à accepter les humiliations pour conquérir la liberté :

« Non ! » à la « religion du maquillage », contraire à l’humilité évangélique, et oui à la vraie liberté chrétienne. […]  La rédemption vient par la voie de l’humilité et des humiliations, parce qu’on n’arrive jamais à l’humilité sans les humiliations[72].

Pour faire la différence entre l’attitude positive de lutte pour la justice et celle négative de vengeance, la psychologue Véronique L.[73] distingue la recherche de la vérité de l’obsession du vrai. En d’autres termes, le fonctionnement pathologique de la paranoïa recherche la faille chez l’autre, en se laissant entraîner par une obsession du vrai, tandis que la personne saine pourra faire la différence entre sa part et celle de l’autre, et rechercher la communion. Jésus donne un enseignement à ce sujet, avec la parabole de la paille et de la poutre, que l’on pourrait utilement appliquer aux conflits dans l’Église :

Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? Ou comment peux-tu dire à ton frère : Laisse-moi ôter une paille de ton œil, toi qui as une poutre dans le tien ? Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras comment ôter la paille de l’œil de ton frère[74].

En matière de recours administratifs, Jean-Pierre Schouppe explique qu’ils sont permis, mais pas toujours justes :

Rappelons que l’existence d’un droit ne dispensa jamais de pratiquer la charité, pas plus qu’il ne signifie automatiquement la mise en œuvre de moyens relativement « agressifs » tels que l’introduction d’un recours administratif ou l’action en justice. La vie ecclésiale offre un éventail d’alternatives nettement plus pastorales et conviviales permettant d’éviter les procès[75].

Pour savoir ce qui est juste, faisons appel à saint Alphonse de Liguori, patron des moralistes et docteur de l’Église :

Les saints, quand on les accuse à tort, ne s’excusent pas, à moins que ce ne soit nécessaire pour éviter au prochain le dommage d’un scandale. Si vous recevez un affront, supportez-le avec patience, c’est la marque de la vraie humilité[76].

De ce fait, si nous avons la capacité de souffrir en union avec Jésus pour le bien de l’Église, et de pardonner en accumulant des charbons ardents sur la tête de nos persécuteurs réels ou présumés, c’est sans doute la solution la plus chrétienne et la plus bénéfique pour rétablir la communion. Cette voie de la prière et de la souffrance acceptée par amour apaise et rend capable de parler dans la vérité avec la hiérarchie ecclésiastique, sans se faire complice de l’injustice réelle ou ressentie. Rappelons-nous cette phrase de Matthieu 18, 15-17 :

Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais, s’il ne t’écoute pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou de trois témoins. S’il refuse de les écouter, dis-le à l’Église.

Dans le même sens, le canon 223 §1 invite les fidèles à considérer le bien commun de l’Église avant d’entreprendre une démarche visant à exercer leurs droits de recours contre un acte administratif estimé illégitime. Certes, les fidèles ne sont pas toujours certains d’apprécier correctement le bien commun dans la situation d’injustice qu’ils subissent mais, s’ils sont de bonne foi, le Cardinal Kasper estime que cela vaut tout de même mieux que l’indifférence :

Mais qui ne connaîtrait pas les tensions, voire les conflits qui existent à ce propos [le sensus fidei] ? Les manifestations de la contestation ne représentent pas encore ce qu’il y a de pire ; après tout, elles constituent une sorte de dialogue et de communication, bien qu’elle ne soit pas la meilleure. Bien plus grave est l’absence de communication, la non-considération mutuelle, le désintérêt, la dérive qui conduit à s’éloigner les uns des autres. Cela peut constituer également un espoir. En tout cas, il s’agit d’un point de départ pour une pastorale responsable[77].

Pour conclure, il semble effectivement juste de déposer un recours hiérarchique, voire un recours contentieux-administratif, lorsque les voies du dialogue ont été épuisées, et qu’il existe un risque que la communauté soit blessée par l’injustice commise ou présumée.

3.6. Faut-il promouvoir la justice administrative ?

A la lumière de l’éclairage apporté par la théologie morale, chacun peut se faire sa propre opinion sur l’opportunité ou non de promouvoir la justice administrative de l’Église auprès des fidèles catholiques, sachant que les canons 221 §1 et 223 leur en donnent la possibilité, et leur en font même un devoir pour autant que cette promotion aille dans le sens du bien commun de l’Église et, partant, de la communion ecclésiale.

Pour notre part, nous sommes convaincus de l’intérêt d’une telle démarche dont le présent ouvrage ne constitue qu’une étape. En effet, il ne suffit pas que les procédures canoniques de résolution des conflits internes à l’Église soient opérationnelles, encore faut-il qu’elles soient connues des personnes concernées, ce que le pape François appel d’ailleurs de ses vœux :

Je vous encourage tous à persévérer dans la recherche d’un exercice transparent et droit de la justice dans l’Église, en réponse aux désirs légitimes que les fidèles adressent aux pasteurs, en particulier lorsqu’ils demandent avec confiance d’éclaircir de manière faisant autorité leur status[78].

A défaut d’informer précisément les fidèles, le cardinal Mamberti appelle les évêques à informer régulièrement le Tribunal suprême :

La communion se vit dans la communication et la communication est au service de la communion[79].

Le cardinal Turkson, qui n’hésite pas à combattre et reconnaitre une part de corruption dans l’Eglise, appelle de ses vœux une meilleure promotion de la justice par les gouvernants :

Souhaitons que de plus en plus de politiciens honnêtes et compétents s’unissent dans les diverses structures éducatives et sociales en faveur de la justice, de la vérité et de la beauté[80].

En effet, la promotion de la justice administrative de l’Eglise produira plusieurs avantages :

  • les évêques et les supérieurs généraux, ainsi que leurs chanceliers, prendront peut-être plus de précautions lors qu’ils prépareront ou émettront des actes administratifs singuliers, en sachant que ces actes pourront faire l’objet de recours ;
  • la Curie romaine et le Tribunal suprême de la Signature apostolique, gagneront à ce que les fidèles comprennent mieux leur action ;
  • d’avantage de canonistes et autres juristes actuels ou potentiels, pourront peut-être se former à cette matière passionnante qu’est le droit canonique administratif ;
  • les fidèles catholiques, pourront mieux connaître leurs droits et les moyens de les faire valoir, ainsi que leurs obligations, et ils pourront en parler lors de conversations privées, ou par ses témoignages écrits dans la feuille paroissiale, le journal de leur association ou dans un commentaire sur les réseaux sociaux ;
  • les responsables des organes de presse, pourront évoquer la mise en œuvre des droits et obligations des fidèles catholiques, spécialement au cours de l’année 2017 qui marque le jubilé de la création du Tribunal administratif de l’Église.

Pour ces derniers, reprenons les récents propos du pape François aux journalistes italiens : « il n’existe pas de conflit qui ne puisse être résolu par des femmes et des hommes de bonne volonté [… qui sachent…] repousser la tentation de fomenter l’affrontement, avec un langage qui attise le feu des divisions, mais favorise plutôt la culture de la rencontre. Ces paroles interpellent l’auteur que je suis, et ceux qui le relayeront, sachant que le journalisme est « un instrument de construction, un facteur de bien commun, un accélérateur de processus de réconciliation »[81].

Pour conclure, revenons aux Saintes Ecritures, en approfondissant le sens du jubilé, puisque nous célébrons en 2017 celui de la Seconde section du Tribunal suprême de la Signature apostolique :

Vous déclarerez sainte cette cinquantième année et proclamerez l’affranchissement de tous les habitants du pays. Ce sera pour vous un jubilé : chacun de vous rentrera dans son patrimoine, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire : vous ne sèmerez pas, vous ne moissonnerez pas les épis qui n’auront pas été mis en gerbe, vous ne vendangerez pas les ceps qui auront poussé librement. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez des produits des champs. En cette année jubilaire, vous rentrerez chacun dans votre patrimoine ; (Lévitique 25, 10-13).

Pour ne pas en rester à l’Ancien testament, adressons-nous au Père, comme le propose Jésus :

Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés : Oui Seigneur, que l’Esprit du pardon prévale dans l’Église, tant de la hiérarchie par rapport aux fidèles, que des fidèles par apport à la hiérarchie ;

Ne nous soumet pas à la tentation : Oui, Seigneur, ne soumet pas les fidèles à la tentation de s’éloigner de l’Église, en s’adressant à la justice civile ou au grand public lorsque leur demande de dialogue de médiation ou de justice par rapport à l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique n’est pas entendue. Ne soumets pas non plus à la tentation d’abus de pouvoir les responsables de la hiérarchie ecclésiastique, s’ils sentent que certains actes administratifs ne feront pas l’objet de jugement.

Mais délivre-nous du mal : Oui Seigneur, délivre-nous de l’injustice sous toutes ses formes et notamment de l’injustice au sein de l’Église catholique, grâce au travail précieux de la deuxième section du Tribunal suprême de la Signature apostolique, et aux inspirations de l’Esprit saint pour que, dans l’avenir, la justice administrative de l’Église puisse encore mieux contribuer à la communion ecclésiale.

[1] ESLIN (Jean-Claude), « Parler fait-il du mal à l’Église ? » conférence du 13 janvier 2011 au Foyer de l’étudiant Catholique Strasbourg, résumée par Christine Muller, in revue Elan, Strasbourg 2012.

[2] Arrieta (Mgr Juan Ignacio), Le cardinal Ratzinger et la révision du système pénal canonique Un rôle déterminant, www.vatican.va/resources/resources_arrieta-20101202_fr.html

[3] Martens (Kurt), Protection of Rights: Experiences with hierarchical Recourse and possibilities for the future, The Jurist 69 (2009), p. 251

[4] Cf. cause Prot 15573/83 CA Ministerium Justitiae, op cit. p. 165-186.

[5] Concernant les recours à la justice civile en cas d’abus sexuel d’un prêtre sur un mineur, les situations varient selon les pays. Dans certains d’entre eux, les évêques sont obligés légalement d’avoir recours à l’autorité judiciaire séculière. Dans d’autres pays, les lois civiles ne leur imposent pas à le faire. Dans ce dernier cas, d’après Mgr Scicluna, la Congrégation pour la doctrine de la foi ne force pas les évêques à dénoncer les prêtres aux autorités civiles, mais elle les encourage à inviter les victimes à porter plainte. Elle demande aussi aux évêques de fournir à ces victimes toute l’assistance nécessaire.

[6] Alateia, 18 février 2016, http://fr.aleteia.org/2016/02/18/spotlight-un-film-que-tous-les-cardinaux-et-eveques-devraient-aller-voir/

[7] Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 173-177, traduit de l’italien par l’auteur.

[8] Dans le pouvoir de gouvernement, le canon 135 §1 distingue les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il convient donc de s’assurer que les médiateurs exerçant une fonction intermédiaire entre les pouvoir exécutifs et judiciaires ne soient pas totalement inféodés à l’un d’entre eux, comme le recommande avec insistance le septième principe directeur pour réforme du Droit canonique.

[9] François (pape), Lettre apostolique en forme de Motu proprio « Mitis Iudex Dominus Iesus » sur la réforme du procès canonique pour les causes de déclaration de nullité du mariage dans le code de droit canonique », p. 2.

[10] Art. 124—Au même Tribunal il revient également : 1° D’exercer sa vigilance sur la correcte administration de la justice… 

[11] Art. 110. § 1. Le rapport annuel ou les sentences d’un tribunal qui lui sont soumises étant examinés, le Secrétaire présente des conseils opportuns ou des remarques.

[12] Martens (Kurt), Protection of Rights… », The Jurist, 69 (2009), p. 684, traduit de l’anglais par l’auteur.

[13] Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 173-177, traduit de l’italien par l’auteur.

[14] Coccopalmerio (Card. Francesco), courrier Prot 14182/2013 du 3 septembre 2017 à l’auteur, traduit par ses soins : “De la formulation du canon 37 CIC, il résulte que la forme écrite a été imposée par le Législateur suprême pour la licéité d’un acte administratif au for externe et non pour sa validité, excepté dans les cas expressément prévus par le droit (ex : c. 54, 156, 179 §3, 190 !3, 193 §4, etc.). De ce fait, la décision orale de la part d’un ordinaire doit être considérée comme un acte administratif. »

[15] Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 173.

[16] Aumenta (Sergio), op. cit. p. 102, note 208.

[17] Hayward (Paul) Changes in ecclesial administrative justice brought about by the new competence of the « Sectio Altera » of the Apostolic Signatura to award damages » Ius Ecclesiae, 5 (1993), p. 643-673, traduit de l’anglais par l’auteur.

[18] Caparros (Ernest), « Réflexions sur la charité pastorale et le droit canonique », L’année canonique, 37, 1995, p. 259-276.

[19] Werkmeister (Jean), « Introduction au droit canonique » TEC 92 B, Faculté de théologie de l’université de Strasbourg, édition 2000.

[20] www.justice.fr

[21] Ruscazio (Maria Chiara), « Quelques réflexions canoniques à propos de l’objection de conscience du fonctionnaire public » in Revue de Droit canonique, Strasbourg 2015, tome 65/1, p. 409.

[22] François (Pape), discours du 12 février 2015 à l’occasion de l’ouverture du consistoire extraordinaire des cardinaux consacré à la réforme de la Curie romaine. www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2015/
december/documents/papa-francesco_20151221_curia-romana.html

[23] Villemin (Laurent), « Le retour de la réforme dans l’Église catholique », Transversalités, n° 137, avril-juin 2016, p. 60.

[24] François (pape) :  « Réchauffer les coeurs, mode d’emploi » Rio de Janeiro, 30 juillet 2013 : discours aux évêques du Brésil et d’Amérique latine, traduction Anita Bourdin (Zenit.org) d’après www.zenit.org/fr/articles/vademecum-pour-mettre-en-pratique-aparecida consulté le 5 août 2013

[25] Schouppe (J. P.) «  Le droit d’opinion et la liberté de recherche dans les disciplines ecclésiastiques » p. 184.

[26] Le Tourneau (Dominique), Droits et devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs dans l’Église, Montréal 2011, Wilson et Lafleur p. 227/396 p.

[27] Valdrini (Mgr. Patrick), la résolution juridique des conflits dans l’Église, in Documents épiscopal n° 17, nov 1986.

[28]Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 71, traduit de l’italien par l’auteur.

[29] Schouppe (Jean Pierre) « Le droit d’opinion et la liberté de recherche dans les disciplines ecclésiastiques » p. 184.

[30] François (Pape), exhortation apostolique Evangelii gaudium, n° 16.

[31] Villemin (Laurent), « Synodes et primautés », cours d’ecclésiologie au Théologicum de l’Institut catholique de paris, 2016.

[32] https://e-justice.europa.eu/home.do?action=home&plang=fr vu le 14 février 2015.

[33] Le 14 septembre 2016, le site du Tribunal propose des informations en deux langues : en italien, la présentation du Tribunal ainsi que le discours du Pape Benoît XVI aux participants à l’Assemblée plénière du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique (4 février 2011), et, en latin : un extrait de Pastor Bonus, art. 121-125 ; la lettre Apostolique « Motu Proprio data » Antiqua ordinatione (21 juin 2008) et le Decretum generale exsecutorium de actis iudicialibus conservandis, die 13 m. Augusti 2011 (Prot. N. 42027/08 VT). Aucune information n’est donnée en français, anglais, espagnol, portugais, allemand, alors que le Tribunal dispose des textes dans ces langues. www.vatican.va/roman_curia/tribunals/apost_signat/index_fr.htm

[34] Daneels (Cardinal), notice de la Seconde section : « Recours contentieux-administratif devant le Tribunal suprême de la signature apostolique », mars 2013.

[35] Il s’agit notamment du règlement n° 910/2014 dit « eIDAS » de l’Union européenne sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur adopté le 23 juillet 2014.

[36] Gargaro (Paul), “Use of Internet by the Tribunals of GB & Ireland”. CSLN 183/15, 65-69.

[37] Ducass (Alain), « L’union numérique européenne : l’impact potentiel du règlement européen eIDAS sur les échanges euro-africains », Réalités industrielles, août 2016, p. 24-27.

[38] http://www.conseil-etat.fr/fr/sagace/ consulté le 19 mars 2014.

[39] Collectif, “La visioconférence dans le prétoire” Les cahiers de la justice 2011, 2.

[40] D Bourcier « L’acte de juger est-il modélisable ? » in « e-justice », opus cité, p. 37-53.

[41] Ducass (Alain), Le droit canonique à l’heure du numérique », Sarrebruck 2016, Editions universitaires européennes, 176 pages.

[42] Alexandre Thibeault et Antoine Guilmain, Initiatives ODR : compilation, évaluation et classement, document de travail n° 7, laboratoire de cyberjustice, Université de Montréal, 28 août 2013.   www.cyberjustice.ca/wordpress/wp-content/uploads/webuploads/WP007_ODR%20_Evaluation_fr.pdf

[43]  Bien que ces initiatives soient uniques et, de ce fait, différentes, elles présentent essentiellement toutes un ensemble de caractéristiques précises en justifiant la pertinence. Certaines d’entre elles s’illustrent de par la qualité de leur conception, leur efficacité ou encore leur convivialité (eQuibbly, Modria, People Claim, SmartSettle, RisolviOnline et Virtual Courthouse), alors que d’autres, en plus de bénéficier de ces qualités, sont intégrées à d’importantes et crédibles sociétés (eBay Resolution Center, Paypal Resolution Center) ou au sein du milieu académique (PARLe). Qui plus est, trois de ces initiatives nous sont apparues comme étant particulièrement novatrices, en ce sens qu’elles sont pleinement intégrées au système judiciaire de leur juridiction (eCourtroom Federal Law, Money Claim Online et Possession Claim Online). Bref, la majorité de ces douze initiatives présentaient par un ensemble d’attributs particulièrement intéressants et, dans une perspective fonctionnelle, très avantageux, à savoir : 1. La présentation d’une page d’accueil épurée et professionnelle ; 2. La convivialité et l’esthétisme sur chaque page de la plateforme ; 3. L’utilisation de repères visuels dans la plateforme ; 4. la simplicité d’utilisation de la plateforme ; 5. La simplicité d’accès aux informations pertinentes (déroulement du processus, rubrique d’aide, politique de gestion des données personnelles, etc.) ; 6. La possibilité de tester la plateforme, particulièrement en permettant aux utilisateurs de ne pas donner d’informations personnelles ; 7. Le fait que le déroulement du processus soit rapidement et aisément compréhensible par les utilisateurs ; 8. Un traitement expéditif des dossiers ; 9. Un niveau de sécurité élevé (et la mention sobre de ce fait sur le site Internet) ; 10. La disponibilité de l’identité et des qualifications des personnes susceptibles de trancher le litige ; et 11. L’identification des principaux partenaires de la plateforme dans le bas de la page.

[44] www.canonistes.org espace professionnel.

[45] Dabiré (Mgr Laurent), L’accès à la justice dans l’Eglise et dans l’Etat au Burkina Faso, Rome 2005, Pontificia Università Lateranense, p. 26 et 103/224.

[46]Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 124, traduit de l’italien par l’auteur

[47] François (Pape), exhortation apostolique Amoris Laetitia, Rome, le 19 mars 2016, n° 105.

[48] Toxé (Philippe), « Quel principe de légalité en droit canonique », L’année canonique LVI, 2014-2015, p.235.

[49] Easton (Mgr. Fred C., JCL), « Determining which Procedure to Follow When There is an Alleged Crime which is not a More Grave Delict », Roman Replies (2013) p. 113-117

[50] Canon 1402 du Code des canons des Églises orientales :

1° La peine canonique doit être infligée par le procès pénal prescrit dans les can. 1468-1482, restant sauf le pouvoir coercitif du juge dans les cas prévus par le droit ; la coutume contraire étant réprouvée.

2° Si, au jugement de l’autorité dont il s’agit au Par.3, des causes graves s’opposent à ce qu’on fasse un procès pénal et que les preuves du délit soient certaines, le délit peut être puni par un décret extrajudiciaire selon les can. 1486-1487, pourvu qu’il ne s’agisse pas de la privation d’un office, d’un titre, d’insignes ou de suspense au-delà d’un an, de réduction à un grade inférieur, de déposition ou d’excommunication majeure.

 3° Outre le Siège Apostolique peuvent porter ce décret, dans les limites de leur compétence, le Patriarche, l’Archevêque majeur, l’Evêque éparchial et même le Supérieur majeur d’un institut de vie consacrée qui a un pouvoir ordinaire de gouvernement, à l’exclusion de tous les autres.

[51] Can. 1341 — L’Ordinaire aura soin de n’entamer aucune procédure judiciaire ou administrative en vue d’infliger ou de déclarer une peine que s’il est assuré que la correction fraternelle, la réprimande ou les autres moyens de sa sollicitude pastorale ne peuvent suffisamment réparer le scandale, rétablir la justice, amender le coupable.

[52] L’auteur indique qu’une telle clause n’est pas recevable aux Etats Unis, et l’on pourrait sans doute dire de même en Europe.

[53] Le CIC de 1983 indique qu’il ne peut s’agir de peines perpétuelles tandis que le CCEO précise qu’il s’agit de peines d’un an au plus.

[54] Can. 1317 — Les peines ne seront établies que dans la mesure où elles sont vraiment nécessaires pour pourvoir de la façon la plus adaptée à la discipline ecclésiastique. Cependant, le renvoi de l’état clérical ne peut être établi par la loi particulière.

[55] François (pape) La souffrance du « rigide » qui ne connaît pas la miséricorde, la tendresse, homélie du 24 octobre 2016 à sainte Marthe.

[56] Toxé (Philippe), « Quel principe de légalité en droit canonique », L’année canonique LVI, 2014-2015, p.247.

[57] Caparros (Ernest), « Réflexions sur la charité pastorale et le droit canonique », L’année canonique, 37, 1995, p. 259-276.

[58] Empela Ankonelle (Scholastique), L’identité de la vie consacrée face aux actuelles mutations socioculturelles en Afrique, Université du Latran, Corona Lateranensis 47, Rome 2011, p. 324 et sq / 406.

[59] NTIMA NKANZA (A.), Crise de société et crise d’identtié dans la vie consacrée, in ASUAM-USUMA L’identité des consacrés à l’épreuve de nos cultures.  Actes du 2ème colloque national sur la vie cosnacrée en R.D. Congo, Kinshasa, du 25 janvier au 2 février 2009, Mediaspaul, Kinshasa 2010, p. 123-142.

[60] https://fr.zenit.org/articles/vatileaks-2-un-proces-quil-fallait-faire-pour-prevenir-le-retour-de-telles-affaires/

[61] Lombardi Federico SJ, propos rapportés par Anne Kurian Zenit,7 juillet et 30 août 2016.

[62] Turkson (Card Peter Kodwo Appiah) « Un accusa puo essere vera o non vera. Altrimenti non si rarebbe bisogno di un proceso » in Corrosione, Combattere la corruzione nella Chiesa e nella società, Milano Rizzoli, juin 2016.

[63]Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 124, traduit de l’italien par l’auteur

[64] Deutéronome, 16, 20.

[65] Abraham eut foi dans le Seigneur, et le Seigneur estima qu’il était juste. (Gn 15,6).

[66] Luc 1, 6.

[67] Joseph son époux qui était un homme juste, Matthieu 1, 19.

[68] C’est le centurion Corneille, un homme juste et qui craint Dieu, (Actes, 10, 22)

[69] Luc, 6, 23.

[70] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio (22 novembre 1981), n. 21 : AAS 74 (1982), p. 106.

[71] François (pape), Amoris laetitia, n° 105.

[72] François (pape), homélie du 11 octobre 2016, à la Maison Sainte Marthe, traduit de l’italien par Zenit.

[73] Témoin de mariage de l’auteur.

[74] Matthieu, 7, 3-5

[75] Schouppe (Jean-Pierre), « Le droit d’opinion et la liberté de recherche dans les disciplines ecclésiastiques » p. 159.

[76] De Liguori (Saint Alphonse), La sainteté au jour le jour Etampes 2000, Clovis p. 213, avec une introduction de la pénitencerie apostolique en date du 5 juillet 1831 : « Tout catholique peut, en pleine sûreté de conscience, suivre les instructions de saint Alphonse de Liguori, car ses œuvres ont été approuvées par le Saint-Siège après un examen minutieux. En sorte qu’il est vrai de dire que la doctrine de saint Alphonse est saine et parfaitement conforme à l’Evangile.

[77] Kasper (Card William), « La théologie de l’Église », Paris, Cerf, coll « Cogitatio Fidei » 158, 1990, p. 407/464.

[78] François (pape) : discours aux participants à l’assemblée plénière du Tribunal suprême de la signature apostolique, Vatican, le 8 novembre 2013.

[79] Mamberti (Cardinal Dominique), Lettre circulaire sur la situation et l’activité des tribunaux, Rome, 30 juillet 2016. NB : le questionnaire initial de 1971 (AAS 63 [1971] 480-486) a été révisé en 2016.

[80] Turkson (Card Peter Kodwo Appiah) Corrosione, Combattere la corruzione nella Chiesa e nella società, Milano Rizzoli, juin 2016.

[81] François (pape), discours du 22 septembre 2016 au Conseil italien de l’Ordre des journalistes

Eclairage historique

Chapitre 1 : Eclairage historique

Dans toute démarche innovante, une approche historique s’impose, comme le rappellent nos amis africains « si tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens », ou comme l’expliquent Mgr. Jean-Louis Bruguès, « la mémoire permet d’accéder à l’identité et à la confiance[1] » ainsi que  le préfet du Secrétariat pour la communication (SpC) du Saint-Siège :

Nous devons avoir très à cœur l’histoire, la mémoire, l’avenir » et accepter « de renaître une seconde fois. Renaître d’en-haut pour voir à la manière de Dieu les événements du monde[2].

Ce premier chapitre apporte un aperçu historique de la justice de l’Église depuis l’origine du christianisme jusqu’au 15 août 1967, lorsque le bienheureux pape Paul VI promulgue la Constitution apostolique Regimini Ecclesiae Universae qui réorganise la Curie romaine et donne compétence au Tribunal suprême de la Signature apostolique en matière de contentieux-administratif.

  1. Aperçu sur le legs d’une évolution historique[3]

Traiter de la justice administrative dans l’Église telle qu’elle fonctionne depuis un demi-siècle n’implique pas nécessairement une étude historique, ne serait-ce que parce que cette « justice administrative » ne fut pas une réalité organisée comme telle au cours des temps. Il nous semble néanmoins nécessaire, pour appréhender la situation actuelle, d’évoquer brièvement quelques traits de ce que fut l’histoire de la justice ecclésiastique au cours de l’histoire de l’Église.

Certes, le Nouveau Testament ne prévoit pas la justice ecclésiastique, mais il formule certaines propositions en ce sens : saint Matthieu (18, 15-20) incite le chrétien à corriger son frère avec charité ; saint Paul
(I° Cor., 6, 1-8) demande aux chrétiens de ne pas recourir aux juges païens mais de résoudre les difficultés entre eux. Telles sont les bases de la « Correction fraternelle », dont le pape François rappelle régulièrement l’importance, en précisant qu’elle est une action pour guérir le corps de l’Église[4].

Dès l’origine, des litiges éclatent et l’existence d’une justice semble nécessaire. Jusqu’à la fin du iii° siècle, l’Église est soit ignorée, soit persécutée par le pouvoir impérial romain ; dans ce contexte, elle s’organise néanmoins et une justice ecclésiastique se met en place ; celle-ci fonctionne en étant essentiellement aux mains de l’évêque bien que, parfois, le litige soit porté devant une réunion d’évêques, l’une des fonctions des premiers conciles locaux étant de trancher les litiges. Il est intéressant de noter ces deux modalités d’action (qu’il serait sans doute abusif de qualifier de « procédure » au sens juridique du terme) : soit intervention de l’évêque, autorité « monarchique », soit sentence d’une assemblée d’évêques, autorité « collégiale ». L’alternative entre les deux mécanismes d’autorité se retrouvera tout au long de l’histoire de l’Église.

Au iii° siècle, le christianisme est tout d’abord toléré et reconnu (édit de Milan en 313 sous Constantin), puis déclaré seule religion de l’Empire romain (édit de Thessalonique en 380 sous Théodose I°)[5]. Les relations entre la nouvelle religion et le pouvoir politique prennent alors des caractères qu’elles ne retrouveront jamais par la suite : un soutien mutuel dans une sérénité quasi-absolue. L’Église possède le message évangélique mais doit construire ses structures d’autorité et son droit. Elle trouve dans l’empire, un gouvernement, une administration, des instances judiciaires et un droit étonnamment construits et affinés. En conséquence, elle emprunte à l’empire tout ce qui peut être utile à son organisation, dès lors que cela ne contrarie pas le message évangélique qui reste naturellement sa Loi supérieure. Dans ce contexte, la justice ecclésiastique s’épanouit, dans une parfaite collaboration entre les deux pouvoirs. La législation impériale règlemente l’audientia episcopalis, le tribunal de l’évêque : les chrétiens soumettent leurs différends à l’évêque ; les juges séculiers ont obligation de reconnaître les sentences épiscopales et de veiller à leur exécution. L’audientia episcopalis prend place au sein de l’ensemble du système procédural de l’empire chrétien. Les constitutions impériales favorisent considérablement le développement de sa compétence, ratione materiae et ratione personae, à tel point qu’Augustin en vient à déplorer le temps passé à juger, au détriment de l’exercice de sa charge pastorale. En outre, désormais, l’essor du christianisme permet à chacun de s’adresser à un juge séculier qui soit également chrétien. Il serait vain de rechercher, dans l’empire romain, les origines d’une justice ecclésiastique spécialisée dans les causes administratives. De cette période, retenons cette quasi parfaite entente entre les deux puissances, en particulier en matière d’organisation judiciaire ; une totale confiance accordée aux évêques par l’empereur ; un recours constant de l’Église à une législation séculière dont elle sait ne pas pouvoir se passer. Peut-être l’Église vit-elle alors la seule période de son histoire où les relations entre les deux pouvoirs ne s’analysent pas en termes de rivalité et de supériorité de l’un sur l’autre.

À partir de la chute de l’empire romain d’Occident (476), Orient et Occident connurent des évolutions bien distinctes et nous limitons notre propos à l’Occident où s’affirme la primauté pontificale. Au cours du Moyen-Âge, la justice d’Église prend une importance considérable. La société est chrétienne ; la justice ecclésiastique semble organisée et efficace, alors que les justices séculières (seigneuriales essentiellement) fonctionnent souvent mal car des juges peu compétents laissent trainer les procès en longueur.

Progressivement, les pouvoirs séculiers tentent d’affermir l’autorité de leurs propres officiers et de leurs propres tribunaux. Telle est la politique royale en France, notamment à partir du règne de saint Louis. Néanmoins, les causes jugées par l’Église demeurent nombreuses : ratione personae, l’Église et les clercs défendent le privilège du for permettant aux clercs (et à d’autres catégories protégées par l’Église) de n’être jugés que par la justice ecclésiastique ; dans un même mouvement, clercs et canonistes s’entendent pour lutter contre les tribunaux séculiers tendant à réduire leurs compétences ratione materiae. Le xii° et davantage le xiii° siècle, période de l’apogée du droit canonique classique, correspondent à la toute-puissance des officialités, tranchant les litiges selon la procédure romano-canonique du droit savant.

Parallèlement, l’autorité pontificale évolue, passant de la primauté pontificale à la plenitudo potestatis. Cette mutation a des conséquences sur l’organisation de la justice dans l’Église. La doctrine de primauté pontificale s’était élaborée dès la fin du iv° siècle et atteint sans doute son apogée à partir de la Réforme grégorienne. Elle s’exprime notamment par les Dictatus Papae, recueil datant de 1075. Cette primauté implique de reconnaître l’autorité suprême du pontife romain dans l’Église, donc sur l’ensemble des clercs, de la discipline et des structures ecclésiastiques. La doctrine de la plenitudo potestatis accompagne, quant à elle, l’affirmation de la théocratie pontificale qui atteint son apogée au xiii° siècle ; il s’agit ici de proclamer la toute-puissance du pape, au temporel comme au spirituel ; Rome tend à exercer le dominium mundi. Dès lors, le pape doit développer les instances de gouvernement de ce « monde ». La chancellerie pontificale s’étoffe et, pour ce qui nous intéresse ici, des tribunaux romains structurés voient le jour : le tribunal de la Pénitencerie pour le for interne, et celui de la Rote pour le for externe. Si, théoriquement, ces instances demeurent sous l’autorité immédiate du pape et si elles jugent au nom du pape, toutefois, en pratique, la question du degré d’indépendance de ces tribunaux se pose, interrogation qui demeurera constante dans les siècles suivants : la justice pontificale, rendue par des juges délégués agissant au nom du pape au sein des tribunaux romains, est-elle toujours conforme à la décision du pontife lui-même ? Juridiquement, l’interrogation est essentielle ; pratiquement, elle est tout aussi fondamentale pour le justiciable.

La tendance à la centralisation romaine est dès lors établie et ne cessera de croître : des officialités locales jugent de la plupart des litiges et des tribunaux pontificaux statuent, parfois en première instance mais le plus souvent en appel. Le schéma demeure. À côté de la Pénitencerie et de la Rote, la Signature apostolique est progressivement mise en place. Le pape signe des suppliques, puis confie cette mission à son chancelier ou à son vice-chancelier, tout en se réservant la possibilité d’intervenir personnellement dans diverses hypothèses. Dans la seconde moitié du xv° siècle, la Signature papale se distingue de la Signature commune, embryon d’une Signature apostolique qui évoluera encore dans ce processus général de centralisation romaine.

Inutile de nous appesantir ici sur diverses crises que traverse l’Église et qui, parfois, semblent remettre en cause cette centralisation pontificale (en particulier le Grand Schisme d’Occident et la crise conciliaire).

Dans ce schéma historique retracé à très grands traits, la justice administrative ne semble pas avoir revêtu, au cours des siècles, des caractères particuliers : pas de tribunaux spécifiques, suivant une procédure elle aussi spécifique, pour un certain nombre de catégories de litiges.

Pour compléter cette perspective historique, au cours de ces mêmes siècles, on peut se poser une question : l’organisation judiciaire séculière possédait-elle une justice administrative ? Les historiens du droit en débattent. Dès l’époque médiévale, un plaideur peut se plaindre en justice d’un acte de la puissance publique, émanant le plus souvent d’un seigneur à l’époque féodale. Jean-Louis Mestre en déduit qu’il existe une justice administrative. Toutefois, François Burdeau soutient la thèse inverse, estimant qu’il n’y a pas « justice administrative » tant qu’il n’existe pas deux ordres de juridictions distincts ; or cette distinction entre juridiction civile et juridiction administrative n’est pas concevable dans l’ancienne France qui n’envisage aucune séparation des pouvoirs. Sans doute ces deux thèses ne se contredisent pas totalement, mais sont partiellement conciliables ; pourtant, notre objectif n’est pas l’analyse de cet ordre judiciaire séculier.

Sur un point, peut-être, peut-on voir une relative similitude, dans l’histoire, entre le système ecclésiastique et le système séculier. Dans l’un et l’autre cas, des actes de nature administrative peuvent faire l’objet de recours : recours judiciaire, extra-judiciaire, peut-être recours gracieux. Peu importe. Dans cette étude, retenons seulement que l’Église pour sa part, les pouvoirs séculiers pour leur compte, admettaient d’examiner un acte administratif, et ceci depuis l’époque médiévale pour le moins. Dans une organisation qui ne comptait pas un « pouvoir administratif », distinct des autres autorités, il ne pouvait guère être question de confier l’examen de ces actes à une instance spécifique, détenant une compétence pour statuer sur les litiges administratifs.

En ce qui concerne l’État en France, des instances particulières se mettent progressivement en place au début du xix° siècle (conseils de préfecture et conseil d’État) ; elles n’acquièrent que progressivement leur indépendance par rapport au pouvoir exécutif et au gouvernement (1871).

Qu’en est-il pour l’Église ? La Signature apostolique connaît plusieurs réformes au cours de son histoire. Deux sont fondamentales : celle opérée par Sixte Quint en 1588, dans la constitution Immensa Aeterni, puis celle de Pie X en 1908 par la constitution Sapienti consilio. Ni l’une ni l’autre ne créent un tribunal administratif. En 1908, l’Église et le gouvernement de la curie romaine sont marqués par la doctrine dite de la Société Parfaite ; l’un des points essentiels de cette théorie consiste à souligner que l’Église possède tous les attributs d’un État et d’un gouvernement étatique. Les rédacteurs du Code de 1917 construisirent leur système en fonction de la Societas Perfecta. Toutefois, ils n’instituent pas une juridiction administrative, à l’instar de ce que connaissaient les États. Tout juste peut-on déceler, dans le Code de 1917, une ébauche d’organisation d’une telle juridiction, qui n’est pas encore réalité[6]. Il faut attendre 1967 pour que le bienheureux Paul VI crée un tribunal, ou plus exactement une section à l’intérieur du tribunal qu’est la Signature apostolique, chargée de régler le contentieux né de l’exercice d’un pouvoir administratif dans l’Église.

En 2017, l’Église célèbre donc le jubilé de tribunal !

  1. Quelques exemples significatifs

Pour entrer dans le concret, illustrons les propos ci-dessus, par quelques exemples de ce que nous appelons aujourd’hui justice administrative, en nous attachant en particulier aux épisodes qui ont marqué la mémoire collective.

2.1. La justice des premiers temps

Dans les premiers temps de l’Église, de nombreux textes du Nouveau Testament évoquent une situation où l’autorité religieuse adopte ou envisage d’adopter une décision contestable, voire injuste, qu’une autre autorité religieuse invite à rectifier. En voici un exemple :

Jean, l’un des Douze, disait à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui nous suivent. »     Jésus répondit : « Ne l’en empêchez pas, car celui qui fait un miracle en mon nom ne peut pas, aussitôt après, mal parler de moi ; celui qui n’est pas contre nous est pour nous »[7]

A cette époque, il existe déjà des controverses et aussi des divisions[8] que les premières communautés chrétiennes cherchent à résoudre en leur sein. Ainsi, une veuve qui s’estime lésée par un diacre peut demander à être entendue par un prêtre, un évêque ou un apôtre[9]. La justice ecclésiastique s’applique à résoudre les tensions à l’intérieur de l’Église, comme l’illustrent Eusèbe de Césarée[10], Kevin Matthews[11] ou Charles-Henri Hefele :

Si un prêtre a un conflit avec son évêque ou avec un autre évêque, il doit porter la dispute devant le synode de l’Eparchie (province). Si par contre un évêque ou un clerc a un conflit avec le Métropolitain de la province lui-même, il doit choisir l’exarque du diocèse ou le Siège de Constantinople, et porter l’affaire devant lui[12].

Il en résulte une activité juridique ecclésiastique intense, au point que :

Certains évêques, dont saint Augustin, se plaignirent d’être surchargés de procès, qui les détournaient de leur vraie mission[13].

Méditons un de ses sermons à propos de la justice :

L’ivraie est partout. Où l’ennemi n’a-t-il pas semé l’ivraie ? […] En a-t-il semé parmi les laïcs sans en semer parmi les clercs, et parmi les évêques ? […] Parfois d’ailleurs le jugement humain pense que tels sont du froment, et ils sont de l’ivraie ; et on pense que tels sont de l’ivraie, mais au vrai, ils sont du froment. […] A cause de ces destinées cachées, l’Apôtre dit : « Ne jugez pas avant le temps jusqu’à ce que vienne le Seigneur, et il illuminera les secrets des ténèbres et manifestera les pensées des cœurs ; alors chacun recevra de Dieu la louange » (1 Cor. 4, 5-6) La louange de l’homme passe ; souvent l’homme loue ce qui est mal, et il ne le sait pas ; parfois l’homme accuse un saint, et il ne le sait pas. Que Dieu pardonne à celui qui ne sait pas et qu’il vienne en aide à celui qui souffre. [14]

2.2. L’Inquisition

A l’approche de l’an mille, et au XIème siècle, l’hérésie constitue une menace grave qu’il fallait éliminer par le signe de la croix et, en cas de besoin, par le glaive et le feu[15]. Des bûchers apparaissent en 1022 à Orléans, sous l’instigation du Roi Robert II :

Le roi Robert a fait brûler vives plus de quatorze personnes d’entre les meilleurs clercs et les premiers laïcs de la ville[16].

Il semble s’être agi d’une innovation, encore que la décision du souverain ait été légitimée par le consentement de cinq évêques et des grands laïcs présents.[17].

Certains ecclésiastiques essayent de tempérer la sévérité du pouvoir séculier et la vindicte populaire.

_ Ce verdict sévère et, semble-t-il, inouï[18], suscita d’ailleurs des réactions mitigées dans les milieux ecclésiastiques[19].

_ Dans certains cas, on vit même des prélats s’opposer de façon très ferme contre l’usage de la violence contre les hérétiques.

_ Wazon de Liège condamne la praecipitam Francorum rabiem qui, dans beaucoup de cas, avait abouti à massacrer des suspects sans même les avoir jugés[20].

_ En 1135, l’évêque Albéron II de Liège et son clergé s’opposèrent avec un certain succès au massacre des premiers cathares arrêtés dans le diocèse, et réussirent à arracher la plupart d’entre eux à la fureur populaire[21].

Rome joue également un rôle croissant d’arbitre judiciaire en matière de discipline ecclésiastique[22] :

Après la victoire de la réforme grégorienne et la fin du schisme de 1130[23], l’Église romaine était devenue une véritable haute cour de justice vers laquelle affluaient de plus en plus fréquemment des appels de toute sorte. […] Bien que l’initiative ne partît jamais de Rome, les appels venus de l’extérieur incitèrent la Curie romaine à assumer le rôle d’arbitre[24].

Après avoir tenté en vain de raisonner les responsables cathares, l’Église et l’Etat adoptent une triple réponse : pastorale avec les frères prêcheurs, militaire avec la croisade contre les Albigeois, et juridique avec l’Inquisition.

Les faits sont en tout état de cause incontestables : après avoir longtemps hésité et fluctué, la papauté a choisi, à partir de la fin du XIIème siècle et surtout du XIIIème siècle, d’utiliser la manière forte contre toutes les formes de dissidence religieuse, qu’il s’agisse de la croisade contre les Albigeois lancée par Innocent III en 1209, ou des sanctions extrêmement rigoureuses qui furent prises contre les hérétiques dans les années 1215-1230[25].

Formellement, l’Inquisition médiévale[26] est introduite devant les tribunaux diocésains ecclésiastiques par le pape Innocent III en 1199, tandis que Grégoire IX l’organise en février 1231 avec la constitution Excommunicamus qui prescrit la détention à vie pour les hérétiques repentis, et la peine de mort pour les hérétiques obstinés[27]. Son histoire est porteuse de nombreux préjugés, qu’il convient d’objectiver.

On a fait courir sur l’Inquisition de si fantastiques légendes que le simple rétablissement d’une perspective adéquate, avalisée par l’accord unanime de ceux que la communauté scientifique reconnaît comme les meilleurs spécialistes, peut ressembler à un plaidoyer. [28]

En 1542, le pape Paul II a institué une commission de six cardinaux ayant pour mission de veiller aux questions de foi, pour la préserver des erreurs et de fausses interprétations. Cette commission, connue somme Sainte inquisition romaine et universelle, avait au début le caractère exclusif de tribunal pour les causes d’hérésie et de schisme[29].

En 1998, l’Église a fait un retour historique sur l’Inquisition, lors d’un colloque international tenu à Rome du 29 au 31 octobre 1998, dont les actes ont été publiés en 2003[30]. Le côté négatif de l’Inquisition y est reconnu :

Nous admettons aujourd’hui d’un commun accord que ce combat implacable [de l’inquisition] n’a connu que des victoires amères dont le christianisme catholique paie encore le prix : encore faut-il, à distance prudente d’une apologétique à courte vue comme d’une culpabilité anachronique, saisir sur le vif, en toute lucidité historique et doctrinale, l’évolution pluriséculaire des rapports complexes entre fides e mores, entre foi et hérésie, entre orthodoxie et hétérodoxie. [31]

A l’inverse,

Il faut cependant dire que l’inquisition a été un progrès, car plus personne ne pouvait être jugé sans un inquisitio, c’est-à-dire sans qu’il y ait eu un examen, une enquête[32].

En effet, le volet positif de l’Inquisition n’a pas été assez mis en valeur car, à tout prendre, il vaut mieux une justice entachée d’irrégularités[33] qu’une expédition militaire[34] caractérisée par ce dicton « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens », formulé au cours de la croisade contre les Albigeois[35]. Il semble également que l’Inquisition ait permis de limiter le nombre des exécutions, dans un contexte où tout le monde était suspect :

Aux XIVème et XVème siècles, les accusations d’hérésie se multiplient et visent désormais tous ceux qui désobéissent à l’Église ou s’opposent à son autorité, y compris dans le domaine temporel. Le cercle des poursuites ne cesse de s’élargir, et l’on finit par considérer comme des hérétiques des hommes et des femmes dont le seul tort était de dénoncer publiquement les abus du clergé et les dérives autoritaires de la hiérarchie ecclésiastique[36].

Un cas célèbre de la justice ecclésiastique de l’époque est celui des Templiers.

Entre 1307 et 1312, une série de bulles pontificales régissent l’ordre des Templiers à la suite d’un procès en hérésie sur fond de rivalités entre le pape Clément V et le roi de France Philippe Le Bel. Voici quelques points de repère dans cette affaire complexe. Au matin du 13 octobre 1307, Philippe Le Bel fait arrêter les Templiers en France et demande aux autres souverains européens de faire de même. En 1307, le pape Clément V publie la bulle Pastoralis præminentiæ, qui ordonne aux souverains européens d’arrêter les Templiers qui résident chez eux et de mettre leurs biens sous la gestion de l’Église. En 1308, la bulle Subit assidue prévoit deux procédures distinctes dans le cadre du procès de l’ordre du Temple : l’une concerne les personnes physiques et l’autre l’Ordre en tant que personne morale. Plus tard, la bulle Faciens misericordiam définit les accusations portées contre l’Ordre du Temple. La même année, le pape Clément V absout secrètement Jacques de Molay et les autres responsables de l’ordre du Temple des péchés que l’Inquisition leur avait reprochés[37]. En 1312, la bulle Vox in excelso supprime l’Ordre du Temple, puis la bulle Ad providam transfère les biens du Temple à l’Ordre de l’Hôpital, tandis que la bulle Considerantes dudum établit la situation juridique des anciens Templiers en trois catégories.

 

En général, l’opinion publique considère l’Inquisition comme un tribunal pénal, pourtant les archives du Saint Office ouvertes en 1998, montrent que le droit administratif y était majoritaire :

Il suffit de feuilleter un des volumes de décrets de la congrégation [romaine et universelle de l’Inquisition] pour constater le très faible nombre d’examens doctrinaux par rapport au grand nombre de causes administratives.[38] … /… La gamme de procès administratifs était au contraire très vaste : elle allait des hérésies formelles ou suspectées, qui relevaient plus spécifiquement de la compétence du Saint-Office, à ceux d’apostasie, de bestialité, magie, sortilèges, polygamie, et tant d’autres qui n’étaient qu’indirectement de sa compétence. Les procès les plus nombreux consistaient à résoudre les cas qui lui étaient soumis par les instances inférieures : nonces, évêques et inquisiteurs. Il y avait un contact régulier, étonnamment rapide, avec les instances précitées, et une grande masse de travail [39]» […] pouvant inclure huit réunions des cardinaux dans le cas de Cristoforo Sapone[40].

2.3. Les saints juristes

Au XIIIème siècle, la justice du Moyen-Âge se situe dans une culture bien différente de celles de nos jours, aussi convient-il d’en donner une autre vision, comme le recommande le cardinal Kasper :

Au cours de l’histoire de l’Église, il n’a cessé d’y avoir des sursauts et des mouvements charismatiques qui l’ont secouée, lui évitant le danger et la tentation de l’embourgeoisement. C’est pourquoi on ne peut pas écrire l’histoire de l’Église seulement comme l’histoire d’une institution et encore moins comme une histoire des crimes de l’Église. Elle est avant tout une histoire des saints et une histoire des mouvements de sanctification et de renouveau.[41]

Arrêtons-nous donc sur la vie de deux saints qui ont eu une influence importante sur la justice du Moyen-Âge français, à savoir un laïc, saint Louis (1214-1270) et un clerc, saint Yves (1253-1303).

Selon Jean Foyer[42],

il faut en effet attendre Saint Louis, au milieu du XIIIe siècle, pour qu’un retour s’amorce vers les preuves rationnelles, qui n’étaient demeurées en vigueur que devant les tribunaux ecclésiastiques.

Louis IX, qui règne en France de 1226 à 1270, entreprend une vaste réforme des institutions judiciaires à partir de 1254, avec l’aide des enquêteurs royaux assurant le lien avec la Curia in parliamento, qui jouent le rôle de juridiction d’appel des décisions des tribunaux de bailliage[43]. Il renouvelle la « Quarantaine-le-roi[44] », ordonne la présomption d’innocence, interdit l’ordalie[45] et institue une forme civile de supplicatio[46], permettant de faire appel au roi en cas de litige entre un responsable féodal et un de ses assujettis. Il fait porter sur la justice ses recommandations à son fils[47].

Saint Yves est le saint patron des avocats et de toutes les professions de justice et de droit[48]. De son procès de canonisation[49], mené en 1330 à Tréguier en Bretagne et présenté au pape Jean XXII le 4 juin 1331[50], il ressort qu’Yves Hélory de Kermartin (1253-1303)[51] est un homme honnête et de bonne vie[52], chaste et humble, assidu à la prière, d’une grande austérité et d’une grande bonté envers les pauvres. La plupart des témoins soulignent son grand amour de la justice et de la paix. Voici quelques extraits des témoignages figurant dans l’enquête de canonisation :

Dom Yves […] plaidait en justice gratuitement pour les pauvres, les mineurs, les veuves, les orphelins et toutes les autres personnes malheureuses ; il soutenait leurs causes ; même sans être demandé il s’offrait à les défendre, si bien qu’on l’appelait partout l’avocat des pauvres et des malheureux. … /… Je l’ai vu Official de l’Archidiacre de Rennes et par la suite Official de l’évêque de Tréguier. Il s’est comporté dans ses fonctions d’une manière sainte et juste, rendant à chacun la justice rapidement sans faire de choix ni de différence entre les personnes.[53]

Il était un homme d’un grand esprit de justice, car il s’efforçait d’amener la paix entre les gens en désaccord, respectant leurs droits autant qu’il le pouvait, et quand il ne pouvait pas les amener à faire la paix entre eux, étant official de Tréguier, il leur rendait une justice rapide.[54]

A l’époque en effet où il occupait la charge d’official, il encourageait tous ses collaborateurs à être justes, comme on le disait publiquement, et, quand il le pouvait, il faisait tous ses efforts pour ramener la paix chez les parties adverses. J’ai vu bien des fois dom Yves en personne établir la paix entre beaucoup de gens en désaccord et en procès[55].

Comme elle n’avait pas de quoi payer les mémoires dont elle avait besoin, il demandait aux notaires de la cour en question d’établir leurs mémoires pour l’amour de Dieu, et il les y engageait.[56]

Un chevalier pauvre, nommé Richard Le Roux, de la paroisse de Trédez, diocèse de Tréguier, était en procès contre l’abbé de la Bienheureuse Marie du Relecq, diocèse de Quimper, et n’avait pas de quoi poursuivre son action. Sa pauvreté lui aurait au contraire fait perdre tout son procès, si Dom Yves n’était intervenu pour favoriser et soutenir son action gratuitement et par bonté, et il obtint gain de cause. Cependant, maître Yves Hélory n’accepta de prendre en main l’affaire de ce pauvre que ce dernier n’ait juré sur les Saints Evangiles qu’il se croyait dans son bon droit. Il se fit aussi une obligation d’entendre les témoignages de ceux qui savaient sa cause juste. Dans ces régions-là, ces faits sont de notoriété publique[57].

Il défendait les causes des pauvres, des veuves et des autres personnes malheureuses dans la mesure de ses moyens[58].

Il jouissait d’une grande autorité et d’un si grand respect qu’il remettait d’accord les gens en contestation. C’était d’ailleurs à cela qu’il s’appliquait beaucoup et souvent. Ceux qui étaient en désaccord avaient beau ne pas faire confiance à d’autres, ils se fiaient à lui et il arrivait à les mettre en paix.[59]

S’agissant des peines médicinales, saint Yves n’en administre pas seulement dans ses procès canoniques :

Quand il [Dom Yves] est arrivé dans cette paroisse [de Louannec], l’incurie du recteur précédent, peu ou pas préoccupé du progrès des âmes, avait fait que bon nombre de gens aux mœurs dépravées s’y trouvaient. Dès son arrivée, Dom Yves se mit à prêcher à ses paroissiens la parole de Dieu, et sa prédication fut suivie d’effet au point que les gens honnêtes et bons s’améliorèrent et que les paroissiens mauvais, dépravés ou malhonnêtes, furent remis dans la voie du salut grâce à ses prédications saintes et bonnes, et il amena aussi à faire pénitence ceux qui s’adonnaient publiquement à la luxure ou à l’usure ; ils s’amendèrent grâce à lui, il les fit jeûner au pain et à l’eau certains jours et à certaines époques, à se déplacer sans chemise, à faire des pèlerinages.[60]

Voici comment il se comporte :

Entre moi d’un côté et de l’autre côté Geoffroy de l’Ile et ma mère, il y avait un différend et un procès important concernant des biens meubles et immeubles. Dom Yves insistait auprès des parties pour qu’elles fissent entre elles la paix par arrangement amiable. Mais le plus souvent, Geoffroy n’en voulait pas. Enfin un jour, dom Yves dit aux plaignants qu’il voulait célébrer la messe, qu’ils devaient attendre que la messe fût achevée, car il avait dans le Seigneur espoir et confiance qu’ils aboutiraient après la messe à la paix et la concorde. Enfin la messe dite, dom Yves revint aux plaignants ; et notre Geoffroy qui s’opposait beaucoup avant la messe à la paix et à la concorde, y fut amené par les saintes prières de Dom Yves, c’est ce que je crois, et il offrit de s’en tenir, sur les points litigieux, à l’arbitrage et à la décision de dom Yves, quelle qu’elle fût. Par la suite, dom Yves mit entre les parties bonne paix et concorde et donna à ce procès une fin qui donna satisfaction à chacune des parties.[61]

Enfin, l’évocation de Saint Yves, après sa mort, est à l’origine de très nombreux fait miraculeux et guérisons inexplicables, ainsi que de la résurrection de plus de dix personnes[62].

2.4. L’index et la condamnation des livres

Au XVIème siècle, après l’émergence du protestantisme, un nouvel épisode marque la justice de l’Église, à savoir la publication de l’Index librorum prohibitorum, l’Index des livres interdits, créé en 1559 et actualisé jusqu’à la suppression en 1966[63], par ajout du pape ou de la Sacrée Congrégation de l’Inquisition romaine et universelle. De très nombreuses décisions administratives sont prises à l’encontre d’écrivains, clercs ou non, avec un droit de défense plus ou moins important accordé aux auteurs concernés.

A titre d’exemple, Galilée est convoqué par le Saint Office à propos de son livre à succès Dialogue sur les deux grands systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic qui a reçu l’imprimatur, mais qui rallie la théorie de l’héliocentrisme de Copernic condamnée quinze ans plus tôt. Le 22 juin 1633, au couvent dominicain de Santa-Maria, une sentence est rendue contre le Galilée[64] qui, sous la menace de la torture, prononce alors la formule d’abjuration que le Saint Office a préparée[65]. Le 31 octobre 1992, il est réhabilité par saint Jean-Paul II à l’occasion de son discours de l’Académie pontificale des sciences, où il reconnaît les erreurs de certains théologiens des siècles passés, sans d’ailleurs fustiger la justice ecclésiastique de l’époque qui avait assigné Galilée à résidence, plutôt que de l’envoyer en prison.[66].

2.5. Les procès en sorcellerie

Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII promulgue la bulle Summis desiderantes affectibus qui conduit les deux inquisiteurs dominicains Heinrich Kramer et Jacob Sprenger à mener en Allemagne, une chasse aux sorcières cruelle. En 1486, à Strasbourg, les inquisiteurs publient Malleus Maleficarum, c’est-à-dire le Marteau des Sorcières, en essayant notamment d’expliquer pourquoi les femmes sont plus concernées par la sorcellerie que les hommes. Ce livre, qui fait l’objet de vingt-sept éditions entre 1487 et 1669, est un manuel destiné au combat contre le démon, écrit à l’usage d’inquisiteurs et de magistrats participant à la lutte contre la sorcellerie. Michelet note en 1862 :

Aux anciens pénitentiaires, aux manuels des confesseurs pour l’inquisition des péchés succédèrent les Directoria pour l’inquisition de l’hérésie qui est le plus grand péché. Mais pour la plus grande hérésie qui est la sorcellerie, on fit des Directoria ou manuels spéciaux, des marteaux pour les sorcières. Ces manuels ont atteint leur perfection dans le Malleus de Sprenger[67]

Juridiquement, les affaires de sorcellerie relèvent des tribunaux civils et non de l’Inquisition, mais cela n’empêche pas certains inquisiteurs de pouvoir faire partie des magistrats. En effet, dans les anciens Pays-Bas et dans les principautés de Liège et de Stavelot-Malmédy, la Nemesis Carolina[68] de Charles Quint autorise les cours de justice locales à arrêter, interroger et punir par le feu ceux et celles qui sont suspectés de s’adonner à la sorcellerie. Un peu partout en Europe, la justice civile sévit contre les sorcières, en collaboration plus ou moins étroite avec l’Église[69], avec un apogée entre 1550 et 1650. En Allemagne, dans les années 1620 à 1630, les bûchers de sorciers et de sorcières s’allument par centaines, tandis que :

Les réserves exprimées en 1631 par le jésuite rhénan Frédéric Spee à l’égard des procédures judiciaires qui mènent au bûcher tant de prétendues sorcières n’ont pas été entendues[70].

A cette époque, le mécanisme des procès civils est loin de respecter les droits de la défense :

Quelle que soit la juridiction devant laquelle ils se déroulent, le mécanisme des procès en sorcellerie est pratiquement toujours le même. Les choses commencent par le « commun bruit », la rumeur qui désigne un homme ou une femme. […] La rumeur se fait accusation, cet homme ou cette femme est un ou une sorcière ; un juge intervient, qui fait arrêter le ou la suspecte ; le procès s’engage. Dès lors, le but principal du juge va être d’obtenir l’aveu du prévenu. Qu’il avoue quoi ? Non pas des maléfices : le commun bruit, confirmé par les dépositions de quelques témoins, suffisent pour l’établir. Mais qu’il avoue ses relations avec le diable, car ce sont elles qui, juridiquement, le qualifient comme sorcier. […] La plupart des procès font état d’aveux de cette sorte. […] Au reste, pour confirmer ou suppléer les aveux, le juge a aussi le moyen d’administrer la preuve que l’accusé s’est livré au démon. Cette preuve, c’est la marque du diable, un point du corps insensible, qu’un chirurgien s’emploie à rechercher en piquant partout le malheureux avec une aiguille. Et s’il réagit à toutes les piqûres ? La réponse du juge est prête : le démon vient au secours de sa créature en dissimulant la fameuse marque. […] Puisque, en fait, le mécanisme est monté pour que toute personne qu’il saisit soit presque immanquablement vouée à la condamnation, la torture, finalement, sert moins à accabler le sorcier qu’à lui faire avouer ses complices. […] Il est certain qu’on a brûlé beaucoup plus de sorciers durant ce demi-siècle, que d’hérétiques durant le demi-siècle précédent[71].

Ainsi, l’Inquisition tant critiquée, n’a pas à rougir face à la cruauté des tribunaux civils. Signalons en outre que des procès concernent aussi les animaux[72], avec des condamnations à mort pour avoir tué des personnes ou abîmé des récoltes[73], mais aussi pour crime de sorcellerie[74] ! Les dernières condamnations à mort pour crime de sorcellerie sont notées vers 1679 en France.

2.6. La justice pour les « indigènes »

Dans les colonies, des voix se font entendre dès le début du XVIe siècle, comme celle d’Antonio Montesinos, pour dénoncer les exactions commises par des colons chrétiens contre les populations d’Amérique du Sud.

En 1537, le pape Paul III condamne officiellement l’esclavage des Indiens « ou de tout autre peuple qui viendrait à être découvert ». Cette interdiction est respectée quelque temps par l’Espagne, mais non pas par le Portugal.

Treize ans plus tard, la controverse de Valladolid, tenue en 1550-1551 à la demande de Charles Quint et des autorités ecclésiastiques, est l’une des étapes du débat juridique de l’époque, qui conduit finalement à protéger les Sud-Américains, alors que les Noirs d’Afrique et les Indiens d’Amérique du Nord sont réduits en esclavage ou décimés.

Quant à la mise en pratique du droit positif en faveur des esclaves, elle ne va pas de soi :

Ainsi au Mexique, il est, par exemple, du devoir des citoyens de dénoncer à l’Inquisition et à l’Audienca tout comportement illégal, mais cette protection juridique n’a guère d’impact réel sur l’institution de l’esclavage. L’esclave demeure entièrement à la merci de son maître[75].

A plusieurs reprises, des religieux qui protestent contre l’esclavage au sein de leur ordre sont rappelés en métropole, comme les jésuites Marcia Garcia et Gonçalo Leite, ou excommuniés, comme les capucins Francisco José de Jaca et Epifanio de Moirans, dès lors qu’ils dépassent la simple dénonciation des mauvais traitements faits aux esclaves, en remettant en cause l’injustice de l’institution[76].

2.7. La justice pendant les guerres de religion

Après la Réforme[77] et le Concile de Trente[78] ainsi que son adoption progressive par les synodes provinciaux, la France est secouée par les guerres de religion, avec des épisodes sanglants, comme la conjuration d’Amboise (1560), la Saint-Barthélemy (1572), les dragonnades[79] et la guerre des Cévennes ou guerre des Camisards[80], malgré la trêve entre l’édit de Nantes (1598) et l’édit de Fontainebleau (1685). A cette époque la justice royale a pris le pas sur la justice religieuse. Parmi d’autres, une affaire a défrayé la chronique, à savoir l’affaire Calas, que Voltaire a qualifiée de « procès de l’intolérance et du fanatisme religieux »[81].

Diplômé en droit, Marc-Antoine Calas veut devenir avocat mais il se heurte à la législation antiprotestante qui interdit cette profession aux « prétendus réformés ». Il travaille alors dans la boutique de son père à Toulouse, où il est retrouvé mort le 13 octobre 1761. L’enquête ne permet pas de trouver le meurtrier, et son père, Jean Calas, soumis deux fois à la question ordinaire et extraordinaire, confirme qu’il est innocent ainsi que son entourage, et ne confesse rien au Père Bourges près de lui, excepté qu’il veut mourir protestant. Il prend Dieu à témoin et le conjure de pardonner à ses juges. En 1762, le Parlement de Toulouse le condamne cependant à la peine de mort. Deux ans plus tard, une assemblée de quatre-vingt juges casse l’arrêt du Parlement de Toulouse et ordonne la révision entière du procès. En février 1765, le capitoul David de Beaudrigue est destitué, et le 9 mars 1765, Jean Calas et sa famille sont définitivement réhabilités à l’unanimité par la Chambre des requêtes de l’hôtel[82].

 

Un autre sujet évoqué au XVIIème siècle concerne l’habitude de certaines familles de disposer de leurs enfants, en les mariant ou en les mettant au couvent, y compris contre leur gré.

Quoiqu’il n’y ait dans les couvents que trop de ces victimes qui aient été forcées d’embrasser l’état religieux, aucun auteur n’a encore écrit sur cette matière que l’intérêt a rendue commune[83].

S’agissant du recours à la justice ecclésiastique, la mémoire collective a conservé le cas de Marguerite Delamarre, qui aurait inspiré le roman anticlérical « La religieuse » que Diderot a écrit en 1760 et 1780 et qui a été publié à titre posthume en 1796.

L’histoire est inspirée de celle d’une religieuse française de l’abbaye de Longchamp nommée Marguerite Delamarre, née en 1717 et décédée après 1790. Elle a fait parler d’elle en 1758 pour avoir vainement demandé à la justice ecclésiastique d’être libérée du cloître où ses parents l’avaient enfermée.

2.8. La justice française après la Révolution

Alors que le Siècle des Lumières cherchait à s’affranchir de la tutelle ecclésiastique, des philosophes comme Locke ou Montesquieu proposent la théorie de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif[84] et judiciaire[85]. Par ailleurs,

La revendication d’une séparation de l’administration et de la justice apparaît dans les cahiers de doléance, lorsqu’ils évoquent la suppression des intendants[86].

Ainsi, la loi du 16-24 août 1790 sépare les autorités administratives et judiciaires et, dans la logique de séparation des pouvoirs, elle défend aux tribunaux de prendre part à l’exercice des pouvoirs législatif et exécutif.

Le juge ordinaire ne peut pas intervenir dans l’activité de l’administration, sous peine de forfaiture (art. 13)[87].

En matière de jurisprudence, son application est notamment marquée par l’arrêt Blanco[88], où le Tribunal des conflits[89] consacre à la fois la responsabilité de l’État pour les dommages causés à des citoyens par des services publics, et la compétence de la juridiction administrative pour trancher le litige :

Considérant que l’action intentée par le sieur Blanco contre le préfet du département de la Gironde, représentant l’État, a pour objet de faire déclarer l’État civilement responsable, par application des articles 1382, 1383 et 1384 du Code civil, du dommage résultant de la blessure que sa fille aurait éprouvée par le fait d’ouvriers employés par l’administration des tabacs ; considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l’État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés ; que, dès lors, aux termes des lois ci-dessus visées, l’autorité administrative est seule compétente pour en connaître.

Il convient de lire les travaux des historiens du droit, comme Jean-Louis Mestre[90] ou François Burdeau[91] pour approfondir la manière dont le droit et la justice administratifs se sont mis en place après la Révolution, avec des règles exorbitantes du droit commun.

2.9. La justice ecclésiastique après 1917

L’histoire du Tribunal suprême de la Signature apostolique, qui hébergera plus tard le tribunal administratif de l’Église, fait l’objet de nombreux travaux, comme ceux de P. Santini[92], J.D. Mc Clunn[93], H Schmitz[94], C. Lefebvre, K. Matthews[95], Frederico D’Ostilio[96], Gianfranco Ghirlanda[97], Edouardo Labanderia[98], John J. Coughlin[99], Ignatius Gordon[100], Niccolo del Re[101].

En 1917, cette mesure est reprise dans des termes très voisins, au canon 1601 du code de 1917[102]  qui, avec les canons 1552 §2 et 1667, donne une base à la justice administrative de l’Église.

Voici un exemple de recours hiérarchique datant de 1927, contre un refus d’imprimatur pour un livre évoquant la mystique stigmatisée bavaroise, Thérèse Neumann.

En 1926, Thérèse Neumann fait l’objet d’un discours bienveillant de l’archevêque de Munich, futur cardinal Faulhaber, mais en 1927, le livre Das Leid einer Glückseligen[103] qui parle d’elle, reçoit un refus d’imprimatur de la part de l’évêque de Ratisbonne. Cette décision fait l’objet d’un recours hiérarchique auprès de la Curie romaine[104] mais il n’a pas de résultat positif car, d’après Agnès Demazière[105], « L’appel adressé à Rome par Witt reflète également une contestation de l’autorité épiscopale. Traditionnellement, le Saint-Office préfère laisser à l’évêque le soin de se prononcer sur la naturalité ou la surnaturalité des phénomènes mystiques et évite d’intervenir. Quand elle intervient, la Congrégation vise avant tout à restaurer l’autorité de l’évêque mise en cause. Le refus d’imprimatur de l’évêque est ainsi confirmé. » Par la suite, le Saint-Siège, et le pape Pie XI en personne, cherchent à conserver une neutralité pontificale sur ce dossier, en laissant se dérouler des enquêtes diocésaines et une libre discussion entre la médecine psychiatrique et la psychologie religieuse catholique à propos des stigmates et l’inédie de Thérèse Neumann. En fin 1937, la Congrégation romaine demande cependant le transfert dans une autre paroisse du curé de Konnersreuth, directeur spirituel de Thérèse, car elle craint une capacité inconsciente de suggestion réciproque[106]. Le 13 février 2005, Gerhard Ludwig Müller, évêque de Ratisbonne, ouvre une procédure de béatification, qui n’est pas conclue à ce jour.

 

Pour revenir en France, trois tensions avec Rome ont marqué l’histoire du début du XXème siècle, à propos de Marc Sangnier, de l’Action française et des prêtres ouvriers. Sans vouloir remuer le passé, évoquons-les rapidement pour nous souvenir de la situation de la justice ecclésiastique avant la période que nous nous proposons d’étudier.

 

A gauche de l’échiquier politique français, Marc Sangnier, est co-fondateur du Sillon.

Le Sillon a pour but de réaliser en France la république démocratique. Ce n’est donc pas un mouvement catholique, en ce sens que ce n’est pas une œuvre dont le but particulier est de se mettre à la disposition des évêques et des curés pour les aider dans leur ministère propre. Le Sillon est donc un mouvement laïc, ce qui n’empêche pas qu’il soit aussi un mouvement profondément religieux.

Ce projet reçoit tout d’abord un satisfecit du pape Léon XIII car il permet de rallier de nombreux ouvriers à l’Église catholique :

Il m’est agréable de vous faire savoir que le but et les tendances du Sillon ont hautement plu à Sa Sainteté[107].

Cependant, la trop grande proximité du Sillon avec les partis anticléricaux de la gauche française aboutit en 1910 à une condamnation du mouvement par le pape Pie X. Protestant de son attachement à l’Église, Marc Sangnier dissout alors le mouvement et arrête la publication de sa revue.

Un scénario voisin se produit à droite de l’échiquier politique, après que Charles Maurras a donné une impulsion monarchique et antisémitique à l’Action française fondée en 1898 lors de l’affaire Deyfus. Dans les années 1910, il reçoit la bénédiction du pape Pie X en raison « d’immenses services rendus à l’Église ». En 1926, le mouvement est condamné par le cardinal Andrieux puis par le pape Pie XI et, le 29 décembre 1926, plusieurs livres de l’Action française sont mis à l’index. Le 18 juin 1939, l’Action française signe un document de compromis dans laquelle elle reconnaît ses erreurs passées et proteste de son attachement à l’Église. Le pape Pie XII lui accorde son pardon en juillet 1939[108].

Une troisième tension concerne l’épisode des prêtres ouvriers, créés en réponse à la lettre encyclique Rerum novarum du pape Léon XIII :

Nous sommes persuadé, et tout le monde en convient, qu’il faut, par des mesures promptes et efficaces, venir en aide aux hommes des classes inférieures, attendu qu’ils sont pour la plupart dans une situation d’infortune et de misère imméritées.

A partir de 1942, plusieurs prêtres deviennent ouvriers et, bien souvent, ils dénoncent leurs conditions de vie mais leur attitude ne convient pas au patronat catholique français qui les dénonce aux évêques et à la Curie romaine[109]. Le 7 mars 1953, les cardinaux Liénard et Feltin demandent au maître général des frères prêcheurs d’éloigner le RP. Maurice Montuclard, et le 16 mars 1953, son article « l’événement de la foi » est mis à l’index. Le 27 mai 1953, les prêtres-ouvriers A. Piet (O.P), A. Gauche et C. Monnier (S.J.) doivent quitter leur diocèse. Le 27 juillet 1953, le cardinal Pizzardo interdit les stages en usine pour tous les séminaristes. Les 30 et 31 juillet 1953, les RP. Avril et Liégé sont convoqués par la Curie généralice de l’ordre des frères prêcheurs à Rome. Le 29 août 1953, la Curie envoie une circulaire sur le retrait progressif des prêtres-ouvriers religieux. Le 6 septembre 1953, le séminaire de la mission de France est fermé. Le 11 novembre 1953, le père Feret est traduit devant le Saint Office. Le 26 décembre 1953, le cardinal Feltin reçoit les prêtres-ouvriers jésuites, et ceux-ci quittent le travail le surlendemain. Le 7 février 1954, le Père Avril, prieur provincial des Dominicains, démissionne. Le 8 février 1954, le père Chenu est exilé à Rouen et perd ses privilèges de maître en théologie, le Père Feret interrompt son enseignement à Paris, le Père Boisselot quitte Paris et cesse d’être le directeur du Cerf, le père Congar s’exile. Le 1er mars 1954, le Vatican met fin aux prêtres-ouvriers. Le 27 avril 1954, l’Assemblée plénière de l’épiscopat publie une déclaration pastorale en matière sociale à l’usage du clergé.

 

Ces positions de l’Église face aux prêtres-ouvriers sont relayées par la presse[110], et donnent lieu à des incompréhensions relatées par de nombreuses publications[111]. Au plan dogmatique et ecclésiologique, la position très dure de l’Église doit être interprétée à la lumière du contexte historico-politique de l’époque, marqué par la guerre froide et par l’encyclique Quadragesimo anno (1931), où Pie XI condamnait la doctrine socialiste dans des termes abrupts : « Personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste », que Jean-Paul II a expliqués plus tard dans Centesimus Annus (1991).

C’est l’erreur fondamentale du socialisme qui est de nature anthropologique, c’est-à-dire que le socialisme considère que l’individu est un simple élément, une molécule de l’organisme social, de sorte que le bien de chacun est tout entier subordonné au fonctionnement du mécanisme économique et social.

Au plan canonique, les publications relatives aux prêtres-ouvriers mettent en évidence les limites des recours hiérarchiques de l’époque[112]. Elles ont peut-être contribué au changement majeur apporté par le Concile Vatican II, pour une meilleure prise en compte des droits des fidèles.

Indépendamment de l’aspect politique, l’ecclésiologie préconciliaire pose des problèmes comme le raconte le cardinal Robert Sarah lui-même lorsqu’en 1966, il était séminariste en France :

Pendant les vacances, nous travaillions dans des fermes ou des ateliers pour gagner un peu d’argent. [Notre évêque] se montrait intransigeant dans la gestion des sommes que nous gagnions. Il ne voulait pas que nous puissions garder un centime de nos salaires. Un jour, le plus âgé d’entre nous n’a pas respecté la consigne et a gardé l’argent pour s’acheter une moto. […] Notre évêque s’est mis en colère contre tout le groupe, y compris ceux qui s’étaient conformés à ses consignes comme moi.  […] J’ai alors traversé une période de doutes. Dans une profonde confusion, j’ai vaguement envisagé de quitter le séminaire. J’ai été voir mon père spirituel, le père Denis pour lui exprimer ma déception. Il m’a déclaré : « écoute-moi bien Robert. J’ai connu quatre évêques à Nancy, avec leurs défauts, parfois difficiles et leurs qualités, très édifiantes. Tu ne seras pas prêtre pour l’évêque mais pour le Christ, malgré ou avec ton évêque. Certes c’est lui qui t’appellera au sacerdoce mais tu seras prêtre pour l’Eglise. Aujourd’hui, tu dois composer avec Mgr. Tchidimbo, et demain, tu devras apprendre à apprivoiser le caractère de son successeur. La seule surprise fut que le successeur de Mgr. Tchidimbo [archevêque de Conakry] par une mystérieuse volonté de Dieu, s’avéra être moi…[113].

 

Laissons maintenant le survol historique pour approfondir la période retenue pour notre recherche, à savoir les années 1967 à 2017.

 

[1] Bruguès (Mgr Jean-Louis op.) Archiviste et bibliothécaire de la Sainte Église romaine, depuis 2012 Église et mémoire – Conférence donnée à Albi le 14 novembre 2015, http://catholique-tarn.cef.fr/Église-et-memoire-Conference

[2] Vigano (Mgr Dario Edoardo), propos rapportés par l’agence catholique italienne SIR le 19 juillet 2017.

[3] Ce chapitre est principalement constitué d’apports d’historiens du droit actuels, qui ont souhaité préserver leur anonymat.

[4] François (pape), La correction fraternelle s’exerce avec amour et humilité, homélie à Sainte Marthe du 12 septembre 2014.

[5] Gaudemet (Jean), L’Église dans l’empire romain (iv°-v° siècles), Paris, Sirey, 1989, coll. Histoire du Droit et des Institutions de l’Église en Occident, 818 p. ; sur l’organisation judiciaire, voir notamment p. 229 et sq.

[6] Pour le Code de 1917 et la suite des évolutions historiques, voir l’article de P. Valdrini, dans Pouvoirs, 1981.

[7] Marc, 9, 38-39.

[8] Kasper (Card. Walter), L’Église catholique. Son être, sa réalisation, sa mission, Paris 2014, Cerf, p. 230.

[9] Cf. Actes 6, 1-3 ; 1. Tim. 5, 16 ; Jacques 1, 27.

[10] Emefu (Clément Chimaobi), CSSp, « La déontologie du juge ecclésiastique », mémoire de master 2 de recherche en histoire du droit canonique, soutenu le 7 septembre 2016 à l’Université Paris-Sud et à l’Institut catholique de Paris.

[11] Matthews (Kevin), « The Development and Future of the Administrative Tribunal », Studia Canonica, XVIII, (1984), p. 3-233. Voir notamment le chapitre 3 sur l’appel extrajudiciaire et le recours hiérarchique.

[12] Hefele (Charles Joseph) A history of the Christian Councils (Trans W.T. Clark), 2nd ed. revised, Edinburgh, T. & T. Clark, 1894-1896, vol. 3, p. 395, traduit de l’anglais par l’auteur.

[13] Gaudemet (Jean), Église et cité, histoire du droit canonique, Paris, Cerf, Montchrestien, 1994, p. 112.

[14] Augustin (Saint) Sermon à Caillau, 11, 5 ; M. A. 250-251 dans Saint Augustin, Le visage de l’Église, p. 311-312.

[15] Vauchez (André), Les Hérétiques au Moyen Âge. Suppôts de Satan ou chrétiens dissidents ? Paris, CNRS éditions, 2014, p. 35.

[16] Ripoll (Jean de), lettre à l’abbé-évêque Oliba, citée par André de Fleury, in Vie de Gauzlin, abbé de Fleury, R. H. Bautier & G. Labory (éd), Paris 1969, p. 18, cité par André Vauchez, op. cit.  p. 35  note 66.

[17] Vauchez (André), op. cit.  p. 35.

[18] Celui du roi Robert à propos des hérétiques d’Orléans.

[19] Vauchez (André), op. cit. p. 36.

[20] Idem, p. 39.

[21] Idem, p. 40.

[22] Il s’agit notamment des cas de simonie (trafic de biens spirituels), nicolaïsme (« incontinence » du clergé) ou d’investiture des clercs par les laïcs.

[23] Anaclet II devient antipape après l’élection contestée d’Innocent II. Le schisme s’éteint en 1238 lorsque Victor IV, successeur de Roger de Sicile défenseur d’Anaclet II, se range du côté d’Innocent II.

[24] Paravicini Bagliani (Agostino,) « L’Église romaine de Latran I à la fin du XIIème siècle », in Histoire du Christianisme : Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté, sous la direction de J-M Mayeur et al. Paris, Desclée, 1993, Volume 5, 973 p. (p. 201).

[25] Idem, p. 61 et note 42.

[26] Il ne faut pas la confondre avec l’Inquisition espagnole qui était en fait un tribunal du roi d’Espagne, contre lequel les papes ne manquèrent pas de protester.

[27] Corpus iuris canonici X, 5, 7, 14.

[28] Dedieu (Jean-Pierre), L’inquisition, Paris, Cerf, 1987, p. 8/126.

[29] Amato (Mgr Angelo), alors secrétaire de la Congrégation pour la dioctrine de la foi, « La Congrégation pour la doctrine de la foi a toujours été un tribunal » in Zenit, 1er avril 2004, traduit par Anne Kurian.

[30] Comitato del grande jubile dell’anno 2000, Commissione teologico-storiale, L’Inquisizione, Atti del simposio internazionale, Biblioteca apostolica vaticana, 2003, coll Studi e testi, n° 417, 783 p.

[31] Veneu (Bruno), « Y a-t-il une hérésie inquisitoriale ? »,  in « L’Inquisizione, Atti del simposio internazionale. », Rome, Biblioteca apostolica vaticana, 2003, coll Studi e testi, n° 417, p. 491/788.

[32] Ratzinger (Cardinal Joseph) Déclaration dans l’émission Contrastes du 03/03/2005 sur la chaîne de télévision allemande ARD, à propos de son titre de « Grand Inquisiteur moderne ».

[33] Palès-Gobilliard (Annette), « Pénalités inquisitoriales au XIVe siècle », in Crises et Réformes dans l’Église (Actes du 115e congrès national des sociétés savantes, Avignon, 1990), Paris, 1991, p. 143-154 : « l’analyse des archives de Bernard Gui a montré qu’en seize ans (1307-1323) d’exercice à Toulouse, l’Inquisition a prononcé 501 peines et 243 remises de peine, la plupart du temps pour mettre fin à une détention. Plus précisément, il ordonne 29 sentences capitales, 80 condamnations au bûcher concernant des cadavres exhumés, 13 peines de mur étroit (prison ferme), 231 peines de mur large (assignation à résidence) et 107 peines infamantes. Le plus important bûcher, ordonné le 5 avril 1310, fait 17 victimes. »

[34] La prise de Bézier aurait fait entre 5 000 et 10 000 morts.

[35] Berlioz (Jacques), Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens : la croisade contre les Albigeois vue par Césaire de Heisterbach, Toulouse, Loubatières, 1994, 135 p.

[36] Vauchez (André), Les Hérétiques au Moyen Âge. Suppôts de Satan ou chrétiens dissidents ? Paris, CNRS éditions, 2014, 309 p.

[37] Cette information résulte du parchemin de Chinon conservé aux archives secrètes du Vatican, et étudié par l’historienne italienne Barbara Frale, puis publié par le Vatican en 2007. De ce fait, la condamnation et mise à mort des Templiers sur le bûcher résulte principalement de la responsabilité du roi Philippe le Bel et non de celle du pape ou de l’Église.

[38] Garuti (Adriano), « La santa romana e universale inquisizione : strutture e procedure », in: L’inquisizione. Atti del Simposio Internazionale Rome, Biblioteca apostolica vaticana, 2003, coll Studi e testi, n° 417, p. 383, traduit de l’italien par l’auteur.

[39] Garuti (Adriano), op. cit.  p. 388.

[40] Idem, note 33. Cf. Archivio della Congregazione della Dottrina della Fede. (ACDF)

[41] Kasper (Card. Walter), L’Église catholique. Son être, sa réalisation, sa mission, Paris 2014, Cerf, p. 245.

[42] Foyer (Jean), Histoire de la justice, PUF, 1996

[43]  Collectif, Encyclopédie Larousse (version en ligne www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Louis_IX/130421  consultée le 7 janvier 2016) Louis IX.

[44] La quarantaine-le-roi est un délai de quarante jours institué par Philippe Auguste ou Philippe le Hardi et renouvelée par Louis IX en 1245. Elle permettait d’éviter des guerres privées, en instituant un temps de réflexion obligatoire, on demandait et exigeait des deux clans d’attendre pendant 40 jours avant de régler un conflit.

[45] L’ordalie est une forme de procédure en justice, d’origine religieuse, aussi appelée jugement de Dieu. Elle consiste en une épreuve judiciaire employée au Moyen-Âge pour établir l’innocence ou la culpabilité de l’accusé.

[46] Enregistrées à partir de 1342, les suppliques, demandes de toute sorte, adressées au pape, forment l’un des fonds les plus anciens des Archives du Vatican. […] il est essentiel de ne pas isoler les sources pontificales des requêtes adressées aux autres puissances souveraines de l’Europe médiévale, cités italiennes ou royaumes de France, d’Espagne ou d’Angleterre. La comparaison des archives exprimant les demandes des sujets face à leur prince dans l’Occident de la fin du Moyen-Âge montre l’existence d’une forme particulière d’exercice de la souveraineté, qu’on peut qualifier de « gouvernement par la grâce » Cf. Millet (Hélène) Suppliques et requêtes : le gouvernement par la grâce en Occident : 12e-15e siècle, Roma : École française de Rome, 2003, Collection de l’École française de Rome 310, 435 p.

[47] Louis IX : S’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui conviennent à un roi ; c’est-à-dire que tu sois juste, que, quoi qu’il arrive, tu ne t’écartes pas de la justice. […] Soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité ; et quand tu la connaîtras, fais justice. […] Si tu apprends que tu possèdes quelque chose à tort, rends-le tout de suite, quelque grande soit cette chose, terre, deniers ou autres biens.

[48] Les canonistes ont choisi comme saint patron Raymond de Penyafort qui, en 1234, compila les cinq livres des Décrétales, par ordre de Grégoire IX.

[49] En breton, Zant Erwan.

[50] Le Guillou (Jean-Paul), traduction française de l’enquête qui fut faite à Tréguier « sur la vie, les mœurs et les miracles d’Yves Hélory de Kermartin en vue de sa canonisation », et qui fut présentée le 4 juin 1331 au pape Jean XXII. Saint Yves, ceux qui l’ont connu témoignent, ceux qu’il a guéris témoignent, 2ème édition française, Saint Brieuc, Teck impressions, avril 2003, 160 p.

[51] Né au Minihy de Tréguier en 1253, sous le règne de Saint Louis ; mort là, à deux kilomètres de Tréguier, le 19 mai 1303.

[52] Fuit homo bone vita, fuit homo honeste.

[53] de Kerc’hoz (Jean), clerc et jurisconsulte, paroissien de Pleubian, diocèse de Tréguier, âgé de 90 ans. Témoin n° 1, p. 15-16.

[54] Jaquet, fils de feu Rivallon, de la paroisse de Saint Pierre de Louannec âgé de 50 ans, témoin n° 43, p. 63.

[55] de Trégroin (Darien), recteur du diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans et plus, témoin 47, p. 68.

[56] Le frère Pierre, religieux, abbé du monastère de Bégard, de l’ordre de Cîteaux, au diocèse de Tréguier, âgé de 50 ans, témoin n° 19, p. 37-38.

[57] Thomas de Ploulec’h (Alain), diocèse de Tréguier, âgé de 70 ans. Témoin n° 31, p. 49, 50.

[58] de Croyfrooc (Jean), écuyer, paroisse de Ploubezre, diocèse de Tréguier, témoins n° 34, p. 53.

[59] Toulefflam (Hamon), de la paroisse de Plestin au diocèse de Tréguier, ermite de bonne réputation, témoin n° 20, p. 40.

[60] Menguy (Yves), de la paroisse de Louanec, diocèse de Tréguier, témoin n° 35, p. 63.

[61] Portier (Raoul), clerc de Lanmeur, diocèse de Dol, témoin n° 12, p. 30 et témoin n° 13, p. 31.

[62] Il s’agit des personnes suivantes, pour lesquelles plusieurs témoins ont témoigné :

  1. Alain Guigon, fils d’Alain et Adénoro Guidon (témoins 53 à 55)
  2. Yves Rivallon Cohozer, natif de Plouguiel, et mort à Angers (témoins 56 et 57),
  3. Théophanie, fille d’Alain et Mobilia de Roscnezne, de la paroisse de Ploelan, (témoins 58 à 60)
  4. Guenutera, fille de Rivalon Maguet, de la paroisse de saint Scilien (diocèse de Léon), (témoin 61)
  5. Amicie, fille d’Agnès et J. Brancie, de la paroisse de Pommerit le Vicomte (diocèse de Tréguier), (témoin 62)
  6. Henri Olivier ou de Mostier de Léon, paroissien de Plouvenez (diocèse de Quimper) (témoins 63 et 64)
  7. Alain, fils de Cadioc Scalart, paroissien de Pleubian (témoins 65 à 67)
  8. Raymond, fils d’Alain Le Roux, paroissien de Saint Briac (Bourbiac) diocèse de Tréguier, (témoins 68 à 70)
  9. Rolland, fils de Geoffroy, de la paroisse de Pédernec, diocèse de Tréguier, (témoins 71 et 72)
  10. Aymeri, fils de Hamon Gogeesay, de la paroisse de Lannion, diocèse de Tréguier, (témoins 73 à 75),
  11. Guillaume, fils d’Alain Guidomar, de la paroisse de Gazvallon, (Plouescat-Guerrand), diocèse de Tréguier, (témoins 76 à 78)

[63] Le dernier livre mis à l’Index l’a été, en 1961, sous le pontificat de Jean XXIII.

[64]  Il est paru à Florence un livre intitulé Dialogue des deux systèmes du monde de Ptolémée et de Copernic dans lequel tu défends l’opinion de Copernic. Par sentence, nous déclarons que toi, Galilée, t’es rendu fort suspect d’hérésie, pour avoir tenu cette fausse doctrine du mouvement de la Terre et repos du Soleil. Conséquemment, avec un cœur sincère, il faut que tu abjures et maudisses devant nous ces erreurs et ces hérésies contraires à l’Église. Et afin que ta grande faute ne demeure impunie, nous ordonnons que ce Dialogue soit interdit par édit public, et que tu sois emprisonné dans les prisons du Saint-Office.

[65]  Moi, Galiléo, fils de feu Vincenzio Galilei de Florence, âgé de soixante-dix ans, ici traduit pour y être jugé, agenouillé devant les très éminents et révérés cardinaux inquisiteurs généraux contre toute hérésie dans la chrétienté, ayant devant les yeux et touchant de ma main les Saints Évangiles, jure que j’ai toujours tenu pour vrai, et tiens encore pour vrai, et avec l’aide de Dieu tiendrai pour vrai dans le futur, tout ce que la Sainte Église catholique et apostolique affirme, présente et enseigne. Cependant, alors que j’avais été condamné par injonction du Saint-Office d’abandonner complètement la croyance fausse que le Soleil est au centre du monde et ne se déplace pas, et que la Terre n’est pas au centre du monde et se déplace, et de ne pas défendre ni enseigner cette doctrine erronée de quelque manière que ce soit, par oral ou par écrit ; et après avoir été averti que cette doctrine n’est pas conforme à ce que disent les Saintes Écritures, j’ai écrit et publié un livre dans lequel je traite de cette doctrine condamnée et la présente par des arguments très pressants, sans la réfuter en aucune manière ; ce pour quoi j’ai été tenu pour hautement suspect d’hérésie, pour avoir professé et cru que le Soleil est le centre du monde, et est sans mouvement, et que la Terre n’est pas le centre, et se meut. J’abjure et maudis d’un cœur sincère et d’une foi non feinte mes erreurs.

[66]  Ainsi la science nouvelle, avec ses méthodes et la liberté de recherche qu’elle suppose, obligeait les théologiens à s’interroger sur leurs propres critères d’interprétation de l’Écriture. La plupart n’ont pas su le faire. …/… Galilée, croyant sincère, s’est montré plus perspicace sur ce point que ses adversaires théologiens.

[67] Michelet (Jules), Histoire de France – tome 7 Renaissance

[68] Code de justice criminelle promulgué par Charles Quint en 1532

[69] Bennasar (B), L’inquisition espagnole XVème-XIXème siècles, Paris, 1979, p. 233-234 : l’Espagne de l’Inquisition a échappé à la grande chasse aux sorcières.

[70]  Vénard (Marc), « La fin d’une époque » in Histoire du Christianisme : l’Âge de raison (1620-1750), volume 9, sous la direction de J-M ; Mayeur et al. DESCLEE, 1997, p. 1149/1214.

[71] Vénard (Marc), « La hantise du diable », in Histoire du Christianisme, le temps des confessions (1530-1620), volume 8, sous la direction de J-M ; Mayeur et al., Paris, Desclée, 1992, p. 1038-1039/1236.

[72] Chauvet (David), La personnalité juridique des animaux jugés au Moyen Âge XIIIe-XVIe siècles, L’Harmattan, 2012.

[73] Les procès intentés aux animaux étaient des procès dans lesquels l’accusé était un animal qui se voyait reprocher un délit, un crime ou un dommage comme il l’aurait été à un être humain, en principe seul sujet de droit ou justiciable. Ainsi, au Moyen Âge et bien après, on condamna à la potence ou au bûcher des vaches, ou des truies. De même, l’Église étendit ses excommunications des hommes aux animaux : rats, mouches, sauterelles, taupes, poissons ; tout membre de la faune pouvait y succomber.

[74] Voltaire raconte qu’un procès fut intenté en 1610 à un cheval et à son maître, accusés tous deux de sortilèges. Siècle de Louis XVI, chapitre II.

[75]  Deslandres (Dominique), « Le christianisme dans les Amériques », in Histoire du Christianisme : l’Âge de raison (1620-1750), volume 9, sous la direction de J-M ; Mayeur et al, DESCLEE, 1997, p. 711/1214.

[76]  Deslandres (Dominique), op. cit. p. 714/1214.

[77]  Luther (Martin) publie ses 95 thèses en 1517.

[78] Convoqué en 1542 il se déroule entre le 13 décembre 1545 et le 3 décembre 1563.

[79]   Arnaud (Florent), Le Grand Livre de l’Histoire du Monde des Hommes. Tome IV, Paris, 2010, Lulu.com 276 p. (p. 231) : Après l’Edit de Fontainebleau qui révoquait l’édit de Nantes, Louvois a écrit aux intendants du Limousin et du Poitou d’accabler d’impôts les protestants : « Si, suivant une répartition où ils en devraient porter dix, vous pouvez leur en faire donner vingt. ». Il fut notamment obéi par René de Marillac, intendant du Poitou, qui ordonna de faire le rôle des tailles et de marquer les réformés à la marge pour les grever, tant pour l’impôt que pour le logement des gens de guerre. Les nouveaux convertis étaient, au contraire, exempts de l’un et de l’autre. Tous les excès étant encouragés, l’effet de ce genre de persécution au sein de chaque famille dépassa l’espérance de Louvois. Des milliers de protestants se déclarèrent catholiques, tandis que ceux de l’Aunis et de Saintonge émigraient en foule.

[80]  Soulèvement de paysans protestants dans les Cévennes et Bas-Languedoc sous le règne de Louis XIV.

[81] Voltaire, « Traité sur la tolérance » Paris, 1763.

[82] Portail de la justice : www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/laffaire-calas-22774.html

[83] Brunet de Brou, La religieuse malgré elle. Amsterdam 1720, Préface, p. 7.

[84] Montesquieu, L’esprit des lois, XI, 6 ; e. XIX, 27.

[85] Labandeira observe que Montesquieu ne fait pas référence à la fonction administrative ou exécutive telle qu’on l’entend aujourd’hui.

[86] Mestre (Jean-Louis), « L’histoire du droit administratif » in Traité de droit administratif, sous la direction de Pascale Gonod, Fabrice Melleray et Philippe Yolka, Paris, Dalloz, 2011, tome 1, 841 p. (p. 13)

[87] La loi des 16-24 août 1790 (articles 13) et le décret du 16 fructidor an III  (2 septembre 1795) proscrivent aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs ».

[88] Un enfant, qui passait sur la voie publique devant l’entrepôt des tabacs de Bordeaux, a été renversé par un wagon que les employés de l’Etat ont poussé de l’intérieur de l’établissement et il a dû subir une amputation. Le père de l’enfant a intenté une action en dommages-intérêts contre lesdits employés et contre l’Etat solidairement comme civilement responsable du fait de ses agents par application des articles 1382, 1383, 1384 du Code civil. Le conflit fut élevé et le Tribunal des conflits attribua à la juridiction administrative la compétence pour connaître du litige.

[89] Tribunal des conflits statuant au contentieux N° 00012 Publié au Recueil Lebon.

[90] Mestre (Jean-Louis), Introduction historique au droit administratif français ; Paris : Presses universitaires de France, 1985 ; in-8°, 294 pages [Collection Droit fondamental].

[91] Burdeau (François), Histoire du droit administratif : de la Révolution au début des années 1970, Paris, PUF, 1998, 512 p.

[92] Santini (P.), De referendariorum ac Signaturae historico-iuridica evolutione, Romae, 1945.

[93] Mc Clunn (J . D.), Administrative Recourse: A Commentary With Historical Notes, Washington, 1946.

[94] Schmitz (H.) « Appelatio extraiudicialis, Entwicklungslinien einer kirchlichen Gerichtsarbeit über die Verwaltung im Zeitalter der klassischen Kanonistik » in Münchener theologische studien, III Kanonistische Abteilung, 28 Band, München 1970.

[95] Matthews (K.), « the Development and Future of the Administrative Tribunal », Studia Canonica 18 (1984) 1-233.

[96] Ostilio (Frederico D’), Il diritto amministrativi della chiesa, Rome, Libreria Editrice Vaticana, 1995, 580 p.

[97] Ghirlanda Gianfranco, Introduzione al diritto ecclesiale, Roma, GBP ed. 2013, p. 72-86/223.

[98] Labandeira, (Edouardo) « La Signatura apostolica y los Tribunales Administrativos », in « IC » 42, 1981, p. 665-772.

[99] Coughlin, (J.J.) ofm, « The historical development and current procedural norms of administrative recourse to the Apostolic Signatura”, in Periodica 90 (2001) p. 455-496; 661-690.

[100] Gordon (Ignatius S.I.), « Normae speciales supremi tribunalis signaturae apostolicae: editio aucta introductione, fontibus et notis», in Periodica V. 59, fasc. 1, 1970, p. 75-113. Dans son article publié en 1970, Gordon introduit une publication des normes spéciales du Tribunal de la Signature apostolique, précédemment approuvées le 23 mars 1968, mais pas promulguées officiellement. Il distingue les étapes suivantes :

La création initiale :

  1. les référendaires au XIIIème siècle,
  2. l’office de la signature au XVème siècle,
  3. La double Signature du XVIème au XXème siècle, qui introduit une double histoire :

S’agissant de la Signature de la justice, les principales étapes sont les suivantes :

  • sa création par la constitution Cum nuper nos de Pie IV, le 1er juillet 1562, publiée dans le Bullarium Romanorum, t. VII, p. 224-226,
  • son développement au cours des XVIème et XVIIème siècles, raconté par différents auteurs,
  • sa suppression en 1809 par Napoléon, quand il a envahi les Etats pontificaux et les a intégrés dans l’Empire napoléonien, régi par le code éponyme,
  • son rétablissement provisoire en 1814, lorsque le Latium et l’Ombrie ont été restitués au pape,
  • ses différentes réformes dans la période 1814-1870,
  • sa suppression définitive en 1870

S’agissant de la Signature des grâces, les principales étapes sont les suivantes :

  • sa création en 1588 par Sixte V,
  • ses développements plus ou moins marqués jusqu’en 1839

La Signature Apostolique, réunifiée par la constitution Sapienti consilio  de Pie X en 1908.

[101] Del Re (Niccolo) La Curia romana. Lineameti storico-giuridici, Libreria Editrice Vaticana (collana Diritto canonico), 1998, 708 p.

[102] Ce canon, repris à l’article 16 de la loi propre de la Rote romaine, a fait l’objet d’une interprétation authentique

[103]  Witt (Leopold), Das Leid einer Glückseligen, Waldsassen 1927.

[104]  Angerer (A.), lettre à Pie X du 1er juin 1927 (ACDF, SO, Dev. V. 1927 7, 1).

[105]  Desmazières (Agnès), « La gestion ecclésiale des phénomènes mystiques sous Pie XI. Le cas Thérèse Neumann », version préliminaire d’un passage tiré de : Pie XI et la France : L’apport des archives du pontificat de Pie XI à la connaissance des rapports entre le Saint-Siège et la France, Rome, Jacques Prévotat ed., Collection de l’Ecole française de Rome, 2011, 481-493.

[106]   S.S.Congregazione del S. Offizio, « Intorno al caso di Teresa Neumann. Relazione di una visita a Konnersreuth », mars 1938 (ACDF, SO, Dev. V. 1927 7, 125), cité par Agnès Demazières, in op. cit.

[107] Rampolla (Cardinal) www.civitas-institut.com/content/view/305/28/

[108] Cf. Sérant (Paul), Les déchirements des catholiques français, Paris 1989, Librairie Perrin, p. 94-116/283.

[109] Loew (Jacques) : N’oublions pas la très grande influence des grands patrons intelligents, organisés et imbattables au point de vue économique. Ils se défendent [contre les grèves auxquelles participent des prêtres-ouvriers…] Ils viennent à Rome. […] Il faut nous méfier terriblement de nos imprudences apostoliques, sociales ou doctrinales. Des Français semblent n’avoir pour fonction que de venir les raconter ici. C’est sans doute écœurant, mais sachons au moins que tout se sait (et même un peu plus que tout).

[110] Le 17 février 1954, après avoir appris le limogeage du 8 février, le Canard enchaîné publiait un article intitulé «   Rappel à l’Ordre de saint Dominique » où l’on pouvait lire  «   Il suffit que «   Rivarol   » ou «  Aspects de la France   » écrive un libelle contre tel ou tel catholique vaguement libéral pour que l’article soit pris pour argent comptant, versé au dossier et serve de pièce à conviction. Tout accusé, pourvu qu’il soit libéral, est déclaré un coupable. Comme sous l’Inquisition. Et on attend maintenant que les foudres apostoliques tombent sur les laïcs. Contrairement à ce que l’on croit, l’épiscopat français ne serait pas tout-à fait innocent non plus dans l’histoire des Dominicains. Les mesures disciplinaires qui ont atteint lesdits auraient été dénoncés en partie à la suite d’une pétition dont aurait pris l’initiative Mgr Richaud, archevêque de Bordeaux.

[111] Cesbron (Gilbert), les saints vont en enfer, Collonge (André), alias Gardey (Bernard), prêtreouvrier dominicain, Le scandale du xxe siècle et le drame des prêtresouvriers, Paris, Olivier Perrin, 1957, Poulat Emile,   Les prêtres ouvriers, naissance et fin.  ; Leprieur  (Francis), Quand Rome condamne    Keck (Thierry) Jeunesse de l’Église: 1936-1955, aux sources de la crise progressiste en France ; Suaud (Charles) et Viet-Depaule (Nathalie),  Prêtres et ouvriers. Une double fidélité mise à l’épreuve 1944-1969. 

[112] Valet (Paul) A l’époque, j’avais employé le terme de marâtre pour qualifier le comportement de l’Église envers les prêtres-ouvriers. Le terme était inapproprié car en l’occurrence, les prêtres-ouvriers n’ont pas été seulement privés de l’amour maternel, ils ont été maltraités. Certains furent même écrasés : même ceux qui se sont soumis en ont gardé des cicatrices. Le procès qui leur était fait était un procès à charge. Les avocats qui auraient pu les défendre, les pères Féret, Liégé, Chenu, que j’ai eu le privilège de rencontrer, furent réduits au silence et mis à l’écart.  » (Valet p. 75)

[113] Sarah (Cardinal Robert), Dieu ou rien, Propos recueillis par Nicolas Piat, Paris 2016, ed Pluriel, p. 58/420.

Préface et introduction

La justice administrative dans l’Église catholique

 Vue de la France et de l’Afrique

 par Yves Alain Ducass

(2ème édition augmentée et corrigée)

+ Imprimatur

11 octobre 2017

Par S.E. Mgr. Laurent Dabiré, Evêque de Dori (Burkina Faso), Docteur en droit canonique, Président de la commission tribunaux, de la formation et des questions canoniques à la Conférence épiscopale Burkina-Niger

Préface

Depuis la création en 1967 de la seconde section du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, de nombreux ouvrages ont traité du droit administratif de l’Église, « décrivant en détail les procédures et la jurisprudence applicable » comme l’écrit l’auteur, mais, ajoute-t-il, – et l’on ne peut qu’approuver son jugement, surtout après avoir lu les très nombreuses notes et références bibliographiques des bas de page – « Il n’existe cependant pas, à notre connaissance, de livre français récent sur le sujet, qui ferait le point de la jurisprudence administrative de l’Église et qui mettrait les bases du droit canonique administratif à la portée des fidèles catholiques. »

Cet ouvrage est fait et c’est celui de M. Ducass.

Bien sûr le livre qu’il nous présente suppose une connaissance certaine du droit de l’Église et, je dirais même, du droit séculier, mais nous avons enfin, non pas un traité abstrait, mais un ouvrage-guide, reposant sur une base de données exceptionnelle, rigoureusement et clairement bâti, exposant de très nombreux exemples vécus et les soumettant à une critique toujours constructive.

Il serait malvenu de redire de façon médiocre ce que l’auteur a écrit de façon magistrale. Lisez vous-mêmes « l’Éclairage historique » (pp. 21-48), et vous découvrirez la méthode de l’auteur, avec les faits rapportés et la remarquable bibliographie qui accompagne ce chapitre. Lisez avec attention le chapitre 3 (pp. 87-97) sur les sources de la jurisprudence et découvrez une base de données qui vous donnera une idée du travail et de la maîtrise de l’auteur, et qui vous permettra d’approfondir le sujet.

Laissez-vous guider par l’ouvrage.

Il est indispensable, par ailleurs, que vous lisiez attentivement le chapitre 11 (pp. 305-330) sur les « Perspectives d’évolutions ». Alors que trop de discussions canoniques, de colloques, de congrès, pour intéressants qu’ils soient, n’aboutissent qu’à la publication d’un volume, destiné le plus souvent à un rayon de bibliothèque, l’ouvrage de M. Ducass ouvre de nombreuses perspectives, pratiques, raisonnées, souhaitables. Ce livre est là encore un guide pour l’action.

Certes ces « perspectives d’évolutions » entraîneront des critiques et des réticences. Il est si difficile en effet d’accepter les changements dans nos habitudes de penser et d’agir. Un grand connaisseur des hommes et de leurs lois écrivait à ce sujet :

Nous qui régnons, combien de choses inutiles

Nous disons, sans savoir le mal que nous faisons !

Quand la vérité vient, nous lui sommes hostiles,

Et contre la raison nous avons des raisons.

Dans le domaine de la justice administrative de l’Eglise, nous pouvons et nous devons donner tort à Victor Hugo[2]

 

Photo de l’abbé Jacques Gressier toujours actif à l’âge de 90 ans

avec sa collaboratrice, Mme Elisabeth Dieu

Saint Yves, tant que tu as vécu parmi nous,
 tu as été l’avocat des pauvres,
le défenseur des veuves et des orphelins,
la Providence de tous les nécessiteux.
Écoute aujourd’hui notre prière.
Obtiens-nous d’aimer la justice comme tu l’as aimée.
Fais que nous sachions défendre nos droits,
sans porter préjudice aux autres,
en cherchant avant tout la réconciliation et la paix.
Suscite des défenseurs qui plaident la cause de l’opprimé
pour que justice soit rendue dans l’amour.

 

Introduction

Fidèle à l’exemple et à l’enseignement du Christ, l’Église, lumière des nations, lutte contre tout ce qui entrave le développement intégral de l’homme, et en particulier la culture de l’athéisme qui fait parfois obstacle au « libre exercice de la religion dans la société[4] ». C’est ainsi que l’Église, au fil des siècles, s’attache à défendre les droits de Dieu et à combattre toutes les formes d’hérésies qui peuvent couper les fidèles de la grâce et du salut des âmes.  Or,

Même si certains, par la volonté du Christ, sont institués docteurs, dispensateurs des mystères et pasteurs pour le bien des autres, cependant, quant à la dignité et à l’activité commune à tous les fidèles dans l’édification du Corps du Christ, il règne entre tous une véritable égalité[5].

Pourtant,

L’Église, elle, renferme des pécheurs dans son propre sein, elle est donc à la fois sainte et toujours appelée à se purifier, poursuivant constamment son effort de pénitence et de renouvellement[6].

Ainsi, malgré la sainteté de l’Église, il existe encore de nos jours des situations dans lesquelles des pasteurs de l’Église se comportent en « mercenaires » (Jean 10, 12), ainsi que des légistes qui « font peser des fardeaux impossibles à porter » (Luc 11, 48) sur les épaules de certains fidèles.

Fort malheureusement, très souvent certaines Curies [diocésaines] du Sud, sont tributaires de la structure de l’Eglise préconciliaire et sont immergées dans le culte de l’autorité propre azux cultures du tiers monde et sont influencées par la manière dont les autorités civiles dirigent les Etats du Tiers-monde. Elles ont transmis l’idée que la Curie est un centre de pouvoir et de décision où l’Evêque dirige avec autoritarisme son diocèse. On n’est pas sans s’étonner d’observer, dans certains cas, l’inexistence de structures de consultations pastorales et les fidèles ignorent qu’il relève de leur droit de s’adresser à leur Evêque comme à un père de famille. De manière encore plusé tonnante, cette praxis se retrouve aussi dans les vieilles Eglises dont on dit que certains s’affranchissent à peine du cuklte du pouvoir[7].

Ce type de situation crée des dommages pour l’Eglise comme l’indique Jean-Paul Betegne :

il n’est pas rare de constater dans les Eglises des abus de droit et d’autorité du côté de la hiérarchie à qui il revient pourtant le devoir de promouvoir le droit de l’Eglise. […] On ne mesure pas assez l’étendue des dommages causés au sein de la communauté des fidèles et aux yeux du monde par de telles attitudes. C’est en effet l’image de l’Eglise qui est écornée, ce sont de nombreux fidèles qui dédaignent l’enseignement social de l’Eglise, ce sont des hommes et des femmes qui relativisent la pertinence du message évangélique, c’est la fréquentation des sacrements qui est négligée, etc[8].

Conscient de ces difficultés, le Concile Vatican II affirme les droits et obligations des fidèles et, pour les faire respecter, le bienheureux Paul VI crée le 15 août 1967 la seconde section du Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, chargée de trancher :

Les contestations nées de l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique, ainsi que celles qui lui sont soumises en appel contre une décision d’un dicastère compétent, lorsqu’il lui est reproché d’avoir violé la loi[9].

« Combien de fidèles ont eu le sentiment de n’être pas compris, qu’ils étaient parfois rejetés ? » interroge le cardinal Sarah[10]. Une enquête menée en 2017 à Dakar montre que de plus de la moitié des fidèles interrogés[11] se souviennent d’une situation de controverse due au pouvoir ecclésiastique, tandis qu’aucun d’entre eux ne connaît l’existence du Tribunal administratif de l’Eglise ni les procédures graduées de recours gracieux, hiérarchique et contentieux-administratif mise en place il y a 50 ans.

Au cours de ces cinquante années, des canonistes ont publié des traités de droit administratif ecclésiastique et des articles scientifiques en italien, espagnol, anglais, allemand et latin, décrivant en détail les procédures et la jurisprudence applicables. Il n’existe cependant pas, à notre connaissance, de livre français récent sur ce sujet[12], qui ferait le point de la jurisprudence administrative de l’Église et qui mettrait les bases du droit canonique administratif à la portée des fidèles catholiques.

Le présent ouvrage vise à combler ces deux lacunes, à partir du regard d’un fidèle catholique français licencié en droit canonique[13] travaillant régulièrement en Afrique, avec la révérence due aux pasteurs[14], et en tenant compte de l’utilité commune et de la dignité des personnes.

Dresser le bilan de cinquante années de justice administrative est cependant tâche impossible pour qui n’est pas canoniste expérimenté, plongé dans le sérail du Tribunal Suprême de la Signature apostolique.

Sans prétendre y parvenir, nous proposons ces quelques pages de témoignage et de recherche qui reposent sur cinq fondements :

  • un cadre universitaire, avant et après l’obtention d’une licence de droit canonique ;
  • des contacts réguliers avec les fidèles catholiques sur le réseau « Canonistes sans frontières», qui permettent à l’auteur de recueillir de nombreux témoignages inédits et de dialoguer avec leurs auteurs comme le fait par ailleurs Cathy Caridi[15] dans le monde anglophone ;
  • une base de données portant sur 994 causes contentieuses-administratives et 1123 sentences du Tribunal suprême, constituée par la collation de 2005 publications canoniques[16], et structurée par les techniques de l’ingénieur[17];
  • une expérience professionnelle riche et variée en France et en Afrique permettant de prendre du recul par rapport à une institution ;
  • les commentaires reçus et les recherches effectuées après la 1ère édition française du livre.

Ecrits en quatre années de travail à temps partiel, le livre et sa base de données en ligne sont destinés à quatre catégories de public :

  • les fidèles catholiques, laïques, religieux ou prêtres, rencontrant des problèmes administratifs dans l’Église, et voulant éviter le double écueil, ou bien de cautionner par leur silence des pratiques qu’ils estiment déviantes, ou bien de mettre l’Église en difficulté, en s’adressant aux tribunaux civils ou aux moyens de communication sociale, sans faire confiance à la justice ecclésiastique ;
  • les juristes et les personnes curieuses, qui veulent découvrir le droit canonique, voire entreprendre des études dans ce domaine[18];
  • les canonistes qui pourront accéder à de nombreuses informations inédites sur la jurisprudence administrative canonique ;
  • les responsables de l’Église, qui trouveront dans ces pages matière à réflexion pour leurs futures décisions.

La première partie de l’ouvrage présente le contexte de la justice ecclésiastique, avec un rappel de son rôle dans l’histoire de l’Église[19], l’analyse de ses fondements théologiques, une présentation simplifiée de la procédure, et la description de la base de données en ligne, le tout illustré par de nombreux schémas inédits, qui sont expliqués au fil de l’ouvrage, tels que ceux des procédures de recours rappelés ci-après.

Une deuxième partie présente la justice administrative de l’Église dans sa réalité quotidienne, avec un rappel rapide du droit, des difficultés rencontrées et des solutions apportées depuis 1967 car, selon Sergio Aumenta,

L’introduction de formes de vérification de l’action administrative (et en particulier l’institution d’un contrôle juridictionnel par le Tribunal suprême) a constitué un progrès substantiel pour la sauvegarde des droits juridiques subjectifs[20].

Cinq chapitres présentent les difficultés et les recours concernant les fidèles laïcs (chap. 4), les clercs (chap. 5), les consacrés (chap. 6), ou bien face aux charismes (chap. 7) et aux dicastères (chap. 8), le tout illustré par de nombreux cas de jurisprudence, portant notamment sur les domaines ci-après :

Laïcs Clercs Consacrés
Regroupements de paroisses ; réductions d’églises à usage profane. Mutations de curés

 

Refus d’admission

Exclaustrations

Démissions

Non-reconnaissance et/ou suppression d’associations Révocation de curés Suppressions de maisons religieuses
Retrait de missions ecclésiastiques Pertes de l’état clérical et sanctions administratives Paiement des salaires et pensions de retraite
Face aux charismes
(révélations privées)
Face aux dicastères Droits de propriété

A la lumière de cinquante années de pratique, la troisième partie du livre permet de revisiter les procédures de recours et de proposer quelques pistes d’évolutions à l’occasion du jubilé.

L’ouvrage privilégie systématiquement les sources premières que sont les documents approuvés par le Saint-Père et les sentences de la deuxième section du Tribunal suprême. Sachant que ces sources ne sont pas toujours accessibles au public, du fait notamment de leur caractère nominatif, il est fait largement appel aux travaux des canonistes proches de la Signature apostolique, dont une grande partie n’a jamais été traduite en français. L’absence de sources officielles disponibles oblige l’auteur à proposer des estimations statistiques, mais celles-ci restent incertaines tant qu’elles ne sont pas confrontées aux véritables données de la Seconde section du Tribunal suprême, à qui le présent travail est naturellement soumis.

Outre l’indisponibilité des sources, le champ très vaste du droit administratif ecclésiastique et le temps limité par l’échéance du jubilé, les limites de cet ouvrage sont principalement celles de son auteur qu’il convient de présenter.

Il s’agit d’un fidèle catholique français d’une soixantaine d’années, marié, père et grand-père. Son métier d’ingénieur au service de l’Etat français, puis de consultant auprès des gouvernements africains lui a conféré une expérience pratique du droit administratif. Il l’a complétée par une solide formation de droit canonique[21], par trois années de recherche en bibliothèque et par une expérience de terrain avec « Canonistes sans frontières », incluant la préparation et le suivi de plusieurs recours hiérarchiques et contentieux-administratif.

Sa réussite professionnelle et l’appui de son entreprise energeTIC lui confèrent une indépendance morale et financière, conditions indispensables à la liberté de parole. Il voudrait en user avec la modération qu’apportent la crainte de Dieu, l’amour de l’Église et l’honnêteté scientifique, qui libèrent des trois esclavages inverses que sont l’égocentrisme, la pensée unique et le mensonge[22].

 

[1] Membre de l’association des écrivains catholiques francophones.

[2] L‘art d’être grand-père IV, 4

[3] http://droit.regiminal.free.fr/

[4] Dignitatis humanae, n° 1.

[5] Lumen Gentium, n° 32.

[6] Lumen Gentium, n° 8.

[7] Kitambala (Hilaire Iwaka) L’office de chancelier dans le Code de droit canonique de 1983, l’Harmattan, Paris 2017, p. 38-39 / 245.

[8] Betengne (Jean-Paul) Université Catholique d’Afrique Centrale / Institut Catholique de Yaoundé « Culture canonique et cultures juridiques en Afrique » conférence du 6 octobre 2017 au congrès international de la Conociatio.

[9] Regimini Ecclesiae Universae, article 106.

[10] Sarah (Cardinal Robert), Dieu ou rien, Propos recueillis par Nicolas Piat, Paris 2016, ed Pluriel, p. 223/420.

[11] L’échantillon était constitué de 25 participants d’âge mûr participant au colloque international organisé par le Centre Saint Augustin de Dakar à l’occasion de ses 30 ans.

[12] Une exception notoire est à signaler, avec la thèse de doctorat de Mgr Patrick Valdrini, pro-recteur et professeur de droit canonique de l’Université pontificale du Latran à Rome, à l’origine de deux livres publiés à Strasbourg : Conflits et recours dans l’Église, Cerdic 1978 ; Injustices et protection des droits dans l’Église, Cerdic, 1984.

[13] Ce diplôme a été décerné par l’Archevêque de Strasbourg correspond au vu du master 2 de droit canonique de l’université de Strasbourg et du diplôme de propédeutique de théologie de l’Institut catholique de Paris.

[14] Au cours de son travail en Officialités, les tribunaux (inter)diocésains de l’Église, l’auteur a pu apprécier le professionnalisme, le sérieux et la générosité des pasteurs en charge de la justice ecclésiastique pour les reconnaissances de nullité de mariage, et le dévouement des bénévoles qui les aident. Il ne saurait trop recommander à d’autres fidèles catholiques d’entreprendre des études sur le droit canonique du mariage pour travailler en Officialité ou dans leur paroisse, pour venir en aide aux personnes en souffrance qui cherchent à discerner si le mariage religieux qu’elles ont contracté est valide et indissoluble, ou bien entaché de nullité, en vue de démarrer une autre étape de leur vie.

[15] Caridi (Cathy), Canon made easy, http://canonlawmadeeasy.com/

[16] Situation de la base au 1er janvier 2017.

[17] La base de données sur laquelle repose l’ouvrage est présentée du chapitre trois du présent ouvrage

[18] L’Institut catholique de Paris (ICP) met en ligne une formation gratuite dédiée au droit canonique intitulée « la loi des hommes et la loi de Dieu » Cf. www.droitcanonique.icp.fr

[19] Lors d’un pèlerinage à pied vers Compostelle, l’auteur fut interpellé par une pèlerine allemande qui disait avoir pris ses distances avec l’Église catholique, à cause du comportement de celle-ci durant l’épisode de la chasse aux sorcières.

[20] Aumenta (Sergio Felice), La tutela dei diritti dei fedeli nel processo contenzioso amministrativo canonico, Pontifica università lateranese, Mursia, p. 173.

[21] Trois années d’études à l’Institut de droit canonique de Strasbourg, deux années de théologie à l’Institut catholique de Paris, suivie d’une expérience de notaire, avocat, et défenseur du lien dans les officialités de Paris, Versailles, Cotonou et Dakar.

[22] Je suis Yahvé ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude. Dt. 5, 6.

La justice dans l’Eglise

Après que le Concile précise les droits et obligations des fidèles catholiques, le pape Paul VI crée la seconde section du Tribunal suprême de la Signature apostolique le 15 août 1967, en vue de « trancher les contestations nées de l’exercice du pouvoir administratif ecclésiastique ». L’année 2017 marque donc le jubilé de la justice administrative de l’Église catholique, mais qui la connaît ?

Par l’ouvrage d’Yves-Alain Ducass, (imprimatur du 11 octobre 2017), et par le site www.canonistes.org qui l’accompagne, l’auteur vise cinq objectifs :

  1. rappeler à la hiérarchie de l’Église et aux fidèles catholiques leurs droits et obligations respectifs, ainsi que les moyens de les défendre ;
  2. évoquer les progrès accomplis par la justice de l’Église catholique en cinquante années d’exercice ;
  3. illustrer sa mise en œuvre pratique par une centaine d’exemples de conflits, de résolutions amiables et de jurisprudence ;
  4. apporter une contribution scientifique au monde des canonistes, à partir d’une base de données inédite sur la jurisprudence administrative ;
  5. contribuer à la justice sociale en promouvant la justice administrative de l’Église, en aidant les personnes en difficulté et en proposant des pistes d’améliorations.

Le livre fait l’objet de deux éditions françaises par l’Harmattan (janvier et novembre 2017) et d‘une édition italienne par energeTIC. Une édition anglaise est en préparation.

En accord avec l’éditeur, certaines  parties du livre sont totalement ou partiellement accessibles en ligne pour tous, d’autres sont réservées aux canonistes, et, pour d’autres enfin, seule  la table des matières est publiée.

NB pour citer la deuxième édition française, indiquer : Ducass (Yves-Alain), « La justice administrative dans l’Eglise catholique. Vue de France et d’Afrique » L’Harmattan, Paris 2017, 374 p.

La justice de l’Eglise face aux charismes

Voici un extrait du livre « La justice administrative de l’Eglise catholique » qui a reçu l’imprimatur le 4 octobre 2011 par S.E. Mgr. Laurent Dabiré, évêque de Dori (Burkina Faso), Docteur en droit canonique, et Président de la commission tribunaux, de la formation et des questions canoniques à la Conférence épiscopale Burkina-Niger.

Chapitre 7 :
La justice administrative face aux charismes

Le présent chapitre diffère des précédents, dans la mesure où il s’attache peu à la jurisprudence des recours hiérarchiques ou contentieux-administratifs[1], mais plutôt aux pratiques administratives ecclésiastiques face aux charismes.

Dans une première partie, l’analyse porte sur le phénomène des révélations privées, avec le droit applicable, les épreuves et les sanctions imposées à l’encontre des voyants et de leurs amis, et finalement sur les recours contentieux-administratifs, auprès de la justice ecclésiastique et de la justice civile.

Une deuxième partie porte sur la justice face aux nouveaux mouvements religieux et aux sectes présumées, avec le droit applicable, les sanctions imposées et les recours possibles.

  1. Les révélations privées

Du temps de Jésus, son oncle Zacharie, sa mère Marie et son père Joseph ont reçu la visite de l’Ange, tandis que ses apôtres ont reçu la visite de Jésus ressuscité[2]. Par la suite, un grand nombre de saints ont reçu des révélations privées[3]. En effet,

Apparitions et signes surnaturels scandent l’histoire, elles entrent dans le vif des vicissitudes humaines et accompagnent le chemin du monde, surprenant croyants et non-croyants.[4]

De nos jours encore, il y a beaucoup plus de révélations privées qu’on ne le croit, mais la plupart d’entre elles restent secrètes. Tel est généralement le cas lorsqu’elles s’adressent à une personne pour l’encourager ou l’aider à accomplir sa vocation. Parfois la confidence d’un ami ou la lecture d’un livre permet d’en prendre connaissance comme, par exemple, dans le cas de S.E. Jean-Pierre Kutwa, cardinal archevêque d’Abidjan :

Tu sais, Francesco, (c’est ainsi qu’il aime appeler l’auteur) pendant ce passage à l’hôpital, j’ai été visité par celui que j’avais choisi de servir : Jésus-Christ. Un jour, j’ai vécu plusieurs minutes de douleurs atroces, je souffrais terriblement et tout d’un coup, tout s’est arrêté et je me suis endormi. C’est à ce moment-là que j’ai vu Jésus. Il était très lumineux et moi, dans un geste spontané, je me suis immédiatement couché à ses pieds et je les ai serrés dans mes bras. Jésus m’a demandé : « Pourquoi as-tu si peur ? N’aie pas peur. Ta mission n’est pas terminée. Retourne. »[5]

Nous qualifierons ces révélations de « privées à caractère personnel ».

A l’inverse, d’autres révélations privées comportent des messages que le bénéficiaire est invité à faire connaître. Ces révélations, que nous qualifierons de « privées à finalité publique » posent un problème culturel dans le monde occidental, marqué par le matérialisme et rejetant jusqu’à l’idée même de Dieu. Il pose aussi un grave problème de discernement à l’Église quant à la nature et au contenu des apparitions présumées, et quant aux manifestations qui les accompagnent. C’est exactement ce que dit la Congrégation pour la doctrine de la foi dans sa lettre sur la hiérarchie et les charismes :

  1. Parmi les dons charismatiques, distribués librement par l’Esprit, très nombreux sont ceux qui, accueillis et vécus par la personne à l’intérieur de la communauté chrétienne, ne nécessitent pas de règlementations particulières. En revanche, quand un don charismatique se présente comme « charisme originaire » ou « fondateur », il a besoin d’une reconnaissance spécifique afin qu’une telle richesse s’articule adéquatement dans la communion ecclésiale et se transmette fidèlement dans le temps. Ici apparaît la tâche décisive de discernement qui appartient à l’autorité ecclésiastique. Reconnaître l’authenticité du charisme n’est pas toujours une tâche facile, mais c’est un service nécessaire que les pasteurs sont tenus d’effectuer[6].

Le site américain « Miracle hunter[7] » dénombre près de 700 révélations privées[8], avec une forte accélération au fil du temps : il y en a en moyenne une par an dans les années 1900 à 1925, puis environ 35 en moyenne par an dans les années 1970 à 2000[9], avec un total de 410 apparitions dans la période 1967 à 2016. L’abbé Laurentin[10] explique cette subite augmentation non pas par une plus grande fréquence des révélations privées mais par l’évolution du droit canonique en vigueur :

Cela tient à l’abolition du Canon 1399, § 5 de l’ancien Code de droit Canonique qui « interdisait les livres et libelles qui racontent de nouvelles apparitions, révélations, visions, prophéties et miracles, ou lancent de nouvelles dévotions, même sous le prétexte qu’elles sont privées » (et du Canon 2318 qui excommuniait les contrevenants)[11].

                         Nombre d’apparitions par décade recensées par Miracle hunters

Sans compter celle de Lipa, que nous évoquerons plus loin, l’Église a reconnu 16 apparitions mariales, dont 5 pendant la période de notre étude[12]. La piété populaire qui les accompagne est l’une des expressions du « sensus fidei », mais celle-ci va à contre-courant de la société rationnelle actuelle :

Les apparitions, honorées par la piété populaire dans nos sanctuaires, sont méprisées dans le milieu théologique, y compris laïc.[13]

Cette hypothèse peut notamment être illustrée par les propos de l’évêque de Quimper et Léon à propos de Kérizinen :

La foi chrétienne n’est pas de l’ordre du sentiment : elle est accueil de Jésus-Christ, de son Evangile, de son Église. […] Puissent ceux qui se sont laissé égarer par ces prétendues révélations ouvrir les yeux à la seule vérité de Jésus-Christ, qui n’écarte pas la Vierge mais la situe à sa place, au lieu de s’enfermer dans un ghetto sans ouverture ou sans issue ! Qu’ils méditent donc toutes ces fortes paroles de saint Jean de la Croix, mystique authentique et de plus Docteur de l’Église : « En nous donnant son Fils ainsi qu’il l’a fait, lui qui est sa parole dernière et définitive, Dieu a dit tout ensemble et en une seule fois et il n’a plus rien à dire. »[14]

Certes, la Révélation est close avec la mort du dernier Apôtre, ainsi que l’écrit Saint Jean de la Croix en commentant He 1, 1-2, mais le catéchisme ajoute :

Cependant, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée. Au fil des siècles, il y a eu des révélations dites « privées », dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. […] Leur rôle n’est pas […] de « compléter » la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire.[15]

Puisqu’il y a tension entre la foi populaire et la rationalité de certains théologiens[16], examinons maintenant le droit canonique applicable.

1.1. Le droit des révélations privées

Lorsqu’un prophète parle au nom de Dieu ou lorsqu’une personne évoque ou fait connaître une révélation privée à caractère public, il en résulte immanquablement une tension entre lui-même et l’autorité de l’Église, car tous les deux pensent agir et parler au nom de Dieu. Cette situation pose un problème majeur de discernement, pour l’Ordinaire du lieu confronté aux paroles de Saint Paul :

N’éteignez pas l’Esprit, ne méprisez pas les prophéties, mais discernez la valeur de toute chose, ce qui est bien, gardez-le » (1 Thessaloniciens 5, 19-21)

mais aussi de Saint Matthieu :

Vous allez entendre parler de guerres et de rumeurs de guerre. Faites attention ! Ne vous laissez pas effrayer, car il faut que cela arrive, mais ce n’est pas encore la fin. […] Beaucoup de faux prophètes se lèveront, et ils égareront bien des gens. (Matthieu 24, 6-11)

Trois régimes de droit positif ont régi la méthode de discernement au cours de la période étudiée :

  • le 29 décembre 1966, peu avant le début de notre période d’étude, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie un décret[17] approuvé par le pape Paul VI le 14 octobre 1966, abrogeant les canons 1399 et 2318[18] du Code de 1917 sur l’imprimatur et les livres religieux, et assouplissant la discipline ecclésiastique relative aux apparitions, reconnues ou non[19]. Par contre, il n’existe pas, à ce moment-là, de normes procédurales particulières sur la conduite à tenir, en dehors des principes généraux du droit ;
  • en novembre 1974, la session plénière annuelle de la Congrégation pour la doctrine de la foi travaille sur les apparitions privées, et ses conclusions sont adressées aux évêques, mais non pas publiées[20];
  • le 14 décembre 2011, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie les critères de discernement, permettant aux personnes concernées de savoir quelle est la loi applicable[21]. Dans la préface de cette publication, le cardinal-préfet indique :

Cette Congrégation espère vivement que la publication officielle des normes procédurales pour le discernement des apparitions et révélations présumées pourra aider les Pasteurs de l’Église catholique dans la tâche exigeante de discernement des apparitions, des révélations, des messages et des locutions présumés ou, plus généralement, des phénomènes extraordinaires ou d’origine surnaturelle présumée.[22]

Ces normes procédurales invitent l’Autorité ecclésiastique à agir avec prudence, en trois étapes

  1. juger d’abord du fait selon des critères positifs et négatifs[23];
  2. ensuite, si cet examen aboutit à une conclusion favorable, permettre certaines manifestations publiques de culte ou de dévotion, tout en les observant avec la plus grande prudence (ce qui équivaut à la formule : « pro nunc nihil obstare ») ;
  3. enfin, à la lumière du temps et de l’expérience (en particulier l’abondance des fruits spirituels procurés par la nouvelle dévotion), porter, le cas échéant, un jugement sur l’authenticité et le caractère surnaturel.

Pour la réalisation de la première étape, la Congrégation invite les autorités à réaliser une enquête sérieuse sur les faits, ce qui pose la question de savoir dans quelle mesure cette recommandation crée ou non un droit pour les fidèles concernés.

Espérons que ces nouveaux éléments de procédures seront respectés dans l’avenir et que l’on n’assistera pas à des batailles d’arguments ad hominem cachant des jeux de pouvoir, comme ce fut par exemple le cas dans les apparitions de Tilly-sur-Seulles, en Normandie, dont l’archevêque de Paris bloqua la reconnaissance, alors qu’elle était en bonne voie à Rome[24].

1.2. Les difficultés rencontrées

Dans le passé, l’enquête sérieuse prévue actuellement pour obtenir un discernement positif sur le caractère des faits était très souvent écartée au profit d’une application hâtive des critères négatifs, interprétés de façon unilatérale, sans parfois même interroger les personnes concernées :

  • à Garabandal, Monseigneur Juan Antonio del Val Gallo institua une nouvelle enquête (achevée en 1986) compte tenu des défauts considérables qu’il aurait observés dans le travail de la première commission[25];
  • à Kérizinen en Bretagne (France), un double interdit fut posé par l’évêque de Quimper et Léon, les 12 octobre 1956 et le 24 mars 1961, interdisant aux fidèles de construire un oratoire privé et d’aller prier le rosaire sur les lieux des apparitions présumées, alors qu’aucune enquête n’a eu lieu[26].
  • A Montichiari en Italie, Mgr. Abate Francesco Rossi, alors curé de la paroisse, aurait dit en privé qu’il était absolument convaincu de l’authenticité des apparitions de « Rosa mystica » [27], et que l’enquête canonique était biaisée : L’évêque Giacinto Tredici désigna une commission d’enquête. Mais à mon avis, celle-ci se mit au travail avec un préjugé absolument négatif et ne remplit d’aucune façon son devoir car 1. Aucun miracle n’a été examiné, 2. Aucun témoin n’a été entendu, 3 un médecin déclara Pierina Gilli morphinomane, une calomnie absolument malveillante. »
  • à Dozulé en France, le Père Curty critique sévèrement le sérieux de l’enquête canonique réalisée avant 1998[28], tandis que le refus du message semble provenir de considérations fallacieuses[29].
  • à Lipa, aux Philippines, ni l’évêque en place au moment des apparitions, ni son coadjuteur n’ont été interrogés lors de l’enquête effectuée par leurs successeurs en 1950. A son arrivée en 2003, le nouvel archevêque, Mgr. Ramon Argüelles, ne trouva aucun dossier dans les archives du diocèse. La nouvelle enquête qu’il fit réaliser en 1991 a abouti à un résultat contraire qui lui a permis de reconnaître la surnaturalité de l’apparition et de la pluie de roses qui lui a succédé. Lui-même écrit dans le décret de reconnaissance : le décret de 1951 qui niait le caractère surnaturel des faits en était « dès le  début »  entaché d’une « ombre de doute »,  du fait que les évêques signataires du décret qui étaient contreont fini par déclarer, à la fin de leur vie, qu’ils croyaient en la véracité des apparitions[30]. Selon Rafael M. Villongco[31], les membres de la Commission d’enquête auraient été obligés de signer le décret sous menace d’excommunication.

Conscient des difficultés résultant du choc des charismes et de l’autorité, le pape François a approuvé la lettre « Iuvenescit Ecclesia » de la Congrégation pour la doctrine de la Foi, en date du 14 mars 2016, sur la relation entre les dons hiérarchiques et charismatiques pour la vie et la mission de l’Église :

Différents charismes n’ont jamais cessé de naître au long de l’histoire de l’Église ; pourtant, c’est seulement à une époque récente que s’est développée une réflexion systématique sur ces thèmes. Ce fait est dû historiquement au schisme montaniste, venu de l’antiquité chrétienne, et ensuite aux doctrines apocalyptiques médiévales qui ont laissé une trace négative durable sur toute prétention charismatique, associée à une époque fantomatique de l’Esprit-Saint. Lumen Gentium dépasse totalement cet héritage problématique, distinguant entre dons hiérarchiques et charismatiques et soulignant « leur différence dans l’unité ». Ces grâces, des plus éclatantes aux plus simples et aux plus largement diffusées, doivent être reçues avec action de grâce et apporter consolation[32].

Le document de la Congrégation précise les critères de discernements des charismes, dont un consiste dans l’acceptation des moments d’épreuve que leurs bénéficiaires ont à subir de la part de la hiérarchie ecclésiastique

  1. f) Acceptation des moments d’épreuve dans le discernement des charismes. Étant donné que le don charismatique peut posséder « une certaine dose de vraie nouveauté, dans la vie spirituelle de l’Église, et d’initiative dans l’action, qui peut parfois sembler incommode », un critère d’authenticité se manifeste dans l’humilité pour supporter les contretemps ; le juste rapport entre charisme véritable, prospective de nouveauté et souffrance comporte une constante historique : c’est la liaison entre le charisme et la croix. La naissance de tensions éventuelles exige de la part de tous la pratique d’une charité plus grande, en vue d’une communion et d’une unité ecclésiale toujours plus profonde[33].

La question se pose alors de savoir si l’acceptation passive, qui constitue un des critères de discernement, est compatible ou non avec la possibilité canonique offerte aux fidèles de revendiquer leurs droits en tenant compte du bien commun de l’Église.

Pour tenter d’y répondre, examinons quels types d’épreuves sont imposés aux prophètes de notre temps et quelles réponses y sont apportées.

1.3. Les épreuves imposées

Une fois l’enquête « sérieuse » réalisée, la Congrégation pour la doctrine de la foi préconise aux autorités compétentes une démarche appropriée, dépendant des types de situations rencontrées[34]. Il peut s’agir de :

corriger ou prévenir des abus dans l’exercice du culte ou de la dévotion, condamner des doctrines erronées ou éviter les dangers d’un mysticisme faux ou inconvenant, etc.

Le doyen Philippe Greiner éclaire cette notion d’abus dans sa thèse sur l’encadrement juridique du prosélytisme, en distinguant le prosélytisme de bon et de mauvais aloi :

Suivant les circonstances, la pratique du prosélytisme de mauvais aloi peut être considérée comme une faute et justifier des mesures disciplinaires ou correspondre à un délit puni par la loi canonique et entraîner l’application d’une peine à des personnes physiques.[35]

Ses propos peuvent s’appliquer aux révélations privées, dont les bénéficiaires s’appliquent à eux-mêmes les paroles des apôtres : « nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4,20), et a fortiori : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5,29). Philippe Greiner décrit ensuite deux principales mesures disciplinaires prévues par le droit canonique à l’égard de personnes qui seraient rendues coupables de prosélytisme de mauvais aloi, ou du moins jugé comme tel, à savoir le retrait d’une charge pastorale et la suppression d‘une association. Nous élargirons le débat, en distinguant trois types de personnes sanctionnées :

  • les bénéficiaires des révélations présumées, et leurs amis,
  • les curés et les religieux qui les accompagnent,
  • les pèlerins qui pratiquent une forme particulière de dévotion liée à ces révélations.

Nous examinerons ensuite les voies de recours, et la manière dont les obligations et les droits des fidèles sont pris en compte.

1.3.1. Les sanctions envers les « voyants » et amis

L’abondante littérature relative aux révélations privées fournit de nombreux témoignages sur les mesures disciplinaires que l’Église a imposées aux fidèles bénéficiant de révélations privées et à leurs amis.

La mesure la plus simple consiste à laisser dans l’ombre le voyant, et à recueillir les fruits de la révélation au sein de la paroisse :

Dans les années 1980, au cœur du quartier musulman d’Anoumambo à Abidjan, Gabriel, un immigré burkinabè, a été sollicité par ses voisins pour enterrer un chrétien laissé sans sépulture. L’ayant fait, il réalise que les chrétiens du quartier ne se connaissent pas. Il dit le chapelet avec ceux qui se présentent et leur nombre augmente, si bien qu’il se met à avoir peur des musulmans qui les entourent. Il fait alors un songe : la Vierge Marie l’invite à ne pas avoir peur et à construire une chapelle à cet endroit. Aujourd’hui, la chapelle « Sainte Marie Bangtaba [36]» est rattachée à la paroisse saint-Pierre d’Anoumambo et va se transformer en paroisse autonome dédiée à sainte Marie mère de Dieu. Le songe est oublié et Gabriel est désormais seul et grabataire.

 

Voici un autre exemple où « la voyante » a été soumise à rude épreuve avant que l’Evêque ne reconnaisse l’apparition :

Elisabeth Ravasio devenue sœur puis mère Eugenia[37], dans la congrégation Notre Dame des Apôtres, vit en France une série d’extases et d’expériences mystiques. Elle converse avec le Père, implorant Sa miséricorde sur le monde et recevant les stigmates, conformément à son désir de souffrir avec Jésus. Le 1er juillet 1932, elle reçoit son premier message du Père pour les hommes[38], et son cas est soumis à Mgr. Caillot, évêque de Grenoble. En septembre 1933, ce dernier nomme une commission d’enquête sur les faits. Les examinateurs n’y croient pas de prime abord et augmentent leurs tracasseries jusqu’à la faire enfermer à l’hôpital psychiatrique saint Jean de Dieu en expliquant à sa supérieure : « C’est ici la maison de santé des femmes, et elle y restera jusqu’à ce qu’elle dise la vérité. On lui enlèvera l’habit et le voile, elle ne fera plus la communion ni la méditation ni le chemin de croix : elle pourra assister à la sainte messe. Ensuite, nous la renverrons en Italie où elle sera mise en prison pour le mal qu’elle a fait à l’Église de France par ses interventions du Père. » La sœur supérieure l’en fait sortir et, le 28 décembre, on lui ordonne de laisser le noviciat et d’aller dans une autre maison, comme sanction canonique. Par ordre de l’évêque, elle part à Pommiers… pour 8 jours. Puis l’enquête reprend, et voici que l’opinion des théologiens évolue favorablement. Vers 1935, la Commission d’enquête rend une opinion favorable, et vers 1943, Mgr. Caillot conclut 1° aux vertus solides de sœur Eugenia, 2° au caractère précis, légitime et opportun de sa mission [contenue dans les messages] du point de vue doctrinal 3° à l’intervention surnaturelle et divine comme seule explication logique et satisfaisante aux faits constatés, 4° à la présence du doigt de Dieu.

 

Dans cet épisode, qui se passe avant le Concile mais qui n’est pas réglé aujourd’hui, nous retiendrons le caractère surprenant de la peine canonique officieuse (l’enfermement à l’hôpital psychiatrique) et officielle (la mutation à Pommiers), au titre des sanctions qui ont été infligées à sœur Eugenia « pour le mal qu’elle a fait à l’Église de France ». De quel mal s’agit-il, puisque le caractère surnaturel des révélations a été officiellement reconnu par l’Ordinaire du lieu ? Venons-en donc au second épisode de sa vie, à partir de son élection comme supérieure générale de sa congrégation :

Mère Eugenia. Le 7 août 1935, lors du chapitre général de la congrégation ND des apôtres, Elisabeth est élue supérieure générale puis elle est réélue le 7 août 1947. Sa fécondité est importante, au point que le nombre de maisons passe de 50 en 1932 à 144 en 1944 et qu’elle est l’inspiratrice de l’œuvre de Raoul Follereau en faveur des lépreux, et à l’origine du centre mondial des lépreux d’Adzopé en Côte d’Ivoire. De ce fait, sa congrégation reçoit la couronne civique des mains du président de la République française, le 4 juin 1950 à Paris. A cette date, mère Eugenia est écartée à la demande de la Congrégation de la propagande de la foi, qui lui a fait signer un courrier de démission « pour motif d’incapacité ». Qu’a-t-elle fait de mal ? Nous savons qu’elle a été dénoncée à Rome par une sœur jalouse qui voulait être nommée secrétaire, pour pouvoir voyager avec elle. Apparemment, elle n’a pas su ce qui lui était reproché et n’a pas pu, ni peut-être voulu, se défendre. Elle a ensuite vécu des tribulations importantes en se faisant plusieurs fois retirer, puis remettre l’habit religieux. Elle crée diverses œuvres pour les pauvres et l’Unitas cattolica créée en 1953 et reconnue comme pieuse union en 1964. A plusieurs reprises, des décisions administratives lui imposent de fermer les maisons qu’elle a créées, et de changer de ville. Chaque fois elle obéit, en s‘attirant l’incompréhension des sœurs qui l’ont suivie « Nous renvoyer ? Mais qu’est-ce que nous avons fait ? »  Mère Eugenia témoigne : « L’archevêque de Reggio a mis comme supérieure et Directrice générale trois personnes sans que ces nominations aient été approuvées par les maisons. J’étais considérée comme une simple pensionnaire, n’ayant aucune voix, avec prohibition d’aller chez les autorités religieuses et civiles. Interdiction d’agir pour l’Unité Catholique […] Pendant 11 ans, de 1957 à 1968, j’ai vécu dans la contradiction ! Dès que j’entreprenais quelque-chose pour l’œuvre, on me mettait dans l’impossibilité de continuer… »  Bien que le Saint-Siège soit intervenu en sa faveur en 1966, la mémoire de mère Eugenia est aujourd’hui ternie par un dossier à charge, qui est tenu secret à la maison-mère des sœurs ND des apôtres, et par le procès civil intenté par ses détractrices. Actuellement, un nombre croissant de fidèles catholiques voudrait que la lumière soit faite sur cette affaire, y compris parmi les sœurs de la congrégation ND des apôtres.

 

Nous sommes ici témoins de sanctions canoniques qui consistent en la révocation de charges pastorales des trois supérieures des maisons de l’Union Catholique, l’empêchement des droits de vote de Mère Eugenia au sein de sa propre congrégation. Quant au motif qui fonde ces sanctions, elles ne sont pas connues, mais elles ont sans doute un lien avec une révélation privée, dont le caractère surnaturel a pourtant été reconnu[39]. Même si le cas de mère Eugenia est ancien, il concerne notre étude, car l’affaire n’est pas close aujourd’hui. En effet, le chancelier du diocèse de Grenoble continue à prendre des décisions administratives relatives à mère Eugenia, en refusant par exemple, le 26 août 2014, d’ouvrir ses archives pour le présent travail de recherche :

Nous ne communiquons pas sur le dossier de mère Eugenia Ravasio.

Peu après, le pape Benoît XVI répond à une compatriote bavaroise qui s’adresse à lui pour demander l’institution d’une fête de Dieu le Père au mois d’août, comme demandé dans les messages du Père à Mère Eugenia. Il lui répond que le cas a déjà été tranché négativement dans la lettre encyclique Divinum Illud Munus de Léon XIII, le 9 mai 1897[40]. Outre le fait que cette information soit peu connue, il semble que les théologiens puissent trouver facilement une solution, en instituant par exemple la fête du Père miséricordieux, à l’occasion de l’année de la miséricorde.

Revenons au cas de Lipa, aux Philippines :

Les sœurs reçurent l’ordre de détruire toutes les preuves relatives à l’apparition, l’évêque et son coadjuteur furent mutés, de même que la supérieure du Carmel. Tous ceux qui étaient directement liés à l’apparition eurent à souffrir. Le Carmel fut mis en quarantaine. Un psychiatre, le Dr. Pardon, menaça Teresina d’être internée si elle maintenait son témoignage. Plus tard, son admission au Carmel fut refusée du fait des apparitions, sous le prétexte qu’elle s’était éloignée quelque temps du Carmel, alors qu’on le lui avait demandé[41].

 

Examinons un cas actuel, survenu au Burundi, relaté ci-dessous à partir de plusieurs témoignages[42], concordants dans les faits, mais pas dans leur interprétation[43],

A partir de 1990, une paysanne du nom d’Eusébie Ngendakumana (Zebiya en Kirundi), déclare avoir bénéficié de révélations privées qui viendraient de la Très Sainte Vierge Marie se présentant sous le nom « Reine de l’Afrique ». Les apparitions se déroulent d’abord dans sa propriété au lieu appelé Businde, dans la paroisse de Rukago, au Nord du Burundi, puis à la capitale, Bujumbura. Peu à peu, des personnes s’associent à elle, et témoignent de grâces et de conversions reçues en abondance. Irrités par les fréquentes veillées de prière, des voisins portent plainte auprès des autorités civiles qui arrêtent la voyante et son entourage, et bastonnent certains jusqu’à évanouissement. Le 21 octobre 2012, une altercation se produit entre les amis de Zébiya qui veulent entrer dans l’église de Rukago et le curé qui veut les en empêcher[44], si bien que l’autorité civile est appelée pour mettre de l’ordre. En novembre 2012, l’évêque de Ngozi interdit formellement tout culte à Businde et demande à Mme Eusébie et à « ses adeptes » d’arrêter toute activité qui porte préjudice à l’unité et à la communion de l’Église. En janvier 2013, des étudiants sont renvoyés de l’université de Ngozi parce qu’ils ont diffusé une publication « prophétique » jugée « mensongère » par les autorités de l’Université. Ils portent plainte et ont gain de cause auprès du Tribunal de grande instance de Ngozi, cependant l’université refuse de les réintégrer, car elle dépend de l’évêque. En mars et avril 2013, la police tire à balles sur les adeptes, tue entre cinq et dix personnes, arrête plus de deux cents d’entre eux et condamne certains à des peines de cinq mois à six ans de prison ferme. En juillet 2013, le site de Businde est transformé en terrain militaire, tandis que l’orphelinat qui y avait été construit par Zebiya et ses amis est démoli[45].

 

Dans cette affaire, les décisions administratives ecclésiastiques à l’encontre de Zebiya et ses amis sont assez peu contestables[46]. On peut cependant déplorer un manque évident de dialogue qui leur aurait peut-être permis de respecter le discernement de l’évêque, au vu notamment du sérieux de l’enquête prévue par les normes. On peut également s’interroger sur le degré de connivence entre l’Église et l’Etat, qui a conduit à l’arrestation, à des blessures ou à la mort de nombreux fidèles catholiques.

En reprenant notre question sur le lien entre l’acceptation passive, et le fait de revendiquer ses droits en tenant compte du bien commun de l’Église, nous constatons que dans tous les cas évoqués, les bénéficiaires d’apparitions privées ont subi avec patience les épreuves, souvent illégales, que l’autorité hiérarchique leur a fait subir. Ainsi par exemple, l’archevêque actuel de Lipa estime que les souffrances et humiliations que la voyante a vécues confèrent une crédibilité solide à ses visions et à ses déclarations. La Vierge avait prévenu la jeune carmélite « Tu vas souffrir, on te tournera en dérision, mais ne crains pas, car ta foi te mènera au Ciel ».

Citons pour finir le cas de Jeanne-Louise Ramonet en Bretagne :

Jeanne-Louise Ramonet, une paysanne de Plounévez-Lochrist en Bretagne, prétend que la Vierge Marie et le Christ lui sont apparus au lieu-dit Kérizinen dans le Nord-Finistère, entre 1938 et 1968. Depuis, le Rosaire y est récité chaque jour et les pèlerins sont nombreux à venir demander à Notre Dame du Très Saint Rosaire d’intercéder pour la guérison des esprits et des corps. Pourtant, le magnifique sanctuaire privé édifié à cet endroit le 17 septembre 1978 n’est toujours pas autorisé à abriter la présence réelle du Christ malgré plus de trente années de prières de la part de milliers de pèlerins[47] et une enquête canonique bâclée[48].

 

 

Teresita Castillo de Lipa (1927-)  

Mère Eugenia Ravasio

France, Italie, Côte d’Ivoire

 

Madeleine Aumont de Dozulé

(1925-2016)

 

Examinons maintenant les sanctions appliquées aux autorités ecclésiastiques proches des voyants.

1.3.2. Les sanctions envers les curés et les religieux favorables

La mesure disciplinaire la plus facile à prendre pour un évêque confronté à un cas de révélation privée consiste à muter le curé qui soutient les bénéficiaires d’une apparition présumée, ainsi que les religieux qui les accompagnent.

Comme nous l’avons vu, la révocation d’une charge pastorale est fixée par le canon 184 §1, tandis que la procédure est précisée aux canons 1740[49], 1741 et 1742 lorsqu’il s’agit d’un curé. Elle débute par une demande de renonciation théoriquement précédée par une phase de discussion avec deux prêtres, et théoriquement écrite et motivée. Le premier des motifs de mutation du curé évoqué par le canon 1741 est « une manière d’agir qui cause un grave détriment ou un trouble grave dans la communion ecclésiale. »

En pratique, lorsqu’un groupe de fidèles se met à croire à une révélation privée, ou, du moins à une révélation présumée, il se produit en général une division entre le groupe des pèlerins qui y croient et le groupe des paroissiens qui n’y croient pas. Quand bien même les deux groupes resteraient prudents, dans l’attente du discernement de l’évêque, il est vraisemblable qu’il se produise une division et, quelle que soit l’attitude du curé, il peut en être tenu pour responsable, ce qui entraîne, de facto, un motif de mutation. Pourtant, il est normal qu’un tel trouble se produise dans la vie de l’Église dès lors que l’Esprit saint intervient : « mes pensées ne sont pas vos pensées » (Isaïe, 55, 9), a dit l’Eternel, tandis que Jésus, prince de la paix, a confirmé :

Pensez-vous que je sois apparu pour établir la paix sur la terre ? Non, je vous le dis, mais la division. N’allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre. Je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Désormais, en effet, dans une maison de cinq personnes, on sera divisé, trois contre deux et deux contre trois : on sera divisé, père contre fils et fils contre père, mère contre fille et fille contre mère, belle-mère contre bru et bru contre belle-mère. Car je suis venu opposer l’homme à son père, la fille à sa mère et la bru à sa belle-mère. On aura pour ennemis les gens de sa famille. (Matthieu 10, 34-36).

En l’occurrence, voici quelques-unes des sanctions régulièrement appliquées aux curés, religieux et religieuses qui fréquentent des lieux de révélations privées présumées, non reconnus, et/ou soutiennent ceux qui les fréquentent :

  • interdiction de se rendre sur les lieux, comme c’est le cas à Kérizinen[50], ou à Lipa[51],
  • mutations de curés[52], de religieuses[53] et d’évêques[54],
  • renvois de religieux[55],
  • interdits (c. 1332) et suspenses, (c. 1333), voire menace d’excommunication[56],
  • dénonciation ou neutralité face au pouvoir séculier[57].

En France, Mgr. René Laurentin, que nous avons rencontré, a consacré sa thèse de doctorat en théologie au sacerdoce de la Vierge et, tout au long de sa vie, il a étudié les révélations privées. Voici des extraits de ses mémoires :

J’avais accepté d’entrer dans le sombre domaine [des apparitions] à la demande des autorités de l’Église, y compris du cardinal Seper, prédécesseur du cardinal Ratzinger, qui me consulta avant d’établir ses normes des apparitions (1978). Mais l’autorité qu’on attachait à mon nom en la matière a gêné : trop de gens l’utilisaient indûment, comme si dialogue ou enquête équivalait à authentification. […] La suite allait voir ma lente descente aux enfers, mais sans drame ni éclat, car j’en ai limité les dégâts en ne me battant contre personne et en obéissant à l’ordre établi. Ainsi ai-je perdu, sans bruit, une bonne partie des libertés que j’avais tant appréciées dans l’Église, jusqu’à mes quatre-vingts ans, et vérifié la prédiction de Jésus à son disciple Pierre : « Dans ta jeunesse, tu mettais toi-même ta ceinture… » (Jn 21, 18). Toute notoriété fait de son bénéficiaire un homme à abattre, et mon double souci d’élucider les questions en souffrance et de réhabiliter des réputations diffamées aggrava considérablement mon cas. […]  Certes, les répressions sont moins rigoureuses et moins énigmatiques qu’au temps du père Congar, mais les méthodes variées sont analogues pour réduire les libertés humaines, chrétiennes, sacerdotales, médiatiques, universitaires ou autres, qui interfèrent avec les actions en cours à l’abri des secrets officiels. [58]

 

1.3.3. Les sanctions envers les pèlerins

Une autre sanction, ou du moins une « mesure disciplinaire » que Philippe Greiner évoque à propos du prosélytisme de mauvais aloi, est la suppression d’une association. Lui-même cite par exemple la suppression de l’association publique « Arche de Marie » par le cardinal-archevêque de Québec, le 4 mai 1987, alors qu’elle avait été érigée par son prédécesseur en 1975[59].

D’autres types de sanctions sont couramment appliquées, et notamment :

  • l’interdiction de construire un sanctuaire, y compris privé, ou d’ay autoriser la célébration du culte[60];
  • l’interdiction aux pèlerins de se rendre sur les lieux de la présumée révélation[61];
  • l’interdiction de parler et de témoigner, comme par exemple à Dozulé[62].
  • l’interdiction de publier des ouvrages[63],
  • des interdictions vestimentaires, comme à Businde,
  • l’atteinte à la réputation des pèlerins, considérés comme gogos à Dozulé, voire des ennemis de l’Église[64]
  • l’abandon au bras séculier[65].

On peut s’interroger sur la légalité de ces décisions, et sur leur caractère d’acte administratif permettant de déposer un recours.

 

1.4. Les voies de recours et la justice

Les chapitres 4 à 6 présentent un large panorama des recours administratifs hiérarchiques et contentieux couvrant l’ensemble du droit canonique, mais nous n’en avons pas rencontré concernant des litiges relatifs à des révélations privées. Est-ce à dire que la justice administrative de l’Église n’est pas applicable dans ce domaine, que l’intervention de la justice est méconnue parce que gardée secrète, ou y a-t-il des raisons pour que les fidèles catholiques victimes de décisions administratives ne déposent pas de recours ?

Nous avons vu que Mgr. Laurentin a été témoin de ce qu’il appelle les « méthodes variées » de la hiérarchie ecclésiastique pour étouffer certaines révélations privées. Dans ses mémoires, il précise que les révélations privées à caractère public confèrent immanquablement une certaine notoriété à leurs auteurs, faisant d’eux « des hommes à abattre ». Face à ces attitudes de la hiérarchie, lui-même a choisi la voie du silence et de la soumission où il préserve pour lui un minimum de liberté d’écrire en sacrifiant le reste. Par ce choix, il pourrait s’être fait complice de violations des droits des fidèles par l’autorité ecclésiastique. Il laisse entendre qu’il a usé de la voie diplomatique et médiatique pour soutenir discrètement certains « voyants », mais il n’a visiblement pas utilisé la voie juridique. La raison de ce choix tient-elle à sa volonté de ne pas déposer de recours pour ne pas envenimer les situations, ou à une impossibilité d’agir efficacement du fait des « secrets officiels », qui, d’après lui, constituent « un abri » contre les recours contentieux ? Nous l’ignorons.

Dans le cas de Garabandal[66], l’évêque de Santander a continué à appliquer en 1968 le canon 1399 du code de 1917 alors que celui-ci avait été abrogé. Les paroissiens n’ont fait aucun recours, car ils ignoraient sans doute leurs droits[67].

Dans le cas de Kérizinen, des recours gracieux ont été formulés régulièrement par l’association des Amis de Kérizinen auprès de l’ordinaire du lieu, avec des résultats plus ou moins positifs en fonction de la personnalité des évêques successifs. L’association a toujours cherché à maintenir le dialogue en renonçant à la soumission aveugle et à la voie contentieuse. Il en résulte parfois d’une certaine ouverture :

Vous trouverez ci-joint une note […] qui […] prend acte du positif, et indique en même temps les étapes qui seront encore à franchir. […] Il est absolument nécessaire que [dans la brochure] soit indiqué clairement que Jeanne-Louise a dit avoir eu, entre 1938 et 1965, plus de 70 apparitions de la Vierge Marie et/ou du Seigneur Jésus, et avoir reçu, au cours de ces apparitions, des messages qu’elle a transcrits dans ses cahiers : que ces apparitions et ces messages n’ont jamais été reconnus comme ayant une origine surnaturelle…[68]

Dans le cas de Zebiya au Burundi, on notera une mention de la justice canonique de la part de l’ordinaire de Ngozi, dans un courrier du 2 avril 2013 à l’avocat Segatwa Fabien, qui en appelait à lui pour faire sortir de prison les adeptes de Zebiya :

… au cas où il vous semblerait que l’évêque de Ngozi a violé une loi canonique dans les dispositions prises pour demander aux fidèles qui sont confiés à sa charge de se comporter en chrétiens catholiques, sachez qu’il aimerait mieux répondre devant la juridiction d’Églises compétentes en ce domaine…

On peut se demander si la perspective de recours évoquée par l’évêque est crédible, dans la mesure où l’avocat Segatwa ne disposait d’aucun acte administratif écrit de l’évêque qu’il aurait pu contester, ni des compétences canoniques qui lui auraient permis de porter l’affaire devant le Conseil des laïcs, passage obligé vers la Signature apostolique. Il semble d’ailleurs que l’impossibilité pratique, pour Zebiya et ses amis, de dialoguer sainement avec le curé et l’évêque, ait été une des sources de la violence qui s’est déclenchée. Quant au père Hermann, il a préféré la fuite au recours.

Un certain dialogue a existé dans d’autres lieux comme à Dozulé, où une habitante a déposé un recours gracieux auprès de l’évêque de Bayeux-Lisieux, après avoir reçu le courrier du 2 mars 2006 ci-après :

Mon prédécesseur, Monseigneur Badré, en décembre 1985, moi-même, à diverses reprises et surtout à Lourdes, en septembre 1989, le Cardinal Ratzinger, actuellement pape sous le nom de Benoît XVI, en octobre 1985, avait interdit : Toute publication de livres, de brochures, de cassettes. Et toute propagande et collecte de fonds en vue de la construction d’un sanctuaire ou d’une croix gigantesque de 738 mètres. Tout déplacement à Dozulé. Inutile de se rassembler sur cette prétendue butte aux prodiges. Nous ne pouvons déclarer authentiques les apparitions de Dozulé. Il faut, donc, chère Madame, vous conformer aux décisions de l’Église[69].

Ce courrier aurait pu faire l’objet de contestations[70], mais la destinataire n’a pas déposé de recours hiérarchique ni contentieux. L’attitude de dialogue respectueux produit un minimum de fruits, puisque le dimanche 29 mai 2011, en présence de l’évêque et d’une foule de fidèles, le curé de Dozulé impose ses deux mains sur la tête d’une paroissienne et prononce ces paroles :

Madame M., au nom de l’Église, je vous nomme la responsable de l’accueil des pèlerins sur la Haute Butte à Dozulé. Dans les difficultés, je serai là pour vous aider[71].

 

Depuis la parution du livre français, le 3 janvier 2017, des pèlerins de Dozulé ont été informés, de source fiable, que l’évêque du lieu a entrepris un complément d’enquête canonique sur les apparitions présumées de Dozulé mais que la Congrégation pour la doctrine de la foi lui aurait demandé d’arrêter l’enquête avant son terme, ce qu’il a fait. Les fidèles du lieu restent perplexes devant cette situation qui apparaît invraisemblable, puisque contraire aux recommandations de la même Congrégation.

 

Cette situation présente toutefois certaines similitudes avec les récents développements de Lipa aux Philippines. Après avoir mené une enquête approfondie, l’Évêque de Lipa a reconnu comme surnaturelles les révélations, en signalant le caractère « douteux » du décret d’interdiction de 1951[72]. Là aussi,  la Congrégation pour la doctrine de la foi est intervenue en exhumant  un document gardé secret pendant plus de cinquante ans, dans lequel le pape Pie XI aurait validé en forme spécifique l’enquête fortement entachée d’illégalité, concluant au caractère non-surnaturel des apparitions et des pluies de pétales de roses[73]. Tout en annonçant le décret de la Congrégation pour la doctrine de la foi annulant son propre décret[74], Mgr Argüelles a précisé qu’il ne ferait pas appel de cette décision. Sans que nous en connaissions les raisons, signalons que Mgr Argüelles a été invité à renoncer à sa charge d’évêque de Lipa le 2 février 2017, deux ans avant sa limite d’âge, et qu’un nouvel évêque a été nommé à sa place immédiatement.

Un éminent docteur en droit canonique a critiqué le choix de l’auteur d’évoquer les révélations privées dans le présent ouvrage :

Je suis surpris de lire par exemple le passage (avec photo !) où vous mentionnez les pseudo-révélations de Dozulé ou autres lieux… Attention à ne pas tomber alors dans un niveau journalistique qui détonne dans un ouvrage qui se veut de bonne tenue[75].

Il nous semble important de maintenir le sujet sensible car nous avons vu que les révélations présumées suscitaient de nombreux actes administratifs particuliers, portant à tort ou à raison atteinte aux droits de fidèles catholiques.  De plus, il nous semble que, s’il ne faut pas qualifier publiquement de révélation surnaturelle une révélation présumée, il ne faut pas non plus la qualifier de pseudo-apparition tant que l’ordinaire ne s’est pas prononcé officiellement au vu de l’enquête approfondie demandée par la Congrégation pour la doctrine de la foi.

 

Compte tenu de ces éléments, une enquête auprès des associations de pèlerins de plusieurs lieux d’apparitions non-reconnues a permis de comprendre pourquoi leurs membres ne recourent pas à la justice ecclésiastique, quand ils ont la conviction d’une profonde injustice par rapport aux voyants et aux messages :

  • la hiérarchie ecclésiastique est particulièrement sensible aux révélations présumées qui pourraient être source de division dans la communion ecclésiale,
  • les personnes concernées sont attachées à l’Église et ne veulent pas casser un dialogue avec leur évêque, aussi difficile et ténu soit-il,
  • aucune des associations de pèlerins n’a reçu la personnalité juridique qui lui permettrait d’agir,
  • leurs membres ne disposent pas de connaissances suffisantes en matière de droit canonique pour faire valoir leurs droits, et les prêtres qui pourraient disposer de cette connaissance sont soumis à l’interdiction de fréquenter les lieux concernés,
  • les décisions de l’évêque ne sont pas clairement des actes administratifs susceptibles de recours,
  • les décisions éventuelles de la Congrégation pour la doctrine de la foi ne sont communiquées qu’à l’évêque du lieu, et ne sont donc pas contestables par les fidèles catholiques concernés. De plus, celles-ci sont parfois approuvées par le pape sous forme spécifique, leur donnant ainsi un caractère définitif,
  • les pièces du dossier, et notamment l’enquête canonique, ne sont pas divulguées, si bien qu’il n’est pas possible de les contester.

Nous avons tout de même trouvé une exception avec un recours contentieux déposé auprès du Tribunal suprême pour une affaire liée à une révélation privée[76].

Le 10 mars 1975, l’association « L’Armée de Marie » est érigée canoniquement par l’archevêque de Québec selon le code de 1917. Par la suite, il apparaît que l’association se situe dans la mouvance de la communauté Notre Dame de Tous les Peuples qui s’appuie sur la vie mystique de sa fondatrice et sur les messages qu’elle a reçus entre 1940 et 1959. Or la dévotion à Marie mère de tous les peuples a été condamnée sous Pie XII. Aussi, le Cardinal-archevêque de Québec invite-t-il l’association à cesser de « s’engager sur des voies périlleuses et non complètement orthodoxes », puis il recueille l’avis suivant de la Congrégation pour la doctrine de la foi : « Après avoir étudié les écrits diffusés par l’Armée de Marie, cette congrégation […] approuve ces mises en garde et les confirme, en vous laissant toute latitude de prendre toutes les mesures que vous estimerez nécessaires, sans exclure la possibilité de supprimer l’association ad normam iuris ». Par décret du 4 mai 1987, l’Archevêque supprime alors la reconnaissance de l’association. Le décret fait l’objet d’un recours hiérarchique, puis contentieux-administratif, mais il n’est pas admis à la discussion par manque évident de fondement, conformément aux sentences du Congrès les 17 mars 1989 et 1er mars 1990, et du Collège le 20 avril 1991.

 

On observera que la décision du Tribunal ne porte aucunement sur le bien-fondé de la position de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui n’est pas considérée comme un décret administratif, mais sur le décret de suppression de l’association, validé par le Conseil pontifical pour les laïcs, basé sur la position de la Congrégation.

Cette décision de l’évêque par rapport à l’Armée de Marie nous amène à approfondir un deuxième sujet transversal, à savoir celui des nouveaux mouvements religieux et des sectes présumées.

  1. Les nouveaux mouvements religieux et les sectes présumées

Aux origines du christianisme, les chrétiens étaient, à juste raison, considérés comme une secte, puisque le mot secte vient du verbe latin sequor, sequeris, qui veut dire suivre, et que les chrétiens suivaient Jésus Christ. Au XXIème siècle, la compréhension du mot secte a évolué, avec une signification différente dans le monde civil et religieux et entre les différents pays France[77]. Il redevient d’actualité en France, à l’instar d’autres pays, du fait de l’actualité civile et religieuse.

La France s’est dotée le 12 juin 2001 d’une loi « tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires » […] Cette loi a immédiatement été attaquée par les Témoins de Jéhovah devant la Cour européenne des droits de l’homme ; mais leur recours a été rejeté le 6 novembre 2001. […] C’est principalement dans le catholicisme que cette notion de secte présente une connotation péjorative : le code de 1917 désignait ainsi négativement tous les groupements qu’elle considérait comme schismatiques ou hostiles, sectes « catholiques », maçonnique », etc. Les autres grandes religions ont une attitude plus positive ou du moins plus neutres vis-à-vis des groupes minoritaires ou des « nouveaux mouvements religieux », même si ceux-ci surprennent ou dérangent l’ordre religieux établi[78].

Le 29 avril 2016 à Dijon, lors de la conférence du monde séculier « Lutte « anti-sectes » : bilan et perspectives[79] », Thierry Bécourt confirme ses propos de 2002 :

Il est manifeste qu’un courant d’intolérance traverse la France et gagne l’Europe. Il nous rappelle les plus sombres périodes de notre histoire. Le spectre de Vichy nous guette… Cette intolérance étatisée que nous vivons aujourd’hui dans notre pays dit « des droits de l’Homme », marque le début de la réelle privation de la liberté, celle de la pensée… qui, si nous perdons notre vigilance, ouvrira la porte au totalitarisme[80].

Malgré le caractère subjectif et donc partial de ces propos, il est intéressant de savoir comment se comporte l’Église et sa justice dans ce que Thierry Bécourt appelle « une nouvelle chasse aux sorcières ».

2.1. Le droit applicable

En droit canonique, le code de 1917 évoque à plusieurs reprises les personnes qui ont donné leur soutien, ou qui ont adhéré publiquement à une secte hérétique ou schismatique ou à la secte maçonnique, ou aux sociétés du même genre[81], en leur interdisant de participer aux votes (canon 167), d’être admis au noviciat (canon 542), d’appartenir à une association (canon 693), d’être parrain (canon 765), de se marier religieusement (canon 1060), d’avoir une sépulture chrétienne (canon 1240). Ils doivent être déclarés infâmes et recevoir une peine d’excommunication (canons 1214 §1[82] et 2335). De même sont prohibés les livres qui traitent des sectes maçonniques et autres sociétés du même genre, soutiennent qu’elles sont utiles et qu’elles ne sont pas nuisibles à l’Église et à la société civile (canon 1399).

Actuellement, le code de 1983 reprend partiellement ces canons[83], sans utiliser le mot de secte, mais en conservant celui d’hérésie, en sachant que l’affiliation à une secte athée est assimilée à l’hérésie[84]. Outre le Code, plusieurs prises de position précisent la position du magistère.

En 1981, le Conseil permanent de l’Église de France crée le groupe « Pastorale et sectes » animé par Jean Vernette[85].

Le 3 mai 1986, la Curie romaine publie un document dit « document romain » intitulé « le phénomène des sectes ou nouveaux mouvements religieux : défi pastoral ». En tenant compte de la démarche œcuménique et du dialogue interreligieux, Philippe Le Vallois distingue trois cas :

  • les sectes d’origine chrétienne, à savoir des groupes qui ajoutent à la Bible d’autres livres, d’autres messages prophétiques ;
  • les groupes religieux ayant une vision du monde distinctive propre, dérivant des enseignements d’une des principales religions du monde
  • des groupes particuliers qui sont vus habituellement comme une menace pour la liberté des gens et pour la société en général.

Le 5 avril 1991, la IVème réunion plénière du consistoire des cardinaux a pour thème « les sectes ou nouveaux mouvements religieux », dans les cinq continents. Le cardinal Arinze, alors président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, y expose « le défi des sectes ou des nouveaux mouvements religieux, approche pastorale[86] » en faisant évoluer le terme « secte » jugé trop polysémique et négatif vers l’expression « Nouveaux mouvements religieux » mieux adaptée pour couvrir les nouveaux mouvements d’origine protestante, les groupes dit sectaires qui ont un arrière-plan chrétien, les nouveaux mouvements orientaux ou africains, et ceux de type gnostiques ou ésotériques. Il invite les évêques au discernement, en jugeant excessives certaines de leurs réactions sur le terrain, et en les invitant à écarter les condamnations, discriminations, généralisations qui consistent à appliquer à tous les NMR les aspects négatifs de quelques-uns.

Le 15 novembre 1991, la Conférence des évêques de France publie « L’Église catholiques, les Sectes et Nouveaux mouvements religieux en France[87] »

En 1996, Mgr. Jean Vernette critique au nom des droits de l’homme le rapport sur les sectes adopté le 22 décembre 1995 par la Commission sur les sectes de l’Assemblée nationale[88] et publié le 10 janvier 1996, qui établit une liste de 173 « mouvements sectaires » à partir des travaux secrets des renseignements généraux et selon des critères qui, d’après lui, peuvent être appliqués à la quasi-totalité des religions installées[89].

En 1997, l’Opus Dei réagit contre le rapport sur les sectes des parlementaires belges, qui l’apparente à cette catégorie en le taxant de « catholicisme intégral et élitiste ».

En 2013, Yves Hamant, président d’Istina, ainsi que d’autres personnes, adressent aux Evêques de France « un appel vigoureux pour dénoncer des pratiques relevant de dérives sectaires à l’intérieur même d’institutions d’Église. » Le Président de la Conférence des Evêques de France leur répond en ces termes le 7 novembre :

Nous l’avons reçu comme le cri de personnes souffrant au cœur de l’Église en raison de ce qu’elles ont vécu personnellement ou de ce que leurs proches ont vécu ou vivent encore. Nous pensons à ceux et celles qui sont blessées, parfois de manière durable, par le comportement de certains membres de l‘Église. Comme Président de notre Conférence, je voudrais en notre nom à tous, vous dire que ces pratiques nous heurtent et nous choquent. Vous assurer de notre prière pour eux ne suffit pas ; nous voulons porter avec eux leur souffrance, les assurer de notre compassion, les aider dans leur reconstruction[90].

Il en résulte la mise en place d’une Cellule pour les dérives sectaires dans des communautés catholiques au sein de la Conférence des évêques de France[91] ainsi que la publication, en septembre 2014, de la liste de critères de discernement permettant de repérer des comportements de type sectaire[92]. Rien n’est dit cependant sur la procédure à suivre en cas de dérive sectaire présumée, et, en particulier, sur la protection des droits des fidèles catholiques membres des communautés incriminées.

2.2. Les difficultés et les sanctions

Sur fond de délation, d’exclusion et de peur qui ne va pas sans rappeler des périodes sombres de l’histoire, trois types distincts de difficultés apparaissent :

  • les violations des droits des victimes de procédés déviants au sein même de l’Église,
  • les amalgames entre des groupes déviants et des groupes religieux, engendrant des exclusions et des sanctions à l’encontre des membres de ces groupes,
  • la connivence de certains prêtres catholiques avec l’Etat français et avec les loges maçonniques, qui ont parfois instrumenté la peur des sectes pour mener une attaque contre les religions.

Personne n’est en effet à l’abri des phénomènes d’exclusions, résultant d’une stigmatisation de groupes déviants, comme en a témoigné le Saint-Père Benoît XVI lui-même quatre ans avant sa démission :

Parfois, on a l’impression que notre société a besoin d’un groupe, au moins, auquel ne réserver aucune tolérance, contre lequel pouvoir tranquillement se lancer avec haine. Et si quelqu’un ose s’en approcher, dans le cas présent le pape, il perd lui aussi le droit à la tolérance et peut lui aussi être traité avec haine, sans crainte ni réserve[93].

L’Opus Dei l’a appris à ses dépens lorsque Mgr. Jacques Trouslard, chanoine honoraire, délégué à la documentation sur les sectes, lui prêtait dix caractéristiques sectaires[94]. Il fut d’ailleurs récompensé par l’Etat français avec la haute distinction de Chevalier de la Légion d’honneur[95].

Certains évêques français ont été destinataires des rapports des Renseignements généraux qui sont à l’origine du rapport parlementaire sur les sectes de 1995 ou de ceux des groupes antisectes comme l’UNADFI, largement subventionnés par le gouvernement français. Ils prennent parfois prétexte de ces informations non vérifiées pour refuser des droits aux membres des mouvements considérés comme sectaires, ou pour attenter à leur réputation sans leur laisser de droits de défense.

En adoptant la forme de lettre ouverte, le président de la Conférence des évêques de France met le problème sur la place publique, laissant le soin à la presse de commenter ses propos, ce qu’elle n’a pas manqué de faire, en évoquant de possibles « abus spirituels » de la part des Béatitudes, de la Légion du Christ, des Points-Cœurs, de la Communauté Saint-Jean… Contrairement aux procédures canoniques protégeant la réputation des parties, il est à craindre que

Les mises en cause dans les médias portent souvent des atteintes irrémédiables à la réputation de personnes innocentes.[96]

2.3. Les recours possibles

Il arrive que des membres de groupes désignés comme sectaires fassent des recours contentieux-administratifs contre des prises de position de l’autorité administrative. Après les recours des membres de « L’Armée de Marie » et de l’association « Call to Action Nebraska », voici un troisième exemple :

 

Un membre d’une association privée de fidèles faisant l’objet d’une mise en garde affichée dans un monastère se plaint d’une atteinte à sa réputation du fait d’un courrier de l’autorité ecclésiastique adressé à une personne qui avait demandé des renseignements sur cette association. Le Tribunal suprême n’admet pas le recours à la discussion, considérant « qu’il n’a pas été démontré que la réponse contestée est un acte administratif, car la hiérarchie ne fit que répondre à une femme qui l’interrogeait à propos de l‘affiliation à l’Église de cette association, en reprenant le rapport d’un sénateur français et d’autres sources Internet[97].

 

 

Face à cette situation, le canoniste ne peut que s’interroger sur le bien-fondé des sources que la hiérarchie utilise, en citant le rapport parlementaire sur les sectes porté par des francs-maçons notoires et le site sos-dérive-sectaire, qui se réfère explicitement à « l’accusateur des frères » comme se nomme lui-même phonétiquement le webmestre du site[98].

Il s’interroge également sur la crédibilité des conseillers choisis par l’épiscopat français, à savoir Mgr. Trouslard qui se prétendait « obsédé sectuel[99] », et Mgr. Vernette, qui a contracté un mariage[100]. Il déplore enfin qu’aucun des trois recours déposés dont il a eu connaissance n’ait été admis à la discussion, ce qui pourrait révéler un problème structurel et pas seulement conjoncturel.

Quant à la réponse du Président de la Conférence des évêques de France sur les dérives sectaires au sein de l’Église, on peut s’étonner qu’elle envoie les victimes vers la justice de l’Etat français, sans évoquer aucunement les procédures canoniques en vigueur dans l’Église.

Nous voulons vous dire avec force que nous souhaitons continuer à agir pour que des situations se clarifient, pour que la vérité puisse apparaître lorsque c’est nécessaire et pour que ceux qui ont été victimes de procédés déviants trouvent auprès des évêques une oreille attentive et compréhensive. […] Certains comportements que vous dénoncez relèvent de la justice pénale. Personne n’est au-dessus de la loi. Il appartient aux victimes qui le souhaitent de porter plainte devant la justice lorsqu’il y a matière[101].

En omettant de citer la justice administrative ecclésiastique, il semble que les Evêques de France considèrent qu’elle ne joue pas son rôle pour identifier, limiter et résoudre les difficultés lies aux dérives sectaires supposées au sein de l’Église. Sans doute cela est-il dû en partie au manque de vigueur des organismes de concertation, comme les comités diocésains de médiation, que le pape François semble pourtant valoriser dans son exhortation Evangelii gaudium :

Dans sa mission de favoriser une communion dynamique, ouverte et missionnaire, il [l’évêque] devra stimuler et rechercher la maturation des organismes de participation proposés par le Code de droit Canonique et d’autres formes de dialogue pastoral, avec le désir d’écouter tout le monde, et non pas seulement quelques-uns, toujours prompts à lui faire des compliments.

En conclusion de ces pages, méditions ces paroles du pape François en les appliquant aux communautés ecclésiales rejetées par la hiérarchie :

Une Église sans martyrs… est une Église sans Jésus […]  la plus grande force de l’Église aujourd’hui est dans les petites Églises, toute petites, … persécutées[102].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mère Eugenia des lépreux

 

 

 

[1] La Congrégation compétente en matière de révélations privées est la Congrégation pour la doctrine de la foi. Or la base de données des publications évoquée au chapitre 3, ne relate que quatre recours par rapport à des décrets émanant de cette Congrégation, sur les quelques deux mille publications relatives à des recours contentieux. De plus, aucun des cas recensés ne fait explicitement référence à une révélation privée. Certes, il est possible qu’une jurisprudence existe pour la mutation de curés ou la suppression d’association, qui constitue une des mesures disciplinaires imposées par l’évêque en cas d’apparition présumée, mais dans ce cas, la jurisprudence est très abondante et la référence à la révélation privée n’est pas indiquée dans l’objet des recours.

[2] Cf. Ratzinger, (Cardinal Joseph), lieux théologiques des révélations privées, commentaire du troisième secret de Fatima, Fatima 13 mai 2000. Il distingue le temps de la révélation, dite publique, par opposition avec les « révélations privées » sachant qu’entre ces deux réalités, il y a une différence non seulement de degré, mais de nature.

[3] Pensons par exemple à saint Augustin, saint Martin, sainte Jeanne d’Arc, sainte Gertrude, saint François d’Assise, saint François de Sales, sainte Jeanne de Chantal, sainte Thérèse d’Avila, sainte Catherine Labouré, saint Jean de la Croix, Bernadette de Lourdes et les enfants de Fatima, sœur Faustine, Padre Pio…

[4] Bertone, (card. Tarcisio sdb), Archevêque émérite de Vercelli, Secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi : « le message de Fatima », Fatima 13 mai 2000.

[5] Lebry (Léon Francis), Jean-Pierre Kutwa, miraculé et cardinal, Abidjan NEI-CEDA, 2015, 262 p.

[6] Congrégation pour la doctrine de la foi, lettre du 15 mai 2016, à l’occasion de la fête de Pentecôte 2016, www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_
doc_20160516_iuvenescit-ecclesia_fr.html

[7] Le site www.miraclehunter.com/ est développé par « Miracle Hunter » Michael O’Neill, diplômé de l’université de Stanford University, et membre de la Mariological Society of America. S.E. le Cardinal Seán O’Malley, Boston, MA. le commmente ainsi : « Thank you for sending me your site. It is excellent. »

[8] Il recense en fait plus de 1 000 miracles, ou du moins prétendus miracles, consistant en des images miraculeuses, stigmates, cadavres non corrompus, miracles eucharistiques et apparitions.

[9] Cet accroissement peut traduire un accroissement de leur nombre réel, mais il peut être aussi le fruit d’une meilleure connaissance des apparitions du fait d’une grande médiatisation.

[10] Monseigneur René Laurentin, prélat de sa Sainteté, est décédé dimanche 10 septembre 2017, dans sa 100ème année.

[11] Laurentin (Père René) « Multiplication des apparitions de la Vierge aujourd’hui » (Fayard 1995). L’abrogation a eu lieu par le bienheureux pape Paul VI, le 14 octobre 1966 (Décret de la Congrégation de la doctrine de la foi, Acta Apostolicae Sedis, 29 décembre 1966, Page 1186)

[12] Guadalupe (Mexique, 1531), Aparecida (Brésil, 1717), Rome (à Alphonse Ratisbonne en 1842), La Salette (France, 1846), Lourdes (France, 1858), Pontmain (France, 1871), Giertzwald (Pologne, 1877), Fatima (Portugal, 1917), Beauraing (Belgique, 1932), Banneux (Belgique, 1933), Amsterdam (Pays-Bas, 1945), Betania (Venezuela, 1976), Akita (Japon, 1973), Kibeho (Rwanda, 1981), Le Laus (France, 1664) et Champion (États-Unis, 1859).

[13] Laurentin, (Mgr. René), Mémoires. Chemin vers la lumière,  Paris, 2005, Fayard, p. 332/624.

[14] Barbu, (Mgr. Francis), « Que penser de Kerizinen ? Une réponse de Rome, la position de l’Evêque diocésain », Quimper, juin-juillet 1975, tiré des archives de l’association des amis de Kérizinen.

[15] Catéchisme de l’Église catholique, n° 66 et 67

[16] Cantalamessa (Père Raniero)  www.totus-tuus.fr/article-2220137.html

[17] AAS 58/16.

[18] Can. 2318 : § 1 Encourent par le fait même une excommunication spécialement réservée au Siège apostolique, après la publication de l’ouvrage, les éditeurs de livres apostats, d’hérétiques et de schismatiques, qui soutiennent l’apostasie, l’hérésie ou le schisme. Même peine pour ceux qui défendent ces livres ou d’autres ouvrages nommément condamnés par des lettres apostoliques, ou sciemment les lisent ou les retiennent sans la permission requise. § 2 Les auteurs et les éditeurs qui font imprimer, sans la permission requise, des livres des saintes Écritures, ou des notes et commentaires sur ces livres, encourent par le fait même, une excommunication non réservée

[19] Ottaviani (Cardinal). Extrait du décret de la Congrégation, traduit par l’auteur à partir de la version anglaise téléchargée le 20 mai 2016 du site www.lovingmother.org/misc/canonsofthechurcheng.htm :
Canon 1399 : En imposant des restrictions du droit de publication, ce canon interdit certains livres comme ceux qui traitent des révélations, des visions, des prophéties et des miracles. Ce canon a été abrogé le 29 mars 1967. Cela signifie qu’en ce qui concerne ces publications, l’interdiction résultant du droit ecclésiastique est levée. Désormais, les catholiques sont autorisés, sans avoir besoin d’imprimatur, nihil obstat, ou de toute autre permission, à publier des comptes-rendus des révélations, des visions, des prophéties et des miracles. Bien sûr, ces publications ne doivent pas mettre en danger la foi ou la morale. Telle est la règle générale, que chaque catholique doit suivre dans toutes ses actions, même, et en particulier, les journalistes. Il n’y a desormais plus d’interdictions concernant le récit de voyants, qu’ils soient reconnus ou non par l’autorité ecclésiastique. A plus forte raison, il est autorisé pour les catholiques de fréquenter les lieux des apparitions, même non reconnus par les Ordinaires de leurs dioceses ou par le Saint-Père, moyennant le fait que les visiteurs catholiques qui fréquentent ces lieux doivent respecter la foi et la morale. Cependant, ils ne sont soumis à aucune discipline ecclésiastique, pas même pour leurs prières publiques. L’autorisation est requise uniquement pour la célébration de la Sainte Messe ou tout autre service religieux.

Canon 2318 : Ce canon prévoit des sanctions contre ceux qui ont violé les lois de censure et d’interdiction. Ce canon a été abrogé [revoque] depuis 1966. Personne ne peut plus  subir une censure ecclésiastique pour fréquenter lieux d’apparitions, même ceux non reconnus par les Ordinaires de leurs diocèses ou par le Saint-Père. En outre, « ceux qui auraient encouru la censure prévue dans Canon 2318 seront également absous par les faits mêmes de l’abrogation [révocation] de ce Canon. »

[20] www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_
doc_19780225_norme-apparizioni_fr.html

[21] Les critères ont été gardés secrets pendant trente-sept ans, puis rendus publics après que des versions officieuses aient circulé un peu partout dans le monde. En fait, la publication des normes procédurales n’est pas uniquement utile aux pasteurs, qui étaient déjà informés, mais aussi et surtout aux fidèles qui peuvent s’informer des lois qui leur sont applicables et, partant, chercher à discerner les révélations présumées et effectuer les recours qu’ils estimeraient opportuns, au cas où ils se sentiraient lésés par des décisions administratives jugées illégitimes.

[22] www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20111214_prefazione-levada_fr.html

[23] A. Critères positifs :

  1. Quant à l’existence du fait, certitude morale ou, du moins, grande probabilité, acquise au terme d’une enquête sérieuse.
  2. Circonstances particulières relatives à l’existence et à la nature du fait :
  3. qualités personnelles du ou des sujets (notamment équilibre psychique, honnêteté et rectitude de la vie morale, sincérité et docilité habituelles envers l’Autorité ecclésiastique, aptitude à revenir au régime normal d’une vie de foi, etc.) ;
  4. Quant à la révélation, doctrine théologique et spirituelle vraie et exempte d’erreur ;
  5. saine dévotion et fruits spirituels abondants et constants (par ex. esprit d’oraison, conversions, témoignages de charité, etc.).
  6. Critères négatifs :
  7. Erreur manifeste sur le fait.
  8. Erreurs doctrinales attribuées à Dieu lui-même, à la Bienheureuse Vierge Marie ou à un saint dans leurs manifestations, compte tenu toutefois de la possibilité que le sujet ait ajouté – même inconsciemment – des éléments purement humains, voire quelque erreur d’ordre naturel, à une révélation vraiment surnaturelle (cf. saint Ignace, Exercices, n°336).
  9. Évidente recherche de lucre en relation étroite avec le fait lui-même.
  10. Actes gravement immoraux accomplis au moment ou à l’occasion du fait lui-même, par le sujet et par ses accompagnateurs.
  11. Maladies psychiques ou tendances psychopathiques du sujet, ayant exercé sur le fait présumé surnaturel une influence certaine, ou psychose, hystérie collective et choses du même genre.

Il faut noter que ces critères, positifs ou négatifs, sont indicatifs, et non limitatifs, et doivent être pris ensemble ou selon leur complémentarité.

[24] Lesserteur (R.P.), le 5 août 1909 : Déjà depuis longtemps le Saint-Office avait reconnu qu’il n’y avait rien de condamnable dans les apparitions de Tilly, et le Souverain Pontife, qui avait lu lui-même avec une vive émotion le journal des religieuses de l’école, avait donné l’ordre de terminer l’information et de prendre une décision. Mgr. Amette [cardinal de Paris] prévenu, accouru à Rome, et fit valoir des raisons d’opportunité, pour demander de surseoir à la proclamation d’une décision favorable. […] Dans les premiers mois de l’année dernière (1908), Pie X ordonna de nouveau de reprendre la cause. Mgr. Amette accourut encore une fois. […] Le pape se serait alors laissé toucher, et aurait commandé d’attendre. Pierre-Marie Grünneissen «  Présence mariale à Tilly sur Seulles » ed. Les amis de Tilly (1996) p. 104-105

[25] www.lesamisdegarabandal.com/l’eglise%20et%20garabandal.html

[26] Fauvel (Mgr. André) « Nous avions en outre interdit à tous prêtres, religieux et religieusesd’eller à Kérizinen ou de le conseiller à quiquonque. Apprenant que des fidèles continuent à s’y rendre, nous interdisions formellement toute forme de dévotion et de culte à Kérizinen » in La semaine religieuse de Quimper, 24 mars 1961.

[27] http://www.rosamisticafontanelle.it

[28] Curty (Père Christian) : L’enquete canonique de votre prédécesseur a-t-elle été conduite selon toutes les normes juridiques exigées par le Droit ? A-t-on vraiment et séparément interrogé chacun des témoins ? Puisque la dimension surnaturelle n’est pas retenue, quelle explication a-t-on trouvé concernant les 120 citations latines d’origine scripturaires ou liturgiques que manifestement Madeleine n’a pas pu improviser ni puiser dans la partie subconsciente de sa mémoire, et qu’elle n’a pu subir l’influence de son Curé également dépassé par les Faits ? A-t-on réellement étudié les ‘fruits’ de cet Arbre : les guérisons complètes et définitives reconnues ‘inexplicables’ par la Médecine, les conversions profondes et parfois étonnantes et durables soit obtenues de manière spontanée sur la Butte, à l’occasion d’un pèlerinage, soit reliées indirectement aux faits de Dozulé ? S’est-on intéressé au fait que de nombreuses vocations (séminaristes-consécration religieuse) ont connu à Dozulé, leur point de départ et d’éveil ? Telles sont quelques-unes des nombreuses questions, qui pour l’instant n’ont pas encore reçu de réponse et qui laissent perplexes beaucoup de nos frères chrétiens engagés dans la pastorale, alors que le Concile Vatican II leur demande de dépasser l’obeissance passive à laquelle ils étaient habitués pour exercer désormais une obeissance active et intelligente, donc eclairee et motivee. www.ressource.fr/devoilement/esprit_saint_devoile/E(p205-217).pdf

[29] Le message a été rejeté par l’évêque sous le prétexte que la demande présumée de Jésus à Madeleine Aumont, « Dites à l’Église d’élever une croix [de 738 m] et à ses pieds, un sanctuaire » lui semblait impossible. Pourtant, une étude approfondie prouvant sa faisabilité a été présentée aux élus locaux le 8 janvier 1997, et depuis lors, une tour de 828 m a été élevée à Dubaï en 2010.

[30] Argüelles (Mgr Ramón Cabrera) : extraits du décret de reconnaissance du 9 décembre 2015 ;  texte anglais tiré de www.splendorofthechurch.com.ph/2015/09/13/
lipa-apparition-of-our-lady-officially-declared-authentic-by-archbishop-arguelles/
  et traduction française tirée de http://fr.aleteia.org/2015/09/28/je-suis-marie-mediatrice-de-toutes-graces/ le 20 mai 2016.

[31] http://www.marianmessenger.ph/index.php/maian-feature

[32] Ouellet (Cardinal Marc), Présentation du document de la Congrégation pour la doctrine de la foi « L’Église rajeunit » https://fr.zenit.org/articles/importance-ecclesiale-des-charismes-par-le-card-ouellet/

[33] Congrégation pour la doctrine de la foi, lettre du 15 mai 2016. www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith
_doc_20160516_iuvenescit-ecclesia_fr.html

[34] 1. Si, à l’occasion du fait présumé surnaturel, un culte ou une forme quelconque de dévotion naît de façon quasi spontanée de la part des fidèles, l’Autorité ecclésiastique compétente a le grave devoir de s’informer sans retard et d’être particulièrement vigilante.

  1. Si des fidèles en font la demande légitime (c’est-à-dire en communion avec les pasteurs et sans être poussés par un esprit sectaire), l’Autorité ecclésiastique compétente peut intervenir, pour autoriser et promouvoir certaines formes de culte et de dévotion, à condition que rien ne les empêche au regard des critères précisés ci-dessus. On veillera néanmoins à ce que les fidèles ne tiennent pas cette façon d’agir pour une approbation par l’Église du caractère surnaturel du fait (cf. Note préliminaire c).
  2. En raison de sa charge doctrinale et pastorale, l’Autorité compétente peut intervenir de son propre chef et doit même le faire dans les circonstances graves, par exemple pour corriger ou prévenir des abus dans l’exercice du culte ou de la dévotion, condamner des doctrines erronées ou éviter les dangers d’un mysticisme faux ou inconvenant, etc.
  3. Dans les cas douteux qui ne portent nullement atteinte au bien de l’Église, l’Autorité ecclésiastique compétente s’abstiendra de tout jugement et de toute action directe (car il peut arriver qu’avec le temps l’événement qualifié de surnaturel tombe dans l’oubli) ; qu’elle n’en reste pas moins vigilante et prête à intervenir avec célérité et prudence, si c’est nécessaire.

[35] Greiner (Philippe), doyen de la faculté de droit canonique de Paris, « l’encadrement juridique du prosélytisme, en droit grec, français, européen (1950) et en droit canonique catholique romain. » Thèse présentée et soutenue le 19 février 2005, à l’Institut catholique de Paris, p. 455.

[36] En langue Moré, Bangtaba signifie : « Asseyons-nous et faisons connaissance »

[37] Bien que ce soit la même personne, nous distinguerons sœur Eugénia Ravasio pour la période 1931-1935 de mère Eugénia pour la période 1935-1990 qui concerne notre étude.

[38] Cet événement transforme la révélation privée de personnelle à publique.

[39] Les détractrices de Mère Eugénia ont intenté un procès au civil contre elle, et l’ont fait mettre en prison en 1972, puis l’ont fait condamner avec sursis en appel en 1977. Elle était principalement accusée par ses détractrices d’avoir créé l’Unitas Catholica par intérêt, et non pour honorer Dieu le Père par Jésus.

[40] Le danger, dans la foi ou dans le culte, est de confondre entre elles les personnes divines ou de diviser leur nature unique ; car la foi catholique vénère un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité. Aussi, Innocent XII, Notre prédécesseur, refusa-t-il absolument, malgré de vives instances, d’autoriser une fête spéciale en l’honneur du Père. Que si on fête en particulier les mystères du Verbe incarné, il n’existe aucune fête honorant uniquement la nature divine du Verbe, et les solennités de la Pentecôte elles-mêmes ont été établies dès les premiers temps, non en vue d’honorer exclusivement l’Esprit-Saint pour lui-même, mais pour rappeler sa descente, c’est-à-dire sa mission extérieure.

[41] Cf. https://en.wikipedia.org/wiki/Teresita_Castillo et www.marianmessenger.php ainsi que les références qu’ils citent

[42] Une dizaine de médias relatent les événements. Parmi eux plusieurs médias burundais dont Iwacu, the Africa report, le bulletin de liaison et d’information des Salésiens des grands lacs, ainsi que ceux des ministères de l’intérieur burundais et du ministère de la justice canadien https://www.justice.gov/sites/default/files/
eoir/legacy/2014/09/04/BDI104471.E.pdf

[43] Les amis de Zébiya prétendent être des chrétiens comme les autres, empêchés de prier comme ils l’entendent. L’Etat les invite à fonder leur propre Église hors de l’Église catholique. Le curé prétend avoir échappé de justesse à des violences physiques. L’évêque estime que la désobéissance, l’arrogance, la rébellion, le mensonge, etc ; caractérisent le groupe.

[44] NSENGIYUMVA (P. Rémy, SDB), Curé de la Paroisse, « L’attaque des adeptes de Mlle Eusebie NGENDAKUMANA à la paroisse de Rukago »  in  Bulletin de liaison et d’information pour la Quasi-Province salésienne de l’Afrique de Grands Lacs (AGL),  AGL News, Mars 2013, http://www.sdbagl.org/PDF/aglnewsmars03.pdf   consulté le 5 mai 2016.

[45] Segatwa (avocat Fabien) : extrait d’un courrier du 10 mars 2013 à l’évêque de Ngozi : « Avec leurs maigres ressources, ils ont construit un orphelinat moderne qui avait accueilli dès le départ 50 orphelins de bas âge. »

[46] Le Conseil paroissial de Rukago a pris la décision d’interdire l’accès à l’église à toute fille ou femme portant des morceaux d’étoffe sur la tête. L’Ordinaire a interdit formellement tout culte à Businde et il a demandé à Mme Eusébie et à « ses adeptes » d’arrêter toute activité qui porte préjudice à l’unité et à la communion de l’Église.

[47] Plus de 12 000 personnes ont participé à l’inauguration.

[48] La voyante a été reçue trois quart d’heures par l’évêque le 28 décembre 1974, après un troisème interdit de sa part le 20 mai 1973 et avant un quatrième interdit du 12 juillet 1975.

[49] Can. 1740 — Quand pour une raison quelconque et même sans faute grave de l’intéressé, le ministère d’un curé devient nuisible ou au moins inefficace, ce curé peut être révoqué de sa paroisse par l’Évêque diocésain.

[50] Le vendredi 12 octobre 1956, Monseigneur Fauvel, évêque de Quimper et Léon, lance un premier Interdit sur Kérizinen qui fut publié dans la Semaine Religieuse de Quimper : « A propos des prétendues apparitions de Kérizinen en Plounévez-Lochrist, nous précisons les points suivants : 1.- L’édifice qui s’y trouve a été construit malgré notre défense expresse, exprimée par écrit et notifiée à l’intéressée. Aucun prêtre n’a reçu de nous pouvoir de bénir cet édifice. 2.- Nous interdisons à tous, prêtres, religieux et religieuses de se rendre à Kérizinen ou de conseiller à quiconque de s’y rendre. (Cette note sera lue en chaire dimanche prochain 14 octobre, à toutes les messes des églises et chapelles). A cet interdit, l’association des amis de Kérizinen répond que l’interdit fut lancé sans enquête canonique et sans avertissement et que, contrairement à l’affirmation de l’évêque, Jeanne-Louise n’a jamais reçu de défense expresse concernant la construction d’un édifice mais qu’au contraire, elle avait reçu une autorisation verbale du Vicaire Général de construire un oratoire dans sa propriété.

[51] A Lipa, le Carmel a été mis en quarantaine avec interdiction à toute personne d’entrer et aux sœurs de sortir (sauf une pour les courses)

[52] L’abbé L’Horset, curé de Dozulé, a été muté dès lors qu’il a écrit un livre à ce sujet.

[53] A Lipa, la mère supérieure du Carmel fut mutée.

[54] A Lipa (Philippines), les deux évêques du lieu favorables aux événements de 1948 sont mutés pour laisser place à un évêque qui décrète en 1951 le caractère non-surnaturel des événements. Après son départ, on apprend le 2 février 2017 « la « renonciation » de l’archevêque Mgr Ramon C. Argüelles, peu après qu’il ait reconnu le caractère surnaturel des apparitions..

[55] Le Père Herman Harakandila fut le supérieur de la congrégation missionnaire des apôtres du Bon Pasteur, érigée en 1989 par Mgr. Ruhuna l’archevêque de Gitega au Burundi, dans le but d’encourager les vocations sacerdotales et la mission, au moment où le gouvernement burundais expulsait massivement les religieux étrangers. Ayant soutenu l’apparition mariale de « Notre dame reine de l’Afrique », il fut interdit de célébrer la messe, tandis que l’Etat le menait en prison. D’après un témoin, l’Etat lui aurait proposé de sortir de prison à condition de ne plus promouvoir l’apparition. Il aurait refusé. Plus tard les évêques obtinrent sa libération et l’envoyèrent près d’un prêtre devant qui il signa finalement un engagement par lequel il renonçait à l’apparition. Quinze jours plus tard, il se rétracta et disparut dans l’anonymat, si bien que son ordre religieux dut prendre un décret d’exclaustration. Suite à la disparition de ses deux fondateurs, Mgr. Ruhuna, assassiné en 1996, et le père Herman, le nouveau supérieur général de la jeune congrégation fit appel à l’Aide à l’Église en Détresse pour survivre. Sources : Pères Blancs de Gitega, Église en détresse,

www.youtube.com/watch?v=sJ1ktdUzieA consulté le 21 septembre 2014, etc…

[56] A Lipa, Sur son lit de mort, un des évêques concernés aurait dit qu’on avait forcé les membres de la commission de 1951 à reconnaître le caractère non-surnaturel des apparitions sous menace d’excommunication.

http://www.marianmessenger.ph/index.php/maian-feature

[57] En Italie, mère Eugénia n’a pas reçu de soutien de l’Église lorsqu’elle a été emprisonnée par l’Etat italien, sur dénonciation, probablement fallacieuse, de religieuses de la congrégation qu’elle avait dirigée. Au Burundi, le Père Hermann a été emprisonné par le pouvoir civil et l’Église l’en a fait sortir au prix de son renoncement à sa foi dans les apparitions du Businde.

[58] Laurentin (Mgr René), Mémoires, chemin vers la lumière, Paris 2005, Fayard, p. 351, 558, 559.

[59] Vachon (cardinal Louis-André), Décret de suppression de l’association publique « Arche de Marie » 4 mai 1987, in La Documentation catholique, t 84, n° 1946, 6-20 septembre 1987, p. 864.

[60] A Kerizinen, une lettre supplique du 7 octobre 1956 à l’adresse de Monseigneur Fauvel, Evêque de Quimper et Léon, et contresignée par 356 personnes, est conservée aux archives, (elle demandait la messe au lieu des apparitions). Elle ne fut pas envoyée, en raison de l’interdit survenu 5 jours plus tard. http://kerizinen.free.fr/messagef2.htm

[61] Les 24 mars 1961, Monseigneur Fauvel, évêque de Quimper et Léon, fait paraître dans la Semaine Religieuse de Quimper un deuxième Interdit sur Kérizinen : « Dans une note parue dans la Semaine Religieuse du 12 octobre 1956 et lue dans toutes les églises et chapelles du diocèse le dimanche suivant 14 octobre, nous avions précisé qu’un édifice avait été construit à Kérizinen malgré notre défense expresse. Nous avions, en outre, interdit à tous prêtres, religieux et religieuses d’aller à Kérizinen ou de le conseiller à quiconque. Apprenant que des fidèles continuent à s’y rendre, nous interdisons formellement toute forme de dévotion et de culte à Kérizinen. Nous espérons que cette défense sera observée et que nous n’aurons pas à recourir à des mesures plus graves. » A cet interdit, l’association des amis de Kérizinen répond qu’à sa connaissance, ce deuxième interdit fut lancé sans enquête canonique et sans avertissement.

[62] Le 28 mars 1975, après la célébration de la Passion de 20h 30, le prêtre recommanda vivement à la cinquantaine d’assistants de se taire sur ce qu’ils avaient vu et entendu et qu’ils ne comprenaient pas.

http://www.ressource.fr/francais/messages/messages21a30.html

[63] Cf message de Mgr Pican, supra.

[64] L’évêque de Quimper et Léon publie la décision de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 21 juin 1975[64] qu’il commente ainsi : « … La dévotion entretenue en ce lieu et le culte qu’on veut y instaurer ne sont pas en harmonie avec la foi catholique, et ne doivent pas être favorisés par les responsables de l’Église. […]  ceux qui propagent ces messages et s’emploient à promouvoir un culte fondé sur eux accomplissent-ils –peut-être de bonne foi, et c’est leur excuse- une œuvre néfaste au sein du peuple de Dieu. »

[65] Au Moyen-âge, l’Église livrait les « criminels de la foi » au pouvoir séculier. Aujourd’hui, on observe que l’Église dénonce au pouvoir séculier, ou du moins s’abstient de défendre des fidèles catholiques bénéficiaires d’apparitions, comme Mme Madeleine Aumont, mise sous tutelle et placée contre son gré dans une maison de retraite de Livarot.

[66] De 1961 à 1965, de très nombreuses personnes ont été témoins d’événements inexplicables, qui ont alors défrayé la chronique et ont donné lieu à une commission d’enquête ayant travaillé dans des conditions pour le moins contestées : « Le 22 août 1961, les Membres de la Commission, nommés par l’évêque arrivèrent à Garabandal avec la mission d’étudier ces étranges phénomènes. Ils étaient deux ou trois prêtres, un médecin et un photographe. Leur conduite au cours de cette soirée ne semble pas pouvoir être citée en exemple : que ce soit en ce qui concerne l’observation des événements eux-mêmes, leurs dispositions d’impartialité, la mesure de leurs gestes, leur sans-gêne. […] Pour cette dernière [Conchita], commença le jour même [le 27 juillet 1961] la mise à l’épreuve programmée par les membres de la Commission, le médecin Don José Luis Pinal et le prêtre Francisco Odriozola. Aux épreuves plus ou moins psychiques ou psychologiques s’ajouta un changement d’ambiance : présence à la plage, aux spectacles, aux divertissements, etc. […] Avec ce traitement intensif de mondanité, utilisant lors des entrevues avec la fillette certains procédés : mélange de flatterie et de menaces, ceux qui agissaient au nom de la Commission arrivèrent finalement à ce qu’apparemment ils souhaitaient, arracher à Conchita des « preuves » contre la véracité de tout ce qui arrivait. » (Cf. Eusebio Garcia de Pesquera, « Garabandal, faits et dates » Résiac 2008, p. 31/152 p.)

[67] Le 9 octobre 1968, le secrétariat de l’évêché de Santander publie une note dans le bulletin officiel du diocèse (Boletin O. del Obispado, noviembre 1968 p. 496-498.) à propos des prétendues apparitions de Garabandal, en rappelant le canon 1399 n° 5 du Code de 1917, alors que celui-ci est abrogé. D’après le père Eusebio Garcia de Pesquera, « Garabandal, faits et dates » Résiac 2008, p. 103-104/152 p., « il ne s’agissait pas d’une condamnation canonique, puisqu’aucun procès canonique, aucune étude digne de ce nom n’avait précédé cette note. » par contre, il rappelle « qu’en Espagne, à cette époque-là, la parole d’un évêque était considérée comme indiscutable. (Cf. Eusebio Garcia de Pesquera, « Garabandal, faits et dates » Résiac 2008, p. 103-104/152 p.)

[68] Guillon (Mgr. Clément), extraits du courrier et de la note du 16 novembre 2007 adressée au Président de l’Association des Amis de Kérizinen. (Archives de l’association)

[69] www.ressource.fr/fdn/Dossier/Classeur2/BEElementsDeReponse_MgrPican_190306.htm

[70] Nous avons vu, notamment que l’imprimatur avait été levé pour la publication de livres relatifs à des apparitions.

[71] http://apotres.amour.free.fr/page33/DOZULE.htm

[72] En 1951, aucun recours contentieux-administratif n’était possible puisque la Seconde section du Tribunal suprême n’était pas encore créée. Quand bien même elle aurait été créée, un recours administratif contentieux aurait été impossible à gagner, puisque les éléments de preuve d’une éventuelle violation de la loi n’étaient pas connus de la voyante ni de ses amis.

[73] Cf. Zulueta, Lito (June 1, 2016). « Vatican overrules Batangas bishop; declares 1948 Marian apparitions not genuine ». The Philippine Daily Inquirer. Retrieved 6 June 2016.  Eugenio, Damiana L. (1996). Philippine folk literature: the legends. University of the Philippines. p. 109. ISBN 978-971-8729-05-2. ; « Vatican reverses ruling on Lipa Marian apparition ». GMA News. June 3, 2016. Retrieved June 6, 2016.

[74] Hoyeau (Céline), in La Croix urbi & orbi du le 13/06/2016 : C’est ce décret que la Congrégation pour la doctrine de la foi a déclaré « nul et vide », « à la lumière du fait que la déclaration de 1951 était une décision confirmée par le souverain pontife et par conséquent définitive ». « Le sujet du phénomène de Lipa ne relève pas de l’autorité de l’évêque diocésain local », a précisé le décret de la CDF.

[75] Courriel adressé à l’auteur le 3 février 2017.

[76] Prot 18881/87/CA, Studia Canonica, 25 (1991), p 403-415. Traduction française du jugement et commentaire de l’abbé Roch Pagé          .

[77] Védrine (Hubert) ministre français des Affaires étrangères, lettre du 6 décembre 1999 à M. Albright, rompant le dialogue diplomatique de la France avec  les Etats-Unis sur le thème de la liberté religieuse, citée par Etienne Ollion, in Raison d’Etat, histoire de la lutte cotnre les sectes en France, édition La découverte, 2017, Avril 2017, 360 p.

[78] Werckmeister (Jean), « les sectes », in Revue de droit canonique, 51/1, 2001,
p. 3-4. On signalera que, dans la même revue (p. 44), Le Vallois (Philippe) s’oppose à l’appréciation d’intolérance pour les seuls catholiques, en rappelant combien les protestants se sont montrés intransigeants  vis-à-vis de la secte anabaptiste.

[79] http://www.coordiap.com/press3012-conference-lutte-anti-sectes-bilan-et-perspectives.htm

[80] Bécourt (Thierry), La nouvelle chasse aux sorcières, Paris, Omnium éditions, 1992, 111 p.

[81] Avant 1954, il s’agissait principalement des francs-maçons, des socialistes, des vieux catholiques, des communistes et de la ligue de l’enseignement de Jean Macé, puis en 1954, deux frères prêcheurs ont précisé le contexte, à savoir H. CH. Chary L’offensive des sectes, Paris Cerf et M. B. Lavaud Sectes modernes et foi catholique, (Paris Aubier), en s’attirant les foudres d’auteurs protestants comme Jean Seguy, Les sectes protestantes dans la France contemporaine, Paris 1956, Beauchesne & Fils.

Messner (Francis), Les Nouvelles religions, cours reprographié, Strasbourg, USHS, 1988, p. 33 cité par Le Vallois (Philippe) « Définition de la secte et attitudes envers les sectes dans l’Église catholique romaine »  in Revue de droit canonique, 51/1, 2001, p. 53-73.

[82] Can. 2314 § 1 Tous les apostats de la foi chrétienne, tous les hérétiques ou schismatiques et chacun d’eux :

 1° Encourent par le fait même une excommunication ;

 2° Si après monition, ils ne viennent pas à résipiscence, qu’on les prive de tout bénéfice, dignité, pension, office ou autre charge, s’ils en avaient dans l’Église, et qu’on les déclare infâmes ; après deux monitions, ceux qui sont clercs doivent être déposés.

 3° S’ils ont donné leur nom à une secte non catholique ou y ont publiquement adhéré, ils sont infâmes par le fait même ; en tenant compte de la prescription du Can. 188 n4, que les clercs, après une monition inefficace, soient dégradés.

[83] Cf. c. 316 pour l’adhésion à une association publique, c. 1041 pour recevoir validement le sacrement de l’ordre, c. 1124 pour le mariage, c. 1184 pour l’admission aux funérailles ecclésiastiques,

[84] Réponse de la CPI/17-67 du 30-07-1934 (AAS 26 [1934] 494 ; DC 32 [1934] col. 901-902).

[85] Vernette (Jean Maurice), né le 26 février 1929 à Port Vendres, ordonné prêtre du diocèse de Montauban le 30 mars 1952, docteur en théologie, licencié en philosophie et droit canon, il était connu pour sa grande connaissance des sectes. En 1973, le Conseil permanent de la Conférence des évêques de France le nomme délégué de l’épiscopat pour les questions sur les sectes et les nouveaux courants religieux. Il publie de nombreux livres sur les sectes entre 1976 et 2001, parmi lesquels : Sectes et réveil religieux Quand l’occident s’éveille, Salvator, Mulhouse, 1976 et Les sectes, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n° 2519, 1990 ou Dictionnaire des groupes religieux aujourd’hui, avec Claire Moncelon, Presses universitaires de France, 2001.

[86] Arinze (Cardinal Francis), Le défi des sectes ou des nouveaux mouvements religieux, approche pastorale, in DC 19 mai 1991, n° 2028, p. 483-499.

[87] Document-Episcopat n° 15, novembre 1991, p. 3, col 2.

[88] Le rapport a été approuvé le 22 décembre 1995 par les sept députés présents, huit jours après le massacre du Temple solaire, dont des proches des victimes et le cinéaste Yves Boisset ont déclaré a posteriori qu’il s’agissait d’un assassinat perpétré avec un lance-flammes. http://www.assemblee-nationale.fr/rap-enq/r2468.asp

[89] Hors de France, le rapport parlementaire a fait l’objet de violentes critiques dont celle de Massimo Introvigne et J. Gordon Melton « Pour en finir avec les sectes le débat sur le rapport de la commission parlementaire ».

[90] http://ec.cef.fr/wp-content/uploads/sites/2/2014/05/pontier_reponse_hamant.pdf

[91] http://www.eglise.catholique.fr/structure/cellule-pour-les-derives-sectaires-dans-des-communautes-catholiques/

[92] Sorlin (Soeur Chantal-Marie), responsable du Bureau des Dérives Sectaires http://www.eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2015/03/CRIT%C3%88RES-sep.-2014.pdf

[93] Benoit XVI, « Lettre contre la levée de 4 excommunications », Vatican, 10 mars 2009 publiée par la conférence des évêques de France

[94] Trouslard (Jacques), communication aux chefs d’Établissement de l’Enseignement Catholique. Ce document mis en ligne par l’Eglise de Scientologie le 18 octobre 2002 a été retiré le 11 juin 2006, sur la demande du Nonce apostolique. http://scientologie.fraude.free.fr/12/opus-dosnon.htm On en trouve par contre des traces sur d’autres sites comme www.prevensectes.com/opus11.htm consulté le 17 décebre 2016.

[95] Décret du 13 juillet 2001 portant promotion et nomination à la légion d’honneur, JORF n°162 du 14 juillet 2001 p. 11337.

[96] Cotton (Marc-André) « L’Etat inquisiteur », Editions des 3 monts, 3ème édition, Auxerre 2010, p. 14.

[97] Prot 49737/14 CA, cas soumis à canonistes sans frontières.

[98] http://www.sos-derive-sectaire.fr/AIcourrier.htm consulté le 22 septembre 2013.

[99] http://opuslibre.free.fr/v/spip.php?article22

[100] Vernette Mgr. Jean-Maurice s’est marié le 24 juillet 2002 à Toulouse avec Mme Liliane Josette Moncelon, qui se prénomme en réalité Claire, Liliane, Josette, comme l’a rappelé en date du  20 décembre 2002 le juge des affaires familiales du TGI de Tours.

[101] http://ec.cef.fr/wp-content/uploads/sites/2/2014/05/pontier_reponse_hamant.pdf

[102] François (pape) homélie du 30 janvier 2017, lors de la messe matinale en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican

La justice pour les consacrés

Voici un extrait du livre « La justice administrative de l’Eglise catholique » qui a reçu l’imprimatur le 4 octobre 2011 par S.E. Mgr. Laurent Dabiré, évêque de Dori (Burkina Faso), Docteur en droit canonique, et Président de la commission tribunaux, de la formation et des questions canoniques à la Conférence épiscopale Burkina-Niger.

Chapitre 6 : La justice pour les consacrés

En toute rigueur, le titre devrait s’appeler « la justice pour les instituts de vie consacrée par la profession des conseils évangéliques, les sociétés de vie apostolique ainsi que leurs membres » mais ce titre est long et ne couvre d’ailleurs pas toute la variété des charismes et des droits, puisqu’il existe des instituts religieux et séculiers, des religieux actifs et contemplatifs, des ermites etc. De ce fait, nous emploierons les termes génériques de « religieux » pour les membres des instituts religieux, et de « consacré » entendu au sens large, pour l’ensemble des personnes visées par le titre ci-dessus.

En premier lieu, exprimons notre profonde reconnaissance envers ceux de nos contemporains qui consacrent leur vie à l’intercession et à l’action désintéressées pour le monde et pour nous même, dans la vie consacrée au sein de l‘Eglise. Ils sont nombreux :

En 2014, les religieux profès non prêtres sont au nombre de 54 559 dans le monde, tandis que les religieuses professes sont 682.729, pour près de [270 000] (39 %) en Europe, 177 000 en Amérique et 170 000 en Asie[1].

Et voici leur répartition en France :

  • 23 527 religieuses de vie apostolique[2], réparties dans 315 instituts, dont 2 413 religieuses étrangères en France et 1 463 religieuses françaises à l’étranger ;
  • 5 741 religieux répartis dans 86 instituts et monastères, dont 1 081 moines dans 59 monastères ;
  • 3 131 moniales réparties en 228 monastères[3].

 

 

  1. Le droit et son application

Le droit des consacrés est fortement marqué par le conseil évangélique d’obéissance.

1.1. Droit et obéissance

Après le décret du Concile Perfectæ caritatis sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse, le magistère leur consacre régulièrement des textes spécifiques[4], tandis que le Pape François tient à rappeler ceci à ses collaborateurs :

Ceux qui sont désobéissants doivent apprendre la beauté et la nécessité de l’obéissance, la tranquillité de l’âme qu’elle procure […] En fait, comme l’enseignent les saints et les Docteurs de l’Eglise, c’est l’obéissance qui constitue véritablement le religieux.[5]

Le Code de droit canonique consacre aux religieux la troisième partie de son livre II, avec 158 canons relatifs aux Instituts de vie consacrée (c. 573 à 730) et 19 canons relatifs aux Sociétés de vie apostoliques (c. 731 à 749). Des auteurs comme Jean Beyer ont publié plusieurs ouvrages pour commenter ces canons, sans toutefois traiter de la jurisprudence applicable aux 177 canons correspondants.

Les droits et obligations des religieux résultent en fait de la combinaison de cinq droits différents, et de plusieurs tribunaux dont les compétences respectives sont précisées au canon 1427 :

  1. les droits et obligations des fidèles catholiques ;
  2. suivant leur état, les droits et obligations des laïcs ou des clercs ;
  3. les droits et obligations des membres des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, suivant leur état ;
  4. le droit particulier du diocèse dont ils dépendent ou de la Congrégation romaine à laquelle ils sont rattachés ;
  5. les droits et obligations figurant dans les statuts et règlements intérieurs propres à leur institut, société ou congrégation.

Par rapport aux simples fidèles, les religieux qui ont fait vœu d’obéissance sont soumis à des privations de liberté supplémentaires, comme le sont d’ailleurs les employés d’une entreprise. En voici un exemple :

A son retour de Suède, le pape François répond aux journalistes à propos du renouveau charismatique. Il se souvient de ses propres réticences lors de la naissance de ce mouvement, lorsqu’il imposa des règles spécifiques aux jésuites qu’il dirigeait : « Un des premiers opposants en Argentine a été moi-même – parce que j’étais Provincial des jésuites à cette époque (…) et j’ai interdit aux jésuites d’avoir des liens avec eux. Et j’ai dit publiquement que quand on faisait une célébration liturgique il fallait faire une chose liturgique et non une “école de samba” (escuela do samba). C’est ce que j’ai dit. Et aujourd’hui je pense le contraire »[6].

 

En général, les religieux admettent les restrictions imposées par leur supérieur comme une marque d’amour, mais parfois, à tort ou à raison, ils ne comprennent pas ou n’admettent pas ces restrictions. Elisabeth Mc Donough[7] fait une synthèse de leurs droits, tels que prévus par le Code de droit canonique :

Le Code de droit canonique exprime directement ou indirectement très peu de droits pour les membres des instituts religieux ; d’un autre côté, de nombreux droits leur sont limités comme conséquence de leur profession religieuse. Ainsi, les trois seuls droits clairement identifiés pour les religieux semblent être :

  • le droit de ne pas révéler leur conscience à leur supérieur[8];
  • le droit de vivre la vie religieuse[9]
  • le droit aux moyens de subsistance pour accomplir leur vocation[10].

Lorsqu’il se produit des tensions à l’intérieur d’une communauté religieuse, les religieux concernés doivent respecter leur vœu d’obéissance, sachant toutefois qu’ils ne sont pas tenus à obéir à un ordre si celui-ci est illégal ou contraire à l’esprit et au charisme de l’institut, comme l’indique notamment l’exhortation apostolique Evangelica testificato sur le renouveau de la vie religieuse[11] :

N’y a-t-il pas pourtant des conflits possibles entre l’autorité du supérieur et la conscience du religieux, « ce sanctuaire où l’homme est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (GS16) ? Est-il besoin de le redire : la conscience n’est pas à elle seule l’arbitre de la valeur morale des actions qu’elle suggère, elle doit se référer à des normes objectives, et s’il le faut, se réformer, se rectifier. À l’exception d’un ordre qui serait manifestement contraire aux lois de Dieu ou aux constitutions de l’institut, ou qui entraînerait un mal grave et certain, auquel cas l’obligation d’obéir n’existe pas, les décisions du supérieur concernent un domaine où l’appréciation du meilleur bien peut varier selon les points de vue. Conclure, dès qu’un ordre donné apparaît objectivement moins bon, qu’il est de ce fait illégitime et contraire à la conscience, serait méconnaître d’une manière peu réaliste l’obscurité et l’ambivalence de nombre de réalités humaines. De plus, le refus d’obéissance entraîne une atteinte souvent grave au bien commun. Un religieux ne saurait facilement accepter qu’il y ait contradiction entre le jugement de sa conscience et celui de son supérieur. Cette situation exceptionnelle entraînera parfois une authentique souffrance intérieure, à l’imitation du Christ lui-même, « qui apprit par la souffrance ce que c’est qu’obéir » (He 5, 8).

La suite de l’exhortation apostolique évoque la souffrance salutaire entre le point de vue du religieux et celui de sa hiérarchie, qui doit maintenir la communion ecclésiale par des sanctions appropriées, dans le respect des règles de droit. Normalement, les droits et obligations des consacrés sont respectés au sein des instituts religieux séculiers ou de vie apostolique eux-mêmes, par le fait que les supérieurs exercent leur autorité avec « fermeté sans rigueur et douceur sans faiblesse », dans le respect du droit et des personnes humaines, conformément aux canons 617[12] et 618[13]. La question se pose néanmoins de savoir ce qui se passe lorsque le droit n’est pas respecté par le religieux ou par son supérieur.

1.2. La protection des droits et obligations

Dans sa thèse de doctorat, Scholastique Empela Ankonelle[14] évoque des situations où une communauté religieuse devient un lieu étouffant, de souffrance et de désespoir :

« La vie communautaire est visiblement marquée par des comportements contraires à ce qu’on entend par une communauté unie au nom du Seineur  […] où les responsables ou les autorités ont tendance à favoriser leur ethnie au détriment de l’intérêt général, […]  L’indifférence des uns et des autres, le dénigrement, les critiques négatives, l’oisiveté et la jalousie, la diffamation  et le manque de confiance font de la fraternité un joug difficile à porter.

Elle considère que :

La crise de l’autorité influence celle du vœu d’obéissance par le manque de conscience des droits et des obligations propres de l’une et de l’autre.

En citant Josu Mirena Alday[15], elle évoque six manières différentes de vivre l’appartenance à des Institut religieux marqués par des problèmes d’autorité et de vie fraternelle :

  1. appartenance rénovée, à partir de la vocation ;
  2. fidélité et silence, faisant confiance aux supérieurs tels qu’ils sont ;
  3. critique et tension, avec un sentiment d’appartenance fort et critique ;
  4. affliction et nostalgie, avec une attitude fataliste ;
  5. évasion, avec un abandon progressif des pratiques de l’institut ;
  6. inexistante, avec un lien totalement distendu.

A aucun moment elle n’évoque le recours à un tiers ou à la justice de l’Eglise dans l’histoire des sœurs de saint Thérèse de l’Enfant-Jésus de Lisala (Congo RDC), ou dans ses propositions pour renforcer leur identité de consacrées, rappeler le droit, faire justice et ramener la paix.

Il existe pourtant de nombreux cas de religieux qui, à tort ou à raison, se sentent harcelés dans leur propre communauté religieuse, et font appel à leur hiérarchie ou à un canoniste pour trouver un appui afin d’objectiver leur situation.

Voici tout d’abord un cas intéressant où l’on voit un supérieur, avant qu’il ne devienne pape, appliquer des sanctions pour protéger le bien commun de la communauté, en respectant le droit de défense des religieux concernés.

Lorsqu’il était supérieur provincial des Jésuites d’Argentine, Jorge Mario Bergoglio a imposé des sanctions à la fin des années 1970, à l’encontre des pères jésuites Orlando Y. et Francisco J. qui expérimentaient une forme jugée inacceptable de théologie de la libération. Il les a formellement rappelés, en leur ordonnant de s’installer ailleurs et de dissoudre la communauté qu’ils ont créée. Devant leur refus, il a réitéré son ordre mais ils ont fait objection de conscience, si bien que Bergolio s’est adressé au préposé général des Jésuites à Rome, Pedro Arrupe, lequel a répondu que tous deux doivent obéir[16].

 

Dans cet exemple, on a presque l’impression que c’est le supérieur provincial qui fait un recours hiérarchique contre l’objection de conscience de religieux jésuites. Pourtant le cas le plus fréquent provient de recours de religieux contre des décisions de leur supérieur qu’ils jugent illégales ou, pour le moins, illégitimes. Il existe en effet des cas où un religieux subit un harcèlement, théoriquement réprimé par la loi française[17], mais il le supporte le plus souvent à cause de son vœu d’obéissance. Dans de telles situations, les recours sont rares, puisqu’en général, le conflit se termine par une soumission ou un accord amiable, une démission du religieux, ou par sa mutation dans un autre lieu, comme dans les deux exemples ci-après rapportés par Marco Politi :

Depuis les années 1970, le 152 via Ostensie est le siège de la communauté saint Paul, formée après la destitution de l’ancien abbé-évêque du vieux monastère Saint-Paul hors les murs, Giovanni F., pour avoir dénoncé la responsabilité de la hiérarchie ecclésiastique dans des spéculations immobilières à Rome[18].

En 1995, la Congrégation pour la doctrine de la foi impose deux ans de silence à la sœur Ivone G., ex-professeur de théologie à l’université de Sao Polo au Brésil : interdiction d’enseigner, de publier, de parler en public et d’accorder des interviews. Elle est actuellement exilée en Belgique[19].

 

Nous ne disposons pas de l’information ni de l’expérience nécessaires pour évoquer sérieusement la justice à l’intérieur des instituts religieux, et tel n’est d’ailleurs pas notre sujet. Evoquons cependant l’importance des mesures de prévention pour éviter les conflits :

L’évêque de Nouakchott (Mauritanie) célèbre tous les jours sa messe dans une communauté paroissiale ou religieuse différente, si bien qu’il fréquente régulièrement les communautés religieuses de sa ville épiscopale.  De ce fait, il les connaît suffisamment pour ressentir une éventuelle tension entre les membres. Dans pareil cas, il prend le temps de s’asseoir pour identifier le problème avec les personnes concernées et le résoudre avant qu’il ne s’envenime. Quant aux maisons religieuses réparties dans son diocèse étendu sur plus d’un million de km², il se tient informé de ce qui se passe, en accueillant les visiteurs de toute nature qui en reviennent.

Dans d’autres cas, les supérieurs ne sont pas aussi vigilants et des situations s’enveniment, si bien que des religieux font appel aux instances supérieures :

En Afrique, un moine contemplatif découvre un commerce illicite entre le supérieur du couvent et des dames de la ville, associé à des transgressions de lois ecclésiastiques relativement à l’administration temporelle des biens et à la pédopornographie. Siégeant comme membre du conseil du supérieur, conformément au suffrage de la communauté, il demande des clarifications et le respect des constitutions, mais ses demandes sont ignorées. Il se désolidarise alors explicitement de ces pratiques impliquant plusieurs membres de la communauté, puis il saisit le modérateur suprême qui l’invite à la patience. En mars 2016, l’Abbé général effectue une visite canonique, mais les plaintes du moine sont apparemment ignorées, tandis que celui-ci est exilé dans une autre communauté de l’ordre religieux, au motif de « trouble à la paix ». Avec l’aide de « Canonistes sans frontières » le religieux retrouve la santé et objective la situation sur la base du droit de l’Eglise, et de l’instruction sur l’autorité et l’obéissance[20].

Si les mesures de prévention ne sont pas mises en œuvre ou sont pas suffisantes, et que des tensions ne se résolvent pas à l’intérieur de l’institut, voyons quel est le rôle de la justice ecclésiastique lorsque des consacrés font appel à d’autres instances de l’Église. Cette situation se produit généralement lorsqu’un consacré n’a plus d’espoir de régler le conflit par le dialogue, par exemple, lorsqu’après des années de vie consacrée, où il a tout donné de lui-même, on le menace de renvoi temporaire (exclaustration) ou définitif et que l’on commence à mettre cette menace à exécution.

Une des difficultés résulte alors du fait qu’en général les religieux connaissent mal leurs droits et encore moins les moyens de les défendre. De plus, les supérieurs empêchent parfois les religieux de prendre des contacts extérieurs lorsqu’ils ont l’impression qu’une situation d’injustice est installée dans leur communauté, comme le montre la monition de renvoi d’un religieux brésilien, comportant la clause suivante interdisant au religieux de poursuivre ses contacts avec des canonistes sans autorisation[21] :

Je vous demande de solliciter les autorisations normales (sorties, déplacements, contacts extérieurs…) du Père…

En cas de difficultés insurmontables par le dialogue, un premier niveau de médiation devrait alors permettre de résoudre des tensions internes. A cet effet, plusieurs organismes susceptibles agissent en faveur des instituts religieux et/ou de leurs membres.

 

Les premiers agissent notamment en faveur des religieux, mais l’absence de procédure contradictoire avec leurs instituts peut engendrer un favoritisme en faveur des demandeurs :

  • l’Avref, association d’aide aux victimes des dérives de mouvements religieux en Europe et à leurs familles[22] joue un rôle important de dialogue et de discernement, en permettant notamment aux victimes de prendre du recul par rapport à ce qu’elles vivent[23];
  • l’ICSA, International Cultic Studies Association[24], qui est le partenaire international de l’AVREF ;
  • le Service diocésain « Pastorale, nouvelles croyances et dérives sectaires[25] » créé en lien avec la Cellule pour les dérives sectaires dans des communautés catholiques de la Conférence des Evêques de France[26]

Les deux suivants agissent en faveur des instituts, en cherchant à les protéger juridiquement, sans nécessairement remettre en cause certains de leurs agissements :

  • La Corref, conférence des religieux et religieuses de France[27], regroupe les supérieurs majeurs qui prévoit explicitement d’apporter « aide et soutien aux Instituts » à défaut d’en apporter aux religieux et religieuses.
  • Au plan international, le Conseil International des Canonistes[28], fondé le 9 mai 2016 par l’Union internationale des supérieures générales (UISG) pour offrir une consultance juridique à ses membres. Malheureusement, cet organisme n’envisage pas actuellement d’aider des juridiquement les consacrés, mais seulement les supérieures générales. Ainsi, malgré sa faible compétence, « Canonistes sans frontières»[29] reste nécessaire pour renseigner les consacrés qui font appel à lui sur le droit qui leur est applicable et sur les moyens de le faire respecter.

Il existe en outre un organisme agissant contradictoirement, respectant le droit de défense des deux parties, à savoir le « Service Accueil-Médiation pour la Vie religieuse et Communautaire » (SAM), créé sous l’autorité du Comité de coordination de la Commission Épiscopale de la vie consacrée et des Conférences des Supérieur(e)s Majeur(e)s au sein de la Conférence des évêques de France. Son but est le suivant :

… accueillir et écouter des personnes (parents, membres de communautés anciennes ou nouvelles, anciens membres) s’estimant lésées par les agissements d’une communauté catholique et/ou dénonçant ses dysfonctionnements (abus de pouvoir, mauvaise gestion des biens, manipulations…)[30]

Son origine et son fonctionnement sont précisés dans une note de 2006[31]. Quant aux résultats, Christelle Javary[32] précise :

Le SAM conduit un faible volume de médiations, mais joue un rôle essentiel pour écouter et pacifier les personnes qui prennent contact avec [Lui]. Le fruit le plus important est sans doute d’avoir tiré profit de son expérience pour inspirer des recommandations qui visent à prévenir de futurs conflits. Il est probable aussi que la discrétion (qu’on peut juger excessive) du SAM limite le nombre de recours qui lui sont adressés. […] Le SAM est une innovation de l’Église de France, qui n’a apparemment pas d’équivalent ailleurs. Le SAM a partagé les fruits de son expérience de manière très intéressante et utile en publiant deux notes sur des points d’attention à respecter : l’une, en avril 2005, sur « Des rapports du psychologique et du spirituel dans les communautés. Des confusions à éviter » ; l’autre, en septembre 2008, sur les « Points de vigilance à propos de la vie religieuse ou communautaire ». […] L’Église n’est donc pas dépourvue de moyens pour assurer la protection des fidèles qui s’engagent dans la vie religieuse.

Ayant reçu des demandes de religieux, Canonistes sans frontières leur a parfois conseillé de s’adresser au SAM. Parfois, les tentatives n’ont pas été concluantes :

Le 11 mai 2016, une religieuse du Niger apprend qu’elle n’est pas autorisée à faire ses vœux définitifs après cinq années de vœux temporaires. Comme elle insiste, la supérieure du couvent la jette dehors avec ses bagages mais, ne sachant où aller, elle reste assise devant le couvent jusqu’à ce que, deux jours plus tard, les fidèles s’en émeuvent, et en informent l’évêque qui la recueille dans les locaux de la cathédrale. A première vue, la décision de non-admission porte trois irrégularités puisqu’elle émane de la vice-provinciale et non de la supérieure générale, qu’elle n’a été précédée d’aucune des monitions prévues au canon 697, et qu’elle ne porte pas d’éléments précis de griefs qui permettraient à la religieuse d’exercer son droit de défense. La sœur fait alors un recours gracieux auprès de la supérieure générale qui l’appelle plusieurs fois au téléphone en lui annonçant une réponse écrite, mais rien ne vient. Elle saisit alors le service accueil et médiation de la Conférence des évêques de France, qui répond le 8 décembre 2016 sans même l’avoir interrogée : « La supérieure générale est responsable des étapes de la vie religieuse, [la sœur] doit donc accepter cette décision. Le délai de recours est de 10 jours, dépassé depuis longtemps. Le SAM ne peut donc lui venir en aide. ». Interrogé sur ce refus, le SAM répond officieusement à Canonistes sans frontières que pour une médiation, il faut être deux, ce qui laisse entendre que la congrégation de la sœur a été contactée par le SAM, et qu’elle a refusé le principe d’une médiation. Le 21 décembre 2016, sa Congrégation lui envoie une lettre de renvoi datée du 8 novembre 2016, lui demandant de quitter l’habit religieux.

 

Parfois, au contraire l’intervention est bénéfique :

Ayant été écarté de sa congrégation, dont les responsables se comportaient de manière totalitaire, et n’ayant plus aucun moyen de subsistance, l’état de santé d’un religieux s’était profondément dégradé quand il a fait appel à « Canonistes sans frontières ». Il reçut le conseil de maintenir sa confiance en Dieu, évitant les deux écueils de la honte et de la haine, et de défendre ses droits en contactant le SAM. Celui-ci fit alors une médiation qui lui permit peu à peu d’obtenir un indult d’exclaustration dans des conditions satisfaisantes.

Le second niveau d’appel à la justice est celui des recours hiérarchiques administratifs classiques, en vertu du canon 1732 et sq. A partir de son enquête dans les diocèses américains, James Provost constate que le nombre de recours hiérarchiques de la part de consacrés est peu élevé, puisqu’il ne compte que deux recours pour 141 diocèses pendant 16 ans. Voici deux hypothèses pour tenter d’expliquer ce résultat étonnamment faible :

  • soit la protection des droits à l’intérieur des communautés religieuses est suffisamment efficace pour que les consacrés n’aient pas besoin de s’adresser à l’extérieur ;
  • soit la difficulté pour les consacrés de faire un recours hiérarchique est telle qu’ils préfèrent quitter leur communauté de leur plein gré[33] ou qu’ils sont exclus par celle-ci, avant de faire appel à la justice ecclésiastique.

Voici un premier exemple de recours infructueux :

Ayant reçu une notification de non acceptation de sa profession religieuse, une religieuse africaine ayant passé dix ans dans une congrégation adresse un recours hiérarchique à la Congrégation romaine chargée des religieux. Elle reçoit une réponse négative par courrier électronique précisant que le refus de renouvellement des vœux n’est pas assimilable à une procédure de renvoi, et lui enjoignant d’obéir. La sœur demande alors le bénéfice d’un nouvel examen, en joignant le passage des statuts propres de la Congrégation qui n’a pas été respecté dans la procédure de non acceptation des vœux. Pour une raison qu’elle n’a pas comprise, la Congrégation ne relève pas l’irrégularité, si bien que la religieuse, qui renonce à déposer un recours contentieux-administratif doit repartir à zéro dans la vie civile, sans famille et sans appui autre que celui de « canonistes sans frontières » qui lui a permis d’acheter une machine à broder pour lui permettre de gagner sa vie.

 

Et voici un exemple de recours fructueux :

Ayant reçu deux monitions de renvoi de la part son supérieur général, un religieux a contacté la « Cellule pour les dérives sectaires dans des communautés catholiques[34] » de la Conférence des évêques de France, qui a relevé dix irrégularités juridiques dans le comportement du supérieur général. Sur conseil de la cellule, le religieux déposa un recours hiérarchique demandant l’annulation du chapitre général de sa congrégation, qui s’était tenu illégalement, puisque lui-même n’avait pas été convoqué. Informé ce recours hiérarchique qui le gênait, le supérieur général est intervenu auprès du dicastère compétent de la Curie romaine, à savoir la Commission Ecclesisa dei[35], et cette Commission a enfin répondu au religieux qui lui avait écrit plusieurs courriers restés sans réponse. Une solution de compromis a été trouvée et mise en œuvre.

 

Le troisième niveau est celui des recours contentieux-administratifs, dont le nombre est relativement important. En effet, la consultation de notre base de données montre que :

  • les religieux sont à l’origine de 162 recours, représentants 22 % des 742 recours dont le demandeur est renseigné[36];
  • les décrets de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique font l’objet de 270 recours, représentant 31 % des 857 recours dont le dicastère est renseigné.

En fait, les recours couvrent deux grands domaines qui structureront notre chapitre. Le premier concerne la justice pour les consacrés et autres personnes physiques, tandis que le second concerne la justice pour les personnes juridiques que sont les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique.

La suite de ce chapitre va tenter d’éclairer la situation à partir de la jurisprudence contentieuse-administrative relative aux consacrés. Nous nous baserons en particulier sur l’analyse effectuée en 1986 par Francesco d’Ostilio[37] sur 90 recours contentieux-administratifs présentés par des religieux ou par leurs instituts.

  1. La justice pour les consacrés

Le rapport d’activité du Saint-Siège pour l’année 1978 précisait que, parmi les trois types d’actes administratifs qui font le plus souvent l’objet d’un recours administratif auprès du Tribunal suprême, deux concernaient les religieux, à savoir les cas d’exclaustration et les cas de démission[38].

Plus précisément, F. d’Ostilio[39] classe les recours selon les principales rubriques suivantes :

  1. les conflits avec les supérieurs et les chapitres (c. 596, 617) ;
  2. l’admission (c. 597, 641-658, 720-723, 735), la formation (c. 659-661, c. 724, c. 735), l’exclusion géographique (c. 679), l’exclaustration temporaire (c. 686, 745) et la sortie définitive d’un membre (c. 686-704 ; c. 729 ; c. 742-743) ;
  3. l’élection et la révocation des supérieurs (c. 623 & sq.) ou des offices (c. 682) ;
  4. la visite pastorale ou apostolique (c. 628).

A partir des travaux d’Ostilio, Javier Canosa[40] a recherché les “grands arrêts” favorables aux religieux, qui ont marquées les 40 premières années de jurisprudence administrative. Il évoque :

  1. la reconnaissance du droit de défense, reconnu par la seconde section dès 1973, à partir du droit naturel et non d’un canon particulier (Prot 2973/72 CA).
  2. Le rappel des principes (la charité) et de la fonction du droit (soigner et non punir) en tenant compte de la situation des personnes, en l’occurrence une soeur qui avait vécu et travaillé de nombreuses années dans sa congrégation (Prot 10460/78 CA)[41].
  3. La possibilité offerte par le Secrétariat d’Etat au Tribunal de juger un cas sur le mérite, ce qui a permis de poser les bases de la réparation des dommages dans le cas d’un professeur écarté injustement (Prot 10977/76 CA)[42]
  4. Le refus d’accepter une décision de renvoi sur la base d’une certitude morale et non de faits objectifs étayant cette certitude (Prot 17156/85 CA)

Sans les aborder tous, commençons par les sorties des instituts, avant d’aborder les autres actes administratifs.

2.1. La sortie des instituts

Le rapport d’activité de la Congrégation[43] fait état pour 2015 de :

  • 369 demandes d’exclaustrations accordées ;
  • 8 exclaustrations imposées ;
  • 2 073 indults de sortie concédés ;
  • 213 décrets de démission confirmés.

Voici une tentative d’explication :

Une des réalités qui ne tarde pas à frapper tout nouvel arrivant parmi les employés du Dicastère [La Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique] est la croissance continue du nombre de sortie des instituts de vie consacrée et des instituts religieux en particulier. Nos services traitent jusqu’à 3 000 demandes par an de sortie d’institut ! […] D’après les statistiques, les motifs invoqués à l’appui des demandes de sortie sont majoritairement liés à une crise de la foi, puis à des difficultés dans la vie fraternelle et enfin, dans une moindre mesure, à un manque affectif. […] Néanmoins, bien que les sorties soient nombreuses, il faut garder en mémoire qu’un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse. S’il y a des infidélités, souvenons-nous qu’il y a surtout beaucoup de sainteté dans la vie religieuse.[44]

En droit, la sortie de leur communauté par des membres consacrés (au sens large) est régie par les canons 686 et 687 pour les instituts religieux, 726 à 727 pour les instituts séculiers et 742 à 745 pour les sociétés de vie apostolique, ainsi que par les statuts de leur communauté.  Les situations sont variées, comme l’indique Yuji Sugawara[45] à l’occasion d’une soirée d’études sur la vie consacrée[46] :

  • la sortie d’un novice (c. 653 §1) ;
  • les exclaustrations imposées par le Saint-Siège (c. 686 §3) ;
  • La sortie imposée d’un profès temporaire (c. 689) ;
  • les sorties volontaires des instituts (c. 691-3) ;
  • les démissions « ipso facto » des membres (c. 694-700) ;
  • les démissions obligatoires (c. 695) ;
  • les démissions facultatives ordinaires, qui sont en fait des renvois à la discrétion des supérieurs (c. 696-700) ;
  • les renvois immédiats suite à une faute très grave (c. 703).

Sans entrer dans tous les cas possibles, examinons quelques cas parmi ceux qui entraînent le plus fréquemment des litiges.

Sans entrer dans tous les cas possibles, examinons quelques cas parmi les plus fréquents.

2.1.1. La sortie volontaire d’un institut

Les motifs de sortie des instituts sont multiples[47]. Certains religieux quittent leur institut suite au non-renouvellement de leurs vœux provisoires, soit de leur plein gré[48], soit par décision des supérieurs. D’autres cherchent à prendre du recul et demandent à s’absenter de leur institut, ce qui nécessite une autorisation d’absence pour une durée maximale d’un an en vertu du c. 665[49] ; un indult d’exclaustration pour une durée maximale de trois ans en vertu du c. 686 §1 ; des autorisations de passage dans un autre institut en vertu des c. 684 et sq., voire un indult de sortie en vertu du canon 691[50].

Les autorisations et indults correspondants sont considérés comme des grâces, lesquelles peuvent être refusées. Le cas échéant, celui qui est débouté peut alors déposer un recours qui est accepté[51], refusé, non-admis à la discussion ou réglé par transaction, suivant les cas.

2.1.2. Les exclaustrations imposées

Parfois, le religieux ne souhaite pas s’absenter ou sortir de l’institut mais ce sont ses supérieurs qui souhaitent s’en séparer. Une des solutions qui s’offre alors aux supérieurs consiste à imposer au religieux une exclaustration provisoire ou définitive en vertu du c. 686 §3, pour une cause grave telle que, par exemple, l’incapacité à vivre en commun, l’absence prolongée de la maison religieuse, le non-respect réitéré des vœux d’obéissance et de pauvreté.

  1. 686 § 3. À la demande du Modérateur suprême, avec le consentement de son conseil, l’exclaustration peut être imposée par le Saint-Siège à un membre appartenant à un institut de droit pontifical ou par l’Évêque diocésain à un membre d’un institut de droit diocésain, pour des causes graves, tout en observant l’équité et la charité.

Sans entrer dans le détail, retenons que le religieux concerné est alors exempté des obligations incompatibles avec sa nouvelle condition, mais il continue à dépendre de ses supérieurs. Certains déposent alors des recours qui sont acceptés[52], refusés[53], non-admis à discussion[54], abandonnés ou réglés par transaction[55], suivant les cas. Voici un exemple de jurisprudence :

Dans le cas Prot 18061/86 CA[56], la jurisprudence rappelle que l’exclaustration imposée pour trois ans en vertu du c. 686 ne nécessite pas une faute grave mais une raison grave.

 

Renvoyons aux travaux de Madeleine Ruessmann[57] et de Delfina Moral Carvajal[58] le lecteur qui veut approfondir la question, en précisant néanmoins que l’exclaustration définitive imposée en cas de faute grave est réservée au Saint-Siège pour les instituts de droit pontifical et à l’Evêque diocésain pour les instituts de droit diocésains, « tout en observant l’équité et la charité. »

2.1.3. Les renvois

Parfois, les supérieurs souhaitent le départ d’un membre de leur institut, et ils le renvoient en vertu des canons 696 à 701[59], pour une raison « grave, extérieure, imputable et juridiquement prouvée ». Javier Hervada commente ainsi l’évolution du droit applicable :

Désormais, tout renvoi légitime — c’est-à-dire provoqué par une cause suffisante et effectué selon la procédure prévue — entraîne ipso facto la cessation des vœux et des autres droits et obligations. Les procédures diffèrent suivant les causes du renvoi, et non en fonction de la situation juridique du religieux. Ce sont :

  1. le renvoi automatique lorsque les circonstances du c.694 sont réunies ;
  2. le renvoi obligatoire lorsque certains délits ont été commis, suivant la procédure prévue au c.695 ;
  3. le renvoi pour d’autres causes qui ne constituent pas nécessairement un délit, déterminées au c.696 ;
  4. le renvoi dans ce que l’on appelle un « cas urgent », c’est-à-dire lorsqu’il y a un grave scandale extérieur ou un très grave dommage imminent pour la communauté, selon le c.703. 4).

En ce qui concerne les causes possibles de renvoi, la liste (seulement indicative, non exhaustive) que donne le c. 696, §1 constitue une nouveauté importante. Le législateur n’a pas voulu que cette matière délicate soit déterminée de manière exclusive par le droit propre, mais il a posé des jalons concrets pour que, les droits du religieux étant toujours saufs, le bien commun de l’institut et, en définitive, de l’Église soit aussi sauvegardé[60].

Souvent, la raison invoquée par le supérieur est le refus de l’obéissance prévue au canon 601 :

Can. 601 — Le conseil évangélique d’obéissance, assumé en esprit de foi et d’amour à la suite du Christ obéissant jusqu’à la mort, oblige à la soumission de la volonté aux Supérieurs légitimes qui tiennent la place de Dieu, lorsqu’ils commandent suivant leurs propres constitutions.

Observons que le refus d’obéissance ne constitue pas toujours une raison de renvoi, car :

un religieux est tenu d’obéir à son supérieur mais celui-ci n’a pas le pouvoir absolu d’ordonner n’importe quoi à n’importe qui[61].

Ainsi, un religieux n’est pas tenu d’obéir à un ordre illégal ou contraire à l’esprit et au charisme de l’institut. Le canon 618 précise les obligations incombant au supérieur :

Can. 618 — Les Supérieurs exerceront dans un esprit de service le pouvoir qu’ils ont reçu de Dieu par le ministère de l’Église. Que, par conséquent, dociles à la volonté de Dieu dans l’exercice de leur charge, ils gouvernent leurs sujets comme des enfants de Dieu et, pour promouvoir leur obéissance volontaire dans le respect de la personne humaine, ils les écoutent volontiers et favorisent ainsi leur coopération au bien de l’institut et de l’Église, restant sauve cependant leur autorité de décider et d’ordonner ce qu’il y a à faire.

Les trois textes précédents visent à prévenir et éviter les abus qui pourraient découler d’une protection insuffisante du principe d’autorité ou des droits des fidèles[62]. Leur interprétation fait l’objet de commentaires des canonistes, parmi lesquels ceux de Christian Begus, basés sur deux cas de jurisprudence[63], dont nous retiendrons la conclusion :

  • le manque de caractère absolu de l’obéissance comporte la possibilité pour le religieux de procéder à une évaluation de la légitimité de l’ordre reçu, formellement ou substantiellement. […]
  • dans le cas de désobéissance du religieux, en plus du critère d’imputation qui fait référence à un élément de faute, il apparaît possible d’en identifier un autre, en considérant l’importance accordée au lien de causalité entre la conduite du religieux, les faits et la désobéissance, en absence d’évaluation de sa propre négligence ;
  • la protection des droits de défense a une valeur absolue, et elle fait l’objet d’une attention particulière dans la démission facultative, en prenant en considération ses multiples aspects, même non explicites, qui portent sur tout le cheminement de la procédure : admonition initiale, moment probatoire, et possibilité de présenter une défense appropriée. Inversement, cette protection n’inclut pas nécessairement la présence d’un défenseur canoniquement compétent. Le religieux peut en désigner un mais il ne peut pas prétendre à la nomination d’un avocat d’office[64].

Dans la réalité, la situation est parfois moins limpide, comme nous l’avons vu avec la religieuse du Niger et le religieux brésilien (Cf. infra).

Hormis les cas de renvoi ipso iure pour mariage[65] ou abandon notoire de la foi catholique de droit ou de fait (ex. passage au protestantisme ou à l’orthodoxie), le décret de renvoi devient exécutoire dans un délai de 10 jours, pour laisser éventuellement le temps au religieux de déposer un recours, qui est alors suspensif. En effet, une sentence du 24 février 1973[66] a fait jurisprudence en la matière et a inspiré le canon 700, précisant que le recours a un effet suspensif.

Puisque l’intervention de la Curie est requise pour la démission forcée, la question s’est posée de savoir si un religieux révoqué doit déposer un recours hiérarchique avant ou après la décision de la Curie. Suite à la promulgation du Code, la Commission pour l’interprétation des textes législatifs[67] a répondu à cette question en précisant, le 21 mars 1986, que la démission des religieux, des membres des sociétés de vie apostolique et des instituts séculiers doit être notifiée à la personne concernée seulement après avoir été confirmée par le Saint-Siège. Celle-ci peut alors déposer un recours hiérarchique auprès de la Congrégation romaine, mais non pas tout de suite au Tribunal suprême[68].

En pratique, des religieux renvoyés déposent chaque année des recours hiérarchiques et contentieux-administratifs. Suivant les cas, ces recours sont jugés irrecevables[69], non-admis à discussion[70], abandonnés en cours de procédure[71], refusés[72] ou acceptés[73], ce qui prouve que la justice joue son rôle. A titre d’illustration, voici un premier exemple de recours accepté :

Dans le cas Prot 31290[74], le Tribunal a estimé que l’obligation de donner à l’accusé le droit de se défendre nécessite que lui soient communiquées les affirmations des témoins et que, dans le cas d’espèce, ce droit n’a pas été respecté, si bien que sa démission a été considérée comme illégale à la fois sur la procédure et sur le fond.

 

Voici un exemple de recours rejeté :

Dans le cas Prot 37163[75], un religieux qui demeurait hors de sa province estimait avoir été lésé car le décret de renvoi pris à son encontre en application du canon 697 ne lui laissait pas le choix entre la repentance ou le renvoi, mais proposait seulement la solution du renvoi. La Signature apostolique a estimé que la repentance lui avait été proposée, et elle a rejeté le recours.

 

Et voici un second exemple de rejet :

Dans le cas Prot 18061[76], la sœur Monica s’est plainte de ce que les motifs de son exclaustration forcée ne lui ont pas été communiqués et qu’ainsi, elle n’a pu faire valoir correctement son droit à la défense. Le Tribunal en a jugé autrement en considérant que, même si les motivations de l’exclaustration ne lui ont pas été communiquées par écrit, elle savait suffisamment de quoi il s’agissait. Certes, le canon 51 précise que « le décret sera donné par écrit, avec exposé des motifs s’il s’agit d’une décision » mais le Tribunal a estimé qu’une explication vague était suffisante dans la mesure où des documents antérieurement transmis apportaient des précisions et pouvaient être considérés comme des décrets au sens du canon 49.

 

Les renvois ont des conséquences sur les personnes qui quittent les instituts et leur situation fait parfois l’objet de contentieux en droit séculier.

2.1.4. Les conséquences des renvois

Un des litiges qui accompagne parfois le départ d’un religieux concerne les droits sociaux qu’il s’est acquis pendant qu’il était au service de sa congrégation[77].

En France, la loi du 9 décembre 1905, sur la séparation des Églises et de l’Etat, a renvoyé les vœux religieux dans la sphère des activités privées, sous le contrôle des tribunaux[78]. Ces derniers tiennent cependant compte du vœu d’obéissance de certains religieux, en distinguant leur activité spirituelle et leurs relations de travail. Il en résulte une jurisprudence séculière hésitante, donc complexe, rapportée par Patrick Boinot[79] à partir d’arrêts nuancés de la Cour de Cassation, dont voici quelques exemples :

A propos d’une religieuse qui avait exercé comme infirmière chez les petites sœurs de l’Assomption, l’assemblée plénière a arrêté le 8 janvier 1993   que Mme… n’avait exercé son activité que pour le compte et au bénéfice de sa congrégation, ce qui excluait l’existence d’un contrat de travail.

 

A l’inverse,

A propos de deux époux membres d’une communauté nouvelle qui n’a pas le statut de congrégation religieuse, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé le 29 octobre 2008 qu’« indépendamment de la nature spirituelle de leur engagement », ces deux personnes ont « travaillé pour le compte de l‘association dans un rapport de subordination caractérisant un contrat de travail. »

 

Finalement,

A propos de Mme…, engagée par les vœux religieux dans la communauté de la Croix Glorieuse, puis ayant quitté cette communauté, la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé le 29 octobre 2008 que « l’existence d’une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles s’est exercée l’activité des travailleurs ; l’engagement religieux d’une personne n’est susceptible d’exclure l’existence d’un contrat de travail que pour des activités qu’elle accomplit pour le compte et au bénéfice d’une congrégation ou d’une association cultuelle légalement établie. ». En l’occurrence elle a reconnu l’existence d’un contrat de travail avec les conséquences qui s’en suivent.

 

Quant au bénéfice de la retraite, Patrick Boinot nous apprend que, depuis le 1er juillet 2006, la caisse (CAVIMAC) prend désormais en compte les années de postulat et de noviciat pour le calcul des retraites, pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour de Cassation, qui s’est ensuite traduite dans la loi n° 2011-1026 de financement de la sécurité sociale pour 2012 et l’article L. 382-29-1 du code de la sécurité sociale.

 

2.2. Les autres recours pour les consacrés

  1. D’Ostillo signale l’existence de recours contentieux-administratifs pour des consacrés autour de sujets variés tels que :
  • le refus d’admission à la profession temporaire ou définitive ;
  • le retrait d’un office d’enseignement en application du c. 192-5[80];
  • le retrait de la faculté d’écouter les confessions[81];
  • mutation dans une autre maison ;
  • la privation de voix active et passive ;
  • l’expulsion du diocèse par décret de l’évêque ;
  • le refus de la faculté de se dédier aux études.
  1. La justice pour les institutions de consacrés

L’annuaire pontifical de l’année 2001 fait état de 1 992 instituts de vie consacrée et sociétés de vie apostolique répartis comme suit :

Instituts masculins Instituts féminins Total
Instituts religieux 193 1641 1834
Instituts séculiers 16 95 111
Sociétés de vie apostolique 35 12 47
Total 244 1748 1992

Parmi eux, les instituts religieux sont largement majoritaires, aussi traiterons-nous principalement leur situation, non sans quelques digressions pour les instituts séculiers et les sociétés de vie apostolique.

Le rapport d’activité de la Congrégation pour 2015 fait état de 136 autorisations d’érection de maisons religieuses[82]. Outre les recours de la part des religieux et consacrés, il existe aussi des recours de la part des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostoliques ou de leur supérieur. Ils concernent les trois types de difficultés ci-après :

  • les suppressions de maisons religieuses ;
  • les revendications de droits de propriété ;
  • les interventions dans la gestion des instituts.

3.1. La création et la suppression

Le droit relatif aux maisons religieuses est défini par les canons suivants :

  • l’approbation (c. 576, 579, 587, 595, 605) ; le regroupement
    (c. 580) ; la division (c. 581) ; la fusion (c 582) ; la modification (c. 583, 595) ; la suppression (c. 584, 585) ; l’exemption (c. 591), l’érection de maisons (c. 609 et sq.  ; 733) ;
  • la gestion des biens matériels des instituts (c. 634-640 ; c. 718, 741) et de leurs membres (c. 668-670).

Ce droit s’enrichit régulièrement, comme le montre par exemple l’interprétation du Conseil Pontifical pour les textes législatifs, qui a statué le 14 juillet 2016 que les supérieurs majeurs des instituts cléricaux de droit pontifical n’ont pas compétence pour ériger des fondations pieuses au sens du canon 312 §2[83].

L’annuaire pontifical indique la date de fondation des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique ainsi que la date de leur reconnaissance canonique, si bien qu’il est possible de mesurer la durée moyenne de reconnaissance. En effectuant ce travail sur l’annuaire de l’année 2011, il apparaît une répartition presque uniforme avec des délais de reconnaissance compris entre quelques mois et plus de 50 ans, mettant en évidence le fait qu’il ne s’agit pas d’un droit mais d’une grâce :

 

 

De ce fait, nous n’avons pas trouvé de recours contre des non-reconnaissances d’institut religieux ou séculiers. Il en va autrement pour des décisions de suppressions de monastères[84] ou lors de division (Prot 39257/06 CA) ou d’unions (Prot 40608/07 CA) d’instituts religieux. Voici, parmi d’autres, un exemple de recours :

Après accord préalable de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, un évêque diocésain supprime une maison religieuse, par décret du 29 juillet 1970, à cause notamment de l’âge avancé des religieuses. Après délibération dans leur chapitre, les religieuses déposent un recours hiérarchique puis un recours contentieux-administratif auprès de la Seconde section et le Pape lui-même mandate une commission pontificale pour examiner la cause sur le fond et non seulement sur la légalité. Le 24 février 1973, le Collège du Tribunal casse la décision et impose la restitution du monastère en considérant sur la base des c. 493 et 498 du CIC/17 que l’évêque n’était pas habilité à prendre une telle décision, du ressort de Rome. (Prot 896/70 CA)

3.2. Les droits de propriété

La question des droits de propriété est parfois délicate en cas de regroupements ou de suppressions d’instituts si bien qu’il en résulte des recours se résolvant parfois par transactions après que la CIVCSVA ou le Tribunal suprême rappelle le droit (ex. : Prot 384/68 CA).

Les droits de propriété sont aussi l’occasion de litiges entre l’évêque diocésain ou une paroisse et un institut religieux, ainsi qu’il en est question à plusieurs reprises dans le rapport d’activité de l’année 1987[85]. En voici un exemple datant de 1972 :

Un immeuble conventuel ayant appartenu à un institut religieux était devenu propriété d’une paroisse suite au Concordat de 1818 avec le Royaume de Naples. 150 ans plus tard, l’institut a revendiqué ses droits et il a obtenu gain de cause auprès de la Congrégation du Concile (actuellement pour le clergé), mais la paroisse a fait un recours contentieux-administratif auprès du Tribunal suprême. Le 12 décembre 1972, le Collège des Pères a cassé la décision du Dicastère, qui comportait un vice de forme[86].

 

Il existe d’autres cas où les conflits de propriété se terminent par une transaction entre les parties pendant le temps d’instruction d’un recours contentieux-administratif (ex Prot. 384/68 CA) ; Voici enfin un litige entre un institut religieux et un fidèle catholique, qui s’est résolu grâce à la justice ecclésiastique :

Dans les années 1950, un particulier avait prêté une somme d’argent à une congrégation religieuse française. La supérieure a remboursé les premières annuités mais son successeur n’a pas poursuivi. Le particulier a saisi le Tribunal diocésain, qui lui a donné raison. La province religieuse a déposé un recours à la Rote qui a confirmé la décision de l’Officialité, et lui a donné mandat pour calculer les intérêts des sommes prêtées. Contestant cette décision, la supérieure s’est finalement adressée à la Signature apostolique qui n’a pas admis son recours (Prot n° 923/70 C.G.)

 

Sans entrer dans le détail, on pourrait encore citer :

  • une requête à la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique pour un plafond de la dette[87];
  • d’autres types de recours concernent les droits de propriété des instituts sur des biens résultant de pieuses volontés (ex : Prot 11876/79 CA).

3.3. La gestion des instituts

Frederico d’Ostilio recense cinq recours contentieux-administratifs contre une décision de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, relatifs à la gestion interne des instituts. Les décisions du Tribunal sont parfois en faveur des requérants :

La supérieure générale d’un institut séculier lyonnais a été écartée avant la fin de son mandat par une décision de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, provoquant des élections anticipées. L’ancienne et la nouvelle supérieure générale ont saisi le Tribunal suprême, qui a cassé la décision du Dicastère par sentence du 26 juin 1976. (Prot 6508/75 CA)

 

et parfois en faveur du Dicastère :

Ayant été invitée par la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers à remettre sa démission suite à de graves irrégularités dans la gestion d’un institut, une supérieure générale refuse l’invitation et elle est déposée par l’évêque diocésain. Elle fait recours contre la décision et son recours est admis à la discussion, mais le Collège juge finalement le 14 décembre 1964 que la déposition était conforme au droit.

 

D’autres cas de ce type se terminent par un accord entre les parties pendant l’instruction d’un recours contentieux-administratif contre une décision de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers, (Prot. 5868/74 CA).

Un tel accord est actuellement recherché avec une association de religieux :

En 2012, la Congrégation pour la doctrine de la foi publie un rapport très dur sur la LCWR, qui regroupe près de 80 % des quelques 50 000 religieuses des Etats-Unis, en l’accusant de « féminisme radical », d’imprécisions doctrinales, d’avoir perdu le sens de l’Église, de tenir des positions inacceptables en matière de sexualité et de risquer de « distordre la foi en Jésus et Notre Père aimant »[88]. Les religieuses répliquent qu’il s’agit d’accusations sans fondement, potentiellement destructrices pour la poursuite de leur mission. Depuis, les négociations se poursuivent entre le délégué du Vatican, l’archevêque Peter Sartain et les instances de l’association[89].

 

En conclusion, nous retiendrons que les recours hiérarchiques et contentieux-administratifs constituent une réalité qui contribue effectivement au respect et/ou au rétablissement de la justice par rapport aux religieux. Cette justice interne à l’Église est particulièrement importante à notre époque où, au moins en Europe, la société civile a du mal à accepter le conseil évangélique d’obéissance. Ainsi, quelques plaintes fondées ou non de religieux ou de leur famille, l’amènent parfois à considérer qu’un institut religieux a un comportement sectaire. Nous aborderons cette question au chapitre suivant, après avoir évoqué la situation transversale des sanctions relatives aux personnes détentrices de charismes.

 


[1]Cf.  www.viereligieuse.fr/La-vie-religieuse-en-chiffres-dans-le-monde

[2] Par opposition aux religieuses de vie contemplative, appelées moniales.

[3] On citera notamment les instructions ci-après :

  • le 15 août 1969, l’instruction Venite seorsum sur la vie contemplative et la clôture des moniales de la Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers,
  • le 2 février 1990, l’instruction Potissimum institutioni, de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique,
  • le 2 février 1994, l’instruction « Congregavit nos in unum Christi amor » (la vie fraternelle en communauté)
  • le 25 mars 1996, l’exhortation apostolique post synodale « Vita consacrata»
  • le 13 mai 1999, l’instruction sur la vie contemplative et la clôture des moniales Verbi sponsa de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique[4].
  • le 29 juin 2016, la constitution apostolique Vultum Dei quaerere (La recherche du Visage de Dieu)
  • le 11 mai 2008, l’instruction Faciem tuam, Domine, requiram (le service de l’autorité et l’obéissance)

[5] Acquaviva (Claudio S.I.) Industriae pro Superioribus eiusdem Societatis ad curandos animae morbos, Rome, 16 avril 1600, cité par le pape François le 22 décembre 2016 (Zenit ,www.ignaziana.org/accorgimenti.pdf

[6] Zenit, 1er novembre 2016.

[7] Donough (Elizabeth Mc), « The protection of rights in Religious institutes », The Jurist, (1986) 164-204.

[8] Cf. c. 630 Les supérieurs reconnaîtront aux membres la liberté qui leur est due pour ce qui concerne le sacrement de pénitence et la direction de conscience, restant sauve la discipline de l’institut.

[9] Cf. c. 654 Par la profession religieuse, les membres s’engagent par vœu public à observer les trois conseils évangéliques ; ils sont consacrés à Dieu par le ministère de l’Église, et ils sont incorporés à l’institut avec les droits et les devoirs définis par le droit.

[10] Cf. c. 740 L’Institut doit fournir à ses membres tout ce qui est nécessaire selon les constitutions, pour atteindre le but de leur vocation.

[11] Paul VI, Evangelica testificato, AAS, LXIII (1971), p. 512-513, n° 28 : conscience et obéissance.

[12] Can. 617 — Les Supérieurs accompliront leur charge et exerceront leur pouvoir selon le droit universel et le droit propre.

[13] Can. 618 — Les Supérieurs exerceront dans un esprit de service le pouvoir qu’ils ont reçu de Dieu par le ministère de l’Église. Que, par conséquent, dociles à la volonté de Dieu dans l’exercice de leur charge, ils gouvernent leurs sujets comme des enfants de Dieu et, pour promouvoir leur obéissance volontaire dans le respect de la personne humaine, ils les écoutent volontiers et favorisent ainsi leur coopération au bien de l’institut et de l’Église, restant sauve cependant leur autorité de décider et d’ordonner ce qu’il y a à faire.

[14] Empela Ankonelle (Scholastique), L’identité de la vie consacrée face aux actuelles mutations socioculturelles en Afrique, Université du Latran, Corona Lateranensis 47, Rome 2011, p. 267 et 272 / 406 p.

[15] Alday (Josu Mirena) « Il senso di appartenensa al proprio istituto », in Vitcons 37 (2002) 166-179.

[16] Politi (Marco), François parmi les loups, version française, ed Philippe Rey, Paris 2015, p. 141-142/284.

[17] Le harcèlement peut se définir comme la répétition de propos et de comportements ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. En droit français, le harcèlement moral au travail est un délit répréhensible dans le secteur privé comme dans le secteur public, sachant que la loi organise la protection des salariés, des agents publics et des stagiaires.

[18] Politi (Marco), François parmi les loups, version française, ed Philippe Rey, Paris 2015, p. 122/284.

[19] Politi (Marco), François parmi les loups, version française, ed Philippe Rey, Paris 2015, p. 117/284.

[20] Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique : Instruction du 11 mai 2008, Faciem tuam, Domine, requiram (le service de l’autorité et l’obéissance)

[21] Des canonistes interrogés estiment que l’interdiction de contacts extérieurs sans autorisation est illégale. Néanmoins Canonistes sans frontières a recommandé au religieux de la respecter tant qu’une lettre de renvoi ne lui a pas été formellement adressée, auquel cas, le droit de se défendre semble prévaloir sur le devoir d’obéissance.

[22] https://www.avref.fr/

[23] Voici un propos trouvé le 30 juin 2017 sur le site de l’Avref : Vous êtes victime d’une Communauté, d’un Mouvement, ou d’une personne qui a pris autorité sur vous :

  1. Vous qui aviez prononcé le vœu de Chasteté : Vous avez connu l’isolement, la rupture affective avec des êtres chers;
  2. vous qui aviez prononcé le vœu de Pauvreté : Vous avez connu l’extorsion, l’abandon, la misère intellectuelle et spirituelle;
  3. vous qui aviez prononcé le vœu d’Obéissance : Vous avez connu la soumission, le harcèlement, l’abus de pouvoir,

Alors réagissez. Rien n’est perdu.

  • Si vous y êtes encore, prenez la fuite sans regarder en arrière, recouvrez votre liberté.
  • Si vous avez quitté, vous avez fait le plus dur, vous pouvez vous reconstruire, vous devez le faire.

 L’AVREF vous accueille et vous aide : manifestez-vous ! Soutien confidentiel assuré par des familles et d’anciens membres de Communautés.

[24] www.icsahome.com

[25] http://gamaliel21suite.pagesperso-orange.fr

[26] http://www.eglise.catholique.fr/conference-des-eveques-de-france/cef/autres-services-et-instances/418017-derives-sectaires-dans-des-communautes-catholiques/

[27] www.viereligieuse.fr

[28] www.crc-canada.org/fr/conseil-international-canonistes-IUSG

[29] Voir présentation en annexe.

[30] Note publiée par le diocèse d’Evry : http://evry.catholique.fr/Service-Accueil-Mediation-pour-la et consulté le 3 mars 2015 ;

[31] Il se compose à ce jour de 9 membres (2 laïcs, père et mère de famille, un prêtre séculier, 2 religieux, 4 religieuses) nommés par le Conseil permanent de l’Episcopat pour un mandat de trois ans. Ils sont liés par le secret professionnel. […] Les personnes estimant être, pour elles-mêmes ou pour un proche, dans une situation relevant du SAM peuvent adresser une demande d’intervention au […] Secrétaire général adjoint de la CEF […qui…] confiera le dossier à un et souvent deux membres du SAM. Il revient aux membres du SAM à qui a été confié un dossier :

  • de prendre la mesure de la situation en entendant toutes les personnes impliquées dans le conflit (plaignant, supérieurs, responsables de communauté),
  • d’ouvrir, quand cela est possible par la voie de la médiation, des chemins de compréhension et de réconciliation,
  • d’informer dès le début l’évêque concerné et de lui transmettre, au terme de la démarche, un rapport sur ce qui a pu être entrepris comme médiation, ou de lui dire que celle-ci n’a pas pu aboutir.

Dès le départ, les évêques ont tenu à ce que soient entendues les personnes qui s’interrogent sur ce qu’elles perçoivent, de l’intérieur ou de l’extérieur, comme déviances dans telle ou telle communauté déterminée. Servir le dynamisme de l’Évangile demande toujours, si nécessaire, de signaler et de corriger ce qui fait obstacle.

[32] Javary (Christelle), « La médiation dans l’Église catholique de France : l’exemple du SAM (Service Accueil Médiation pour la vie religieuse et communautaire), mémoire d’IFOMENE 2008-2009.

[33] Selon ASS (2915), p. 745, 2073 indults de sortie ont été concédés en 2015

[34] http://www.eglise.catholique.fr/structure/cellule-pour-les-derives-sectaires-dans-des-communautes-catholiques/

[35] La Commission pontificale « Ecclesia Dei » a été instituée par Jean-Paul II avec le Motu proprio du 2 juillet 1988 avec la « la mission de collaborer avec les évêques, les dicastères de la Curie romaine et les milieux intéressés, dans le but de faciliter la pleine communion ecclésiale des prêtres, des séminaristes, des communautés religieuses ou des religieux individuels ayant eu jusqu’à présent des liens avec la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre et qui désirent rester unis au successeur de Pierre dans l’Église catholique ».

[36] Les prêtres-religieux peuvent être comptés soit parmi les clercs soit parmi les religieux.

[37] Ostilio (Francesco D’), Segnatura Apostolica in Dizionario degli Istituti di perfezione, volume VIII, Saba-Spirituali, sous la direction de Pelliccia (Guerrino) et Rocca (Giancarlo), Rome, Edizioni Paoline, p. 1236-249.

[38] ASS (1978), p. 625

[39] Ostilio (Francesco D’),  Segnatura Apostolica in Dizionario degli Istituti di perfezione, volume VIII, Saba-Spirituali, sous la direction de Pelliccia (Guerrino) et Rocca (Giancarlo), Rome, Edizioni Paoline, p. 1236-249.

[40] Canosa (Javier), « Giustizia amministrativa eclésiastica e giurisprudenza », in Ius ecclesiae XXIII, 2011, p. 563-582.

[41] Aegrotans non dimittimur sed curatur […] id exigit iustitia si soror N plures annos in commodum Instituti lavoravit: id exigit maxime caritas.

[42] Javier Canosa indique la référence Prot 10997/76 CA tandis que JP Montini indique les références Prot 10977/79 CA pour les sentences des 27 octobre 1984 et du 1er juillet 1985 coram Ratzinger. Pour assurer une bonne cohérence avec les causes enregistrées à la même période, nous estimons que la référence la plus probable est Prot 10977/79 CA.

[43] ASS (2015), p. 745.

[44] Carballo (Mgr. José Rodriguez, ofm), « Les vœux religieux aujourd’hui » in Revue de Droit canonique, Strasbourg 2015, tome 65/1, p. 237.

[45] Sugawara (Prof. Yuji), « Separazione imposta ai membri dell’istituto religioso », Periodica 106 (2017), p. 177-189.

[46] Soirée organisée le 4 décembre 2015 à l’université pontificale grégorienne sur le thème « séparation imposée aux membes des instituts religieux »

[47] Cf. Hervada (Javier), Code de droit canonique bilingue et annoté, op. cit. p.886.

[48] Dans le cas Prot. 14997/83 CA, la religieuse n’avait pas renouvelé ses vœux et se considérait comme sortie de l’institut mais sa congrégation en a jugé autrement, si bien qu’il en est résulté un recours de l’ex-religieuse.

[49] Voir aussi c. 740 pour les membres d’une société de vie apostolique

[50] Ou c. 727-728 pour le membre d’une société de vie apostolique

[51] Prot 3671/72 CA ; Prot 7607/76 CA.

[52] Prot 10896/79 CA comme indiqué par F D’Ostilio (Dizionario, op. cit. p. 1245) ou Prot 10896/75 CA plus probablement.

[53] Prot 7084/75 CA

[54] Prot 227/69 CA ; Prot 3356/72 CA ; Prot 10218/78 CA ; 16616/84 CA

[55] Dans le cas Prot 4064/73 CA, le religieux a été réadmis dans son monastère. Dans le cas Prot 6277/75 CA, la Congrégation romaine a admis une exclaustration provisoire de trois ans et la religieuse a retiré son recours.

[56] Ministerium Justitiae, op. cit. p. 255-274.

[57] Ruessmann (Madeleine), Exclaustrations, its nature and use according to the current law, Roma 1995, Editrice Pontifica Universita Gregoriana, 550 p.

[58] Carvajal (Prof. Delfina Moral), « Esclaustrazione imposta di un religioso. Applicazione pratica ». Periodica 106 (2017), p. 190-216.

[59] A titre d’exemple, le code de 1983 a aboli les différences de droit entre religieux et religieuses, qui prévalaient entre 1917 et 1983.

[60] Cf. Hervada (Javier), Code de droit canonique bilingue et annoté, op. cit. p. 621-622.

[61] Huels (John M.), « Unlawful Command by a Major Superior”, Roman Replies (1997), p. 53.

[62] cf. Comm 9 [1977] 53-61). Cf. VC 43.

[63] Prot. 30199/99 CA et Prot. 33358/02 CA

[64] Begus (Christian), Adnotationes in decreta, Apollinaris 2011 (44/2), p. 501, traduit de l’italien par l’auteur.

[65] Le droit considère comme mariage un mariage civil mais pas un autre type d’union comme un PACS en France ou un partenariat enregistré en Belgique.

[66] Prot 150/70 CA, citée par Lobina, ME (1973) 1-4, p. 313

[67]Le 2 janvier 1984, elle a remplacé la Commission pour l’interprétation des décrets du Concile.

[68]AAS 78 (1986), p. 1323.

[69] Prot 8031/76 CA ; 9690/77 CA ; 10218/78 CA ; 14997/83 CA ; 15721/83 CA…

[70] Prot 150/70 CA ; 2089/71 CA ; 2848/72 CA ; 8474/76 CA ; 9242/77 CA ; 12618/80 CA ; 13557/81 CA…

[71] Prot. 9993/78 CA.

[72] Prot 9498/77 CA ; 8984/77 CA

[73] Prot 3671/72 CA ; 10460/78 CA ; 11390/79 CA ; 11391/79 CA ; 15721/83 CA ; coram Sabattani, 23/1/88, n° d’enregistrement non indiqué, Cf. ASS (1988), p. 1405.

[74] Ministerium Justitiae, op. cit. p. 314.

[75] The Jurist, 73 (2013):1, p. 222-227

[76] Ministerium Justitiae, op. cit. p. 255-274.

[77] Exclaustration et sécurité sociale. Régime de pension, Roman Replies (2006), p. 56-57.

[78] Cf. Coulombel, (P.) Le droit privé français devant le fait religieux depuis la séparation des Églises et de l’Etat, Rev. trim. dr. civil 1956, p. 1, n° 3 et 15.

[79] Boinot (Patrick), « Vœux religieux et relations de travail », » in Revue de Droit canonique, Strasbourg 2015, tome 65/1, p. 143-163.

[80] Le recours a été accepté dans la cause Prot 10997/79 CA, contre une décision de retrait d’un office d’enseignant dans une faculté pontificale pour immaturité scientifique présumée. Par décision du 27 octobre 1984, c’est-à-dire cinq ans après le dépôt du recours, le religieux a été réintégré dans son poste d’enseignant.

[81] Le recours Prot 1063/69 CA a été refusé, tandis que le recours Prot. 2207/71 CA a été abandonné par le demandeur.

[82] ASS (2015), p. 745.

[83] Conseil Pontifical pour les textes législatifs, Prot 15389/2016 in Archiv für Latolisches Kirchenrecht n° 184/1 (2015), p. 155-156.

[84] Prot 3672/72 CA ; 27406/96 CA ; 33121/02 CA ; 37162/05 CA

[85] ASS (1987), p. 1292 et 1293.

[86] Prot 324/69 CA cité par D’Ostilio, op. cit. p. 1239.

[87] Roman Replies (2012) 21

[88] Congrégation pour la doctrine de la foi, Doctrinal Assesment of the Leadership Conference of Women Religious, 18/04/2012.

[89] Politi (Marco), François parmi les loups, version française, ed Philippe Rey, Paris 2015, p. 121/284.

La justice pour les clercs

Voici un extrait du livre « La justice administrative de l’Eglise catholique » qui a reçu l’imprimatur le 4 octobre 2011 par S.E. Mgr. Laurent Dabiré, évêque de Dori (Burkina Faso), Docteur en droit canonique, et Président de la commission tribunaux, de la formation et des questions canoniques à la Conférence épiscopale Burkina-Niger.

Chapitre 5 : La justice pour les clercs

 

D’après les chiffres arrêtés au 31 décembre 2012 et publiés dans l’Annuaire des statistiques de l’Église[1], il apparaît que :

  • les évêques sont au nombre de 5 033, dont 3 917 diocésains ;
  • les prêtres sont au nombre de 414 313, avec une légère augmentation par rapport à l’année précédente, provenant majoritairement d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie[2]. En Europe, les prêtres sont âgés[3].
  • les diacres permanents sont au nombre de 42 104, avec une augmentation provenant majoritairement d’Europe et d’Amérique du Nord.
  • les séminaristes étaient environ 118 000 en 2009.

Les clercs donnent leur vie à Dieu et à l’Église, en faisant de nombreux sacrifices, dont celui d’une vie de famille du fait du célibat. C’est un grand don que les fidèles accueillent en général avec reconnaissance. Ainsi, de nombreux fidèles catholiques travaillent avec bonheur au sein des structures ecclésiales, et la plupart des situations conflictuelles se résolvent par le dialogue et la prière.

Parfois, cependant, il survient des tensions impliquant des clercs et leurs supérieurs. Pour les éclairer, des canonistes comme R.G. Huysmans[4] ou Rik Torfs[5] ont approfondi les droits et obligations des clercs, en distinguant :

  • les droits des clercs, tels que les droits communs des fidèles (c. 208-221), le droit d’association (c. 278), le droit à une juste rémunération (c. 281), le droit aux vacances (c 283 §2), etc.
  • les attentes légitimes des clercs, telles que la sollicitude de l’évêque, le droit d’être écouté (c. 384), la possibilité d’une excardination (c. 271), l’obtention d’un office correspondant à ses facultés (c .274), le départ à la retraite (c. 538), etc.
  • les attentes légitimes vis-à-vis des clercs, telles que la simplicité de vie et les œuvres de charité (c. 282), une certaine pratique de la vie commune (c. 280), la formation continue (c. 279), etc.
  • les obligations des clercs, telles que le port d’un habit convenable (c. 284) ou l’abstention des comportements interdits (c. 285)

En cas de non-respect de ces droits et obligations formelles ou légitimement attendus, le dialogue est la règle, mais il peut survenir des situations où le dialogue ne suffit pas et où il est fait appel à la justice de l’Église. Nous ne disposons pas d’informations précises sur la manière dont cette justice intervient dans la pratique, mais nous en avons une image grossière à partir de trois travaux complémentaires :

  • pour les recours gracieux, une enquête d’Etienne Rozé sur les conflits survenant dans un diocèse[6];
  • pour les recours hiérarchiques, une enquête de James H. Provost auprès des diocèses américains[7],
  • pour les recours contentieux-administratifs, une enquête de Michael Landau[8] auprès de la Seconde section du Tribunal suprême.

S’agissant des difficultés rencontrées, Etienne Rozé a effectué une enquête en 2014 dans le diocèse catholique de Nancy-Toul, où il a recueilli une cinquantaine de témoignages, dont il présente une typologie que nous résumons ci-après avec nos mots.

  • 60 % des difficultés concernent les relations d’une personne détenant l’autorité avec un groupe. C’est le cas notamment lorsqu’une personne cherche à imposer un fonctionnement différent à un groupe, ou bien lorsqu’une personne voit ses propositions systématiquement rejetées par un groupe et se sent exclue. Les femmes, en particulier, se sentent souvent utilisées, malmenées et non reconnues. Les groupes d’animation se plaignent que leur travail est inutile car, lorsqu’il y a des décisions à prendre, c’est souvent le curé seul qui décide : « Tout le monde s’écrase, c’est lui le curé. »
  • 20 % des difficultés concernent les relations entre deux prêtres ou entre un prêtre et son évêque ou le vicaire épiscopal, sachant qu’il y a parfois non-respect de l’autorité de l’évêque, par exemple lorsque certains prêtres refusent volontairement de se rendre à la réunion de rentrée ;
  • 20 % des difficultés recensées concernent les relations entre des personnes juridiques, sachant que les relations entre structures diocésaines et paroissiales sont rapportées comme non évidentes et parfois difficiles.

Une particularité propre à l’Église est la réunion entre les mains de l’Evêque des pouvoirs de gouvernement, judiciaires et aussi législatifs d’un diocèse, ce qui ne facilite peut-être pas la clarté des choses pour distinguer auquel des niveaux on se situe… « Mais il faut faire avec ! », rapporte Etienne Rozé.

Il arrive que les relations s’enveniment, par exemple à cause d’une « charité guimauve » qui fait que l’on n’ose pas dire à quelqu’un qu’il n’est pas à sa place[9]. Une autre cause évoquée est la mauvaise compréhension des notions d’autorité, d’obéissance et de pouvoir à la fois par ceux qui détiennent l’autorité et par la majorité silencieuse qui a parfois tendance à idolâtrer le prêtre, en confondant le sacrement de l’ordre et le pouvoir de gouvernement. S’agissant des recours gracieux, hiérarchiques et contentieux-administratifs, voici ce que l’on peut retenir des travaux d’Etienne Rozé :

  • le recours au Conseil de médiation s’est avéré positif. En effet, dans beaucoup de conflits évoqués, un des protagonistes est lui-même garant, aux yeux de la hiérarchie, de l’ordre canonique dans son secteur, alors que beaucoup de laïcs n’ont qu’une idée très vague de ces droits. Cela peut éventuellement introduire un déséquilibre dans le dialogue. Le médiateur peut inviter les parties à objectiver les règles invoquées pour éviter tout argument d’autorité et à déceler les fausses interprétations de ces règles, de bonne ou de mauvaise foi ;
  • un appel à une autorité supérieure ne change souvent rien, voire parfois conforte la position du curé. L’intervention hiérarchique […] quand elle est mise en œuvre, ne satisfait guère, car même si la situation est plus claire ensuite, cette intervention ne sauvegarde que rarement la relation ;
  • même si seules quelques-unes des situations rapportées relèvent, en première analyse, d’un recours juridique canonique, à aucun moment cette voie de résolution des conflits n’est évoquée, même pour l’écarter. Cet oubli peut être motivé par l’ignorance, ou bien il peut provenir d’une répugnance à l’égard du recours canonique qui est souvent considéré, non pas comme une solution, mais comme « une déclaration de guerre ».

Toujours à propos de la médiation, deux prêtres d’Afrique de l’Ouest ont signalé l’importance de la fraternité vécue au sein du corps sacerdotal. Ils précisent tout d’abord qu’en Afrique, la famille constitue une valeur particulièrement importante, car il n’y a ni sécurité sociale ni retraite, si bien que le prêtre et famille demeurent fortement liés jusqu’à la mort. En pratique, deux cas extrêmes se présentent :

  • soit la famille est heureuse qu’un de ses membres soit prêtre, et alors elle n’hésite pas à l’aider et/ou à le solliciter à temps et à contretemps ;
  • soit la famille porte des valeurs incompatibles avec la vie chrétienne, et le prêtre doit rompre avec sa famille, au moins provisoirement, pour pourvoir exercer sa vocation.

Dans les deux cas, le prêtre a besoin du soutien de ses confrères, aussi les prêtres d’Afrique de l’ouest se regroupent-ils au sein de confréries diocésaines, nationales[10] et régionales[11], pour retrouver une nouvelle famille. Comme dans une famille traditionnelle africaine, l’union et la concorde doivent être préservées entre les membres, si bien que les confréries se dotent de moyens de médiation lorsque des tensions se produisent. Voici un exemple :

Un prêtre se plaint au délégué diocésain de l’UCB du fait que son évêque lui impose de retourner dans sa maison, au motif qu’il a refusé d’obéir en se présentant avec retard à sa nouvelle affectation. Le délégué de l’UCB rencontre l’évêque et découvre que la situation est plus complexe qu’il n’y paraît, car le prêtre avait quitté le diocèse sans autorisation, en cachant ce fait à l’évêque qui en a été informé par ailleurs. Le délégué peut alors retourner voir le prêtre en l’invitant à obéir à son évêque, lui expliquant que celui-ci a des raisons de se fâcher contre lui.

 

Il arrive aussi que des évêques évoquent officieusement leurs difficultés avec certains prêtres du diocèse devant le délégué de l’UCB. Celui-ci va en général trouver les prêtres en question pour les écouter et leur prodiguer des conseils en ayant entendu les deux points de vue, puis en plaidant si nécessaire leur cause auprès de l’évêque. Ces associations nationales, dont l’Europe pourrait utilement s’inspirer, sont importantes au point qu’elles se dotent parfois d’un secrétaire à plein temps ou qu’elles mandatent officiellement un de leurs membres pour veiller à la communion ecclésiale. Leur présence peut expliquer pour une part, le plus faible nombre de recours venant d’Afrique, sans toutefois qu’elles parviennent à les prévenir tous[12].

S’agissant des recours hiérarchiques, le rapport annuel de la Congrégation pour le clergé de 2014 indique qu’il est intervenu pour des recours hiérarchiques, sans précisions quant à leur nombre, ni sur la part de ses décisions faisant l’objet d’un recours contentieux-administratif[13].  James Provost[14] permet d’y voir plus clair à partir de deux enquêtes effectuées aux Etats-Unis auprès de l’ensemble des diocèses, à propos des recours hiérarchiques effectués au cours des années 1969 à 1984. Il en résulte les résultats suivants :

  • 36 recours hiérarchiques ont été déposés auprès de la Curie romaine dans les 141 des diocèses ayant répondu à l’enquête ;
  • 28 de ces recours concernent les prêtres, dont 14 pour des révocations et transferts de curés, 5 pour des réaffectations de prêtres paroissiaux, 5 pour les retraites des prêtres, et un pour le salaire d’un administrateur paroissial ; 2 pour refus d’incardination, 1 pour refus d’ordination d’un diacre,
  • 8 autres recours concernent des religieux, les paroisses, l’enseignement religieux, le changement de parrains.
  • 3 cas sur les 36 ont donné lieu à un recours contentieux-administratifs

S’agissant des recours contentieux-administratifs de la part des prêtres et des clercs, interrogeons tout d’abord notre base de données qui, au 15 octobre 2016, fait état de 384 recours contentieux-administratifs émanant de clercs dont :

  • deux recours déposés par un diacre permanent[15],
  • 44 recours déposés par des évêques, portant généralement contre des décisions de la Curie, qui ont donné raison à un recours hiérarchique de leur subordonné[16],
  • 338 recours émanant de prêtres contre des décisions de leur évêque qu’ils jugent défavorables et injustes.

Les recours des clercs portent majoritairement contre des décrets de la Congrégation pour le clergé, mais pas tous :

  • 236 portent sur des décisions de la Congrégation pour le clergé,
  • 68 concernent la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique[17],
  • 17 concernent la Congrégation pour l’évangélisation des peuples,
  • 13 concernent la Congrégation pour les Églises orientales,
  • 10 concernent la Congrégation pour l’éducation,
  • 4 concernent la Congrégation pour la doctrine de la foi,
  • 28 sont répartis entre les autres dicastères,
  • 8 portent sur un dicastère non identifié.

Outre les regroupements de paroisses et la réduction d’églises à usage profane, les recours portent majoritairement sur les mutations et révocations de curés, auxquelles nous consacrerons la première partie de ce chapitre. Nous aborderons ensuite les recours contre les autres types de décisions administratives, et enfin à propos des cas les plus graves, qui font l’objet de procès pénaux mais qui peuvent aussi faire l’objet de sanctions administratives susceptibles de faire l’objet de recours.

  1. Les révocations et mutations de curés

Dans toute entreprise humaine, publique ou privée disposant de plusieurs implantations territoriales, le contrat de travail des responsables régionaux et locaux prévoit généralement des clauses de révocation et de mutation au gré de la hiérarchie. Dans l’Église, ces procédures sont bien codifiées, et elles semblent d’ailleurs plus protectrices des droits que dans bon nombre d’entreprises publiques et privées. Il n’en demeure pas moins vrai qu’une mutation entraîne des changements à propos desquels il n’est pas toujours facile de concilier le bien commun avec les intérêts particuliers.

S’agissant des révocations et mutations de curés, les canons 1740 à 1752, qui concluent le code de droit canonique de 1983, sont inclus dans le livre VII relatif aux procès, comme si elles devaient être nécessairement litigieuses. Labanderia explique cette particularité en invitant à comprendre le titre latin du livre VII « de processibus » au sens de procédure et non au sens de procès :

Le terme est alors applicable à n’importe quel procédé formel in contradictorio, judiciaire ou administratif, établi par la loi pour protéger certains droits ou intérêts généraux ou particuliers.

En droit particulier, la Conférence des Evêques français, ainsi que celles d’autres pays[18], a décidé que « chaque évêque pourra nommer les curés pour six ans avec possibilité de prorogation[19] », ce qui donne une certaine prévisibilité à tous et permet d’éviter une partie des conflits. Quant à la justice dans ce domaine, nous l’évoquerons à partir des travaux déjà cités de James Provost et Michael Landau, auxquels nous renvoyons les lecteurs polyglottes pour un approfondissement.

1.1. Les révocations de curés

En droit, la procédure de révocation prévue aux canons 1740 à 1747 ne vise pas tant à sanctionner une conduite coupable[20] qu’à permettre à l’Evêque une plus grande efficacité dans l’exercice correct du ministère paroissial au sein de son diocèse. En effet, le c. 1740[21] n’impose pas de faute grave de la part du curé pour sa révocation, mais lorsque celle-ci intervient avant le temps fixé, contre le gré du titulaire, l’autorité qui le décide doit invoquer une cause grave[22], ce qui ne va pas toujours sans difficultés. Les motifs susceptibles de conduire à une révocation[23] ainsi que la procédure à suivre par l’Evêque sont décrits précisément dans le Code. Voici un cas relaté par la presse :

En mai 2013, le curé de Megève s’est vu démettre de ses fonctions à titre « médicinal », au motif qu’il a refusé de quitter sa loge maçonnique. Ayant perdu ipso facto son logement et sa rémunération, il fait appel à sa loge qui constitue un comité de soutien, et plutôt que de faire un recours hiérarchique, il demande audience au pape puis il publie un livre « Être frère, rester père[24] » dont voici un extrait : L’injustice dont j’ai été victime me donne des ailes. […]  L’évêque, avant de me foutre à la porte, m’a suggéré de me retirer dans un monastère pour prier et réfléchir. Prier, je veux bien. Réfléchir, c’est tout réfléchi. Je n’abdiquerai pas ma liberté de conscience. […] J’ai voulu me faire entendre. J’ai frappé aux portes. J’ai écrit des lettres. J’ai donné des interviews. J’ai plaidé ma cause. Rien. Pas un mot. Pas une réaction. J’ai fait valoir qu’un accusé a le droit [de] se défendre. Rien. J’ai donc décidé d’aller à Rome pour demander audience au Saint-Père. […] Je souhaite demander la levée de la sanction qui me frappe. […] Finalement, j’ai rendez-vous à la Congrégation pour la Doctrine de la foi, le lieu crucial. […] Inconciliable, inconciliable. […] C’est fini, on me montre la sortie.

 

En droit, les décrets de révocations de curés doivent notamment être précédés d’une concertation préalable et de la consultation de deux curés[25]. Si l’Evêque maintient la décision de révocation, le décret doit indiquer le droit de recours du curé contre ce décret, en précisant d’ailleurs que celui-ci est suspensif[26]. Dans la pratique plusieurs auteurs signalent la nécessité pour les Evêques de respecter scrupuleusement la procédure, faute de quoi un recours administratif du prêtre a de fortes chances d’aboutir à un gain de cause au niveau de la Congrégation pour le clergé, voire du Tribunal suprême. Ce gain n’est d’ailleurs que provisoire car, en général, l’Evêque reprend alors la procédure et promulgue un nouveau décret identique ou voisin du premier, mais, cette fois-ci, inattaquable sur la forme. Il en résulte surtout une confusion préjudiciable à la communion ecclésiale dans la paroisse d’où le curé est révoqué puis rétabli, puis à nouveau révoqué.

Un point de jurisprudence mérite en outre d’être souligné à propos de la limite d’âge pour un curé. Lorsqu’un évêque impose une règle de départ des curés à la retraite à un âge fixé, par exemple 75 ans, la majeure partie des curés accepte la règle, mais pas nécessairement tous. La limite d’âge n’étant pas un motif évoqué aux canons 1740 et 1741, plusieurs curés révoqués à l’âge fatidique, remportent leur recours hiérarchique contre la décision de leur révocation. De ce fait la Congrégation pour le clergé incite les Évêque à trouver un autre motif de révocation plus conforme au canon 1740, ou à maintenir le curé en place s’il n’y en a pas.

 

Dans plusieurs cas évoqués par James Provost[27], l’Évêque révoque un curé pour limite d’âge. Celui-ci dépose un recours hiérarchique. La Congrégation convainc l’Evêque de revenir sur sa décision. Dans les deux cas, le curé meurt dans les deux ans, et l’on peut d’ailleurs se demander si la tension provoquée par le recours hiérarchique n’y est pas pour quelque chose.

 

En 1994, Dominique Letourneau estime que la justice ecclésiastique en matière de révocation de curés avait encore beaucoup de chemin à accomplir :

Si les voies et moyens juridiques prévus pour protéger les droits fondamentaux sont en bonne partie laissés à la discrétion de l’autorité ecclésiastique, il n’est plus possible de parler de protection réelle. Si par exemple, un conflit surgit à propos de la révocation d’un curé, peut-on considérer que les droits de l’intéressé sont véritablement protégés par la procédure prévue (« l’évêque en débattra avec deux curés choisis dans le groupe prévu à cet effet d’une manière stable par le conseil presbytéral sur proposition de l’évêque »[28]) ? Il est permis d’en douter. […] Les recours manquent et la sensibilité fait défaut chez les juges[29]. De plus, le c. 221 §2 n’est pas rédigé de façon satisfaisante. Le droit fondamental en question est le droit à être entendu en jugement dans un délai raisonnable par un tribunal impartial[30].

Des développements circonstanciés sont présentés par Michael Landau, mais la taille même de son ouvrage (416 pages) et la langue employée (l’allemand), font renoncer à les exposer en détail, en renvoyant les lecteurs intéressés à le lire, ou à poser des questions ponctuelles en ligne à partir de la partie professionnelle du site www.canonistes.org.

1.2. Les mutations

Mutatis mutandis, la procédure de mutation ou de transfert des curés est traitée aux canons 1748[31] à 1752. La jurisprudence a précisé entre autres, les points suivants :

  • conformément au c. 1747 § 3, un contentieux-administratif suspend effectivement la nomination d’un nouveau curé[32],
  • à partir de 1981, le Tribunal Suprême a admis à la discussion[33] différentes causes où des évêques avaient déposé des recours contre des décisions de la Congrégation pour le clergé qui avaient invalidé leurs propres décrets portant notamment sur des mutations de prêtres. Selon Zénon Grocholewski[34], de telles situations seraient inconcevables dans la justice civile mais elles sont possibles dans l’Église ? car les Ordinaires ont un pouvoir propre qui les rend responsables devant Dieu et ne les fait pas dépendre des Congrégations[35].

Observons que la procédure n’évoque pas le transfert des prêtres qui ne sont que vicaires, ni le transfert des évêques. Pour ces derniers, signalons le fait « qu’entre avril 2005 et octobre 2012, Benoît XVI a “accepté” 78 démissions d’évêques, pas loin de un par mois », en application du canon (can. 401 § 2) :

L’Évêque diocésain qui, pour une raison de santé ou pour toute autre cause grave, ne pourrait plus remplir convenablement son office, est instamment prié de présenter la renonciation à cet office[36].

La procédure de révocation des évêques n’est pas précisée, mais elle donne aussi parfois lieu à des litiges que la presse commente abondamment du fait de leur rôle public[37].

Le 13 janvier 1995, un communiqué du Saint-Siège annonce que le Saint-Père Jean-Paul II a relevé du gouvernement pastoral du diocèse d’Evreux (France) son Excellence Mgr. Jacques Gaillot[38], le transférant au siège titulaire de Parténia[39]. Le même jour un second communiqué du Saint-Siège affirme que « le prélat ne s’est pas montré apte à exercer le ministère d’unité qui est le premier devoir d’un évêque[40] ». Le décret de transfert émanant de la Congrégation des évêques n’a pas été rendu public, cependant, d’après Francis Mesner et Jean Werkmeister, il ne s’agit pas d’une renonciation puisque Mgr. Gaillot a été reçu le 12 février 1995 par le préfet de la Congrégation des évêques, et qu’il a refusé de remettre sa démission, après en avoir reçu la demande. Il ne s’agit pas d’une sanction pénale, puisqu’il n’y a pas eu procès, ni de révocation ipso iure. Il ne s’agit pas non plus d’un transfert contre le gré du titulaire puisqu’il s’agit d’un siège et non d’un office. Reste la révocation par décret administratif de la Congrégation, qui est sans doute la décision retenue, probablement motivée par un manquement à la communion ecclésiale. Le décret n’étant sans doute pas approuvé en forme spécifique par le pape, un recours contentieux-administratif aurait été possible, mais il n’a apparemment pas eu lieu.

Quant aux transferts des prêtres-religieux, il comporte des particularités supplémentaires qui sont évoquées au chapitre suivant.

  1. Les sanctions administratives

Outre les mutations et révocations de curés qui font l’objet d’une procédure particulière, il existe d’autres types de sanctions qui relèvent de la procédure normale des recours (c. 1742-1739). Heureusement, de nombreux cas se résolvent par le dialogue, comme on peut le constater dans un cas particulièrement intéressant, rapporté par Rik Torfs[41] :

En 1992, Rik D. curé de Buizingen, dans le diocèse de Malines-Bruxelles, publie un livre intitulé De laaste dictatuur[42], qui rencontre un vif succès en Belgique, alors qu’il critique ouvertement le Saint-Siège et le Pape. Mgr. Daneels, Archevêque en titre, le rencontre à deux reprises, et tous deux s’accordent pour publier un communiqué de presse conjoint, dans lequel l’Archevêque défend le pape, en soulignant quelques erreurs historiques du livre, tandis que le curé défend sa liberté d’expression en tant que fidèle catholique, tout en réitérant sa soumission au Pape et à l’Archevêque pour la conduite de sa paroisse. L’affaire en reste là.

Cette procédure est conforme à celle que le cardinal Ratzinger évoquait en 1985[43], malheureusement, les choses ne se passent pas toujours ainsi.

2.1. Incardination et excardination

Sans entrer dans le détail des publications spécialisées[44], rappelons qu’une fois ordonné, le nouveau clerc est incardiné à une Église particulière ou à un institut qui possède cette faculté, conformément au canon 265 :

Tout clerc doit être incardiné […] de sorte qu’il n’y ait absolument pas de clercs acéphales ou sans rattachement.

Conformément au canon 267[45], cette incardination dite d’origine, peut être modifiée par une incardination dite dérivée, qui nécessite un acte administratif comportant une lettre d’excardination de l’évêque du diocèse d’origine dit a quo et une lettre d’incardination de l’évêque du diocèse d’arrivée dit ad quem. Lorsqu’un des deux évêques ne veut pas signer l’autorisation nécessaire il en résulte souvent des difficultés qu’une jurisprudence du Tribunal suprême[46] à l’origine du canon 268 permet de régler en partie :

Can. 268 — §1. Le clerc légitimement passé de sa propre Église particulière à une autre est incardiné de plein droit dans cette Église particulière, au bout de cinq ans révolus, s’il a manifesté par écrit cette volonté tant à l’Évêque diocésain de l’Église qui l’accueille qu’à son propre Évêque

Des conflits continuent cependant à se produire :

Le père xxx, docteur en théologie, est incardiné dans un diocèse d’Afrique. Il est actuellement en France sans ministère et sans revenu, du fait d’un litige qui l’a opposé à son évêque trois ans auparavant. Il est actuellement prêtre acéphale et cherche à rétablir le dialogue avec le nouvel évêque de son diocèse qui ne répond pas à sa demande d’excardination en France, sans doute en partie à cause du ton de ses demandes[47].

 

Voici un second cas émanant également d’Afrique :

Un prêtre assume pendant longtemps une charge de curé de paroisse ainsi que des responsabilités auprès de la Conférence des évêques dans un pays d’Afrique centrale. La situation se dégrade avec son nouvel évêque qui, d’après lui, mène grand train et ne se préoccupe pas du sort de ses prêtres et séminaristes, dont plusieurs quittent faute de moyens de subsistance. Une mission de la Curie romaine vient inspecter le diocèse, et l’évêque rend le prêtre responsable de ce qu’il considère comme une ingérence. Le prêtre est brimé au point que sa vie est en danger. Il part alors aux études avec l’accord tacite de son archevêque mais sans accord formel de son évêque. Après avoir fêté l’anniversaire de son ordination, en célébrant une messe à Montmartre, il téléphone à ses collègues africains, qui lui apprennent que son évêque a indiqué dans un sermon que lui-même a été suspendu pendant un an. Il n’a jamais reçu la moindre information écrite à ce sujet.

 

Dans les deux cas ci-dessus, les prêtres concernés n’ont pas choisi de faire des recours, mais en dehors d’Afrique, d’autres le font[48], en obtenant parfois gain de cause :

Ayant été incardiné de force dans un autre diocèse, un prêtre a fait recours au Tribunal suprême et a obtenu gain de cause[49].

A l’inverse, certains évêques se montrent compréhensifs et accueillent dans leur diocèse des prêtres non excardinés, préférant « le salut des âmes » à la lettre du droit.

2.2. Refus ou retraits d’autorisations

Comme pour les laïcs, il existe un certain nombre de recours de prêtres qui n’ont pas reçu l’office[50] qu’ils espéraient, ou qui se sont vus retirer celui qu’ils avaient reçu[51]. S’agissant de l’admission aux ordres sacrés, la hiérarchie estime parfois qu’un candidat ne possède pas les qualités requises, notamment dans le cas de comportements sexuels déviants, si bien que des recours sont parfois déposés pour la non-admission à l’exercice des ordres sacrés[52], ou pour un refus d’incardination[53]. Dans la plupart des cas, aucun recours n’est formul, mais un sentiment d’injustice demeure :

Un jeune séminariste s’est vu récemment refuser l’entrée en cycle de théologie par son séminaire, après 2 années de philosophie, 2 années de mission et une année de stage en paroisse. La raison supposée de ce refus tient au fait que ce jeune séminariste, bien intégré dans son diocèse, recueillant beaucoup d’avis positifs, avait adopté le rite de la communion dans la bouche, et à genoux, dans un séminaire réputé fortement opposé[54].

Une fois le prêtre ordonné, il reçoit normalement les autorisations et les offices qui correspondent à ses capacités et aux besoins du diocèse. En cas de problème, ces offices peuvent lui être retirés par un décret administratif singulier. Il peut alors en résulter des tensions donnant lieu à un recours gracieux ou à une médiation, puis, en cas d’échec, à un recours hiérarchique voire un recours contentieux-administratif. De ce fait la Signature apostolique est régulièrement amenée à connaître des recours contre des refus ou retraits d’autorisations de confesser[55], de prêcher[56], d’enseigner[57], de remplir un office[58], de se déplacer, etc.

Parfois ces refus et restrictions à l’exercice du ministère sacerdotal sont basés sur le canon 223 §2[59] qui permet à l’autorité de régler l’exercice des droits propres aux fidèles, en invoquant le bien commun. La jurisprudence du Tribunal suprême impose que ce principe général ne soit pas appliqué de façon arbitraire, mais que son application repose sur d’autres lois canoniques comme le canon 835 §1, confiant au Evêques le soin d’exercer mais aussi de  « modérer » la fonction de sanctification dans leur diocèse[60]. Voici un exemple de jurisprudence[61] :

Au cours d’un procès canonique pénal, un prêtre est assigné à résidence en vertu du canon 1722.  Le prêtre est acquitté mais un décret administratif maintient l’assignation à résidence et l’interdiction de célébrer les sacrements en dehors d’une abbaye, en vertu des canons 223 §2 ; 764 et 974. Le 22 juillet 2013, le prêtre dépose un recours hiérarchique contre ce décret et, le 9 septembre 2013, la Congrégation pour le clergé confirme l’assignation mais demande un salaire décent pour ce prêtre. Celui-ci dépose un recours contentieux-administratif, qui est rejeté par le Secrétaire du Tribunal suprême le 19 février 2014 pour manque évident de fondement.
C. Begus[62] précise que cette décision repose sur les canons 223 §2 et 835.

Voici un autre exemple :

Ayant commis des actes sexuels sur mineurs, un prêtre est envoyé dans une maison médicale à fin d’évaluation et de traitement. Les experts donnent un pronostic optimiste sur son comportement. Malgré cela, l’évêque du lieu le déclare inapte à exercer proprement l’exercice du prêtre, par analogie avec les canons 1041 et 1044 §2. Il en résulte un recours, où le Collège des pères confirme le 4 mai 1996 la légitimité de la décision de l’évêque, sans fermer la porte à une décision ultérieure contraire de sa part[63].

 

Le cas d’un prêtre canoniste montre que le droit canonique offre parfois des moyens de défense importants à ceux qui en maîtrisent les subtilités.

Le 5 juillet 2000, le prêtre catholique, professeur de droit canonique Mgr. R.G. W. Huysmans conclut un « partenariat enregistré[64] », avec une théologienne, Mme le Dr…, sans toutefois cohabiter avec elle ni rompre son vœu de célibat. Puisque cette situation n’est pas prévue par la loi canonique, l’évêque de Rotterdam ne peut pas recourir aux canons 1394 (mariage) ou 1395 (concubinage) pour le suspendre latae sententiae[65], ni procéder par analogie, puisque les canons 221 §3 et 18 prévoient une interprétation stricte du droit. Le 1er juin 2001, il publie un décret interdisant aux prêtres de contracter un « partenariat enregistré » mais la loi ne s’applique pas à lui car elle n’est pas rétroactive. Après une vaine négociation, l’évêque publie un nouveau décret le 1er décembre 2002, ordonnant aux prêtres ayant conclu un « partenariat enregistré » de le dissoudre avant le 1er mai 2003, sous peine de suspension latae sententiae, du fait d’une désobéissance caractérisée des contrevenants à l’évêque. Sa partenaire ne désirant pas de séparation à l’amiable, Mgr. Huysmans demande alors au Tribunal civil de rompre son « partenariat enregistré », au motif d’obéissance à son évêque, mais le tribunal refuse ce motif[66]. Réalisant que les conditions ne sont peut-être pas réunies pour une suspension latae sententiae, l’évêque introduit un procès pénal[67], qui aboutit au fait que les conditions d’imputabilité et de faute prévues par le c. 1321 §1 ne sont pas réunies si bien que le « partenariat enregistré » de Mgr. H. avec Mme N. reste en vigueur.

Dans le cas présent, on constate que l’évêque n’a pas promulgué de décret particulier, susceptible de recours contentieux-administratif, mais deux décrets généraux non susceptibles de recours.

2.3. Les pertes de l’état clérical

Le canon 290 précise dans quelles conditions un clerc, prêtre ou diacre peut perdre l’état clérical[68]. Nous nous attacherons aux cas où cette perte provient d’une décision administrative résultant des n° 1° ou 3° de ce canon, ou lorsque, l’ayant perdu, il l’a recouvré conformément au canon 293[69]. Pour en mesurer l’importance, voici quelques statistiques des dicastères compétents[70] :

  • en 2015, la Congrégation pour le clergé a enregistré 771 demandes de dispenses des obligations découlant de l’ordination sacerdotale, réparties comme suit :
Diocésains Religieux Total
Prêtres 400 (52 %) 264 (34 %) 664 (86 %)
Diacres 76 (10 %) 31 (4 %) 107 (14 %)
Total 476 (62 %) 295 (38 %) 771 (100 %)
  • en 2010, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, compétente au titre du canon 290 n°1[71], précise également la procédure qu’elle applique[72]. Elle fait état d’un total de 115 dispenses des obligations sacerdotales, dont 54 pour des prêtres âgés de plus de 40 ans, 25 pour des prêtres de moins de 40 ans et 2 pour des prêtres en péril de mort. Elle accorde également 34 dispenses pour des candidats aux ordres sacrés.
  • La Congrégation pour l’évangélisation des peuples dispose de compétences « dans les territoires placés sous sa surveillance[73], avec des facultés particulières pour les prêtres[74]
  • La Congrégation pour la doctrine de la foi, compétente dans les cas les plus graves, et notamment les cas de pédophilie, intervient également dans des conditions que nous évoquerons plus loin.

 

En matière de jurisprudence, le RP Mendonça[75], évoque quatre recours hiérarchiques dans lesquels la Congrégation pour le Clergé donne raison aux requérants contre des décisions administratives de perte de l’état clérical.

Le frère X, dépose un recours contre un acte administratif du 7 août 1998 par lequel son ordinaire lui retire l’état clérical, par décision administrative sans avoir respecté la procédure prévue aux canons 1720 à 1722. La Congrégation pour le clergé lui donne raison et impose à l’ordinaire de lui rendre immédiatement son ministère sacerdotal et de lui verser la rémunération qu’il aurait perçue s’il était resté en poste.

De même, Javier Canosa[76] évoque la sentence du 31 octobre 1992 (Prot. 22571/91 CA), dans laquelle le Tribunal su^pême invalide la décision administrative d’un évêque confirmée par la Congrégation pour le clergé, consistant à interdire à un prêtre l’exercice public du sacerdoce ministériel, en l’absence de procès pénal, tout en imposant un retour à la sitution antérieure.

Mendonça observe que la Congrégation pour le clergé examine les recours hiérarchiques sous l’angle canonique et non pastoral, si bien que de nombreuses décisions donnent raison aux requérants, pour faute de procédure. De ce fait, la Congrégation cherche à en éviter la multiplication, recommandant désormais aux évêques d’appliquer par analogie la procédure d’enquête préalable prévue en matière pénale au canon 1717, même si formellement, le Code ne l’impose pas pour des décisions administratives :

Can. 1717 — §1. Chaque fois que l’Ordinaire a connaissance, au moins vraisemblable, d’un délit, il fera par lui-même ou par une personne idoine, une enquête prudente portant sur les faits, les circonstances et l’imputabilité du délit, à moins que cette enquête ne paraisse totalement superflue.

 

Compte tenu de la pluralité des Congrégation concernées, il arrive que le Tribunal suprême soit sollicité pour préciser laquelle est compétente.

Dans la sentence Prot. 32108/01 CA du 18 mars 2006[77], la Signature apostolique juge que la Congrégation pour le clergé est incompétente pour décider si un Ordinaire a ou non le droit de retirer à un prêtre le droit de prêcher (c. 764) ou de confesser (c. 974). En cas de recours, le dicastère compétent est la Congrégation pour la doctrine de la foi, dès lors que le prêtre est impliqué dans un délit grave.

 

2.4. Les actes les plus graves

Ces dernières années, l’actualité est défrayée par des cas de pédophilie impliquant des prêtres.  La Conférence des évêques de France (CEF) a mis en place une cellule permanente de lutte contre la pédophilie dotée d’un site internet destiné aux victimes[78]. En 2017, la CEF publie des statistiques évoquant un nombre total de 222 victimes, sachant que plus de 60 % des témoignages concernent des faits survenus avant 1970, 35 % des faits survenus entre 1970 et 2000 et 4 % des agressions commises depuis les années 2000. Si l’on en croit ces chiffres, une amélioration salutaire s’est produite dans l’Eglise de France, et l’on peut se demander si le droit et la justice ecclésiastique y sont pour quelque-chose. Au début de la période étudiée, la loi en vigueur résulte du Code de 1917 et de l’instruction du Saint Office « Crimen sollicitationis » de 1922. En 1983, le canon 194 précise qui peut être révoqué de plein droit de tout office ecclésiastique. Le 25 juin 1988, l’article 52 de Pastor bonus confirme la compétence de la Congrégation pour la doctrine de la foi pour les délits contre la foi ou dans la célébration des Sacrements, et elle lui donne aussi des compétences pour les « délits les plus graves » :

Art. 52— Elle juge les délits contre la foi et les délits les plus graves, commis soit contre les mœurs soit dans la célébration des sacrements, qui lui sont signalés et, en l’occurrence, elle déclare ou inflige les sanctions canoniques selon les normes du droit commun ou du droit propre.

Tadig Fulup fournit une estimation de leur nombre dans le monde :

Entre 1975 et 1985, aucun cas de pédophilie ne fut signalé à Rome […] de 2001 à 2010, sur les 3000 accusations de prêtres ou de religieux pour des crimes commis ces cinquante dernières années, 60 % concernent une attraction pour des adolescents de même sexe (ébétophilie), 30 % d’attirance hétérosexuelle, 10 % concernent des garçons impubères, pédophiles au sens strict, c’est-à-dire 300 sur 400 000 prêtres diocésains et religieux dans le monde, soit 0,075 %.[79]

Pour les crimes de pédophilie et pour les autres délits les plus graves, l’article 52 de Pastor Bonus et l’article 8 des normes substantielles[80]  instituent la Congrégation pour la Doctrine de la foi comme tribunal suprême pour les délits les plus graves :

  • 1. La Congrégation pour la Doctrine de la Foi est le Tribunal Apostolique Suprême pour l’Église latine ainsi que pour les Églises orientales catholiques en matière de jugement des délits définis dans les articles précédents.

La Congrégation se comporte aussi comme un dicastère car l’article 21 des normes substantielles précitées prévoit deux procédures administratives, l’une par décret extraordinaire (art 21 §2 1°) et l’autre par soumission au Saint-Père (art 21 §2 2°) :

  • 1. Les délits graves réservés à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi doivent être poursuivis par procès judiciaire.
  • 2. Toutefois, la Congrégation pour la Doctrine de la Foi peut légitimement :

1° dans des cas particuliers, décider d’office ou sur instance de l’Ordinaire ou de l’Hiérarque de procéder par le décret extrajudiciaire dont il s’agit au can. 1720 du Code de droit canonique et au can. 1486 du Code des Canons des Églises orientales, en tenant compte, toutefois, que les peines expiatoires perpétuelles ne sont infligées que par mandat de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ;

2° déférer directement les cas les plus graves à la décision du Souverain Pontife, pour le renvoi de l’état clérical ou la déposition avec dispense de la loi du célibat, quand le délit est manifestement constaté et après avoir accordé au coupable la possibilité de se défendre[81].

Contrairement à ses décisions judiciaires, les décisions de la Congrégation prises en vertu de l’article 21 §2 1° sont susceptibles de recours contentieux-administratif, ce qui est nécessaire pour protéger les des personnes incriminées. Le 2 décembre 2010, Mgr. Arrieta, attire l’attention du Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur les risques de débordement des procédures administratives au détriment du droit de défense des personnes incriminées ou simplement suspectes :

S’efforcer de simplifier davantage la procédure judiciaire pour infliger ou déclarer des sanctions aussi graves que la démission de l’état clérical, ou encore, modifier la norme actuelle du can. 1342 § 2, qui interdit dans ces cas de procéder par décret administratif extrajudiciaire (cf. can. 1720), ne semble pas du tout souhaitable. En effet, d’une part, le droit fondamental de défense serait alors mis en danger – dans des causes qui concernent l’état de la personne –, tandis que, d’autre part, serait favorisée ainsi la tendance néfaste – liée sans doute à une faible connaissance ou estime du droit – à un soi-disant gouvernement « pastoral » équivoque, qui au fond n’a rien de pastoral, car il conduit à négliger le nécessaire exercice de l’autorité au détriment du bien commun des fidèles.[82].

Il convient en priorité de protéger les victimes potentielles de récidives de la part de prêtres pédophiles. Il importe accessoirement de protéger les finances des diocèses, qui peuvent être appelées en dommages et intérêts[83] . Dans cette double perspective, de nombreux évêques demandent que les prêtres qui ont purgé des peines de prison pour des crimes de pédophilie ne puissent plus être admis à l’exercice du ministère sacerdotal, même s’ils n’ont pas fait de demande de dispense. En conséquence, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements assouplit la procédure de dispense en pareil cas[84].

 

De plus, la Congrégation pour la doctrine de la foi, intervient dans divers recours touchant à la situation financière ou à la reprise du ministère sacerdotal par des prêtres anciennement condamnés.

Ainsi, en 2003, la CDF autorise un évêque à permettre un tel retour « sous réserve que cela ne constitue un risque pour les mineurs et que cela ne crée pas un scandale parmi les fidèles » [85].

 

Sous prétexte avoué de protéger les victimes, et accessoirement de protéger les finances de l’Eglise, il est des situations où le droit de défense des prêtres accusés est malmené :

Il y a des cas de prêtres qui, selon leurs dires, sont démis de l’état clérical contre leur volonté, sans avoir eu l’occasion de donner leur avis et sans même savoir qu’une procédure avait été entamée contre eux[86].

De telles situations ne sont pas limitées à l’Amérique.

Bien qu’il ait plaidé non coupable dans un procès civil, un prêtre est condamné pour pédophilie en 2005 par la justice française, et il purge la peine prévue par la loi civile. A sa sortie de prison, l’évêque adresse à la Congrégation pour la doctrine de la foi un avis favorable pour la poursuite de son ministère, ce qu’il fait dans un autre diocèse, non sans un accompagnement ecclésiastique mis en place par prudence. Tout se passe bien jusqu’en novembre 2009, où l’évêque lui transmet un courrier de la Congrégation pour la doctrine de la foi[87], l’interrogeant sur son désir éventuel d’abandonner le sacerdoce. Le 8 décembre 2009, il répond qu’à son avis, aucun argument canonique ne justifie son renvoi de l’état clérical. Le 18 décembre, il écrit au pape pour lui demander de vivre jusqu’au bout, dans un esprit de réparation, le bonheur d’être prêtre. Quelque temps après, l’évêque lui signifie la décision prise quelques semaines plus tôt par le pape Benoît XVI de le renvoyer de l’état ecclésiastique et de le libérer de toutes les obligations qui lui sont liées, dont le célibat[88]. Il dépose alors un recours au préfet du Tribunal suprême de la Signature Apostolique, protestant de n’avoir pas été entendu, ni su ce qui lui était reproché, ni avoir eu la possibilité de se défendre, et il reçoit une courte réponse du préfet fondée sur le canon 1404 [89] : « Ceci ne nous concerne pas ! ». Le lendemain, il quitte le diocèse[90] et, longtemps après, il se marie, alors que ce n’était pas son choix.

 

Ce type de cas n’est pas isolé, et il est même fréquent d’après les propos de l’évêque de Nice rapportés par Tadig[91] Fulup :

Chaque vendredi matin, la CDF faisait signer au Pape une série de décrets de reconduite à l’état laïc[92].

Pourtant diverses publications laissent penser que cette manière d’opérer n’est pas satisfaisante :

  • en 1983, le canon 1342 §2 précise qu’il n’est pas permis de prononcer une peine perpétuelle sans un procès pénal ;
  • en 1988, Rev. Bertram F. Griffin, J.C.D. soulève une difficulté d’appliquer le c. 1395 aux prêtres pédophiles du fait de la clause d’imputabilité nécessitant l’intervention d’experts, mais il conclut sur la possibilité de le faire si un procès civil s’est prononcé ;
  • en 1991, Thomas J. Green, JCD estime que les canons sur la démission imposée de l’état clérical visent à défendre le peuple de Dieu contre des attitudes offensantes de certains prêtres tandis que Gregory Ingels, J.C.D. insiste sur le fait que cette démission ne peut pas être imposée par un décret administratif mais : 1° par une dispense accordée par le Saint-Père sur demande du prêtre concerné, 2° par une peine expiatoire prononcée en vertu du c. 1336 §1 5°, et 3° par la reconnaissance de la nullité de l’ordination en vertu des canons 1708-1712

En conclusion, on peut se demander si l’on n’est pas en train d’évoluer d’une période de laisser-aller et de secret à une période de précaution, où l’on punit sans nécessairement s’assurer que les droits de la défense des prêtres ont été respectés. Heureusement, il existe des cas où le recours contentieux-administratif, associé à d’autres procédures, permet de rétablir les droits d’un prêtre injustement condamné.

Un prêtre du diocèse de Calgary a déposé deux recours devant le tribunal suprême, dont un recours contentieux-administratif classique et un recours contre une décision pénale de la Rote. Voici quelques points de repère sur cette épopée juridique :

  • le 2 mai 1889, le tribunal pénal séculier de Calgary condamne un prêtre à une peine de prison pour sévices présumés contre une jeune fille. Il est condamné en première instance et il fait appel de la décision.
  • Peu après, le nouvel archevêque de Calgary prive le prêtre des ministères de prédication, ainsi que de la célébration publique de la messe, et lui ordonne de s’éloigner du diocèse et de cesser tout contact avec un groupe de personnes. Le prêtre incriminé introduit un recours gracieux puis hiérarchique contre cet acte administratif particulier.
  • Le 8 novembre 1989, la Congrégation pour le clergé rejette le recours, du fait que l’archevêque lui a fait connaître son intention d’engager un procès pénal. Le prêtre présente un recours contentieux-administratif auprès du Tribunal suprême.
  • Le 30 janvier 1991, le Tribunal séculier d’appel acquitte le prêtre « pour inexistence de faits ».
  • Le 27 avril 1990, l’archevêque initie le procès pénal annoncé pour différentes fautes, dont un pêché contre le sixième commandement et une désobéissance à l’évêque.
  • Le 30 janvier 1991, le juge canonique pénal considère que la preuve n’est pas rapportée de l’existence des délits dont est accusé le père A. Le promoteur de la justice fait recours à la Rote contre cette sentence.
  • Le 14 novembre 1992, le Congrès du Tribunal suprême déclare la nullité de l’acte de la Congrégation pour le clergé du 8 novembre 1989, estimant qu’elle a violé la loi en prétendant qu’elle n’était pas compétente pour traiter du recours hiérarchique, du fait du procès pénal en projet,
  • Le 29 mars 1994, la Rote estime, sans complément d’instruction, que le jugement pénal du 30 janvier 1991 doit être en partie réformé, mais que sont maintenues les sanctions d’interdiction de demeurer sur le territoire du diocèse, d’enseigner, de prêcher et de célébrer publiquement la messe. Le prêtre dépose alors un recours contre cette décision.
  • Le 21 février 1996, le Collège confirme la décision du Congrès du tribunal suprême, considérant que la Rote est bien compétente et que le droit de défense a bien été respecté.
  • L’appel est ensuite poursuivi à la Rote devant un tour coram Burke puis coram Pinto, qui, le 21 février 1997 concorde le doute sous la formule suivante : « la sentence rotale du 29 mars 1994 doit-elle être confirmée ou informée ?» Une commission rogatoire est alors constituée par Mgr. Caberletti.
  • Finalement, la Rote déclare : « la preuve n’est pas rapportée de l’existence des délits dont était accusé le Père A. En conséquence, celui-ci est totalement absous. L’Archevêque de Cagliari est prié en conséquence d’employer les moyens appropriés pour rendre au Père A. ses anciennes fonctions et sa bonne réputation. »

 

2.5. Les autres litiges concernant des clercs

Il existe de nombreux autres cas de litiges administratifs concernant les prêtres. Un cas fréquent concerne les droits à la retraite des prêtres ayant quitté leur ministère sacerdotal volontairement ou non. En France, l’association pour une retraite convenable (APRC)[93], militant depuis 1979 pour que les assurés du régime des cultes bénéficient d’une protection sociale digne de ce nom, considère en 2017 qu’il y a encore un long chemin à parcourir.

Un autre type de cas à signaler est celui où les prêtres constatent une violation du droit par leur supérieur. En effet, du fait de leur position, les prêtres sont souvent les premiers à être informés des scandales internes à l’Église. Il importe alors que la justice les protège pour qu’ils choisissent de ne pas se taire, par peur d’entrer en conflit avec le supérieur dont ils dépendent, mais qu’ils osent dénoncer l’injustice dans un cadre approprié, pour que le scandale ne fasse pas fuir des fidèles, et que l’image de l’Église ne soit pas ternie par des affaires portées sur la place publique ou devant la justice séculière.

Parfois cependant, Dieu permet des procès publics comme ce fut le cas de saint Paul à Jérusalem et à Rome (Actes 23, 21),  et plus récemment de Don Lorenzo Milani (1923-1967) :

Don Lorenzo Milani, fondateur de l’École de Barbiana, près de Florence, y expérimente une méthode d’éducation pour les plus pauvres, basée sur l’amour des jeunes et l’objection de conscience face au système d’exploitation des pauvres par les riches. Ses détracteurs l’accusent de dérive communiste, de pédophilie et d’apologie de la violence. Il meurt le 26 juin 1967, entre le jugement de première instance d’un tribunal séculier qui l’acquitte, et la sentence d’appel qui prononce la fin du litige par mort de l’accusé. Le 20 juin 2017, le pape François se rend sur sa tombe, en reconnaissant ainsi son innocence, et en vantant son amour de l’Eglise, « avec la franchise et la vérité qui peuvent aussi créer des tensions, mais jamais des fractures, ni des abandons ».

 

 

[1] www.eglise.catholique.fr/vatican/statistiques-de-leglise-dans-le-monde/ consulté le 15 octobre 2016.

[2] En France en 2015, on compte environ 10 000 prêtres de moins de 75 ans dont près de 2000 venant de l’étranger.

[3] En 2017, le diocèse d’Autun compte 9 prêtres de moins de 40 ans, 47 entre 40 et 59 ans, 18 entre 60 et 69 ans, 66 entre 70 et 89 ans et 12 plus de 90 ans.

[4] Huysmans (R.G.W.) « De positie van de clerus in de nieuwe Codex » in R. Torfs (ed) ; Het nieuwe kerkelijk recht. Analyse van de Codex Iuris Canonici 1983, Louvain, Peeters, 1985, 206-208.

[5] Torfs (Rik), Rights and legitimate expectations of clercics, Cours donné à la faculté de droit canonique de Louvain et de Strasbourg, 2014.

[6] Rozé (Etienne) Structures diocésaines, paroisses et médiations – réflexions à partir de la situation du diocèse catholique de Nancy et Toul, mémoire de diplôme universitaire de médiateur, Institut Catholique de Paris, IFOMENE, promotion 2014-2015.

[7] Provost (James H.), “Recent experiences of administrative recourse to the Apostolic See”, in The Jurist, 46 (1986), p. 142-163.

[8] Landau (Michael), Amtsenthebung und Verzetzung von Pfarrern. Eine Untersuchung des geltenden Rechts unter besonderer Berücksichtigung des Rechtsprechung der Zweiten Sektion des Höchsten Gerichts der Apostolischen Signatur, Frankfurt, Peter Lang, 1999, 416 p.

[9] Gandhi lui-même disait que, s’il fallait absolument faire un choix entre la violence et la lâcheté, il conseillerait la violence.

[10] Ex ; l’Union du Clergé Béninois (UCB) ou l’Union fraternelle du clergé ivoirien (UFRACI).

[11] Ex : l’Union régionale des Prêtres d’Afrique de l’Ouest – URPAO

[12] Nous avons entendu parler d’un prêtre béninois, qui aurait poursuivi ses études en Europe sans l’accord de son évêque. Après les monitions canoniques prévues, l’évêque l’aurait suspendu et le prêtre aurait fait un recours hiérarchique contre cette décision et aurait écrit un livre, que nous n’avons pas retrouvé, pour partager son témoignage.

[13] La Congrégation précise en outre qu’elle a effectué un travail de vigilance sur la bonne administration des biens ecclésiastiques et instruit quelques demandes de réhabilitation au ministère de prêtre et diacre permanent,, ainsi que 708 demandes de dispenses des obligations résultant de l’ordination sacerdotale, dont 304 provenant de prêtres et 69 provenant de diacres diocésains, soit environ 60 %, et 208 provenant de prêtres et 27 provenant de diacres membres d’instituts de vie consacrée et de sociétés de vie apostolique, soit environ 40 %.

[14] Provost (James H.), “Recent experiences of administrative recourse to the Apostolic See”, in The Jurist, 46 (1986), p. 142-163.

[15] Parmi les 710 causes recensées au 15 septembre 2016, dont le demandeur est identifié une seule émane d’un diacre, à savoir la cause Prot. 48485/14 CA, signalée dans le rapport d’activité du saint siège pour l’année 2014. Nous savons seulement qu’elle a été examinée par le Congrès le 29 octobre 2014 et qu’elle a fait suite à une question préalable référencée 48421/13 VAR et que son objet concernait « Praecepti regrediendi in diocesim »

[16] Parmi les 714 causes recensées au 15 octobre 2016, dont le demandeur est identifié, 43 émanent d’un évêque. Elles portent sur des sujets très variés de réduction d’églises à usage profane, d’exercice du ministère sacerdotal, de questions de propriété, de révocation d’un office, de mutations de curés et de supérieurs généraux etc.

[17] Nous traiterons ce type de cas à propos des recours pour des religieux

[18] Australie, Canada, Gambie, Libéria, Sierra Leone, Irlande, Philippines, USA pour six ans ou l’Inde et le Nigéria pour une période déterminée laissée à la libre appréciation des Evêques. D’après Thomas Paprocki in New commentary on the Code of Canon Law, Beal, Coriden, Green, CSLA, p. 1845/ 1852.

[19] Décret général du 13 juin 1984, in Bulletin officiel de la Conférence épiscopale, 29, 1984, p. 444.

[20] La révocation et le transfert peuvent être accompagnés de censures et de peines expiatoires (c.1331-1338). De plus, la révocation se produit de plein droit par les causes énumérées au c.194.

[21] Can. 1740 — Quand pour une raison quelconque et même sans faute grave de l’intéressé, le ministère d’un curé devient nuisible ou au moins inefficace, ce curé peut être révoqué de sa paroisse par l’Évêque diocésain.

[22] Can. 193 — § 1. On ne peut être révoqué d’un office conféré pour un temps indéterminé, à moins que ce ne soit pour des causes graves et en respectant la manière de procéder définie par le droit. § 2. Cela vaut aussi pour la révocation de quelqu’un avant le temps fixé d’un office conféré pour un temps déterminé, restant sauves les dispositions du c. 624, § 3.

[23] Can. 1741 — Les motifs pour lesquels un curé peut être révoqué légitimement de sa paroisse sont principalement les suivants :

1° une manière d’agir qui cause un grave détriment ou un trouble grave dans la communion ecclésiale ;

2° l’incompétence ou une infirmité permanente de l’esprit ou du corps qui font que le curé n’est plus en état de s’acquitter efficacement de ses fonctions ;

3° la perte de la bonne estime chez les paroissiens probes et sérieux ou l’aversion envers le curé, dont on prévoit qu’elle ne cessera pas rapidement ;

4° une grave négligence ou la violation de ses devoirs de curé persistant après une monition ;

5° une mauvaise administration des biens temporels entraînant un grave dommage pour l’Église, chaque fois qu’aucun autre remède ne peut être apporté à ce mal.

[24] Vésin (Pascal) Être frère, rester père. Prêtre ou franc-maçon : pourquoi choisir ? Paris 2014, presses de la renaissance.

[25] Il s’agit d’une consultation à laquelle le curé impliqué n’est pas nécessairement invité. Il ne s’agit donc pas d’une médiation.

[26] C. 1747 §3 : Tant que le décret de révocation est pendant, l’Évêque ne peut pas nommer un nouveau curé, mais il pourvoiera entre-temps à la charge par un administrateur paroissial.

[27] Provost (James H.), “Recent experiences of administrative recourse to the Apostolic See”, in The Jurist, 46 (1986), p. 142-163.

[28] C. 1742 §1.

[29] Hervada (Javier), Pensamientos de un canonista en la hora presente, Navarra Gráfica Ediciones, Pamplona, 2004. p. 129.

[30] Letourneau (Mgr. Dominique c.s.), « Quelle protection pour les droits fondamentaux et les devoirs des fidèles dans l’Église ? », Studia canonica, 28 (1994), p. 59-83.

[31] Can. 1748 — Si le bien des âmes, les nécessités ou l’utilité pour l’Église réclament qu’un curé soit transféré de sa paroisse qu’il dirige avec fruit à une autre paroisse ou à un autre office, l’Évêque lui proposera par écrit ce transfert et l’invitera à l’accepter pour l’amour de Dieu et des âmes.

[32] Recursadversus amotionem a paroecia effectum habet suspensivum quoad nominationem novi parochi in declaratio Prot 193 periodica 60 (1971) n° 2, p. 348. Voir aussi Prot 193/70 ; Prot 3211/72.

[33] ASS (1981) p. 1139.

[34] Grocholewski (Zenon), « L’autorità amministrativa come ricorrente alla ectionaltera della Segnatura Apostolica », Appolinaris 55 [1982) 752-779.

[35] Lumen Gentium 21.

[36]  Bourdin (Anita), Rome, 1 août 2013 (Zenit.org)

[37] Hiebel (Jean-Luc), « L’affaire Gaillot, les médias et le droit » in RDC 45, 1995, p. 101-118.

[38] Revue de droit canonique (RDC), tome 45/1, Strasbourg 1995, p 74-162.

[39] Ancien diocèse d’Algérie, disparu sous les sables à la fin du Ve siècle.

[40] Mesner (Francis) et Werkmeister (Jean) « les aspects canoniques de l’affaire Gaillot, in RDC 45, 1995, p. 75-82.

[41] Torfs (Rik), « L’affaire Gaillot et la liberté d’expression » in RDC 45, 1995, p. 83-94.

[42] Devillé (Rik), De laaste dictatuur. Pleidooi voor een parochie zonder paus, Louvain, Kritak, 1992, 224 p; « La dernière dictature. Plaidoyer pour des paroisses sans pape », Anvers, Coda, 1992, 221 p.

[43] Cf. Chapitre 8 : recours relatifs à la Congrégation pour la doctrine de la foi.

[44] Reyes Vizcaino (Pedro Maria) « la excardinacion e incardinacion del clérigo » Ius canonicum, en ligne cosultée le 15 décembre 2016. Ciongo Kasangana (Augustin), « L’incardination des clercs, histoire et canonicité » mémoire de master soutenur à l’Insttut catholique de Paris le 8 septembre 2016.

[45] Can. 267 — § 1. Pour qu’un clerc déjà incardiné soit validement incardiné dans une autre Église particulière, il doit obtenir de l’Évêque diocésain une lettre d’excardination signée de cet Évêque ; et de même, il doit obtenir de l’Évêque diocésain de l’Église particulière dans laquelle il désire être incardiné une lettre d’incardination signée de cet Évêque.

[46] Prot 9375/77 CA, comunicationes 10 (1978) 152-158.

[47] Demande de médiation proposée à « Canonistes sans frontières » le 26 juillet 2016

[48] Prot. 9375/77 CA ; Prot. 22865/91 CA ; cause citée dans ASS (1991) p. 1303 ; Prot. 27338/96 CA ;

Prot. 41703/08 CA ; Prot. 47893/14 CA ; Prot. 48640/13 CA).

[49] Prot. 9375/77 CA Labandeira (Edouardo), IC 21/41 (1981) 393-417 ; Communicationes 10 (1978) 152-158

[50] Can. 145 — § 1. Un office ecclésiastique est toute charge constituée de façon stable par disposition divine ou ecclésiastique pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.

[51] La perte d’un office peut notamment provenir de la fin du temps prévu lors de la nomination à cet office, de la limite d’âge du titulaire, de sa libre renonciation, du transfert à un autre office (c. 190-191) ou par révocation (c. 192-195).

[52] Prot. 34180/02 CA contre un refus d’admission aux ordres sacrés

[53] Prot 9375/77 CA.

[54] Riposte catholique, 29 août 2017.

[55] Prot. 1063/69 CA cite par D’Ostilio (Frederico), Dizionario degli Instituti di perfezione, V8, p 1247) ; Prot 2207/71 CA ou 36823/05 CA

[56] Prot 38098/06 CA

[57] Prot 10977/79 CA ou 15573/83 CA.

[58] Prot. 185/70 CA, concernant un office de doyen in ME (1973) 1-4, p. 303 ; Prot 6023/74 CA

[59] Can. 223 — §  2. En considération du bien commun, il revient à l’autorité ecclésiastique de régler l’exercice des droits propres aux fidèles. Ce canon fait l’objet d’une abondante jurisprudence.

[60] Conseil Pontifical pour les textes législatifs, « Note explicative. Eclaircissements pour l’application du canon 223 §2 », 8 décembre 2010, Communicationes, 42 [2010], 280-281.

[61] Prot. 48563/13 CA, in Monitor eccelsiasticus, CXXXI (2016), p 21-26

[62] Begus (Cristian), « Commento / Note – Decretum, 48563/2013 CA. Monitor ecclesiasticus, CXXXI (2016), p. 27-36.

[63] Prot 23737/92 CA, et note de Mgr Joseph Punderson, Ministerium iustitiae, op. cit. p. 383-387.

[64] Sorte de pacte civil de solidarité (Pacs) hollandais, utilisé par exemple entre personnes du même sexe ou entre frère et sœur exploitant conjointement une ferme.

[65] La situation est différente de celle de Mgr Vernette, en France, qui n’a pas conclu de PACS mais un mariage civil, célébré à Toulouse le 24 juillet 2002 avec Mme Liliane Josette Moncelon.

[66] La loi hollandaise prévoit deux cas de dissolution, à savoir le consentement mutuel, que la femme refusait en l’occurrence, et la rupture irrémédiable de la relation (irretrievable breakdown of the relationship) que Mgr. Huysmans refuse de plaider, car il estime que ce n’est pas le cas et qu’il n’a pas le droit de mentir.

[67] Torfs (Rik), “Rights and legitimate expectations of clercs”, Cours donné à la Faculteir kerkelijk recht de Leuven et en master de droit canonique à l’Institut de droit canonique de l’Université de Strasbourg en 2014.

[68] C. 290 : L’ordination sacrée, une fois validement reçue, n’est jamais annulée. « Un clerc perd cependant l’état clérical 1° par sentence judiciaire ou décret administratif qui déclare l’invalidité de l’ordination sacrée ; 2° Par la peine de renvoi légitimement infligée ; 3° par rescrit du Siège Apostolique ; mais ce rescrit n’est concédé par le Siège Apostolique aux diacres que pour des raisons graves et aux prêtres pour des raisons très graves. »

[69] C. 293 : Le clerc qui a perdu l’état clérical ne peut de nouveau être inscrit parmi les clercs, si ce n’est par rescrit du siège apostolique.

[70] Attivita della santa sede 2015, Libreria editrice vaticana, p. 725.

[71] C. 290, 1°, De regulis servandis ad nullitatem ordinationis declarandam, 16 octobre 2001, in Notitiae, 2002, vol. XXXVIII, pp. 15-26 ; AAS [XCIV, 2002, Vol. 1, pp. 292-300.

[72] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements : « Lettre circulaire aux ordinaires diocésains et aux supérieurs généraux des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique » in La documentation catholique, 94, 1997, p. 824-825.

[73] Cf Pastor Bonus, art 85-92.

[74] Lors de son Assemblée plénière de février 1997, la Congrégation pour l’Evangélisation des peuples a demandé au Saint-Père des facultés spéciales pour lui permettre d’intervenir, par voie administrative, dans des situations pénales précises, et ce, en marge des dispositions générales du Code. Ces « facultés » ont été mises à jour et élargies en 2008, et d’autres, de nature analogue, ont été concédées par la suite à la Congrégation pour le clergé. www.vatican.va/resources/resources_arrieta-20101202_fr.html

[75] Mendonça (R.P. Augustine), The Bishop as the Mirror of Justice and Equity in his Particular Church: Some Practical reflexions on Episcopal Ministry, intervention presentée à Halifax au colloque annuel (21-24 octobre 2002) de la Canadian Canon Law Society.

[76] Canosa (Javier), « Giustizia amministrativa eclésiastica e giurisprudenza », in Ius ecclesiae XXIII, 2011, p. 563-582.

[77]Tribunal suprême de la Signature Apostolique, Coram Cacciavillan, Exercizio del mistero sacerdotale (Ecc.mo Vescovo diocesano Cogregazione per il Clero), Prot. n° 320108/01 CA du 18 mars 2006, in Ius Ecclesiae, XXIII, 2011 n° 3, p. 651-668 ;

[78] http://luttercontrelapedophilie.catholique.fr/

[79] Fulup (Tadig), Tout est bien, Nantes 2014, ed. Les sentiers du livre, p. 157-158.

[80] Congrégation pour la Doctrine de la Foi Nouvelles Normes sur les délits les plus graves, article 8, 15 juillet 2010, www.vatican.va/resources/resources_norme_fr.html

[81] Ibidem.

[82] Arrieta (Mgr Juan Ignacio), Le cardinal Ratzinger et la révision du système pénal canonique : un rôle déterminant, www.vatican.va/resources/resources_arrieta-20101202_fr.html

[83] Aux États-Unis, un juge fédéral a approuvé, lundi 9 novembre 2015, un plan de faillite pour le diocèse de Milwaukee, qui lui permettra d’indemniser plusieurs centaines de victimes d’abus sexuels de la part de membres du clergé. En décembre 2015, le diocèse catholique de Duluth (Minnesota) s’est mis en faillite pour pouvoir payer les compensations dues à des victimes d’abus sexuels. C’est le quinzième diocèse américain dans cette situation. http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Monde/Etats-Unis-un-nouveau-diocese-en-faillite-a-cause-des-abus-sexuels-2015-12-09-1390748

[84] Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, lettre circulaire du 6 juin 1977, in Origins 27, (1997-1998), 169-172.

[85] Morrisey (Rev. Francis G.), « Penal Law in the Chirch today: Recent Jurisprudence and Instructions » in Advocacy Vademecum, édité par Patricia M. Dugan ed. Wilson & Lafleur, Collection Gratianus, Montréal 2006, p. 49-66.

[86] Morrisey (Rev. Francis G.), « Penal Law in the Church today: Recent Jurisprudence and Instructions » in Advocacy Vademecum, édité par Patricia M. Dugan ed. Wilson & Lafleur, Collection Gratianus, Montréal 2006, p. 59, traduit de l’anglais.

[87] CDC Prot 458/03-30624.

[88] CDC Prot n° 458/2003.

[89] Can. 1404 — Le Premier Siège n’est jugé par personne.

[90] Fulup (Tadig), Tout est bien, Nantes 2014, ed. Les sentiers du livre, p. 7, 164-167 ;

[91] En breton, Tadig veut dire papa.

[92] Fulup (Tadig), Tout est bien, Nantes 2014, ed. Les sentiers du livre, p. 166.

[93] www.aprc.asso.fr ; courriel à Canonistes sans frontières en janvier 2017.